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Décisions

ADLC, 28 avril 2022, n° 22-DCC-78

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

ADLC n° 22-DCC-78

27 avril 2022

L’Autorité de la concurrence,

Vu la demande de renvoi de la société Mobilux adressée à la Commission européenne en application de l’article 4, paragraphe 4 du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil et la décision de renvoi de la Commission du 26 juin 2020 ;

Vu le dossier de notification adressé au service des concentrations le 17 juillet 2020, déclaré complet le 1er décembre 2020, relatif à la prise de contrôle exclusif des actifs de Conforama France par Mobilux, formalisée par un contrat de cession du 7 juillet 2020 et un protocole de conciliation homologué par le tribunal de commerce de Bobigny le 21 septembre 2020 ;

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Vu la décision n° 21-DEX-01 du 15 septembre 2021 d’ouverture d’un examen approfondi en application du dernier alinéa du III de l’article L. 430-5 du code de commerce ;

Vu les observations présentées par les représentants du groupe Mobilux le 18 mars 2022 en réponse au rapport des services d’instruction du 25 février 2022 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Les rapporteurs, le rapporteur général adjoint, le commissaire du Gouvernement et les représentants du groupe Mobilux entendus au cours de la séance du 5 avril 2022 ;

Adopte la décision suivante :

 Résumé1

Aux termes de la décision ci-après, l’Autorité a procédé à l’examen de la prise de contrôle exclusif de Conforama France (ci-après, « Conforama ») par le groupe Mobilux, société mère de But (ci-après, « But »).

Les parties à l’opération sont toutes deux actives dans la distribution au détail de produits d’équipement de la maison, c’est-à-dire de produits d'ameublement, électrodomestiques et de décoration et bazar. Elles possèdent toutes les deux, en France, un vaste réseau de distribution de plus de 300 magasins pour But et d’environ 170 pour Conforama.

Les difficultés financières rencontrées par le groupe Conforama depuis 2017, accentuées par la crise sanitaire liée à la Covid-19, ont amené le tribunal de commerce de Bobigny à ouvrir une procédure de conciliation le 19 mai 2020, sous l’égide du Comité Interministériel de Restructuration Industrielle (ci-après, « CIRI »), afin de lui permettre d’obtenir les financements nécessaires à la poursuite de son activité. Cette procédure de conciliation a permis la présentation d’une offre de rachat par Mobilux, le 9 juin 2020, dont l’objectif était de faire face aux principales échéances et besoins en fonds de roulement ainsi que de financer le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) voté avec les instances représentatives du personnel.

Dans ce contexte, l’Autorité a octroyé à Mobilux le 23 juillet 2020, une dérogation à l’effet suspensif du contrôle des concentrations, lui permettant de procéder à la réalisation effective de l’acquisition, condition préalable à l’homologation par le tribunal de commerce de Bobigny du protocole de conciliation conclu le 7 juillet 2020.

Au terme de son analyse, l’Autorité a considéré que l’opération entraînerait des risques d’atteinte à la concurrence, liés premièrement à la création ou au renforcement d’une puissance d’achat plaçant les fournisseurs de produits de literie en situation de dépendance économique, deuxièmement à la disparition d’un groupe franchiseur majeur dans les DROM et troisièmement aux chevauchements d’activités sur différents marchés aval de la distribution au détail de produits d’ameublement.

S’agissant du premier risque concernant les fournisseurs de literie, le rachat de But par Conforama conduit au rapprochement des deux principaux distributeurs de produits de literie en France. En effet, à l’issue de l’opération, la nouvelle entité y représentera près de 50 % du marché de la distribution de produits de literie. Par ailleurs, plus de la moitié des fournisseurs communs de literie des parties réaliseront une part substantielle de leur chiffre d’affaires avec la nouvelle entité. Or, sur un marché de dimension nationale, les alternatives à la nouvelle entité sont très limitées, le principal concurrent des parties, Ikea, ayant sa propre source d’approvisionnement. De plus, les autres acheteurs ont des volumes très réduits par rapport à ceux des parties. L’Autorité a ainsi considéré que l’opération risquait d’entraîner la création ou le renforcement de la puissance d’achat de But de nature à placer les fournisseurs de produits de literie en état de dépendance économique.

S’agissant du deuxième risque concernant la disparition d’un groupe franchiseur majeur dans les DROM, les enseignes But et Conforama sont les deux principaux groupes qui proposent des franchises dans le secteur des produits d’ameublement dans les DROM. Par conséquent, l’opération entraîne la disparition d’une alternative pour les franchisés qui seraient confrontés, à l’issue de l’opération, à un seul groupe franchiseur actif dans le secteur de l’ameublement à l’issue de l’opération. Il existe donc un risque de dégradation

1 Ce résumé a un caractère strictement informatif. Seuls font foi les motifs de la décision numérotés ci-après.

Des conditions contractuelles des franchisés, se traduisant, par exemple, par l’augmentation de la redevance due au titre du contrat de franchise.

S’agissant du dernier risque lié aux chevauchements d’activités sur les différents marchés aval de la distribution au détail de produits d’ameublement, l’Autorité a sensiblement fait évoluer sa pratique décisionnelle à l’occasion de la présente opération. L’Autorité a ainsi considéré qu’il n’était plus pertinent de retenir un marché global de l’ameublement mais qu’il convenait de segmenter ce marché en six grandes familles de produits (meubles meublants, meubles rembourrés, literie, cuisines, meubles de salle de bain et dressing). L’Autorité a également considéré que la distinction selon la gamme de prix demeurait pertinente. Enfin, l’Autorité a considéré que les ventes en magasins physiques et en ligne de produits d’ameublement appartenaient à un même marché.

Si l’opération ne fait pas apparaître de problèmes de concurrence s’agissant des meubles de cuisine, l’Autorité a considéré au terme de son analyse, prenant en compte à la fois les fortes parts de marché de la nouvelle entité sur les différentes zones locales, la grande proximité concurrentielle existant entre les parties, illustrée notamment par l’existence d’importants ratios de diversion entre les parties, la proximité de leur positionnement commercial et géographique ainsi que l’absence de perspective d’un nouvel entrant crédible sur ces marchés, que l’opération entraînait des risques d’atteinte à la concurrence dans    4 zones s’agissant des meubles rembourrés, 35 zones s’agissant des meubles meublants et 40 zones s’agissant des meubles de literie, soit en enlevant les doublons, 56 zones.

L’Autorité a, par ailleurs, considéré que la partie notifiante n’avait pas apporté suffisamment d’éléments au soutien des gains d’efficience allégués.

Au cours de l’instruction, et faisant valoir les importantes difficultés financières rencontrées par Conforama, la partie notifiante a invoqué l’exception de l’entreprise défaillante, dont l’application conduit à autoriser une opération de concentration sans condition, quand bien même celle-ci porterait atteinte à la concurrence.

Trois critères cumulatifs doivent être remplis afin de considérer que l’exception de l’entreprise défaillante peut s’appliquer :

- critère n° 1 : les difficultés de l’entreprise cible entraîneraient sa disparition rapide en l'absence de reprise ;

- critère n° 2 : il n'existe pas d'autre offre de reprise moins dommageable pour la concurrence que celle de la partie notifiante, portant sur la totalité ou une partie substantielle de l'entreprise ;

- critère n° 3 : la disparition de la société en difficulté ne serait pas moins dommageable pour les consommateurs que la reprise projetée.

Compte tenu des importantes difficultés financières rencontrées par Conforama et de l’absence d’offre alternative à celle de Mobilux moins dommageable, l‘Autorité a considéré que les deux premiers critères étaient remplis.

Afin de vérifier que le troisième critère était rempli, l’Autorité s’est d’abord assurée que les actifs de la cible auraient inéluctablement disparu. Elle a, à cet effet, mené une large consultation auprès de l’ensemble des acteurs du marché. Cette consultation a permis de confirmer l’absence de manifestation d’intérêts émanant d’opérateurs actifs sur les marchés identifiés comme problématiques (c’est-à-dire les meubles meublants, rembourrés et de literie). L’Autorité a par ailleurs comparé les effets d’une disparition des actifs de la cible à ceux d’une reprise par Mobilux s’agissant de chacun des risques concurrentiels identifiés.

Elle en a conclu que les effets de cette disparition ne seraient pas moins dommageables que la reprise par But.

Par conséquent, aux termes de son analyse, l’Autorité, constatant que les critères de l’exception de l’entreprise défaillante sont remplis, autorise l’opération sans engagement.

I. Les entreprises concernées et l’opération

A. LES ENTREPRISES CONCERNÉES

1. Mobilux est la société mère de la société But International2, qui détient elle-même la société But. Mobilux est contrôlée à parts égales par la société Clayton, Dubilier & Rice LLC, filiale du fonds d'investissement américain Clayton, Dubilier & Rice (ci-après, « CD&R ») et par la société WM Holding GmbH (ci-après, « WM ») contrôlée in fine par Monsieur Andreas Seifert. Ce dernier détient également des participations dans le groupe de sociétés Poco et dans le groupe XXXLutz, lesquels sont tous deux actifs dans la distribution au détail de produits d'ameublement et de décoration à travers des points de vente situés en Allemagne, Autriche, Bulgarie, Croatie, Hongrie, République tchèque, Roumanie, Serbie, Slovaquie, Slovénie, Suède et Suisse. Ni Poco, ni XXXLutz, n'exploitent de magasins de détail en France. La société But est active dans le secteur de la distribution au détail de produits d'ameublement, de produits électrodomestiques et de décoration et bazar, en France métropolitaine et dans les départements et régions d'outre-mer (ci-après « DROM »), sous la forme d’un réseau de 322 magasins sous enseigne « But » en propre ou sous franchise, ainsi qu'un site internet : www.but.fr.

2. Les actifs cibles sont notamment constitués des sociétés Conforama France SA, Confo ! et Conforama Developpement 7, de certains actifs immobiliers, des marques « Conforama » et

« Confo ! » ainsi que du site internet www.conforama.fr (ci-après, dénommés ensemble

« actifs Conforama France »). Ces actifs sont détenus par la société Conforama Holding SA, elle-même détenue in fine par le groupe sud-africain Steinhoff International Holding N.V. Le groupe Conforama est actif dans le secteur de la distribution au détail de produits d'ameublement, de décoration et de produits électrodomestiques avec 170 points de vente dont trois magasins franchisés en France métropolitaine et cinq dans les DROM, ainsi qu'un site internet : www.conforama.fr.

B. L’OPÉRATION

3. L’opération s’inscrit dans le cadre d’une procédure de conciliation ouverte par une ordonnance du tribunal de commerce de Bobigny du 19 mai 2020, à la suite des difficultés financières rencontrées par le groupe Conforama depuis 2017, accentuées par la crise sanitaire liée à la Covid-19. Par lettre du 23 juillet 2020, l’Autorité a accordé à Mobilux une dérogation à l’effet suspensif du contrôle des concentrations, en application de l’article L. 430-4 du code de commerce. Par jugement du 21 septembre 2020, le tribunal de commerce de Bobigny a homologué le protocole de conciliation du 7 juillet 2020 qui prévoit l’acquisition des actifs Conforama France par Mobilux.

9. En l’espèce, les parties sont deux GSS, simultanément actives dans le commerce de détail de produits d’ameublement, de produits de bazar et de décoration ainsi que de produits électrodomestiques4.

1. MARCHÉS AMONT DE L’APPROVISIONNEMENT EN PRODUITS D’AMEUBLEMENT, DE BAZAR ET DE DÉCORATION ET ÉLECTRODOMESTIQUES

10. S’agissant des marchés amont de l’approvisionnement, la pratique décisionnelle a relevé que

« les producteurs fabriquent des produits ou groupes de produits particuliers et ne sont pas techniquement en mesure de se reconvertir facilement dans la fabrication d’autres produits sans coûts conséquents » et « qu’au niveau des approvisionnements, on peut considérer qu’il existe autant de marchés que de familles de produits sur lesquels porte la négociation, chaque distributeur mettant en concurrence les divers fournisseurs sur chacun des marchés »5. Ainsi, une répartition par groupe de produits peut être considérée comme pertinente.

a) Marchés amont de l’approvisionnement en produits d’ameublement

11. La Commission a analysé les effets d’une opération de concentration sur les marchés de l’approvisionnement en produits d’ameublement dans une décision récente de 20206. Elle a ainsi envisagé de délimiter ce marché en fonction :

- des canaux de distribution des clients, en distinguant la distribution traditionnelle, la distribution à bas prix spécialisée dans les meubles à assembler et la distribution en ligne ;

- de la gamme de prix des produits (meubles à bas prix, meubles à prix moyen et élevé) ;

- de la nature du meuble (préassemblé ou à monter par le consommateur) ;

- du type ou de l’usage du meuble (par exemple, la cuisine, le salon, les meubles rembourrés, la literie, etc.).

12. La Commission a toutefois laissé ouverte la question de la délimitation exacte des marchés pertinents.

13. La pratique décisionnelle nationale a identifié un marché global de l’approvisionnement en meubles7. Elle a également identifié différents marchés en fonction du type de meubles, tels que le marché de l’approvisionnement en cuisines intégrées8 ou le marché de la production et fabrication de produits de literie9.

14. Le test de marché réalisé auprès des fournisseurs de produits d’ameublement dans le cadre de l’instruction de la présente opération a confirmé la pertinence d’une segmentation en fonction du type de meubles, la plupart des fournisseurs étant spécialisés dans la fabrication d’une seule catégorie de produits d’ameublement. De plus, une très large majorité des répondants ont considéré qu’ils n’avaient pas la possibilité de produire d’autres familles de produits que celle(s) sur laquelle (ou lesquelles) ils étaient actifs. En effet, les lignes de production ne sont pas adaptées pour travailler avec l’ensemble des matières premières et les différents types de produits d’ameublement nécessitent des technologies différentes.

15. Dès lors, l’Autorité considère qu’il n’y a pas lieu de remettre en cause les délimitations des marchés amont de l’approvisionnement en produits d’ameublement envisagées par la Commission européenne, et considère en particulier qu’une segmentation par type de meuble est pertinente.

16. En l’espèce, les parties sont toutes deux actives, en tant qu’acheteuses, sur les marchés de l’approvisionnement de l’ensemble de ces groupes de produits.

b) Marché amont de l’approvisionnement en produits de bazar et décoration

17. La pratique décisionnelle a identifié un marché global de l’approvisionnement en produits de bazar et de décoration10.

18. Il n’y a pas lieu de remettre en cause l’existence d’un tel marché dans le cadre de l’examen de la présente opération. L’analyse concurrentielle sera ainsi menée sur ce marché.

c) Marchés amont de l’approvisionnement en produits électrodomestiques

19. En ce qui concerne l’approvisionnement en produits électrodomestiques, la pratique décisionnelle a identifié les marchés suivants11 : (i) petit électroménager, (ii) gros électroménager, (iii) appareils photo/cinéma, (iv) appareils hi-fi/son, (v) appareils TV/vidéo,

(vi) ordinateurs/périphériques et (vii) téléphonie.

20. L’Autorité s’est en outre interrogée sur la pertinence de retenir un marché distinct pour les produits de jeux vidéo (incluant consoles, accessoires et jeux vidéo).

21. Il n’y a pas lieu de remettre en cause les délimitations du marché de l’approvisionnement en produits électrodomestiques dans le cadre de l’examen de la présente opération.

22. En l’espèce, les parties s’approvisionnent simultanément en gros appareils électroménagers, petits appareils électroménagers, appareils hi-fi/son et appareils TV/vidéo.

2. MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION DE PRODUITS D’AMEUBLEMENT, DE BAZAR ET DE DÉCORATION ET ÉLECTRODOMESTIQUES

a) Marchés aval de la distribution au détail de produits d’ameublement

23. Les parties commercialisent une très large gamme de produits d’ameublement. Ces produits concernent toutes les pièces d’un logement et peuvent être regroupés en six catégories, communément admises par les acteurs du secteur de l’ameublement eux-mêmes (voir sur ce point le paragraphe 55 ci-dessous) :

- les meubles meublants (tables, bibliothèques, armoires, meubles TV, etc.) ;

- les meubles rembourrés (canapés, fauteuils et méridiennes principalement) ;

- la literie (matelas et sommiers) ;

- les cuisines (hors électroménager) ;

- les salles de bain ;

- les dressings.

24. Ces trois dernières catégories peuvent être regroupées sous l’appellation de meubles « à projet » dans la mesure où elles nécessitent toutes une adaptation particulière au logement et donc une étude préalable dont l’ampleur peut varier. En particulier, malgré leurs fonctions assez proches, une distinction s’opère entre les armoires, qui relèvent de la catégorie des meubles meublants, et les dressings, qui requièrent une adaptation spécifique au lieu où ils sont installés.

25. Les produits d’ameublement sont commercialisés par différentes catégories d’acteurs. Ils sont essentiellement proposés par des GSS en équipement de la maison et en produits d’ameublement, des enseignes d’ameublement généralistes, des magasins d’ameublement spécialisés et des grandes surfaces de bricolage (ci-après « GSB »).

Les GSS en équipement de la maison et les GSS en produits d’ameublement

26. But et Conforama sont les principales GSS en équipement de la maison en France. Ces enseignes proposent à la fois des produits d’ameublement et une large gamme de produits électrodomestiques, ce qui les différencie des GSS en produits d’ameublement. L’offre de produits d’ameublement proposée par les GSS en équipement de la maison est équivalente à celles des GSS en produits d’ameublement. En effet, leur offre est tout aussi étendue et comporte de la même manière une grande partie de meubles à monter.

27. Les GSS en produits d’ameublement sont des enseignes nationales spécialisées dans les produits d’ameublement comme par exemple Ikea, Fly ou Alinéa. Les points de vente de ces enseignes offrent « de manière constante tout au long de l’année un large assortiment de produits »12 et les enseignes sont présentes sur l’ensemble des familles de meubles. Ce sont des enseignes qui privilégient les meubles à monter (vendus en kit) et proposent une offre de produits d’entrée et de milieu de gamme. Elles ont des gammes et des positionnements tarifaires similaires à ceux des parties.

28. Selon une étude de Xerfi sur la distribution des meubles en France13, les GSS en équipement de la maison et en ameublement représentaient 41 % des ventes du secteur en 2019.

Les enseignes d’ameublement généralistes

29. Il s’agit d’enseignes de dimension nationale avec un positionnement de milieu ou de haut de gamme. Leur offre est centrée sur l’ameublement du séjour composé de meubles meublants déjà assemblés. Les points de vente de ces enseignes sont généralement de taille inférieure à ceux des GSS précédemment citées. Cette catégorie comprend des enseignes comme Maisons du Monde, Monsieur Meuble, Mobilier de France, Habitat, Géant du Meuble, Cinna ou Ligne Roset. En 2019, les ventes cumulées de ces acteurs représentaient 12 % des ventes du secteur de l’ameublement14.

30. Ces enseignes présentent des gammes plus restreintes que les parties, notamment sur les familles de produits relatives à la salle de bain et à la cuisine. Elles proposent des meubles assemblés et ont un positionnement prix souvent supérieur à celui des parties.

Les magasins d’ameublement spécialisés

31. Les magasins d’ameublement spécialisés (ou spécialistes) désignent les points de vente spécialisés dans une seule famille de produits d’ameublement, comme par exemple, les meubles de cuisine ou de salle de bains, la literie ou les canapés et fauteuils. Ces enseignes peuvent, en plus de leur offre principale centrée sur une famille de produits, proposer d’autres familles de produits. Selon Xerfi, le chiffre d’affaires réalisé en France par ces enseignes représentait 23,7 % des ventes du secteur de l’ameublement en 201915.

Les grandes surfaces de bricolage (GSB)

32. Plusieurs enseignes de GSB ont développé une offre de produits d’aménagement de la maison, incluant à la fois des produits pour réaliser des travaux et d’autres pour aménager le domicile. Les GSB disposent le plus souvent d’une offre importante en matière de cuisine, de salle de bain et de dressing, c’est-à-dire dans l’ensemble des familles de meubles « à projet ». Xerfi estime que ce circuit représente 12,9 % des ventes du secteur de l’ameublement.

Pratique décisionnelle actuelle

33. La pratique décisionnelle opère une distinction entre les produits d’ameublement, d’une part, et les produits de bazar et de décoration, d’autre part, ces deux catégories ne pouvant être considérées comme substituables par les consommateurs en raison de différences majeures en termes d’usage, de prix, de nécessité d’achat ou encore de services clients16.

34. Elle a retenu l’existence d’un marché global de la distribution de produits d’ameublement sur lequel sont présentes des GSS « proposant au consommateur final un large assortiment de produits, hors objets de décoration, tout au long de l’année » telles que les parties mais aussi les GSS en produits d’ameublement telles qu’Ikea et Alinéa, ainsi que des enseignes d’ameublement généralistes ayant une offre centrée sur l’ameublement du séjour telles que Maisons du Monde ou Habitat17.

35. Elle considère en revanche que les GSA, les GSB et les jardineries n’appartiennent pas à ce marché, compte tenu de leur offre limitée (et ponctuelle s’agissant des GSA) en produits d’ameublement18. De même, l’Autorité a considéré que les magasins d’ameublement spécialisés (distributeurs de meubles de salon, de cuisine et de literie) n’appartiennent pas à ce marché, dans la mesure où « si les distributeurs spécialistes constituent une réelle alternative pour une partie de la clientèle ayant des besoins d’ameublement spécifiques et limités, ils n’apparaissent pas comme les concurrents les plus proches des généralistes auprès desquels il est possible de satisfaire l’intégralité de ses besoins d’ameublement »19.

36. La pratique décisionnelle envisage une distinction fondée sur la gamme de prix en distinguant, d’une part, la commercialisation de meubles d’entrée de gamme et de milieu de gamme et, d’autre part, les meubles appartenant au haut de gamme20.

37. La pratique décisionnelle a enfin envisagé, tout en laissant la question ouverte, l’existence d’un marché unique de la distribution au détail de produits d’ameublement réunissant la vente en magasins physiques et la vente à distance (incluant à la fois la vente sur catalogue et la vente en ligne)21.

38. En l’espèce, les parties sont des GSS proposant des produits d’entrée et de milieu de gamme en magasins physiques et en ligne.

Position des parties sur le fonctionnement du marché

39. La partie notifiante conteste la pratique décisionnelle de l’Autorité de la concurrence concernant la distribution de produits d’ameublement.

Pression concurrentielle exercée par les GSA

40. La partie notifiante soutient que les GSA exercent une pression concurrentielle sur les parties et devraient être incluses dans le marché aval de la distribution de produits d’ameublement, tant sur la vente en ligne que sur la vente en magasins physiques.

Segmentation du marché entre les ventes en magasins physiques et les ventes en ligne

41. La partie notifiante estime que, compte tenu de la pression concurrentielle très importante exercée par les ventes en ligne, qui préexistait à la crise de la Covid-19, mais qui a été exacerbée par celle-ci, les ventes en ligne et les ventes en magasins devraient être intégrées dans un marché unique. Elle relève également que les acteurs présents ont développé des stratégies multicale et omnicanale et que ceux qui sont actifs sur les deux canaux offrent les mêmes produits aux mêmes conditions.

Prise en compte de l’ensemble des enseignes proposant des produits d’ameublement

42. La partie notifiante indique que les frontières tendent nettement à s’effacer entre les types d'enseignes d'ameublement (spécialistes, généralistes, multispécialistes ou GSB), et qu’il conviendrait aujourd’hui de ne retenir qu’un seul et même marché de produits dans lequel seraient prises en compte toutes les catégories d’enseignes.

43. La partie notifiante estime que les spécialistes ainsi que les GSB représentent une alternative forte pour la demande des consommateurs. Elle cite à cet égard différentes études économiques faisant état du positionnement des GSB en matière d’ameublement. Elle se réfère en particulier à l’étude Xerfi de 2021 relative à la distribution de meubles qui indique notamment qu’« avec 14 % de parts de marché en 2020, les grandes surfaces de bricolage (Leroy Merlin, Castorama, Bricomarché, etc.) s’imposent comme le premier circuit non spécialisé dans la distribution de meubles. Ces acteurs se positionnent de plus en plus comme des spécialistes de l’aménagement de la maison au sens large, des travaux de rénovation et de décoration à l’équipement. Ils tirent ainsi profit des fortes synergies entre le cœur de leur offre et leur assortiment de meubles (essentiellement de cuisine, de salle de bain, de rangements et du mobilier de jardin). »22

44. Elle estime également que les cuisinistes et les spécialistes de literie sont particulièrement attractifs sur le marché de la distribution de meubles. Elle précise par exemple, s’agissant de la distribution de cuisine, que « […] »23. Elle indique également qu’environ [30-40] % des consommateurs de Conforama qui se sont renseignés s’agissant de meubles rembourrés ou de literie ont également consulté un spécialiste et que cette part atteint près de [50-60] % s’agissant des meubles de cuisine24.

45. La partie notifiante considère, en particulier, que le fait pour les spécialistes de ne pas offrir l’ensemble des familles de produits d’ameublement, ne signifie pas que GSS/généralistes et spécialistes ne soient pas présents sur le même marché, dans la mesure où les consommateurs procèdent rarement à un achat simultané de meubles pour différentes pièces (la chambre, la salle à manger et la cuisine par exemple). Elle précise à ce titre que les clients de But achètent en moyenne [0-2] article par achat et que plus de 90 % des achats effectués concernent une seule catégorie de produits. S’agissant de Conforama, elle précise que les clients achètent majoritairement un à deux produits et qu’environ [80-90] % des achats concernent une seule catégorie de produits25.

Segmentation du marché par gamme de produits

46. La partie notifiante considère que les meubles de « bas de gamme » ou de « moyenne gamme » ont tendance à être stylistiquement voisins de produits haut de gamme. Par conséquent, elle estime que le marché de la distribution au détail de produits d'ameublement ne devrait pas être segmenté en fonction de la gamme des produits.

Appréciation au cas d’espèce

Sur la prise en compte des GSA

47. Il ressort des réponses des GSA au test de marché de phase un que le chiffre d’affaires qu’elles réalisent en matière de distribution de produits d’ameublement est résiduel et que la surface consacrée aux produits d’ameublement est infime. En conséquence, l’Autorité considère que les GSA ne font pas partie des enseignes à inclure dans le marché de la distribution au détail des produits d’ameublement.

Sur la prise en compte des ventes en ligne

48. Le test de marché réalisé auprès des concurrents a mis en évidence l’existence d’une substituabilité entre les ventes en magasins physiques et celles en ligne. En effet, plus de 90 % des répondants indiquent que les ventes en ligne sont en concurrence avec les magasins physiques. Plus de 80 % des répondants considèrent que les clients comparent les prix en ligne et en magasins avant d’acheter. Toutefois, plusieurs répondants ont indiqué qu’il existait encore des obstacles au développement de la vente en ligne, notamment en raison du désir des clients de voir ou de tester le produit avant de l’acheter et des conditions de livraison (par exemple au regard du prix, de la distance, ou de la logistique). Cependant, ils concèdent également que les enseignes ont développé des solutions pour améliorer la qualité de l’expérience d’achats en ligne avec des vidéos, des avis de consommateurs, des photographies à 360°, des solutions de retour faciles et d’autres solutions innovantes pour permettre au client de faire un choix éclairé.

49. Ainsi, bien que certains obstacles demeurent, comme l’impossibilité de tester le produit, l’Autorité considère que le marché de la distribution au détail de produits d’ameublements intègre les ventes en ligne et en magasins physiques, compte tenu de la forte pression concurrentielle exercée par les ventes en ligne sur les ventes en magasins physiques, illustrée par un taux de pénétration des ventes en ligne en progression constante26, du développement d’une stratégie omnicanale des acteurs du marché et de l’uniformisation de l’offre en ligne et en magasins, que ce soit en terme de produits, de prix ou de services.

Sur la prise en compte d’un unique marché de la distribution des produits d’ameublement

50. La pratique décisionnelle de l’Autorité n’opère pas de segmentation du marché en fonction de la famille de produits d’ameublement. Cette situation résulte directement du fait que jusqu’alors, l’Autorité considérait que GSS et spécialistes opéraient sur des marchés différents, les GSS visant à satisfaire les besoins des clients pour une large offre de produits.

51. S’il est vrai que la force des GSS et des généralistes réside dans leur capacité à présenter l’ensemble des familles de produits d’ameublement, différents éléments recueillis au cours de l’instruction permettent d’établir qu’il est désormais assez rare qu’un client achète des produits appartenant à des rayons différents, à l’exception toutefois des articles de bazar et décoration.

52. Exception faite de ces articles, les GSS et les généralistes ont indiqué, en réponse au test de marché, que la très grande majorité des clients vient en magasin pour acheter un produit appartenant à une famille particulière, répondant à un besoin particulier et n’achète aucun autre produit appartenant à une autre famille de produits d’ameublement.

53. Ainsi, le panier moyen des clients des répondants au test de marché se compose d’articles appartenant à une ou deux familles de produits d’ameublement, avec une moyenne de 1,6 famille de produits. Le test de marché a également permis d’établir que seul 26 % des clients des répondants achètent des produits d’ameublement appartenant à des familles différentes.

54. La quasi-totalité des répondants au test de marché effectué en phase d’examen approfondi (31 répondants sur 33, soit 94 %) considèrent qu’il y a lieu de distinguer différentes familles de produits au sein du marché des produits d’ameublement. Certains répondants ont par ailleurs précisé que les produits ne sont substituables ni du point de vue de la demande, « les produits répondant à des besoins clients différents », ni du point de vue de l’offre, une partie des acteurs étant spécialisés dans une seule famille de produit.

55. Les répondants ont également largement confirmé la pertinence d’une segmentation selon les familles suivantes : meubles meublants, meubles de cuisine, meubles de salle de bain, dressings et placards, meubles rembourrés et literie. Cette segmentation reprenant par ailleurs celle de l’IPEA (Institut de Prospective et d’Étude de l’Ameublement) ou des études Xerfi et est représentative des équipements relatifs à l’ameublement de l'intérieur d’un habitat.

56. Le sondage réalisé auprès des consommateurs de But et de Conforama ayant effectué un achat dans l’une des deux enseignes au cours des deux dernières années confirme les résultats du test de marché : le panier moyen des clients de But et de Conforama est composé de [0- 2] famille de produits. Seuls [30-40]% des consommateurs de But et de Conforama (qui représentent respectivement [30-40]% % et [30-40]% % de la valeur des ventes) ont acheté plusieurs types de meubles lors de leur visite et, parmi eux, [70-80]% n’ont acheté qu’un seul type de meubles supplémentaire.

57. Par ailleurs, une majorité des répondants considère que les spécialistes, pour les familles de produits qu’ils distribuent, sont en concurrence avec les enseignes généralistes ainsi qu’avec les GSS. Cette proximité concurrentielle varie néanmoins selon la famille de produits. Ainsi, 75 % des répondants estiment que les spécialistes de meubles rembourrés sont en concurrence avec les GSS et les généralistes, alors que seulement 44 % d’entre eux considèrent que les spécialistes de salle de bain sont en concurrence avec les GSS et les généralistes. Pour l’ensemble des familles de meubles, les chiffres sont les suivants :

- 54 % pour la cuisine ;

- 52 % pour les dressings ;

- 70 % pour la literie ;

- 75 % pour les meubles rembourrés ;

- 44 % pour la salle de bain.

58. Enfin, les acteurs ont été interrogés sur la proximité concurrentielle qui peut exister entre les GSB, d’une part, et les GSS et les généralistes, d’autre part. La très grande majorité des répondants (75 % d’entre eux) considère que les GSB sont en concurrence avec les généralistes et les GSS. Ils considèrent néanmoins que cette concurrence s’exerce essentiellement sur les familles de produits dits « à projet », c’est-à-dire sur les cuisines, les salles de bain et les dressings.

59. Le sondage précité confirme la proximité concurrentielle entre, d’une part, les GSS/enseignes généralistes et les spécialistes pour quatre familles de produits (cuisine, literie, salle de bain et meubles rembourrés) et, d’autre part, les GSS/enseignes généralistes et les GSB pour deux familles de produits (cuisines et salles de bain). Les clients de But et de Conforama ont été interrogés sur leur magasin de report en cas d’augmentation de prix de 10 % de l’ensemble des GSS et des magasins généralistes hors site internet, et ce pour chaque catégorie de produits (hors dressing). Près de 40 % des reports des généralistes sont à destination des spécialistes pour les catégories « cuisine » et « literie ». S’agissant des salles de bain et meubles rembourrés, les reports vers les spécialistes sont plus faibles mais demeurent significatifs (respectivement 28 % et 24 %). Enfin, pour les catégories « cuisine » et « salle de bain », plus de 40 % des consommateurs qui se reportent indiquent privilégier les GSB.

60. Au regard des éléments précédemment énoncés, l’Autorité considère, d’une part, qu’il n’est plus pertinent de retenir un marché global de la distribution de produits d’ameublement, ce dernier devant être segmenté en six familles de produits (meubles meublants, meubles de cuisine, meubles de salle de bain, dressings et placards, meubles rembourrés et literie) et, d’autre part, qu’il existe une pression concurrentielle exercée sur les GSS et les généralistes par les spécialistes et par les GSB sur certaines familles de produits (comme indiqué au tableau paragraphe 203).

Sur la segmentation en fonction de gammes de prix

61. La pratique décisionnelle a envisagé une distinction fondée sur la gamme de prix en distinguant, d’une part la commercialisation de meubles d’entrée et de milieu de gamme et, d’autre part celle des meubles appartenant au haut de gamme27.

62. Le test de marché réalisé au cours de l’examen de phase 1 a confirmé la pertinence d’une segmentation du marché en fonction du positionnement prix des enseignes, près de 70 % des répondants se prononçant en faveur de cette option. Plus des trois quarts des répondants ont indiqué que la montée en gamme se traduit par des attentes plus élevées en termes de qualité de produits (matériaux, design, possibilité de sur-mesure, etc.) et de qualité de service (accueil en magasins et qualité des conseils)28.

63. Le test de marché a également confirmé l’existence d’une certaine porosité entre l’entrée et le milieu de gamme, tandis que la pression concurrentielle exercée par les produits de haut de gamme et les produits de luxe sur l’entrée et milieu de gamme apparaît très faible.

64. Au regard de ces éléments, la pratique décisionnelle de l’Autorité consistant à segmenter le marché des produits d’ameublement en fonction de la gamme de prix, en distinguant les enseignes opérant sur l’entrée et la moyenne gamme, niveau sur lequel interviennent les parties, des enseignes opérant sur les gammes supérieures (haut de gamme et luxe), apparaît toujours pertinente.

Conclusions sur la délimitation du marché de produits

65. Au regard de l’ensemble des éléments précédemment développés, le marché de la distribution de produits d’ameublement doit être segmenté par famille de produit (meubles meublants, meubles rembourrés, literie, cuisines, meubles de salle de bain et dressing) ainsi que par gamme de prix. Par ailleurs, les enseignes spécialisées, les enseignes généralistes et les GSB doivent être intégrées dans le marché aux côtés des GSS s’agissant uniquement des familles de produits qu’elles distribuent. Les ventes en ligne exerçant une réelle pression concurrentielle sur les ventes en magasins physiques, il y a lieu de considérer que ces deux canaux de distribution relèvent d’un même marché, quelle que soit la famille de produits d’ameublement considérée.

66. L’analyse concurrentielle sera ainsi menée sur les marchés suivants sur lesquels les parties sont simultanément actives :

- les meubles meublants (tables, bibliothèques, armoires, meubles TV, etc.) ;

- les meubles rembourrés (canapés, fauteuils et méridiennes principalement) ;

- la literie (matelas et sommiers) ;

- les cuisines (hors électroménager).

67. Elle prendra en compte la concurrence exercée par les ventes en ligne ainsi que par l’ensemble des acteurs actifs sur l’une au moins de ces familles de produits, pour autant que leurs offres se positionnent sur des produits d’entrée et de moyenne gamme, positionnement tarifaire qui correspond à celui des parties.

68. Il convient de relever que la pratique décisionnelle antérieure avait déjà retenu l’existence d’un marché spécifique concernant la distribution de cuisines29 dans le cadre d’opérations impliquant, non pas des GSS proposant une gamme complète de produits d’ameublement comme c’est le cas en l’espèce, mais des enseignes spécialisées dans la distribution des produits en question.

69. S’agissant de la distribution de cuisines intégrées, l’Autorité30 a mené dans le passé, à deux reprises, une analyse intégrant l’ensemble des opérateurs commercialisant ce type de produits (enseignes spécialisées, GSB, GSS spécialisées dans l’ameublement et dans l’électrodomestique et indépendants), analyse conforme à celle proposée par les services d’instruction au cas d’espèce. Dans ces deux décisions, elle a aussi considéré qu’il n’était pas pertinent de segmenter le marché selon la gamme de prix. Toutefois, l’opération consistait dans les deux cas, dans le rapprochement d’acteurs spécialisés, dont il a précédemment été indiqué que leur positionnement tarifaire était plus orienté vers le haut et le très haut de gamme, contrairement à celui des parties. Le fait de considérer que ces opérateurs puissent être soumis à la pression concurrentielle d’acteurs proposant des produits de gammes inférieures ne permet à l’inverse pas de conclure que les acteurs proposant des articles d’entrée et de milieu de gamme sont concurrencés par des opérateurs dont l’offre est orientée vers des produits de haut et très de gamme de gamme. Ainsi qu’il a été précédemment indiqué, les produits d’entrée et de milieu de gamme ne sont que faiblement concurrencés par les produits de haut et très haut de gamme.

70. L’analyse concurrentielle sur le marché de la distribution au détail de produits de cuisine sera ainsi menée en prenant en compte uniquement les opérateurs proposant des produits d’entrée et de milieu de gamme.

b) Marché aval de la distribution au détail de produits de bazar et de décoration

71. La pratique décisionnelle nationale a retenu l’existence d’un marché de la distribution de produits de bazar et de décoration, qui inclut l’ensemble des produits de décoration et d’aménagement de la maison, à l’exception des meubles « meublants », et des produits électrodomestiques31.

72. La pratique décisionnelle a retenu un marché spécifique pour la distribution au détail de produits de bazar et de décoration à bas et moyen prix32. En effet, l’Autorité a relevé que les enseignes présentes sur ce marché distribuent des produits à prix modéré et ne s’appuient pas sur des marques notoires. Elle a considéré qu’étaient présents sur ce marché, les grandes surfaces spécialisées (GSS) en bazar et décoration, comme par exemple Gifi, La Foir’Fouille, les GSS en équipement de la personne et de la maison comme Babou, les déstockeurs comme Stokomani et Noz, certaines grandes surfaces d’ameublement comme Ikea et Alinéa, les hypermarchés d’une superficie de plus de 6 000 m² et les enseignes d’équipement de la maison comme les parties. L’Autorité a toutefois considéré que les enseignes d’ameublement et les GSA exerçaient une pression concurrentielle moindre sur les parties.

73. Enfin, l’Autorité a également considéré, tout en laissant la question ouverte, qu’il n’existait pas d’éléments suffisants pour considérer que les ventes en ligne et les ventes en magasins appartiennent au même marché. En effet, elle a relevé la très faible part représentée par les ventes en ligne de produits de décoration et de bazar, la nécessité pour le consommateur de voir le produit et le caractère impulsif de l’achat de tels produits33.

74. Il n’y a pas lieu de remettre en cause ces délimitations à l’occasion de la présente instruction. L’analyse concurrentielle sera ainsi menée sur le marché des ventes en magasins physiques, d’une part, et sur le marché des ventes en ligne, d’autre part.

c) Marchés aval de la distribution au détail de produits électrodomestiques

75. La pratique décisionnelle a envisagé une segmentation des marchés aval de la vente au détail de produits électrodomestiques selon deux critères : la famille de produits et le canal de distribution34.

La distinction par famille de produits

76. Les autorités de concurrence distinguent traditionnellement, au sein de la catégorie des produits électrodomestiques, qui regroupe les produits électroménagers et électroniques, trois familles de produits :

- les produits blancs : les tables de cuisson, les cuisinières, les fours, les ensembles encastrables, les hottes, les lave-linges, les sèche-linges, les lave-vaisselles, les réfrigérateurs, les congélateurs, le petit électroménager de préparation culinaire, les cafetières, les robots, les fers à repasser et les aspirateurs ;

- les produits bruns : les téléviseurs, les caméscopes, les équipements hi-fi et audio, les appareils numériques et les lecteurs DVD ;

- les produits gris : les micro-ordinateurs personnels, les écrans, les périphériques (imprimantes ou scanners), les claviers, les accessoires ou pièces détachées modulaires (cartes mémoires ou disques durs additionnels), les logiciels et la téléphonie.

77. S’agissant de la distribution de produits blancs, la pratique décisionnelle a laissé ouverte la question d’une éventuelle segmentation entre le petit et le gros électroménager.

78. Les autorités de concurrence35 ont également considéré qu’un découpage plus fin du marché entre les produits « bas de gamme » et « haut de gamme » n’était pas pertinent, dans la mesure où les enseignes proposent généralement un large assortiment de produits, quel que soit leur positionnement marketing36.

79. Enfin, s’agissant de la distribution de produits de « divertissement-multimédia », l’Autorité a envisagé l’existence d’un marché des consoles de jeux, accessoires de consoles, jeux pour consoles et PC, tout en laissant ouverte la question de sa délimitation exacte37.

80. En l’espèce, les parties sont simultanément actives sur les marchés de la distribution de produits blancs (gros électroménager et petit électroménager) d’une part, et de produits bruns, d’autre part38. En tout état de cause, la question de la délimitation exacte du marché des produits électrodomestiques peut rester ouverte, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurant inchangées, quelles que soient les segmentations retenues.

La distinction par canal de vente

81. Les produits électrodomestiques sont vendus aux consommateurs finals principalement par le biais de deux canaux de distribution distincts : les ventes à distance et les ventes en magasins physiques.

82. En l’espèce, la majorité de l’activité des parties sur le marché aval de la vente au détail de produits électrodomestiques est réalisée par le biais des ventes en magasins physiques. Les parties disposent également de sites de vente en ligne.

Les ventes à distance

Produits bruns et gris

83. Dans la décision n° 16-DCC-111 précitée, l’Autorité a inclus les canaux de distribution en ligne et en magasins au sein du même marché. Elle a en effet considéré que, même si la substituabilité entre ces deux canaux n’est pas parfaite, elle était désormais suffisante pour considérer que les ventes en ligne exercent une pression concurrentielle sur les ventes en magasins, de nature à les inclure dans le même marché.

84. Il n’y a pas lieu de remettre en cause, dans le cas d’espèce, cette délimitation des marchés.

Produits blancs

85. La pratique décisionnelle a envisagé un marché unique de la distribution au détail de produits blancs incluant la vente en ligne et la vente en magasins, mais a toutefois laissé la question ouverte39.

86. La partie notifiante considère que les ventes en ligne et en magasins de produits blancs appartiennent au même marché.

87. En tout état de cause, la question de la définition exacte des marchés de la distribution au détail de produits blancs peut être laissée ouverte dans la mesure où, quelle que soit la délimitation retenue, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurent inchangées. L’analyse concurrentielle sera ainsi menée sur un marché global intégrant à la fois les ventes en magasins physiques et celles en ligne, sur un marché des ventes en ligne ainsi que sur un marché des ventes en magasins physiques.

Les points de vente physiques

88. Les autorités de concurrence retiennent traditionnellement trois critères pour délimiter les marchés de la distribution en points de vente physiques : le type de produits vendus, le format et la taille des magasins, dans la mesure où seuls les magasins qui offrent de manière constante tout au long de l’année un large assortiment de produits exercent une réelle pression concurrentielle les uns sur les autres.

89. La pratique décisionnelle de l’Autorité40 considère qu’une grande surface spécialisée (ci- après, « GSS ») en produits électrodomestiques, telle que Boulanger, est en concurrence avec les autres GSS (Fnac Darty), les grandes surfaces multispécialistes (telles que les parties), qui proposent, outre des produits électrodomestiques, des produits d’ameublement et de décoration, les groupements d’opérateurs indépendants (Euronics/Gitem, Connexion, Digital ou Expert) ainsi que les magasins de proximité d’une surface de plus de 300 m2, les grandes surfaces alimentaires (ci-après, « GSA ») d’une surface de vente de plus de 2 500 m2, les magasins hard-discount spécialisés dans le commerce de détail de produits électrodomestiques (Électro Dépôt) ainsi que les points de vente physiques d’Apple dont la surface est supérieure à 300 m².

90. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette pratique à l’occasion de la présente décision.

B. MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES

1. MARCHÉS AMONT DE L’APPROVISIONNEMENT EN PRODUITS D’AMEUBLEMENT, DE BAZAR ET DE DÉCORATION ET ÉLECTRODOMESTIQUES

a) Marchés amont de l’approvisionnement en produits d’ameublement

Pratique décisionnelle actuelle

91. Sur les marchés amont de l’approvisionnement en produits d’ameublement, la Commission européenne s’est récemment prononcée en faveur d’un marché de dimension européenne41.

92. La pratique décisionnelle nationale a, par le passé, considéré que les marchés de la literie étaient de dimension nationale42, l’attachement aux marques et les dimensions des matelas et sommiers différant selon les pays. Elle a également souligné que les coûts de transports étaient particulièrement élevés, ce qui se traduisait par un niveau d’importations particulièrement bas concernant les produits de literie.

Position de la partie notifiante

93. La partie notifiante considère que l’ensemble des marchés de l’approvisionnement en produits d’ameublement sont de dimension européenne y compris le marché de l’approvisionnement en produits de literie, qui ne présenterait plus de caractéristiques distinctes et qui aurait évolué depuis la décision du ministre de 2006.

94. Elle souligne que les coûts de transport relatifs à l’encombrement de produits de literie ne sont pas spécifiques à ce secteur, les meubles rembourrés présentant les mêmes contraintes en termes d’encombrement et précise que l’encombrement peut être réduit grâce à des technologies de compression et de roulage des matelas.

95. Elle estime enfin que les réponses au test de marché confirment que ce marché est de dimension européenne et relève que la Commission européenne n’a pas retenu une dimension différente s’agissant du marché de l’approvisionnement en produits de literie.

Application au cas d’espèce

96. À titre liminaire, l’Autorité considère qu’il convient d’examiner en priorité les arguments relatifs à l’offre, l’enjeu de cette analyse étant de définir quelles sont les alternatives qui sont économiquement viables pour les fournisseurs de literie.

97. Les réponses aux tests de marché menés dans le cadre de la présente opération confirment la dimension européenne des marchés amont de l’approvisionnement en produits d’ameublement à l’exception de l’approvisionnement en produits de literie.

98. En effet, hormis pour les produits de literie, la majorité des fournisseurs des distributeurs interrogés sont localisés, ou ont leurs sites de production, au sein de l’Union européenne. Par ailleurs, les distributeurs ont la capacité de s’approvisionner depuis la France mais aussi depuis d’autres régions du monde, même s’il ressort qu’au-delà de la zone euro, le coût du transport semble être une barrière à l’entrée pour l’import de certains produits.

99. En revanche, le secteur de la literie présente toujours certaines spécificités, déjà soulignées dans la décision du ministre du 28 novembre 2006, qui justifient l’identification d’un marché géographique limité à la France.

100. Premièrement, le secteur de la literie reste marqué par d’importants coûts de transport. Un fabricant de produits de literie a ainsi indiqué « la dimension géographique du marché dépend en particulier du rapport poids/volume des produits en cause. À ce titre, la dimension géographique du marché est plus limitée pour les produits de literie que pour d’autres produits d’ameublements plus légers. En effet, contrairement à d’autres produits d’ameublements, les matelas présentent un rapport poids/volume très défavorable, ce qui rend les livraisons de produits sur une longue distance non rentables compte-tenu des coûts de transport. C’est pour cette raison que les matelas commercialisés en France proviennent dans leur grande majorité de fabricants de produits de literie français ou de pays européens proches de la France (Belgique, Espagne (Pikolin)). Ainsi, plus de 90 % du chiffre d’affaires de l’industrie française est réalisé en France »43. S’agissant de la technologie des matelas roulés/compressés, mise en avant par la partie notifiante comme étant de nature à réduire les coûts de transport, cette technologie n’est pas encore généralisée. Elle ne peut de plus être appliquée qu’à certains types de matelas en mousse et en latex et non aux matelas à ressorts et elle ne concerne pas les sommiers. La part des exportations françaises est ainsi très limitée (6,3 % selon l’étude Xerfi 2021 relative à l’industrie du meuble).

101. Deuxièmement, les produits de literie, contrairement à la plupart des autres meubles, sont des produits pour lesquels la marque est un facteur important du choix du consommateur. Un fabricant de produits de literie a ainsi indiqué que « la marque est particulièrement importante pour les consommateurs lorsqu’ils achètent des produits de literie : en effet, la marque joue un rôle de valeur refuge et est gage de qualité et de sécurité. Ainsi, si d’autres produits peuvent être commercialisés sous marque blanche, ce n’est pas le cas des produits de literie »44. Or, les marques françaises ont une notoriété limitée hors du territoire national. Cofel, principal producteur de literie français, a ainsi souligné que ses marques disposaient d’une notoriété limitée au territoire français, rendant difficile un développement à l’export45.

102. Troisièmement, bien que les ventes de lits avec des dimensions supérieures progressent, le standard français, caractérisé par une dimension 140 x 190 cm reste différent de celui des autres pays européens, ce qui rend difficiles les exportations. Le groupe Finori a par exemple indiqué qu’« il y a bien des dimensions de lit par exemple ou dimensions d’armoires propres à certains marchés. Nous ne commercialisons pas des lits par exemple en 140 x 190 en Allemagne, ce qui est une dimension standard à la France. »46

103. Quatrièmement, parmi les groupes de literie implantés à l’étranger, la plupart d’entre eux ont indiqué que les négociations commerciales se faisaient au niveau national et que l’approvisionnement de leurs clients situés en France se faisait par l’intermédiaire de filiales situées en France.

104. L’Autorité considère ainsi que les marchés de l’approvisionnement en produits d’ameublement revêtent une dimension européenne, hormis le marché de l’approvisionnement en produits de literie, qui revêt une dimension nationale, en raison de spécificités nationales concernant ces produits.

b) Marchés amont de l’approvisionnement en produits de bazar et décoration

105. La pratique décisionnelle a considéré que le marché de l’approvisionnement en produits de bazar et de décoration était au moins de dimension nationale et a également mené son analyse aux niveaux européen et mondial47.

106. En tout état de cause, la question de la délimitation géographique exacte de ce marché peut être laissée ouverte, dans la mesure où, quelle que soit la délimitation retenue, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurent inchangées. L’analyse concurrentielle sera ainsi menée en considérant les parts d’achat des parties au niveau national, niveau d’analyse le plus conservateur.

c) Marchés amont de l’approvisionnement en produits électrodomestiques

107. Sur les marchés amont de l’approvisionnement en produits électrodomestiques, la pratique décisionnelle a jusqu’ici retenu une dimension au moins nationale, voire européenne des marchés48.

108. En tout état de cause, la question de la délimitation géographique exacte de ces marchés peut être laissée ouverte dans la mesure où, quelle que soit la délimitation retenue, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurent inchangées. L’analyse concurrentielle sera ainsi menée en considérant les parts d’achat des parties au niveau national, niveau d’analyse le plus conservateur.

2. MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION DE PRODUITS D’AMEUBLEMENT, DE PRODUITS DE BAZAR ET DE DÉCORATION ET DE PRODUITS ÉLECTRODOMESTIQUES

109. Les marchés aval de la distribution de produits d’ameublement, de bazar et décoration et électrodomestiques sont traditionnellement analysés à la fois au niveau national et au niveau local (a). La dimension des marchés locaux varie selon les marchés de produits considérés (b).

a) Analyse au niveau national et local des marchés de la distribution

Pratique décisionnelle actuelle

110. Les marchés de la distribution font généralement l’objet d’une double analyse à la fois au niveau national et au niveau local. L’Autorité de la concurrence49 et la Commission50 ont relevé, dans différentes décisions concernant ce secteur, que plusieurs éléments de l’analyse concurrentielle peuvent être examinés dans un contexte plus large que le niveau local. En effet, d’importants paramètres de la concurrence peuvent être évalués au niveau national, notamment lorsque les prix sont, dans une large mesure, déterminés à ce niveau par des têtes de réseaux ne laissant qu’une faible marge de manœuvre tarifaire aux gérants de magasins. De même, certaines décisions stratégiques non-tarifaires peuvent être centralisées comme, par exemple, la structure des assortiments, les services après-vente, les contrôles de qualité, les campagnes de publicité, les politiques de fidélisation de la clientèle (par le biais, par exemple, de cartes de fidélité), les actions de promotion ou de lancement de nouveaux produits, ou encore la politique d’implantation des magasins.

111. Par ailleurs, lorsque la pratique décisionnelle opère une distinction entre les ventes en magasins physiques et les ventes en ligne, l’analyse concurrentielle concernant les ventes en ligne est menée au niveau national.

Position des parties

112. La partie notifiante conteste la dimension locale du marché de la distribution de produits d’ameublement. Elle estime que ce marché revêt uniquement une dimension nationale, compte tenu du fort taux de pénétration des ventes en ligne.

Appréciation au cas d’espèce

113. Bien qu’il soit pertinent d’analyser le marché de la distribution de produits d’ameublement au niveau national, dans la mesure où différents paramètres de concurrence peuvent être évalués à ce stade, plusieurs éléments conduisent à constater l’existence de fortes interactions concurrentielles locales et confirment la pertinence d’une analyse au niveau local.

114. Premièrement, les parties mettent en œuvre une politique d’ouverture de points de vente en France métropolitaine et dans les DROM depuis juillet 2021 (seize magasins dont quatorze franchisés en France métropolitaine et un magasin franchisé dans les DROM pour l’enseigne But et quatre magasins franchisés, uniquement dans les DROM, pour l’enseigne Conforama). Ce développement de réseaux, qui devrait se poursuivre jusqu’en 2023, conforte le maillage territorial fin des deux enseignes (322 magasins pour But et 170 pour Conforama sur l’ensemble du territoire français) et reflète l’importance de détenir des points de vente de proximité.

115. Deuxièmement, le sondage réalisé auprès des consommateurs de But et de Conforama interrogeait ces derniers sur la motivation de leur choix d’enseigne. Les consommateurs sondés devaient classer les treize options de réponse par ordre de préférence. La majorité des clients (à l’exception du segment « salle de bain ») indiquent en premier ou deuxième choix la distance entre le magasin et le domicile. Il s’ensuit que la distance que les consommateurs sont disposés à couvrir pour leurs achats constitue un paramètre déterminant de concurrence.

116. Troisièmement, les parties ont confirmé au cours de l’instruction que des adaptations ponctuelles des prix nationaux étaient possibles. En effet, si But International indique appliquer les mêmes tarifs en ligne et en magasins, l’enseigne précise qu’une partie des promotions est différente entre ces deux canaux. Les magasins physiques des enseignes But peuvent donc adapter les prix nationaux au niveau local pour tenir compte de la situation concurrentielle dans la zone.

117. En tout état de cause, le fait que But n’ait que peu différencié sa politique commerciale avant l’opération ne permet pas de conclure sur son comportement futur. En effet, à l’issue de l’opération, ainsi qu’il sera démontré aux paragraphes 284 à 288, But disposera d’un fort pouvoir de marché lui conférant une plus grande incitation à adapter sa politique commerciale en fonction de la pression concurrentielle subie localement.

118. Par conséquent, les marchés de la distribution de produits d’ameublement doivent faire l’objet d’une analyse locale, en plus de l’analyse nationale.

119. L’analyse concurrentielle sera ainsi menée tant au niveau national que local, s’agissant des marchés de la distribution de produits d’ameublement, de bazar et décoration et électrodomestiques.

b) Détermination de la dimension des marchés locaux de la distribution

120. La dimension des marchés de la distribution varie en fonction du type de produits concernés et de l’attractivité des magasins.

Marchés locaux de la distribution au détail de produits d’ameublement

121. S’agissant de la distribution des produits d’ameublement, les autorités de concurrence ont estimé que le consommateur était prêt à réaliser un trajet d’une durée de 20 à 45 minutes pour se rendre dans un magasin et comparer les produits et les prix d’une enseigne à l’autre. Cette durée varie cependant en fonction de la taille du magasin et d’autres caractéristiques propres à chaque zone, telles que la géographie, la densité de population ou les autres magasins situés à proximité.

122. L’Autorité a envisagé, tout en laissant la question ouverte, (i) des zones de 20 minutes en voiture dans la région parisienne et les plus grandes villes de province et (ii) des zones de 30 minutes en dehors des grandes villes.

123. La partie notifiante a transmis les empreintes réelles des points de vente des parties. Ces dernières permettent de disposer d’une photographie précise des clients qui fréquentent habituellement les points de vente. Les empreintes réelles sont notamment utilisées lorsque le temps de trajet maximal que sont prêts à consentir les acheteurs n’est pas établi. En l’espèce toutefois, l’instruction a permis d’établir un temps de trajet maximal, qui s’élève à 45 minutes, quelle que soit la famille de produits d’ameublement concernée.

124. En effet, il ressort du second test de marché réalisé auprès des concurrents qu’un consommateur souhaitant acheter des produits d’ameublement dans une GSS (hors Ikea51) ou dans une enseigne généraliste peut consentir à un temps de trajet maximal moyen (tous types de meubles confondus) de 47 minutes, ce temps variant très peu selon le type de meubles considéré : de 44 minutes pour les meubles de salle de bain à 50 minutes s’agissant des meubles de cuisine52. La majorité des opérateurs interrogés estiment ainsi que le temps de trajet est homogène entre les différentes familles de produits d’ameublement53. Ce temps peut éventuellement varier selon le montant de l’achat, l’importance du projet et le degré d’implication du client dans son achat, ou encore la profondeur de l’offre et de l’attractivité du magasin concerné, ceci quelle que soit la famille de produits d’ameublement concernée.

125. Les résultats du sondage confirment largement les réponses au test de marché. Il ressort en effet que 80 % des sondés sont prêts à parcourir un temps de trajet allant jusqu’à 45 minutes, quelle que soit la famille de produits considérée et qu’il s’agisse de clients de But ou de Conforama54.

126. Compte tenu de ces éléments, l’Autorité considère que l’analyse des différents marchés de l’ameublement doit être fondée sur des zones isochrones de 45 minutes autour de chaque point de vente considéré.

Marchés locaux de la distribution au détail de produits de bazar et de décoration

127. L’Autorité a considéré qu’il était nécessaire d’apprécier les effets d’une opération sur le marché de la distribution de détail de produits de bazar et de décoration sur des zones de taille différente en fonction de la localisation des points de vente55. Elle a ainsi retenu :

- des zones délimitées par un trajet en voiture d’une durée maximale de 20 minutes, pour les magasins situés en métropole en dehors de Paris intra-muros ;

- des zones d’un et deux kilomètres pour les magasins situés à Paris intra-muros ;

- des zones délimitées par un trajet en voiture d’une durée maximale de 20, 30 et    45 minutes pour les magasins situés dans les DROM.

128. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette définition à l’occasion de l’examen de la présente opération.

Marchés locaux de la distribution au détail de produits électrodomestiques

129. S’agissant de la dimension locale des marchés pour les produits électrodomestiques, l’Autorité a déjà, dans d’autres décisions, mené son analyse concurrentielle dans des zones de chalandise dont les aires varient en fonction de la localisation des magasins cibles :

- en province (hors grandes villes) et dans les DROM, l’Autorité a retenu des zones de chalandise correspondant à des temps de trajet de 30 minutes en voiture56 ;

- en banlieue parisienne et dans les grandes villes de province, elle a retenu des zones de chalandise correspondant à des temps de trajet de 20 minutes en voiture57 ;

- à Paris, elle a retenu une zone correspondant à la ville de Paris intra-muros et des zones de chalandise plus réduites d’un rayon de trois kilomètres autour des points de vente concernés58.

130. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette définition à l’occasion de l’examen de la présente opération.

III. Analyse concurrentielle

131. Les parties disposent de magasins détenus en propre et de magasins franchisés. Il convient d’analyser l’autonomie des magasins franchisés par rapport à leur tête de réseau, afin de déterminer si ces magasins doivent ou non être inclus aux cotés des magasins détenus en propre par les parties dans l’analyse concurrentielle (A).

132. L’opération entraîne la disparition d’un groupe franchiseur majeur dans les DROM, risque qu’il convient d’analyser (B).

133. Les parties sont simultanément actives, à l’amont en tant qu’acheteuses et à l’aval en tant que vendeuses, sur les différents marchés de l’approvisionnement et de la distribution de produits d’ameublement (C), de bazar et de décoration (D) et de produits électrodomestiques (E).

A. ANALYSE DE L’AUTONOMIE COMMERCIALE DES FRANCHISÉS

1. RAPPEL DES PRINCIPES

134. L’Autorité dans sa pratique décisionnelle et le Conseil d’État statuant au contentieux ont indiqué que le pouvoir de marché d’un distributeur s’apprécie en tenant compte des magasins détenus en propre et de ceux exploités en réseau, quel que soit le statut juridique de ces derniers, dès lors que leur politique commerciale n’est pas suffisamment autonome par rapport à la tête de réseau59.

135. En effet, l’autonomie commerciale des membres d’un réseau de distribution s’apprécie à l’aune de plusieurs critères dégagés par l’Autorité de la concurrence et le Conseil d’État, parmi lesquels : (i) la possibilité de la tête de réseau de fixer des prix maximum à ses adhérents impactant leur liberté de fixer leurs prix de manière indépendante, (ii) les obligations d’approvisionnement des adhérents auprès du groupement pour une part importante de leurs achats, (iii) l’obligation de respecter des clauses de préemption, de substitution et de préférence au profit du groupement en cas de cession de leur magasin en dehors du périmètre familial, (iv) l’obligation de participer à un certain nombre d’opérations promotionnelles par an, durant lesquelles les adhérents doivent mettre en vente les produits au prix indiqué sur les documents publicitaires, (v) l’obligation de référencer plus de 50 % des lignes de produits de la tête de réseau ou (vi) la durée plus ou moins longue des contrats.

2. POSITION DE LA PARTIE NOTIFIANTE

136. La partie notifiante dispose de plusieurs points de vente détenus par des franchisés, sur le territoire national ainsi que dans les DROM. Elle considère que les contrats de franchise conclus entre But International et ses franchisés excluent le contrôle de But sur les points de vente concernés, tant pour ceux situés en France métropolitaine que ceux situés dans les DROM, en raison de leur autonomie commerciale. Elle considère de même que les franchisés de la cible disposent d’une autonomie commerciale par rapport à la tête de réseau. Conforama détient trois points de vente sous contrats de franchise sur le territoire national et cinq dans les DROM60.

3. APPRÉCIATION AU CAS D’ESPÈCE

a) Contrats de But

Les franchisés métropolitains

137. S’agissant des magasins franchisés But en France métropolitaine sous enseigne « But », la partie notifiante considère qu’il s’agit de contrats « particulièrement souples » permettant au franchisé de conserver « une liberté importante dans la détermination de ses politiques commerciales et tarifaires »61.

138. Toutefois, l’analyse d’un contrat de franchise type communiqué par la partie notifiante met en évidence des éléments de nature à limiter l’autonomie commerciale des franchisés au sens du droit des concentrations62. Tout d’abord, le franchisé s’engage à consacrer au moins |0- 5] % de son chiffre d’affaires à des dépenses publicitaires, les [60-70] % de ce montant étant reversés au franchiseur pour le financement des campagnes publicitaires nationales auxquelles le franchisé peut être obligé de participer. […], ce qui est de nature à constituer un prix maximum. Par ailleurs, le contrat précise que le franchiseur fournit des « prix et des tarifs conseillés ». De plus, l’adhérent s’engage à s’approvisionner à hauteur d’au moins [80- 90] % du montant de ses achats auprès de la partie notifiante. […]. L’adhérent s’engage aussi à s’approvisionner en « gammes obligatoires dites de base […].

139. S’agissant des franchisés de But en France métropolitaine sous enseigne « But Cosy »63, le franchisé s’engage à reverser au franchiseur |0-5] % de son chiffre d’affaires annuel ainsi qu’une portion variable de son chiffre d’affaires réalisé sur internet pour le financement des publicités nationales et à consacrer au moins |0-5] % de son chiffre d’affaires à des publicités locales. Le franchisé doit également soumettre ses projets de publicités locales à la partie notifiante. Dans le cadre de ces campagnes publicitaires, l’adhérent s’engage à s’approvisionner dans tous les produits figurant sur les dépliants publicitaires et à respecter les prix affichés sur les prospectus. De plus, l’adhérent s’engage à s’approvisionner à hauteur d’au moins [80-90] % de ses montants d’achats auprès de la partie notifiante. En outre, l’adhérent doit mettre en œuvre la politique commerciale et d’agencement du magasin définie par la partie notifiante. L’adhérent s’engage aussi à s’approvisionner en « gammes obligatoires dites de base ». […].

140. Par conséquent, il ressort de l’analyse des contrats de franchise que les franchisés dont les points de vente sont situés sur le territoire métropolitain ne sont pas autonomes commercialement de But.

Les franchisés dans les DROM

141. S’agissant des magasins franchisés dans les DROM sous enseigne « But », la partie notifiante dispose de 10 points de vente dans les DROM, gérés par le groupe Cafom en tant que franchisé.

142. D’après les contrats de franchise communiqués, l’adhérent s’engage à consacrer un certain pourcentage de son chiffre d’affaires à des dépenses publicitaires, mais sans obligation de participer à des campagnes nationales organisées par la partie notifiante64. De même, l’adhérent n’est pas soumis à une obligation d’approvisionnement auprès de la centrale d’achat de But. […]65. Par ailleurs, le groupe Cafom dispose de ses propres centrales d’achat et de référencement. Le rapport financier annuel 2020 du groupe indique que : « Cafom Distribution, société basée en métropole, est ainsi la filiale en charge de l’approvisionnement des meubles, de la décoration et d’une partie de l’électro-ménager en provenance d’Europe. Les produits achetés en zone Euro sont référencés et vendus directement aux filiales domiennes par les fournisseurs, les produits achetés hors de cette zone le sont par Cafom Distribution, et revendus ensuite aux magasins. »66 Le contrat de franchise précise que l’adhérent BUT peut ne « pas suivre la gamme de services et produits dits de base (obligatoires) pour des produits français, etc…, non compétitifs sur les sites des D.O.M, ni la communication publicitaire sur ces produits »67. […].

143. Compte tenu de l’absence d’obligation d’approvisionnement, de référencement des gammes définies par le franchiseur et de participation aux publicités nationales ainsi que de la durée limitée de l’ensemble des contrats de franchise, les franchisés de la partie notifiante, actifs dans les DROM, sont autonomes d’un point de vue commercial par rapport à But.

b) Contrats de Conforama

Les franchisés métropolitains

144. S’agissant des magasins franchisés sous enseigne « Conforama » situés en métropole, l’analyse des contrats de franchise met en évidence des éléments de nature à limiter l’autonomie commerciale des franchisés au sens du droit des concentrations. En effet, le franchisé s’engage « expressément à participer aux campagnes de publicité et aux actions promotionnelles de portée nationale organisées par le franchiseur »68. Il s’engage à recueillir l’accord préalable du franchiseur avant de mener ses propres campagnes locales de publicité. Il ne peut, par ailleurs, développer ses propres publicités que dans une zone géographique délimitée par le franchiseur. Il doit également consacrer au minimum entre [0- 5] et [0-5] % de son chiffre d’affaires HT au budget des campagnes publicitaires locales et nationales. […]69. Il ressort de cette analyse que Conforama détermine un assortiment de base minimum des produits qui devront nécessairement être présents dans tous les magasins du réseau des franchisés. Le franchisé ne pourra effectuer des achats de produits non référencés que dans la limite de [10-20] % au maximum du montant annuel total des achats du magasin franchisé. […]70.

145. Par conséquent, il ressort de l’analyse des contrats de franchise pour les points de vente situés sur le territoire national que les franchisés Conforama ne sont pas autonomes commercialement de leur tête de réseau.

Les franchisés dans les DROM

146. S’agissant des magasins franchisés situés dans les DROM sous enseigne « Conforama », il n’y a pas lieu d’analyser l’autonomie commerciale des contrats de franchise, dans la mesure où, quelle que soit l’hypothèse retenue, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurent inchangées. En effet, dès lors que les franchisés situés dans les DROM ont été considérés par l’Autorité comme étant suffisamment autonomes commercialement de But, les activités des parties ne se chevauchent pas sur les marchés aval de la distribution de produits d’ameublement, de bazar et de décoration et électrodomestiques dans les DROM.

c) Conclusion sur l’autonomie commerciale des franchisés

147. S’agissant des magasins franchisés des parties situés sur le territoire métropolitain, il ressort des éléments ci-dessus que les magasins détenus par les franchisés ne sont pas autonomes commercialement de leur tête de réseau. Ces points de vente seront donc pris en compte pour apprécier le pouvoir de marché de la nouvelle entité.

148. S’agissant des franchisés des parties situés dans les DROM, l’autonomie commerciale des franchisés sous enseigne « But » suffit à considérer qu’il n’existe pas de chevauchement d’activités entre les parties dans les DROM.

B. ANALYSE DU RISQUE LIÉ À LA DISPARITION D’UN GROUPE FRANCHISEUR

1. PRÉSENTATION DU RISQUE

149. Un franchisé peut décider de sortir du réseau afin d’adhérer à un réseau concurrent à l’expiration de son contrat de franchise et en l’absence de clauses de non-concurrence.

150. Cependant, les groupes Conforama et But sont les deux seuls groupes d’ameublement proposant des contrats de franchise dans les DROM. Ainsi, avant l’opération, les franchisés des parties situés dans les DROM disposaient de la possibilité de changer d’enseigne et de se tourner vers un autre franchisé indépendant, actif dans la distribution de produits d’ameublement (soit But, soit Conforama). L’opération entraîne donc la disparition d’une alternative pour les franchisés dans les DROM avec le risque d’une dégradation des conditions de concurrence (sous la forme, par exemple, d’une augmentation de la redevance de franchise). Cette disparition apparaît d’autant plus problématique que l’exploitation d’une enseigne telle que celle des parties apparaît importante pour les franchisés dans les DROM. L’un des franchisés des parties a ainsi indiqué qu’ « il est en effet important pour nous d’exploiter sous des enseignes de dimension régionale et/ou nationale »71.

2. POSITION DE LA PARTIE NOTIFIANTE

151. Dans ses observations au rapport, la partie notifiante soutient qu’il existe de nombreuses alternatives pour les candidats à la franchise dans les DROM. Elle indique notamment qu’il existerait un grand nombre d’enseignes d’ameublement présentes proposant le recours à la franchise dans les DROM72. Sur ce point, la partie notifiante considère que certaines enseignes qui, de prime abord, proposeraient des produits différents de ceux de la partie notifiante, seraient également des alternatives crédibles pour les candidats à la franchise d’ameublement73. Elle précise également que les acteurs de la grande distribution constitueraient une alternative74.

152. La partie notifiante soutient également qu’elle n’aurait aucune incitation à augmenter les taux de redevance de franchise dans les DROM. Au soutien de son argumentation, elle indique qu’elle n’a pas prévu de faire évoluer la redevance et précise que les contrats conclus dans ces départements seraient pour la plupart des contrats anciens, de sorte que, si les parties décidaient de renégocier après l’échéance des contrats, elles ne pourraient en changer les termes qu’après le respect d’un long préavis, compte tenu de la durée de leurs relations commerciales antérieures.

153. Pour finir, la partie notifiante a indiqué qu’à court terme, les magasins cibles conserveront l’enseigne « Conforama ».

3. APPRÉCIATION AU CAS D’ESPÈCE

154. Premièrement, l’Autorité considère que les enseignes citées par la partie notifiante ne sont pas des alternatives crédibles à But et Conforama pour les franchisés situés dans les DROM. En effet, les enseignes citées soit ne sont pas des concurrentes des parties (enseignes spécialisées telles que Mobalpa ou Cuisinella ou haut de gamme telles que Gautier ou Château d’Ax, enseignes de la grande distribution ou enseignes non encore présentes dans les DROM et dont l’entrée dans les DROM est peu probable notamment), soit sont présentes uniquement de façon très ponctuelle dans certains DROM (en général, ces enseignes disposent d’un point de vente dans un seul DROM). Les enseignes spécialisées ne proposent pas toutes les familles de meubles vendues par les parties et ont généralement des surfaces de vente bien moindres que celles des magasins des parties. Les enseignes haut de gamme ne s’adressent en général pas à la même clientèle que les parties. S’agissant des enseignes de la grande distribution, ainsi que précédemment indiqué, ces enseignes proposent une offre très limitée et ponctuelle de meubles et, en tout état de cause, ont une activité très différente de celle des parties. S’agissant des enseignes non encore présentes dans les DROM telles qu’Ikea, rien n’indique qu’elles souhaiteraient s’y développer. Ainsi, les franchisés But et Conforama situés dans les DROM perdront leur alternative la plus proche. Or, un changement vers une des enseignes mises en avant par la partie notifiante apparaît très peu probable, dans la mesure où cela impliquerait de réorienter l’activité du point de vente, ce qui serait coûteux et nécessiterait pour le franchisé de développer un nouveau savoir-faire.

155. Deuxièmement, même si certaines relations contractuelles sont anciennes, rien n’exclut une renégociation de la redevance à l’échéance des contrats, la nouvelle entité ayant la capacité à mettre en œuvre une telle renégociation en tant que seul groupe franchiseur de produits d’ameublement dans les DROM. De plus, l’ancienneté de la relation contractuelle des franchisés n’est confirmée que pour certains contrats de franchise sous enseigne.

156. Enfin, même si la partie notifiante a également précisé qu’à court terme, les magasins cibles conserveront, après l’opération, l’enseigne « Conforama », il ne peut être exclu qu’un changement d’enseigne intervienne75.

157. Par conséquent, l’Autorité considère qu’en raison de l’absence d’alternative crédible au sein des DROM, le pouvoir de marché de la nouvelle entité sera renforcé à l’issue de l’opération. Il existe donc un risque de dégradation des conditions contractuelles des franchisés de But et Conforama situés dans les DROM.

C. MARCHÉS DES PRODUITS D’AMEUBLEMENT

1. MARCHÉS AMONT

a) Présentation des parts de marché

158. Dans le cadre de l’analyse des effets de l'opération Tejo/Roller sur les marchés d’approvisionnement pertinents, la Commission a intégré le chiffre d'affaires réalisé par Conforama France dans le chiffre d’affaires réalisé par XXXLutz Group. Le marché sur lequel la part de marché de la nouvelle entité serait la plus élevée est celui de l’approvisionnement en meubles à bas prix et prêts à monter vendus par les détaillants de meubles discount au sein de l’Espace économique européen. Sur cet éventuel marché, la part d’achat de la nouvelle entité s’élève à [20-30] % (à l’exclusion d’Ikea)76.

159. S’agissant du marché amont national de l’approvisionnement en produits de literie, la partie notifiante estime que la part de marché cumulée des parties au niveau national est d’environ [30-40] %77.

b) Présentation du risque de dépendance économique des fournisseurs

Rappel de la pratique décisionnelle relative à la dépendance économique

160. Selon la pratique décisionnelle des autorités de concurrence, le risque de dépendance économique s’apprécie notamment au regard de la part que représente un débouché dans l’ensemble des ventes du fournisseur. Les autorités de concurrence considèrent qu’il existe un « seuil de menace » au-delà duquel la survie du fabricant peut être remise en cause, la disparition de ce débouché plaçant, à plus ou moins brève échéance, le fournisseur dans une situation financière difficile, pouvant parfois conduire à une faillite. Le niveau de ce seuil n’est pas fixe et dépend d’un grand nombre de paramètres spécifiques selon les secteurs concernés, tels que la structure et la situation financière des entreprises ou encore l’existence et le coût d’éventuelles solutions alternatives78.

161. À l’occasion de l’examen de nombreuses opérations de concentration dans le secteur de la grande distribution à dominante alimentaire, ce seuil a été fixé à 22 % en référence au seuil identifié par la Commission européenne dans la décision de 1999 Rewe/Meinl79.

162. Comme l’a relevé le Conseil de la concurrence dans son avis de 199780, dans l'hypothèse où une opération de concentration aurait pour conséquence de placer en situation de dépendance économique, à l'égard de la nouvelle entreprise issue de la concentration, un seul fournisseur ou un petit nombre d’entre eux, cette circonstance serait à elle seule insuffisante pour justifier une interdiction ou une remise en cause de l'opération. L’appréhension des cas individuels d’abus de dépendance économique peut d’ailleurs relever de la compétence de l’Autorité de la concurrence statuant au contentieux. Par ailleurs, certaines pratiques abusives peuvent relever de la compétence des juridictions commerciales, au titre des règles relatives aux pratiques commerciales restrictives, et en particulier de l’article L. 442-1 du code de commerce, qui permet de sanctionner les pratiques créant, pour un cocontractant, un déséquilibre significatif dans les relations contractuelles.

163. De plus, comme le précisent les lignes directrices de l’Autorité relatives au contrôle des concentrations, « [e]n elle-même, la dépendance économique ne constitue cependant une atteinte à la concurrence que si elle a un effet sur la concurrence sur un marché et, finalement, sur le surplus du consommateur, et non simplement sur un ou plusieurs fournisseurs. L’objectif d’une autorité de concurrence n’est en effet pas de protéger une entreprise en tant que telle, qu’elle soit concurrente, cliente ou fournisseur. »81 Il en résulte qu’une opération de concentration est de nature à porter atteinte à la concurrence uniquement si la création ou le renforcement d’un état de dépendance économique des fournisseurs des parties à l’opération risque d’affecter la structure ou le fonctionnement de la concurrence sur les marchés concernés, amont et aval.

164. À l’occasion de la décision du 26 mai 2020 Vindémia/GBH82, l’Autorité a retenu l’existence d’un risque de dépendance économique des fournisseurs de la nouvelle entité car, outre le nombre important de fournisseurs placés en situation de dépendance économique (environ une centaine dont une vingtaine pour lesquels l’opération entraînait un franchissement du seuil de menace), « la situation géographique du territoire de la Réunion et la dimension locale de ce marché, […] limitent par ailleurs la recherche de nouveaux débouchés pour les fournisseurs locaux ».

Analyse du risque de dépendance économique

165. Afin de déterminer si l’opération a pour effet de placer des opérateurs en situation de dépendance économique vis-à-vis de la nouvelle entité, l’Autorité a interrogé l’ensemble des fournisseurs communs des parties, actifs sur les marchés amont concernés par l’opération.

Remarques préliminaires sur le seuil de dépendance économique retenu

166. Il convient de souligner que le seuil de menace de 22 % identifié par la Commission européenne dans la décision de 1999 Rewe/Meinl83, et repris par la décision Vindémia/GBH84, concernait le secteur de la distribution alimentaire.

167. En l’absence d’éléments permettant de définir ce seuil de manière précise dans les secteurs concernés par l’opération, l’Autorité s’est référée au taux de 22 % qu’elle a légèrement abaissé à 20 %.

Les fournisseurs en produits d’ameublement (hors literie)

Sur le nombre de fournisseurs en dépendance économique

168. Sur la base des réponses aux tests de marché, l’Autorité a identifié huit fournisseurs, sur plus d’une quarantaine de fournisseurs d’ameublement en commun interrogés (hors literie), qui réaliseront plus de 20 % de leur chiffre d’affaires individuel auprès de la nouvelle entité. Le nombre de fournisseurs communs qui pourraient être en situation de dépendance économique à l’issue de l’opération restera ainsi modéré au regard du nombre de fournisseurs des parties, puisqu’ils représentent moins de 20 % de l’ensemble des fournisseurs en commun85.

169. Parmi ces huit fournisseurs, cinq étaient déjà en état de dépendance économique à l’égard d’au moins une des parties à l’opération. Par ailleurs, pour la moitié d’entre eux, la part de chiffre d’affaires réalisée auprès de la nouvelle entité demeurera modérée (inférieure à     30 %). Pour les huit fournisseurs concernés, le pourcentage de chiffre d’affaires réalisé avec la nouvelle entité est compris entre [20-30] % et [50-60] %, les incréments étant compris entre 10 et 20 points.

Sur la structure ou le fonctionnement de la concurrence sur le marché amont des produits d’ameublement

170. Dans la décision Tejo/Roller du 30 novembre 202086 qui porte sur le marché amont de l’approvisionnement en produits d’ameublement, la Commission a exclu les risques de dépendance économique dans son analyse, en considérant qu’il existe des alternatives à la nouvelle entité.

171. En l’espèce, l’Autorité considère également qu’il existe des alternatives à la nouvelle entité sur les différents marchés amont de l’approvisionnement en produits d’ameublement (hors literie), en raison de la dimension européenne de ces marchés, qui a été confirmée par les répondants aux tests de marché interrogés dans le cadre de la présente opération.

172. La majorité des principaux fournisseurs des parties interrogés est en effet active sur l’ensemble du territoire européen. Cette majorité dispose de clients dans plusieurs États- membres et ses sites de production peuvent se situer hors de France, en général, au sein de l’Union européenne (pays d’Europe de l’Est notamment). De plus, la majorité des fournisseurs considère que la marque n’est pas un critère important pour les produits d’ameublement, hormis les produits de literie.

173. Par ailleurs, même s’il peut exister des disparités de styles et de standards et si le succès des produits peut varier d’un marché national à l’autre, il apparaît que les fournisseurs sont en mesure de s’adapter à ces différences. Ainsi, selon PGS Sofa, fabricant de meubles rembourrés, « un acteur performant à l’échelle continentale doit être capable d’adapter sa création et ses standards » en fonction des goûts et des standards nationaux87. Finori, fabricant de meubles en kit, précise quant à lui, que « les principaux acteurs se sont structurés pour apporter des solutions adaptées aux différents marchés, tout en maîtrisant la logistique »88.

174. Les fournisseurs de produits d’ameublement disposeront ainsi de débouchés alternatifs à la nouvelle entité.

175. Par conséquent, compte tenu du nombre limité de fournisseurs qui seraient éventuellement placés en situation de dépendance économique à l’issue de l’opération, l’opération ne portera pas atteinte à la structure de la concurrence sur les marchés amont de l’approvisionnement en produits d’ameublement. Par ailleurs, les fournisseurs continueront de bénéficier de de débouchés à l’échelle européenne. Ainsi, tout risque d’atteinte à la concurrence sur le marché amont des produits d’ameublement, hors produits de literie, peut être écarté.

Les fournisseurs de produits de literie

Sur le nombre de fournisseurs en dépendance économique

176. Sur la base des réponses aux tests de marché, l’Autorité a identifié sept fournisseurs de produits de literie, sur une dizaine de fournisseurs communs interrogés actifs dans ce secteur, soit plus […] des fournisseurs des parties, qui réaliseront plus de 20 % de leur chiffre d’affaires individuel auprès de la nouvelle entité89, ce pourcentage étant compris entre [20- 30] % et [70-80]%. La totalité de ces fournisseurs était déjà en état de dépendance économique à l’égard de Mobilux, les incréments étant compris entre [0-5] et [10-20] points.

177. Sur les sept fournisseurs concernés, le taux de dépendance économique identifié est supérieur à 40 % pour cinq d’entre eux. Il convient de noter que la partie notifiante considère que les chiffres d’affaires pris en compte pour calculer les taux de dépendance économique ne devraient pas tenir compte des chiffres d’affaires réalisés avec Poco et XXXLutz dans l’hypothèse où le marché amont des produits de literie serait de dimension nationale. Toutefois, le calcul du taux de dépendance économique est indépendant des délimitations exactes des marchés pertinents. En effet, l’intérêt de ce calcul est de connaître le pourcentage du chiffre d’affaires réalisé par un fournisseur avec la nouvelle entité de manière globale. La prise en compte du marché pertinent intervient uniquement dans un deuxième temps afin de mesurer l’existence d’alternatives à la nouvelle entité pour les fournisseurs franchissant le seuil d’alerte.

Sur la structure ou le fonctionnement de la concurrence sur le marché amont des produits de literie

178. Comme indiqué aux paragraphes 91 et suivants, le secteur de la literie présente certaines spécificités au sein des produits d’ameublement. En effet, des facteurs comme les coûts de transport, l’existence de marques ayant une notoriété uniquement en France, et non dans les autres pays, ou encore les attentes différentes des consommateurs selon leur nationalité (notamment en termes de dimension de la literie) confèrent à ce marché une dimension nationale et rendent difficiles et coûteuses les possibilités pour les fabricants de produits de literie d’exporter leurs produits hors de France. Un fabricant de literie citant une étude Xerfi France intitulée La Fabrication de matelas et sommiers a ainsi précisé que « plus de 90 % du chiffre d’affaires de l’industrie française est réalisé en France »90. Ce même fabricant a souligné les différents obstacles à la commercialisation de ces produits à l’export : « Les obstacles sont […] liés aux investissements nécessaires pour s’implanter dans de nouveaux états européens, qui sont de deux ordres :

- les investissements liés à la logistique, dès lors que les produits de literie sont des produits très volumineux ;

- les investissements nécessaires pour la promotion de la marque : les dépenses marketing liées à l’implantation sur un nouveau territoire sont donc élevées »91.

179. Dans le même sens, Cofel a indiqué que « Malgré notre taille (nous sommes le leader de la literie en France) et notre volonté d’exporter en Europe et ailleurs, il est très difficile pour nous de le faire. Les raisons : nos coûts de production élevés et nos marques qui sont des marques nationales (Epeda, Bultex, Merinos). Du coté de nos clients c’est la même chose : en dehors de Lutz, nos clients sont tous, soit français, soit ils agissent de manière nationale et dans certains cas locale. »92 Or au niveau national, les débouchés pour les fabricants de literie, en dehors de la nouvelle entité, qui sera le principal distributeur de produits de literie en France, sont particulièrement limités. En effet, le groupe Ikea, principal concurrent des parties en matière de distribution de literie, dispose de son propre réseau d’approvisionnement et ne saurait ainsi constituer un débouché alternatif pour les fabricants de literie. L’un des acteurs a d’ailleurs indiqué qu’« [il] ne peut pas se développer de manière significative chez d’autres clients car ils sont soit trop petits, soit ils ont un modèle économique non compatible. Ikea par exemple, est n° 3 de la distribution de literie loin derrière But et Conforama et importe 100 % de Pologne ou du Portugal et ils vendent leur marque propre »93. Un autre fabricant de produits de literie a précisé que, même à supposer qu’Ikea réoriente sa stratégie vers des achats en France, il ne constituerait pas un débouché significatif en termes de valeur, compte tenu de sa stratégie de distribuer uniquement des marques propres : « Dans tous les cas, Ikea ne distribuerait pas les marques des fabricants : même si Ikea devenait un débouché alternatif, ce débouché pourrait être significatif en volume, mais pas en valeur. »94

180. Les spécialistes de la literie ont d’ailleurs fait part de la crainte des effets de l’opération sur leur activité dans leurs réponses au test de marché. En effet, selon ces acteurs, l’opération est plus susceptible d’affecter le secteur de la literie que d’autres produits d’ameublement, en raison notamment de la position de « leader » que détiennent tant But que Conforama sur les produits de literie et de la spécialisation de leur activité95.

181. Les fournisseurs en produits de literie réalisant plus de 20 % de leur chiffre d’affaires avec la nouvelle entité ne disposeront, ainsi, que d’alternatives très limitées à la nouvelle entité, dont aucune ne présente des volumes d’achat comparables à ceux de But ou de Conforama préalablement à l’opération. Une telle situation aurait des effets substantiels sur la structure concurrentielle du marché amont de l’approvisionnement en produits de literie, dans la mesure où elle concerne un grand nombre de fournisseurs.

182. Par conséquent, il existe un risque d’atteinte à la concurrence par le biais de la création ou du renforcement de la puissance d’achat de l’acquéreur sur le marché amont de l’approvisionnement en produits de literie en raison des parts de marché élevées de la nouvelle entité, qui deviendra le principal acheteur de produits de literie en France, de l’absence d’alternatives crédibles pour les fournisseurs et des caractéristiques nationales propres à ce marché.

2.  MARCHÉS AVAL

183. Afin d’apprécier si une opération est susceptible de porter atteinte à la concurrence sur un marché, les lignes directrices de l’Autorité précisent que (i) les parts de marché de la nouvelle entité et de ses concurrents et (ii) le degré de concentration du marché constituent un premier indicateur du pouvoir de marché de la nouvelle entité. Ces deux critères sont appréciés au cas par cas par l’Autorité en fonction des caractéristiques des acteurs présents et produits offerts sur les marchés analysés, ainsi que des modalités de fonctionnement de ces marchés.

a) Parts de marché

Méthodologie de calcul des parts de marché

Ouverture de nouveaux magasins

184. L’analyse menée étant prospective en matière de contrôle des concentrations, les points de vente en cours d’ouverture et ceux que les parties projettent d’ouvrir à court et moyen terme ont été pris en compte dans l’analyse.

Inclusion des ventes en ligne

Rappel de la pratique décisionnelle

185. Comme indiqué aux points Erreur ! Source du renvoi introuvable. et suivants de la présente décision, les ventes en ligne de produits d’ameublement exercent une véritable pression concurrentielle sur les ventes en magasin et appartiennent ainsi au même marché. Le paragraphe 841 des lignes directrices de l’Autorité relatives au contrôle des concentrations précise la méthode de calcul lorsqu’un marché unique est retenu : « Lorsque l’Autorité considère que les ventes en magasin et les ventes en ligne appartiennent au même marché, les parts de marché des opérateurs disposant de magasins et effectuant des ventes en ligne sont calculées en prenant en compte les ventes en magasin et les ventes sur internet.

Dans le cadre des trois précédents précités, l’Autorité a attribué à chaque opérateur effectuant des ventes en ligne un chiffre d’affaires des ventes en ligne au prorata de ses parts de marché en vente en ligne au niveau national, y compris pour les acteurs spécialisés dans la vente en ligne. Cette méthodologie repose sur l’hypothèse selon laquelle la pression concurrentielle exercée par les ventes en ligne est homogène dans l’ensemble des zones de chalandise concernées. »

Position de la partie notifiante

186. La partie notifiante considère que les ventes en ligne de meubles peuvent être estimées à [20-30] % du total des ventes de meubles en France (hors meubles de salle de bain et hors meubles de jardin, catégories peu distribuées par les parties). Ce résultat est obtenu sur la base des hypothèses détaillées ci-après.

187. Premièrement, il y a lieu, selon la partie notifiante, de retenir des parts de vente en ligne différenciées, selon la catégorie de meubles, pour tenir compte du fait que certaines d’entre elles telles que les cuisines, les salles de bain et les dressings, sont moins fréquemment achetées en ligne par les consommateurs. À cet effet, la partie notifiante propose de retenir la répartition des ventes en ligne de But et Conforama entre les différentes catégories de meubles comme base de répartition de l’ensemble des ventes en ligne au niveau national.

188. Deuxièmement, la partie notifiante retient que les différents canaux de distribution, tels que les spécialistes, l’ameublement milieu et haut de gamme et les autres circuits, ont une part de vente en ligne similaire à celle de la grande distribution d’ameublement. Cette part de ventes en ligne est estimée à [20-30] % par la partie notifiante à partir des données des enseignes IKEA, But, Conforama, Maisons du Monde et Alinea pour l’année fiscale 2021.

189. Troisièmement, la partie notifiante considère que les ventes en ligne des GSB sont nettement inférieures et estimées à [0-5] %, notamment du fait de leur positionnement sur des catégories de meubles telles que les cuisines, les salles de bain et les dressings, segments sur lesquels les ventes en ligne seraient moins répandues.

190. Quatrièmement, les acteurs tout en ligne (ou « pure players ») représenteraient [5-10] % du marché des ventes de meubles en France, conformément à l’estimation de l’IPEA pour l’année 202096.

191. Sur la base de ces considérations, la partie notifiante a estimé que les ventes en ligne pouvaient s’élever à [30-40]% de l’ensemble des ventes de meubles et a proposé la répartition suivante, fondée sur la répartition des ventes en ligne des enseignes But et Conforama :

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Appréciation au cas d’espèce

Sur la répartition des ventes en ligne entre les différentes catégories de meubles

193. S’agissant de la répartition des ventes en ligne globales entre les différentes catégories de meubles, la partie notifiante a proposé de retenir une répartition fondée sur celle des enseignes But et Conforama. Cependant, la répartition des ventes en ligne de ces deux enseignes est fortement liée à leur stratégie commerciale. En effet, le fait qu’une catégorie de produits soit peu vendue en ligne par ces enseignes peut refléter le fait que cette catégorie de produits représente une part faible de leur chiffre d’affaires plutôt qu’une quelconque difficulté à vendre cette catégorie de produits en ligne. Le tableau suivant97 présente la répartition des ventes de But et de Conforama par catégorie de meubles et permet de constater que certaines de ces catégories (e.g., les meubles de cuisine ou les meubles de salle de bain) sont sous représentées dans le chiffre d’affaires global des enseignes, ce qui pourrait avoir pour effet de biaiser la répartition des ventes en ligne si celle-ci se fondait uniquement sur des données des parties.

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194. La parte notifiante n’a transmis aucune autre donnée ou méthode susceptible de permettre de répartir les ventes en ligne entre les différentes catégories de meubles. En l’absence de tels éléments, les estimations de parts de vente en ligne réalisées ci-après retiennent une part de vente en ligne unique, appliquée à l’ensemble des catégories de meubles. Retenir une telle part unique permet de tenir compte de la pression concurrentielle exercée par les ventes en ligne, même en l’absence de données détaillées sur la répartition de ces ventes entre les différentes catégories de meubles.

Sur le niveau des ventes en ligne retenu pour les acteurs tout en ligne

195. S’agissant tout d’abord de la part de marché retenue pour les acteurs tout en ligne, les estimations IPEA, soit 8,1 % pour l’année 2020. Ce chiffre est légèrement en deçà des estimations réalisées dans le rapport McKinsey 2019 qui projetait des ventes des acteurs tout en ligne atteignant [5-10] % du marché en 2023. Néanmoins, aucune de ces deux estimation ne tient pleinement compte de l’effet de la crise de la Covid-19, quand bien même il peut être attendu que cet effet a été moins important sur les ventes des acteurs tout en ligne que sur les ventes en ligne des enseignes détenant des points de vente physiques qui ont bénéficié d’un recours très important aux ventes à distance et au retrait en magasins (ou « click & collect ») lors de la crise sanitaire.

196. Pour ces raisons, l’Autorité retient que les acteurs tout en ligne pourraient représenter une part pouvant aller jusqu’à 10 % des ventes de chaque catégorie de meuble dans les deux à trois prochaines années.

Sur le niveau des ventes en ligne retenu pour les acteurs détenant des points de vente physiques

197. S’agissant des enseignes détenant des points de vente physiques, le rapport McKinsey 2019 transmis par la partie notifiante estime leur part des ventes en ligne à environ [10-15] % du total des ventes de meubles. Néanmoins, et comme relevé ci-avant, la crise de la Covid-19 est susceptible d’avoir eu une incidence sur ce chiffre, principalement du fait des périodes marquées par des restrictions liées à la crise sanitaire (confinements, couvre-feux, fermeture des commerces non essentiels, etc.). Les données transmises par les parties montrent ainsi par exemple qu’au cours de la période allant du 1er septembre 2020 au 31 août 2021, l’enseigne IKEA, dont les magasins ont fermé quatre mois et demi, a plus que doublé ses ventes en ligne par rapport à l’année précédente (35 % contre 15,4 % pour l’année précédente, année également partiellement marquée par la crise de la Covid-19) tout en enregistrant une hausse de 4 % de son chiffre d’affaires total. Pour l’année 2019, soit l’année précédant la crise sanitaire, les ventes en ligne de l’enseigne IKEA ne représentaient qu’environ 10 % de son chiffre d’affaires.

198. Les consommateurs sont certes susceptibles d’avoir intégré durablement la facilité offerte par les ventes en ligne des magasins physiques et d’y avoir davantage recours dans le futur, même en dehors des périodes marquées par des restrictions liées à la récente crise sanitaire ou tout autre évènement. Les résultats du sondage, mené durant la crise sanitaire, ont ainsi montré qu’en cas d’augmentation de prix de 10 % dans les magasins physiques des parties et d’IKEA, de très nombreux consommateurs choisiraient d’avoir recours à des sites de vente en ligne d’enseignes disposant de magasins physiques tels que but.fr, conforama.fr ou ikea.fr.

199. Néanmoins, l’estimation de la part des ventes en ligne des magasins généralistes et spécialistes présentée par les parties ([20-30]%) est surestimée. D’une part, cette estimation prend en compte, dans le calcul de la moyenne de la part des ventes de la grande distribution d’ameublement, des chiffres reflétant les ventes en ligne réalisées lors de l’année fiscale 2021, soit une année particulièrement marquée par la crise de la Covid-19 qui a mené à des fermetures de commerces non essentiels pendant près d’un tiers de l’année. Or, d’une manière générale et tous produits de consommation confondus, les observations disponibles ne permettent pas aujourd’hui de conclure que la crise de la Covid-19 a conduit à une inflexion durable de la vente en ligne, même si ce scénario ne peut être exclu. Dans le cas d’espèce, l’exemple de l’enseigne IKEA cité ci-dessus montre ainsi que la part de vente en ligne de l’enseigne a été multipliée par environ trois et demi entre l’année 2019, année précédant la crise de la Covid-19, et l’année 2021 retenue dans l’analyse des parties. Si, comme relevé ci-dessus, les consommateurs sont susceptibles d’avoir davantage recours à la vente en ligne à l’issue de la crise sanitaire, la réouverture des magasins physiques et l’amélioration de la situation sanitaire laissent néanmoins pressentir une légère décroissance des ventes en ligne. D’autre part, l’estimation des parties retient un niveau de vente en ligne équivalent pour les enseignes de grande distribution d’ameublement et pour les spécialistes. Or, les spécialistes sont particulièrement présents dans les catégories de meubles à projet, telles que les meubles de cuisines ou de salles de bain, segments sur lesquels les parties conviennent que les ventes en ligne sont moins répandues. Les résultats des tests de marché réalisés par les services d’instruction montrent d’ailleurs que la quasi-totalité des enseignes spécialisées indique détenir une part des ventes en ligne inférieure à 5 % voire, dans de nombreux cas, nulle alors même que ces acteurs devaient renseigner des chiffres de l’année 2020, soit une année particulièrement marquée par la crise de la Covid-19. Ainsi, la part des ventes en ligne des acteurs spécialisés est susceptible d’être comparable à celle des GSB, soit environ [0-5] %.

200. Compte tenu de la part de ventes en ligne retenue par les parties pour les enseignes généralistes ([20-30] %), de la correction de la part de ventes en ligne attribuée aux enseignes spécialistes [0-5] %), de la part des ventes en ligne des GSB ([0-5]%), l’Autorité estime qu’il convient de retenir, pour les enseignes disposant d’un point de vente physique, une part des ventes en ligne globale de [10-20] % du total des ventes du marché98.

Conclusion sur les ventes en ligne

201. En conclusion, l’Autorité retient des ventes en ligne à hauteur de [20-30] % des ventes de chaque catégorie de meubles en France. Ce niveau se répartit entre celles réalisées par les acteurs tout en ligne, estimées à [10-20]%, et celles réalisées par les enseignes détenant des points de vente physiques, estimées à [10-20] %.

Prise en compte des enseignes généralistes, des enseignes spécialistes et des GSB

202. Les parties sont simultanément actives sur les familles de produits d’ameublement suivantes : les meubles meublants, les meubles rembourrés, la literie et la cuisine. Hormis les GSS qui ont une offre de produits d’ameublement portant sur l’ensemble de ces familles de produits d’ameublement, les autres opérateurs actifs sur ce marché, c’est-à-dire, les enseignes généralistes, les GSB et les enseignes spécialistes, ne sont généralement présentes que sur certaines familles de produit. En effet, les enseignes généralistes ne sont, en général, pas présentes sur les cuisines. À ce sujet, un des opérateurs a indiqué : « dans le marché de produits d’ameublement, nous considérons que les familles cuisines, salles de bain et dressing, ne sont pas toujours traitées (ou traitées de façon très marginale) par les généralistes. »99

203. Dans ce contexte, pour chacun des quatre marchés identifiés, seuls les opérateurs proposant la famille de produits concernée ont été inclus dans l’analyse concurrentielle. Ainsi, les GSB ont été prises en compte uniquement sur le marché des produits de cuisine. À l’inverse, les enseignes généralistes n’ont pas été intégrées dans l’analyse de ce marché mais ont été prises en compte sur les trois autres marchés. Enfin, les enseignes spécialistes n’ont été prises en compte que sur la ou les familles de produits qu’elles proposent. Par exemple, certaines enseignes de literie proposent également des meubles rembourrés et certaines enseignes de cuisine proposent des meubles meublants. Dans ces cas-là, ces enseignes spécialistes ont été intégrées dans les différentes familles de produits concernées. Le tableau suivant résume les opérateurs retenus pour chaque famille de produits concernée sur laquelle les parties sont actives :

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204. Les parties sont simultanément actives sur les différents marchés de l’ameublement d’entrée et de milieu de gamme101. L’analyse doit ainsi inclure uniquement les concurrents actifs sur ces gammes de prix.

205. Les données transmises par la partie notifiante102 ont servi de base pour les calculs de parts de marché. Toutefois, certaines enseignes ont été retirées, dans la mesure où elles proposent des produits de haut et de très haut de gamme.

206. S’agissant des GSS et des enseignes généralistes, la partie notifiante a établi une distinction entre les enseignes d’entrée et de milieu de gamme et les enseignes haut de gamme. L’Autorité partage le point de vue de la partie notifiante quant au classement de ces différentes enseignes, à l’exception de l’enseigne Habitat, dont la partie notifiante considère qu’elle relève de la catégorie d’entrée et de milieu de gamme, alors que l’instruction établit qu’elle relève plutôt du haut de gamme. En effet, le groupe Cafom qui détenait l’enseigne Habitat a estimé que cette enseigne avait un positionnement de milieu/haut de gamme103. Les répondants au second test de marché ont également estimé que son positionnement était plus orienté vers le haut de gamme que le milieu de gamme. L’enseigne Habitat a ainsi été exclue des enseignes proposant des produits d’entrée et de milieu de gamme.

207. S’agissant des enseignes spécialistes, la partie notifiante n’a en revanche pas procédé à une distinction selon la gamme de prix. Il ressort de l’instruction que les enseignes spécialistes sont en général positionnées sur des gammes de prix supérieures à celles des produits proposés par les GSS et les généralistes. À l’occasion du second test de marché, les services d’instruction ont donc interrogé les principales enseignes de l’ameublement, non seulement sur leur positionnement en termes de gamme de prix, mais également sur le positionnement de leurs concurrents. Ces informations ont permis d’établir le positionnement des principaux opérateurs sur les marchés concernés et d’exclure, aux fins de la présente analyse, les spécialistes opérant sur le haut de gamme et le luxe.

Présentation des parts de marché

Au niveau national

208. Comme indiqué précédemment, les parts de marché de la nouvelle entité présentées ci- dessous ont été calculées en prenant en compte les ventes en ligne. Les hypothèses de vente en ligne retenues sont de [10-20] % pour les acteurs tout en ligne et de [10-20] % pour les enseignes ayant des points de vente physiques, soit un total de [20-30] % pour l’ensemble des ventes en ligne. Pour le calcul de la part de marché des parties104, les chiffres communiqués par la partie notifiante ont été retenus, en l’occurrence un taux de pénétration de [10-20] % pour Conforama et de [5-10] % pour But. Les ventes en ligne des parties sont ensuite déduites de la part des ventes en ligne assignée aux enseignes disposant de points de vente physiques et le reliquat est attribué aux concurrents des parties.

209. Selon les différentes familles de produits d’entrée et de moyenne gamme sur lesquelles les parties sont actives, les parts de marché 2020 de la nouvelle entité sont les suivantes :

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210. Sur le marché des meubles meublants, la part de marché de la nouvelle entité est de [20-  30] %, le principal acteur sur ce marché, Ikea ayant une part de marché de [10-20] %.

211. Sur le marché des meubles de cuisine, la part de marché de la nouvelle entité est de [10-  20] %, les principaux acteurs étant Ikea (avec une part de marché de [10-20] %), Cuisinella ([10-20] %), Ixina ([10-20] %) et SoCoo’c ([5-10] %).

212. Sur les meubles rembourrés, la nouvelle entité est également leader. Sa part de marché est de [20-30] %, les principaux acteurs étant PoltroneSofa ([10-20] %), Maisons du Monde (([5- 10] %) et Cuir Center (([5-10] %).

213. Sur la literie, la part de marché de la nouvelle entité est de [40-50] %. Il en ressort que la nouvelle entité deviendra le premier distributeur de produits de literie d’entrée et de moyenne gamme sur le territoire national, loin devant ses concurrents, puisque l’ensemble des concurrents ayant des points de vente physiques représentent [40-50] % du marché et les acteurs tout en ligne ([10-20] %. Les concurrents détenant les parts de marché les plus importantes, après la nouvelle entité, sont Ikea (avec une part de marché de ([10-20] %), Le Roi du Matelas (([5-10] %) et LitriMarché ([0-5] %).

214. Au niveau national, la nouvelle entité sera ainsi le principal opérateur en matière de meubles meublants, de meubles rembourrés et de literie.

Au niveau local

Méthode d’analyse des zones de chalandise

215. Conformément à la possibilité évoquée au paragraphe 833 des lignes directrices, les points de vente concurrents et ceux des parties situés en bordure extérieure immédiate de zone ont été intégrés dans l’analyse concurrentielle afin d’éviter les effets de seuil. Ainsi, les points de vente situés jusqu’à 5 minutes en voiture de la bordure extérieure de zones ont été pris en compte dans le calcul des parts de marché.

Filtre quantitatif : parts de marché ou nombre de concurrents

216. Les lignes directrices de l’Autorité105 précisent que « [l]’existence de parts de marché d’une grande ampleur est un élément important dans l’appréciation du pouvoir de marché d’une entreprise. Des parts de marché post-opération élevées, de l’ordre de 50 % et plus, peuvent faire présumer l’existence d’un pouvoir de marché important. ». Le seuil de parts de marché de 50 % en-dessous duquel on ne présume pas l’existence d’un pouvoir de marché important est toutefois indicatif et ne saurait conduire à exclure par principe tout problème de concurrence, dès lors qu’il doit être adapté en fonction de la structure concurrentielle de chaque marché concerné.

217. Les mêmes lignes directrices disposent que « [l]orsque la part de marché de la nouvelle entité est inférieure à 25 %, il est présumé que l’opération ne porte pas atteinte à la concurrence par le biais d’effets unilatéraux. »106

218. Compte tenu de ces éléments, l’Autorité a, en l’espèce, identifié les situations locales susceptibles de poser des problèmes concurrentiels de la manière suivante.

219. Lorsque la part de marché de la nouvelle entité est inférieure à 25 %, tout risque d’atteinte à la concurrence a été écarté, sans qu’une analyse concurrentielle plus détaillée ait été menée, aucune circonstance particulière ne la rendant nécessaire (filtre n° 1).

220. Lorsque la part de marché de la nouvelle entité est comprise entre 25 % et 50 %, le risque d’atteinte à la concurrence peut également être écarté, lorsque la nouvelle entité fera face à la concurrence d’au moins deux acteurs de dimension nationale ou régionale. Par ailleurs, l’Autorité a également tenu compte, lorsque les circonstances le justifiaient, des caractéristiques des magasins implantés dans et à proximité de la zone de chalandise de chaque magasin, en retenant par exemple la présence de points de vente indépendants ou appartenant à des groupes locaux (filtre n° 2).

221. Enfin, lorsque la part de marché de la nouvelle entité est supérieure à 50 %, l’existence d’un pouvoir de marché important a été présumée. Une analyse plus détaillée de la structure concurrentielle a donc été menée, sous la forme d’un filtrage qualitatif détaillé ci-dessous.

Filtre qualitatif : prise en compte des points de vente Ikea hors des zones de chalandise

Position de la partie notifiante

222. La partie notifiante soutient que la pression concurrentielle des magasins Ikea, situés hors des zones locales mais à moins d’une heure quinze du point de vente sur lequel l’analyse est centrée, devrait être prise en compte, car ces magasins disposeraient spécifiquement d’une zone d’influence importante, cette influence ayant été confirmée par les réponses aux tests de marché. Elle indique notamment que le temps de trajet moyen pour se rendre dans un magasin Ikea serait d’environ 68 minutes, en se fondant sur le test de marché réalisé par l’Autorité auprès des concurrents des parties.

Application au cas d’espèce

223. Les magasins Ikea disposent effectivement d’une influence plus large que les autres acteurs actifs sur ce marché. Il ressort en effet des réponses au deuxième test de marché que la grande majorité des acteurs ayant répondu (75 %) considère que le temps de trajet pour aller dans un magasin Ikea diffère de celui des autres magasins. Il est plus élevé en raison de :

- la perception que le consommateur peut avoir d’Ikea : concept unique (tout sous le même toit, design accessible) ;

- les prix bas ;

- la très grande offre sur l’ensemble des catégories de produits ;

- la disponibilité immédiate des produits ;

- le maillage territorial moins dense (portée départementale/régionale des magasins Ikea).

224. Par exemple, La Redoute (Galeries Lafayette) indique « [l]es consommateurs sont prêts à se déplacer plus loin pour aller voir un magasin Ikea (j’avais lu dans une étude qu’ils étaient prêts à faire jusqu’à 2 heures de voiture). C’est le caractère unique de l’offre d’Ikea qui amène le consommateur à considérer ce type de durée de trajet. »107

225. Par ailleurs, l’audition des représentants d’Ikea est venue confirmer ce constat. Selon eux,

« le concept d’IKEA consiste à concevoir des magasins suffisamment grands afin de montrer toute la largeur et profondeur de gamme. L’assortiment de produits proposés aux consommateurs est très large. Les magasins IKEA incluent également une zone d’exposition et de conseil, et un espace de libre-service. Ce sont donc des magasins de grande taille avec un dépôt intégré qui permet de disposer de l’ensemble du stock pour l’achat immédiat et la livraison. »108 Dans ce contexte, Ikea dispose d’une politique d’implantation de ses points de vente différente des autres enseignes d’ameublement. En effet, Ikea indique que [éléments stratégiques liés à l’implantation des magasins] « les magasins d’IKEA nécessitent des emplacements en périphérie des villes facilement accessibles en voiture depuis l’autoroute ou le périphérique. Ils sont implantés aux abords de grandes villes françaises. En effet, les villes moyennes situées en zone secondaire permettent dans une moindre mesure d’attirer suffisamment de consommateurs par rapport à la taille des magasins. En zone secondaire de type Amiens ou Limoges, IKEA n’est donc pas présent. »109

226. Si les éléments recueillis au cours de l’instruction montrent que les magasins Ikea disposent effectivement d’une zone d’influence plus étendue que celles des autres acteurs proposant des produits d’ameublements, cette dernière ne saurait être étendue au-delà d’une heure. À ce sujet, les représentants d’Ikea ont indiqué au cours de leur audition que « [p]our l’implantation d’un de ses magasins, IKEA regarde en général le nombre de foyers qui vivent à 60 minutes en voiture autour de la zone concernée et effectue des études de pouvoir d’achat afin d’estimer le chiffre d’affaires attendu du futur magasin. »110 Par ailleurs, il ressort du sondage réalisé par les parties, auprès de leurs clientèles, que celles-ci n’envisagent pas d’effectuer un trajet de plus de 60 minutes, depuis leur domicile, pour se rendre dans un magasin Ikea111. Ceci est vrai pour toutes les catégories de meubles.

227. Par conséquent, une analyse qualitative a été menée en tenant compte de la présence des points de vente Ikea situés jusqu’à une heure de route des magasins cibles.

Présentation des zones locales

228. En l’espèce, l’analyse a été effectuée sur 162 zones définies autour des points de vente Conforama et dans lesquelles figure un point de vente But et sur chacune des familles de produits concernées par l’opération, à savoir : les meubles meublants, les meubles rembourrés, la literie et les meubles de cuisine. Les activités des parties se chevauchent sur l’ensemble de ces zones. L’ensemble des parts de marché de la nouvelle entité présentées ci- après a été calculé, conformément à la méthodologie indiquée aux paragraphes 184 et suivants.

229. À titre préliminaire, les risques d’atteinte à la concurrence ont été écartés sur l’ensemble des zones locales s’agissant des cuisines.

230. En effet, s’agissant des meubles de cuisine, la part de marché de la nouvelle entité est systématiquement inférieure à 25 % sur l’ensemble des zones locales concernées.

231. Par conséquent, l’analyse détaillée se concentre sur les trois principales familles de produits impactées par l’opération : les meubles meublants, les meubles rembourrés et la literie.

Zones locales non problématiques (filtre n° 1)

232. Il ressort de l’analyse des zones locales que, dans 4 zones, la nouvelle entité aura une part de marché systématiquement inférieure à 25 % sur chacune des familles de produits concernées. Il s’agit des zones suivantes : Anglet (64), Colmar (68), Mont-Saint-Martin (54) et Saint-Égrève (38).

233. Par conséquent, tout risque d’atteinte à la concurrence dans ces zones peut être écarté.

Zones locales dans lesquelles la part de marché de la nouvelle entité est comprise entre   25 % et 50 % (filtre n° 2)

234. S’agissant des meubles meublants, dans 108 zones, la part de marché de la nouvelle entité sera comprise entre 25 % et 50 %.

235. Dans 106 de ces 108 zones, au moins deux concurrents nationaux sont présents. Par conséquent, tout risque d’atteinte à la concurrence dans ces zones peut être écarté.

236. S’agissant des 2 zones restantes, seule l’enseigne Maisons du Monde est présente au titre des grands concurrents nationaux à Bellignat (01) ainsi qu’à Verdun (55). Dans la zone de Bellignat néanmoins, il existe plusieurs concurrents locaux qui constituent une véritable alternative aux parties (Bellona, Karselen Meubles, Modam Meubles et Meubles Mailland). Par ailleurs, dans la zone de Verdun, aux côtés de Maisons du Monde, il existe un concurrent local, l’enseigne Meubles Miraucourt, à proximité immédiate des parties et disposant d’une surface de vente supérieure à 1 000 m².

237. Par conséquent, tout risque d'atteinte à la concurrence peut également être écarté dans les zones de Bellignat et Verdun.

238. S’agissant des meubles rembourrés, dans 74 zones, la part de marché de la nouvelle entité sera comprise entre 25 % et 50 %. Dans ces 74 zones, au moins deux concurrents nationaux sont présents. Par conséquent, tout risque d’atteinte à la concurrence peut être écarté dans ces 74 zones.

239. S’agissant de la literie, dans 112 zones, la part de marché de la nouvelle entité sera comprise entre 25 % et 50 %. Dans ces 112 zones, au moins deux concurrents nationaux sont présents. Par conséquent, tout risque d’atteinte à la concurrence peut être écarté dans ces 112 zones.

240. Au terme du deuxième filtre, il apparaît que les risques d’atteinte à la concurrence peuvent être écartés dans l’ensemble des zones sur lesquelles les parts de marché de la nouvelle entité seront comprises entre 25 % et 50 %.

Zones locales dans lesquelles la part de marché de la nouvelle entité est supérieure à 50 % (filtre n° 3)

Nombre total de zones dans lesquelles les parts de marché de la nouvelle entité seront supérieures à 50 %

241. Il ressort de l’analyse des zones locales que, dans 65 zones, la part de marché de la nouvelle entité sera supérieure à 50 % sur au moins une des familles de produits concernées.

242. S’agissant des meubles meublants, il ressort que, dans 44 zones, la part de marché de la nouvelle entité sera supérieure à 50 %.

243. S’agissant des meubles rembourrés, la part de marché de la nouvelle entité sera supérieure à 50 % dans 6 zones.

244. S’agissant de la literie, il ressort que, dans 46 zones, la part de marché de la nouvelle entité sera supérieure à 50 %.

245. Le détail des parts de marché est le suivant :

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246. Par ailleurs, les parts de marché de la nouvelle entité seront supérieures à 50 % sur les trois familles de produits concernées dans 6 zones et sur deux familles de produits concernées dans 19 zones. Ainsi, dans les 40 zones restantes, la nouvelle entité a une part de marché supérieure à 50 % sur une seule famille de produits d’ameublement : 19 zones pour les meubles meublants et 21 zones pour la literie.

247. Le tableau suivant résume les différents recoupements entre les zones locales :

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248. Dans 9 zones, un magasin Ikea se situe à moins d’une heure du point de vente cible. Ces zones sont les suivantes : Laon (02), Cusset (03), Charleville Mézières (08), Estancarbon (31), Saint-Paul-lès-Dax (40), Beauvais (60), Saint Omer (62), Orthez (64) et Dieppe (76). Dans ces zones, la présence d’Ikea, qui propose à des prix bas l’ensemble des familles de produits que les parties distribuent et dispose d’une importante profondeur de gamme, constitue une réelle alternative pour le consommateur dans les zones concernées (filtre n° 3). Outre ces points de vente Ikea, il existe toujours au moins deux grandes enseignes nationales dans ces zones (Monsieur Meubles, Maison du monde ou JSK).

249. Les risques d’atteinte à la concurrence dans ces 9 zones peuvent ainsi être écartés.

Autres zones

250. Le détail des parts de marché de la nouvelle entité ventilées entre 50 % et 100 % par famille de produits est le suivant pour les 56 zones restantes :

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251. Les parts de marché de la nouvelle entité seront supérieures à 50 % sur les trois familles de produits concernées dans 4 zones et sur deux familles de produits concernées dans 15 zones. Ainsi, dans 37 zones, la nouvelle entité a une part de marché supérieure à 50 % sur une seule famille de produits d’ameublement, à savoir : 16 zones qui concernent seulement les meubles meublants et 21 zones qui concernent seulement la literie.

252. Le tableau suivant résume les différents recoupements entre les zones locales :

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253. Lorsque les trois familles de produits sont impactées par l’opération, les parts de marché des 4 zones concernées sont les suivantes :

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254. Lorsque les deux familles de produits sont impactées par l’opération, les parts de marché des 15 zones concernées sont les suivantes :

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255. Le détail des parts de marché de la nouvelle entité ventilées entre 50 % et 100 % lorsqu’une seule famille de produits est impactée par l’opération est présenté dans le tableau suivant :

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256. Le détail des parts de marché pour les 9 zones dans lesquelles la part de marché de la nouvelle entité sera supérieure à 50 % sur le marché des meubles meublants est présenté dans le tableau suivant :

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257. Le détail des parts de marché pour les 21 zones dans lesquelles la part de marché de la nouvelle entité sera supérieure à 50 % sur le marché de la literie est présenté dans le tableau suivant :

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258. Au regard des parts de marché des parties ou du nombre de concurrents restant, et après avoir pris en compte la présence de points de vente Ikea situés à moins d’une heure de chacun des points de vente considéré, les services d’instruction considèrent que des risques d’atteinte à la concurrence ne peuvent être écartés sur le marché des meubles meublants dans 35 zones, sur le marché des meubles rembourrés  dans  4 zones  et  sur le marché de la literie dans  40 zones.

259. En éliminant les doublons, cela représente 56 zones qui sont considérées, à ce stade, comme susceptibles de conférer à la nouvelle entité un fort pouvoir de marché.

260. Les parts de marché constituant une première indication utile à la détermination du pouvoir de marché de la nouvelle entité, il convient dès lors d’examiner si d’autres facteurs peuvent avoir une incidence sur ce pouvoir de marché. Ainsi, la proximité concurrentielle des parties, ainsi que l’existence d’éventuelles barrières à l’entrée sur les marchés de la distribution au détail des meubles meublants, rembourrés et de literie, ont été examinées afin de déterminer les effets de l’opération dans ces zones.

b) Proximité concurrentielle

261. Les parties à l’opération sont caractérisées par une très grande proximité l’une par rapport à l’autre, illustrée par d’importants ratios de diversion entre leurs enseignes. Elles commercialisent des produits qui ont le même positionnement en termes de gamme. Par ailleurs, les différentes familles de produits proposées par les deux enseignes sont commercialisées dans les mêmes proportions et les points de vente des deux enseignes sont souvent situés à proximité immédiate. Les parties sont d’ailleurs les deux principales GSS de produits d’équipement de la maison et disposent d’un réseau de points de vente physiques beaucoup plus étendu que celui des GSS d’ameublement. En effet, But et Conforama disposent respectivement de 322 et 170 points de vente sur le territoire français, alors qu’Ikea, Fly et Alinéa disposent respectivement de 35, 12 et 13 points de vente.

Ratios de diversion

262. La proximité concurrentielle des enseignes But et Conforama peut aussi être appréciée au travers de l’analyse des ratios de diversion. Comme souligné par les lignes directrices de l’Autorité, il est possible de « quantifier le niveau de pression concurrentielle qu’exerce un produit vendu par l’une des parties à la fusion sur un produit vendu par une autre partie, en estimant le ratio de diversion du premier produit vers le second ». Plus ce ratio de diversion est élevé, plus la substituabilité entre les offres est forte et donc plus le risque d’effet unilatéral est important.

263. Au cas d’espèce, un sondage a été réalisé par la partie notifiante auprès des consommateurs de But et de Conforama ayant effectué un achat dans l’une des deux enseignes au cours des deux dernières années. Dans ce cadre, ces derniers ont été interrogés sur leur magasin de report en cas d’augmentation de prix de 5 à 10 % de l’une des deux enseignes, et ce pour chaque catégorie de produits (cuisine, salle de bain, literie, meubles meublants et meubles rembourrés). Les consommateurs sondés ont classé leur choix de report par ordre de préférence, dans une situation hypothétique où l’ensemble des enseignes était accessible aux consommateurs. Les sites internet des enseignes physiques (e.g. ikea.com) et des acteurs tout en ligne (e.g. made.com) étaient supposés accessibles à tous les consommateurs. Les parties n’étant pas présentes sur le marché des salles de bain et ayant des parts de marché limitées (en tout état de cause inférieures à 25 %) sur le marché des cuisines, la présente analyse se concentre sur les trois familles de produits sur lesquelles la nouvelle entité aurait de fortes positions au niveau local (meubles meublants, meubles rembourrés et literie).

264. Le rapport des services d’instruction a estimé les ratios de diversion au niveau national, en ne tenant compte que de l’option de report principale, i.e. l’ensemble des reports du consommateur est assigné à son premier choix. Les ratios de diversion des deux enseignes étaient alors supérieurs à 15 % pour les trois catégories de produits concernées et particulièrement élevés pour les catégories literie et meubles rembourrés (ratios de diversion supérieurs à 40 %). À titre illustratif, compte tenu des taux de marge sur coûts variables des enseignes But et Conforama (variant de [30-40] % à [50-60] % selon les catégories de produits), les ratios de diversion critiques, i.e. susceptibles d’entraîner un indice GUPPI112 supérieur à 5 %, seuil à partir duquel le ratio de diversion peut être considéré comme critique, ont été calculés113. Plus ce ratio de diversion est élevé, plus le risque d’effet unilatéral est fort. Or, en l’espèce, ces ratios de diversion critiques, i.e. supérieurs à 5 %, étaient compris entre [5-10] % et [10-20] % environ. Ils indiquent donc que l’opération est susceptible de générer des effets unilatéraux importants. Les ratios de diversion sont présentés dans les tableaux suivants.

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265. Dans ses observations au rapport, la partie notifiante estime que l’analyse des ratios de diversion réalisée par les services d’instruction comporte des biais, d’une part car elle ne tient compte ni de l’ensemble des options de report, ni de la distance entre les magasins qui pourrait pourtant remettre en cause l’ordre établi entre les options de report sélectionnées, d’autre part, parce que le sondage ne liste pas certaines enseignes, notamment locales114.

266. Les observations de la partie notifiante ne sont toutefois pas de nature à remettre en cause la méthodologie ou les résultats de l’analyse des ratios de diversion.

267. Premièrement, s’agissant de l’utilisation de l’option de report principale dans les calculs des ratios de diversion, cette méthode trouve sa justification dans le fait qu’un consommateur est en réalité peu susceptible de partager ses dépenses entre plusieurs magasins, notamment s’agissant de dépenses d’ameublement. La première option de report sélectionnée par le consommateur est donc celle qui est la plus susceptible de constituer son choix pour reporter l’ensemble de ses dépenses. Néanmoins, l’Autorité relève que, si une autre méthodologie de calcul - tenant compte de façon équitable de l’ensemble des options de reports - avait été retenue, les résultats de l’analyse des services d’instruction seraient demeurés valables.

268. Deuxièmement, la proximité concurrentielle des parties est évaluée à l’échelle nationale. Il convient alors de calculer des ratios de diversion nationaux, c’est-à-dire en faisant l’hypothèse que l’ensemble des enseignes sont accessibles aux consommateurs et donc sans considération de distances entre elles, contrairement à la méthodologie que souhaiteraient appliquer les parties.

269. Troisièmement, quand bien même les sondages réalisés dans le cadre de cette opération proposaient aux répondants une liste d’enseignes de report, ces derniers avaient également la possibilité de sélectionner la réponse « Autre » dans l’éventualité où l’enseigne de leur choix n’était pas disponible. Les résultats du sondage montrent que cette option a été fréquemment utilisée par les répondants. Par exemple, s’agissant de la literie, plus de 10 % des consommateurs de But et de Conforama ont choisi d’avoir recours à cette option de réponse et, dans plus de 5 % des cas, cette option a été classée comme option de report privilégiée. Les sondés avaient donc bien la possibilité de choisir de se reporter vers des enseignes locales, contrairement à ce qu’avancent les parties.

270. En conclusion, l’Autorité estime que la proximité concurrentielle des parties, illustrée par le calcul de ratios de diversion et d’indices GUPPI à l’échelle nationale et par catégories de meubles, est très importante.

Positionnement commercial des parties

271. Ainsi que le montrent à la fois le test de marché et le sondage, les parties sont positionnées sur le même segment de marché, celui des produits d’entrée et de milieu de gamme. Le test de marché a permis de recueillir l’opinion des 33 principaux concurrents des parties sur le marché de l’ameublement. Il leur était demandé d’attribuer une note de 1 à 4115 pour définir le positionnement en gamme des parties. En moyenne, les répondants ont attribué la note de 1,50 à But et de 1,47 à Conforama116.

272. La structure des ventes, c’est-à-dire la répartition des ventes en fonction des différentes catégories de produits, des deux enseignes montre également leur très grande proximité117.

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273. En effet, bien que les volumes de ventes soient différents entre les parties118, du fait du nombre de points de vente différents, ces chiffres montrent à quel point la structure de vente est similaire. La seule différence notable tient au fait que But ne distribue pas, ou très peu, de produits gris, ce qui a tendance à accroître la part des ventes dans les autres catégories de produits. À cette exception près, les grandes familles de produits (électrodomestique, ameublement et décoration-bazar) ont des poids similaires, et à l’intérieur de chacune d’elles, les structures de vente sont elles-mêmes très proches.

Proximité géographique

274. Sur le plan géographique, la proximité des deux enseignes est également importante. Le distancier communiqué par la partie notifiante119 a permis de déterminer le temps de trajet séparant chaque point de vente Conforama du point de vente But le plus proche. Ainsi, en moyenne, un consommateur aura un trajet de moins de 9 minutes, à partir d’un magasin Conforama pour se rendre dans le magasin But le plus proche. Il convient également de souligner que 120 des 165 magasins Conforama, soit plus de 70 % des magasins Conforama, se trouvent à moins de 10 minutes d’un magasin But et près de 90 magasins Conforama, soit plus de 50 %, se trouvent à moins de 5 minutes d’un magasin But.

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275. Au regard de l’ensemble de ces éléments, les parties apparaissent comme les plus proches concurrentes sur les marchés de l’ameublement.

c) Barrières à l’entrée

276. Les marchés de la distribution de produits d’ameublement présentent des barrières à l’entrée de différents ordres. Il s’agit de barrières d’ordre économique mais aussi réglementaires et liées à la disponibilité du foncier commercial.

277. S’agissant des barrières économiques, il ressort du test de marché que l’entrée sur le marché de l’ameublement nécessite de disposer d’une taille critique pour pouvoir implanter une nouvelle enseigne d’une dimension suffisamment importante pour s’approvisionner à des conditions intéressantes auprès des fournisseurs, mais également pour rentabiliser les coûts fixes liés au lancement d’une nouvelle enseigne de distribution. Ainsi, un des fournisseurs souligne que « plus les volumes sont importants, plus le pouvoir de négociation du distributeur est fort »120. Le groupe Casino a par ailleurs souligné « l’importance des investissements à consentir pour pouvoir implanter une nouvelle enseigne, présente sur l’ensemble du territoire national »121. Dans le même sens, le groupe Lapeyre a indiqué   qu’ « une présence de magasins sur le territoire est un prérequis pour  accéder  au  marché »122.

278. Par ailleurs, s’agissant de l’implantation de magasins physiques, il ressort du test de marché que le régime d’autorisation administrative, la rareté du foncier commercial ainsi que la pression concurrentielle exercée par les ventes en ligne rendent difficile l’ouverture de nouveaux points de vente.

279. S’agissant des ventes en ligne, le groupe Intermarché qui détient les enseignes Bricomarché a indiqué que « La zone de chalandise d’un magasin est désormais nationale voire internationale et pas seulement locale. En effet, il est difficile d'envisager un développement local, considérant les comportements d'achat des consommateurs qui ont accès à une offre produits ultra large à travers le national voire l’international via le circuit digital. »123

280. En particulier pour le développement des ventes en ligne, la nécessité de pouvoir assurer les livraisons à domicile a été jugée comme constituant un frein à l’entrée de nouveaux opérateurs124. À ce sujet, Ubaldi, enseigne de distribution de produits électrodomestiques, d’ameublement et de literie essentiellement active dans la vente en ligne, souligne « la difficulté d’assurer une bonne logistique pour les produits lourds et encombrants »125.

281. La mise en place de la vente en ligne nécessiterait des investissements adéquats afin d’offrir des services équivalents à ceux offerts en magasins physiques. Ces investissements peuvent notamment être liés, outre ceux relatifs aux services de livraison à domicile (coût additionnel, créneau de livraison, etc.), à la politique de retour des produits en cas d’insatisfaction, à la mise en place d’un réseau de points de retrait ou encore au développement d’innovations technologiques pour améliorer l’expérience des utilisateurs126.

282. Aucun acteur significatif n’est d’ailleurs entré sur les marchés de l’ameublement au cours des dernières années. La partie notifiante a évoqué la possibilité d’une entrée du groupe Wayfair sur le marché français. Selon elle, ce groupe est leader sur les ventes en ligne de mobilier aux États-Unis. Ce groupe est également présent en Allemagne et s’apprêterait à rentrer sur le marché français. Toutefois, aucun élément ne permet à ce jour de présumer d’une entrée de ce groupe à court ou moyen terme sur le marché français.

283. Au regard de l’ensemble de ces éléments, l’entrée d’un nouvel opérateur susceptible d’animer significativement la concurrence sur les marchés de l’ameublement apparaît peu probable.

d) Effets

284. La nouvelle entité disposera de parts de marché supérieures à 50 % dans 35 zones s’agissant des meubles meublants, dans 4 zones s’agissant des meubles rembourrés et dans 40 zones s’agissant des meubles de literie, soit au total (en éliminant les doublons) 56 zones locales.

285. Compte tenu de l’important taux de pénétration des ventes en ligne, les concurrents disposant d’implantations dans les zones concernées disposeront nécessairement de parts de marché très limitées et, en tout état de cause, très inférieures à celles de la nouvelle entité.

286. Il existe de plus une très forte proximité concurrentielle entre les parties, ces deux enseignes étant les plus proches concurrents sur les marchés considérés. Les importants ratios de diversion existant entre les parties conjugués aux taux de marge brute élevés réalisés par ces deux enseignes sur les catégories de produits examinées127 montrent que la nouvelle entité aura une incitation générale à augmenter les prix.

280. En particulier pour le développement des ventes en ligne, la nécessité de pouvoir assurer les livraisons à domicile a été jugée comme constituant un frein à l’entrée de nouveaux opérateurs124. À ce sujet, Ubaldi, enseigne de distribution de produits électrodomestiques, d’ameublement et de literie essentiellement active dans la vente en ligne, souligne « la difficulté d’assurer une bonne logistique pour les produits lourds et encombrants »125.

281. La mise en place de la vente en ligne nécessiterait des investissements adéquats afin d’offrir des services équivalents à ceux offerts en magasins physiques. Ces investissements peuvent notamment être liés, outre ceux relatifs aux services de livraison à domicile (coût additionnel, créneau de livraison, etc.), à la politique de retour des produits en cas d’insatisfaction, à la mise en place d’un réseau de points de retrait ou encore au développement d’innovations technologiques pour améliorer l’expérience des utilisateurs126.

282. Aucun acteur significatif n’est d’ailleurs entré sur les marchés de l’ameublement au cours des dernières années. La partie notifiante a évoqué la possibilité d’une entrée du groupe Wayfair sur le marché français. Selon elle, ce groupe est leader sur les ventes en ligne de mobilier aux États-Unis. Ce groupe est également présent en Allemagne et s’apprêterait à rentrer sur le marché français. Toutefois, aucun élément ne permet à ce jour de présumer d’une entrée de ce groupe à court ou moyen terme sur le marché français.

283. Au regard de l’ensemble de ces éléments, l’entrée d’un nouvel opérateur susceptible d’animer significativement la concurrence sur les marchés de l’ameublement apparaît peu probable.

d) Effets

284. La nouvelle entité disposera de parts de marché supérieures à 50 % dans 35 zones s’agissant des meubles meublants, dans 4 zones s’agissant des meubles rembourrés et dans 40 zones s’agissant des meubles de literie, soit au total (en éliminant les doublons) 56 zones locales.

285. Compte tenu de l’important taux de pénétration des ventes en ligne, les concurrents disposant d’implantations dans les zones concernées disposeront nécessairement de parts de marché très limitées et, en tout état de cause, très inférieures à celles de la nouvelle entité.

286. Il existe de plus une très forte proximité concurrentielle entre les parties, ces deux enseignes étant les plus proches concurrents sur les marchés considérés. Les importants ratios de diversion existant entre les parties conjuguées aux taux de marge brute élevés réalisés par ces deux enseignes sur les catégories de produits examinées127 montrent que la nouvelle entité aura une incitation générale à augmenter les prix.

293. Par ailleurs, sur le marché national de la vente en ligne de produits de bazar et décoration à bas et moyen prix, la part de marché de la nouvelle entité sera inférieure à 1 %.

294. L’opération n’est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets horizontaux au niveau national s’agissant de la distribution au détail de produits de bazar et décoration à bas et moyen prix.

b) Analyse des effets horizontaux au niveau local

295. Comme indiqué au paragraphe 73, la pratique décisionnelle distingue les marchés de la distribution au détail de produits de bazar et de décoration en fonction des canaux de distribution. En conséquence, l’analyse locale présentée ci-dessous n’intègre pas les ventes en ligne de ces produits.

296. En l’espèce, les activités des parties se chevauchent sur 143 zones locales (sur un total de 165 zones) sur le marché de la distribution au détail de produits de bazar et décoration à bas et moyen prix. La part de marché de la nouvelle entité sera inférieure à 25 % dans 135 zones. Sur la base des critères exposés aux paragraphes 216 et suivants, ces zones ne sont donc pas susceptibles de poser un problème de concurrence à l’issue de l’opération. Dans les 8 zones restantes, les parts de marché de la nouvelle entité seront comprises entre 25 % et 50 %. Dans ces zones, la nouvelle entité fera face à au moins trois concurrents nationaux, de sorte qu’à l’issue de l’opération, la nouvelle entité sera soumise à une importante pression concurrentielle dans ces zones.

297. En conséquence, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets horizontaux sur les marchés locaux de la distribution au détail de produits de bazar et décoration à bas et moyen prix.

E. MARCHÉ DES PRODUITS ÉLECTRODOMESTIQUES

1. MARCHÉS AMONT

a) Présentation des parts de marché

298. Sur les marchés de l’approvisionnement en produits électrodomestiques, la part de marché à l’achat de la nouvelle entité sera toujours inférieure à 20 %, quelles que soient les segmentations et les dimensions envisagées129.

b) Analyse du risque de dépendance économique des fournisseurs

299. Les principales préoccupations des fournisseurs de produits électrodomestiques interrogés dans le cadre du test de marché sont liées aux centrales d’achat de Conforama pour l’achat des produits électrodomestiques. Ces préoccupations portent sur l’intégration de But (voire But International) au sein de la centrale d’achat commune avec Casino appelée « MANO- A » et de la centrale d’achat internationale « SICA ». Les fournisseurs craignent un renforcement de la puissance d’achat de la nouvelle entité et l’alignement des conditions de négociation entre les différentes centrales d’achat des parties.

300. Toutefois, en retenant de manière conservatrice un seuil de menace de 20 %, seul un petit nombre de ces fournisseurs, à savoir cinq, ont indiqué qu’ils seront placés en situation de dépendance économique à l’issue de l’opération, alors que les parties disposent de plus d’une soixantaine de fournisseurs communs dans ce secteur130. Par ailleurs certaines données communiquées par les fournisseurs sont celles de la filiale française et non celles de leur groupe. Certains des fournisseurs concernés sont des filiales de grands groupes européens ou mondiaux et disposent de débouchés à travers l’Europe voire le monde (par exemple, Beko, société turque présente dans plus d’une centaine de pays et qui se présente comme étant la deuxième marque en volume de vente en Europe de produits blancs131 ou encore le groupe Haier/Candy Hoover).

301. En outre, la part représentée par la nouvelle entité dans leur chiffre d’affaires demeurera modérée puisqu’elle reste inférieure à [20-30] %. Dès lors, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés de l’approvisionnement en produits électrodomestiques par le biais de la création ou du renforcement d’une puissance d’achat, en raison du nombre peu élevé de fournisseurs placés en situation de dépendance économique, des parts de marché peu élevées de la nouvelle entité à l’amont (en tout état de cause inférieures à 20 %) et de l’existence d’un très grand nombre d’alternatives pour les fournisseurs (Boulanger, Fnac/Darty, etc.).

2.  MARCHÉS AVAL

302. Pour les produits pour lesquels l’Autorité a envisagé ou retenu un marché unique réunissant ventes en magasins physiques et ventes à distance, un taux de pénétration de [20-30] % pour les produits bruns et de [20-30] % pour les produits blancs a été retenu.

a) Analyse des effets horizontaux au niveau national

303. Sur le marché national des produits électrodomestiques, la part de marché de la nouvelle entité s’élèvera à [5-10] %132.

Produits bruns

304. Sur le marché national de la distribution au détail de produits bruns, la part de marché de la nouvelle entité sera de [0-5] % au niveau national sur le marché incluant à la fois les ventes en magasins et les ventes en ligne conformément à la pratique décisionnelle.

Produits blancs

305. Sur le marché national de la distribution au détail de produits blancs, la nouvelle entité disposera des parts de marché limitées et fera face à des concurrents importants quelle que soit la segmentation retenue.

306. Le tableau suivant résume les parts de marché selon les différentes segmentations envisagées par la pratique décisionnelle :

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307. Sur ces marchés, la part de marché de la nouvelle entité restera limitée. Par ailleurs, la nouvelle entité fera face à la concurrence des grandes surfaces alimentaires et des groupes de distribution de produits électroménagers, tels que HTM (Boulanger) et Fnac Darty.

308. En conséquence, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les différents marchés nationaux de la distribution de produits électrodomestiques.

b) Analyse des effets horizontaux au niveau local

Marchés locaux de la distribution au détail de produits bruns

309. Comme indiqué au paragraphe 83, la pratique décisionnelle considère que la distribution au détail en ligne et en magasins physiques de produits bruns constitue un unique marché. En conséquence, l’analyse locale présentée ci-dessous intègre les ventes en ligne.

310. En l’espèce, les activités des parties se chevauchent sur 152 zones locales (sur un total de 165 points de vente Conforama métropolitains) sur le marché de la distribution au détail de produits bruns.

311. Sur l’ensemble de ces zones de chevauchement, la part de marché de la nouvelle entité est inférieure à 25 %.

312. En conséquence, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais des effets horizontaux sur les marchés locaux de la distribution au détail de produits bruns.

Marchés locaux de la distribution au détail de produits blancs

313. Comme indiqué au paragraphe 87, la pratique décisionnelle envisage une distinction entre la vente en ligne de produits blancs et la vente en magasins physiques de ces mêmes produits. L’analyse locale présentée ci-dessous n’intègre pas les ventes en ligne de ces produits.

314. En l’espèce, les activités des parties se chevauchent sur 152 zones locales (sur un total de 165 points de vente Conforama métropolitains) sur le marché de la distribution au détail de produits blancs.

315. Dans 126 de ces zones locales, la part de marché de la nouvelle entité sera inférieure à 25 %.

316. Dans les 26 zones restantes, la part de marché de la nouvelle entité sera comprise entre 25 % et 50 %. Dans l’ensemble de ces zones, la nouvelle entité fera face à la concurrence d’au moins trois concurrents.

317. Par conséquent, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence dans les 152 zones de chevauchement.

318. Les conclusions de l’analyse concurrentielle sont inchangées, en raisonnant sur un marché spécifique au petit électroménager, d’une part, et au gros électroménager, d’autre part.

319. En effet, sur le marché relatif au petit électroménager, la nouvelle entité disposera d’une part de marché inférieure à 25 % dans 139 zones. Dans les 13 zones restantes, la part de marché de la nouvelle entité sera comprise entre 25 % et 50 %. Dans l’ensemble de ces zones, la nouvelle entité fera face à la concurrence d’au moins trois concurrents.

320. De la même manière, sur le marché relatif au gros électroménager, la nouvelle entité disposera d’une part de marché inférieure à 25 % dans 128 zones. Dans 41 zones, la part de marché de la nouvelle entité sera comprise entre 25 % et 50 %. Dans ces zones, la nouvelle entité fera face à la concurrence d’au moins trois concurrents. Dans les trois zones restantes, la part de marché de la nouvelle entité sera comprise entre 50 % et 55 % : Aurillac (([50-60]

%), Cahors (([50-60] %) et Estancarbon (([50-60] %). Dans ces trois zones, la nouvelle entité fera face à la concurrence d’au moins trois acteurs nationaux. Il convient de préciser que la nouvelle entité subira également, dans une certaine mesure, la pression concurrentielle des ventes en ligne.

321. En conséquence, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais des effets horizontaux sur les marchés locaux de la distribution au détail de produits blancs, quelle que soit la segmentation envisagée.

IV. Les gains d’efficience

A. RAPPEL DE LA PRATIQUE DÉCISIONNELLE

322. En application des dispositions de l’article L. 430-6 du code de commerce, lorsque l’Autorité procède à l’examen approfondi d’une opération de concentration, elle « apprécie si l’opération apporte au progrès économique une contribution suffisante pour compenser les atteintes à la concurrence ». L’Autorité examine, en particulier, les gains d’efficacité économique de l’opération susceptibles d’accroître l’incitation de l’entreprise résultant de l’opération à adopter un comportement favorable à la concurrence.

323. Tant les juridictions que les autorités de concurrence ont dégagé des critères d’appréciation applicables à la prise en compte des gains d’efficacité économique135. Ainsi, les gains d’efficacité allégués doivent être quantifiables et vérifiables, spécifiques à la concentration et une partie des gains doit être transférée aux consommateurs, ce qui exclut les gains ne bénéficiant qu’aux parties à l’opération. Il convient donc d’examiner les gains d’efficacité dont la partie notifiante se prévaut, et si les éléments qu’elle fait valoir à ce titre remplissent les critères rappelés ci-dessus, et, le cas échéant, dans quelle mesure ils sont susceptibles de contrebalancer les effets anticoncurrentiels de l’opération.

B. POSITION DE LA PARTIE NOTIFIANTE

324. La partie notifiante soutient que l’opération est d’ores et déjà à l’origine de gains d’efficience compte tenu de la réalisation de l’opération permise par l’octroi de la dérogation de l’Autorité du 23 juillet 2020 et qu’elle en engendrera encore dans le futur.

325. Premièrement, la partie notifiante fait valoir que l’opération a permis des économies de coûts, notamment « des économies d’échelle en matière d’approvisionnement » […] ». Elle précise également que les parties ont décidé « d’approfondir la mutualisation de leurs achats […]», ce renforcement devant permettre d’accroître, dans les prochains mois, les gains d’efficience liés à l’opération. La partie notifiante considère par ailleurs que « l’opération est également de nature à générer des gains de coûts, plus indirects, en matière d’achats courants et de gestion ». Enfin, ces gains de coûts allégués seraient nécessairement transmis aux consommateurs en tout ou partie, du fait du caractère variables des coûts concernés et de la forte pression concurrentielle à laquelle font face les parties.

326. Deuxièmement, la partie notifiante considère également que l’opération est de nature à pérenniser la diversité de l’offre, offre portée par Conforama et, en amont, par ses fournisseurs.

327. Troisièmement, l’opération permettrait l’amélioration de la qualité des produits et des services proposés par les parties, par la mise en commun de différents services support.

C. APPLICATION AU CAS D’ESPÈCE

328. S’agissant des gains de coûts allégués par la partie notifiante, celle-ci n’apporte aucun élément concret de nature à étayer ses affirmations, ni sur le nombre d’accords-cadres annuels en cours de négociation, l’identité des fournisseurs, ou les conséquences financières attendues, ni sur les postes sur lesquels porteraient précisément les économies de coûts indirects et l’ampleur de ces économies, ni même sur l’importance des économies d’échelle déjà réalisées, alors même que des éléments financiers concrets devraient à présent être disponibles, compte tenu de la réalisation de l’opération permise par l’octroi de la dérogation de l’Autorité du 23 juillet 2020.

329. S’agissant du transfert des gains aux consommateurs, la nature variable des coûts ne suffit pas à elle seule à démontrer que les économies de coûts bénéficieraient, au moins partiellement, aux consommateurs. Si le point 778 des lignes directrices indique qu’ « il est plus probable que les gains d’efficacité conduisant à des réductions des coûts variables ou marginaux entraînent une baisse des prix à la consommation que les réductions de coûts fixes », il ne précise en aucun cas que cette transmission serait automatique. La démonstration de cette transmission ne peut être présumée et elle incombe à la partie notifiante. Par ailleurs, l’analyse concurrentielle locale présentée aux points 215 et suivants, montre, contrairement à ce qu’avance la partie notifiante, que la situation concurrentielle serait très dégradée à l’issue de l’opération dans 56 zones, alors même que sont prises en compte les ventes en ligne. De même au niveau national, la position cumulée des parties est très forte sur les marchés des meubles rembourrés, meublants et de la literie, même après la prise en compte des ventes en ligne. Ainsi, l’argument de la partie notifiante, qui consiste à estimer que l’ampleur de la pression concurrentielle qui sera exercée sur la nouvelle entité à l’issue de l’opération permettra d’assurer qu’une part des gains d’efficience sera transférée aux consommateurs, n’est pas recevable.

330. S’agissant de la pérennisation de la diversité de l’offre de Conforama et de l’amélioration de la qualité des services alléguées par la partie notifiante, cette dernière n’apporte aucun élément de nature à établir que l’opération permettra effectivement de réaliser de tels gains.

331. Compte tenu de ces considérations, l’Autorité considère que les éléments apportés par la partie notifiante se limitent à l’énoncé de principes et, n’étant pas suffisamment documentés, ne permettent pas, à ce stade, d’établir in concreto l’existence de gains d’efficience.

V. L’exception de l’entreprise défaillante

332. Dans des cas exceptionnels, une opération qui porte atteinte à la concurrence et dont la contribution au progrès économique n’est pas suffisante pour compenser cette atteinte, peut tout de même être autorisée sans condition si l’exception dite « de l’entreprise défaillante » est retenue136.

333. En droit français, les conditions dans lesquelles l’exception de l’entreprise défaillante peut trouver à s’appliquer ont été précisées par le Conseil d’État dans sa décision du 6 février 2004 relative à la concentration Seb/Moulinex137, aux termes de laquelle : « s'agissant de la reprise, par un concurrent, d'une société en difficulté, [l’autorité nationale en charge du contrôle des concentrations] doit autoriser l'opération sans l'assortir de prescriptions lorsqu'il apparaît au terme de ce bilan que les effets de cette opération sur la concurrence ne seraient pas plus défavorables que ceux qui résulteraient de la disparition de l'entreprise en difficulté. »

334. Au cas présent, la partie notifiante considère que l’exception de l’entreprise défaillante devrait s’appliquer, de sorte que l’opération projetée devrait être autorisée sans condition.

335. Après avoir rappelé quelles sont les règles encadrant l’appréciation de cette exception par l’Autorité (A), l’Autorité appréciera leur application au cas d’espèce (C), après avoir exposé les arguements de la partie notifiante (B).

A. RAPPEL DES CRITÈRES D’APPLICABILITÉ DE L’ENTREPRISE DÉFAILLANTE

336. L’OCDE a défini l’entreprise défaillante de la manière suivante : « Une entreprise est défaillante lorsqu’elle accuse durablement des pertes et voit sa part de marché se contracter de telle sorte qu’on peut s’attendre à ce qu’elle disparaisse. La notion d’entreprise défaillante présente un intérêt tout particulier pour le contrôle des concentrations. En effet, la société absorbante peut faire valoir que l’acquisition d’une entreprise défaillante ne restreint pas substantiellement la concurrence, puisqu’elle sortira probablement du marché de toute manière. Si tel est le cas, la part de marché actuellement détenue par l’entreprise défaillante n’est pas significative pour l’évaluation de la concurrence future et il faut donc en relativiser l’importance. »138.

337. Il ressort des lignes directrices de l’Autorité relatives au contrôle des concentrations que l’exception de l’entreprise défaillante s’applique en cas de reprise par un concurrent d’une entreprise qui disparaîtrait à brève échéance si l’opération n’était pas réalisée. Dans ces conditions, l’Autorité peut envisager d’autoriser l’opération sans condition, même si elle porte atteinte à la concurrence.

338. Dans sa décision du 6 février 2004 relative à la concentration Seb/Moulinex précitée, le Conseil d’État a rappelé les trois critères cumulatifs définis par la Cour de justice dans l’arrêt du 31 mars 1998139 pour l’application de l’exception de l’entreprise défaillante :

- « en premier lieu, […] [les difficultés] [auxquelles l’entreprise est confrontée] entraîneraient la disparition rapide de la société en l'absence de  reprise » (critère  n° 1) ;

- « en deuxième lieu, […] il n'existe pas d'autre offre de reprise moins dommageable pour la concurrence, portant sur la totalité ou une partie substantielle de  l'entreprise » (critère n° 2) ;

- « en troisième lieu, […] la disparition de la société en difficulté ne serait pas moins dommageable pour les consommateurs que la reprise projetée » (critère n° 3).

339. Les trois critères mentionnés par le Conseil d’État doivent s’analyser selon un enchaînement logique, et visent, in fine, à établir que la dégradation de la situation concurrentielle se serait produite même en l’absence de la concentration140.

340. Pour la Commission, la condition fondamentale est que « la détérioration de la structure de la concurrence qui se produirait après la concentration ne puisse pas être considérée comme étant causée par cette opération. Il faut donc que la détérioration de la structure de la concurrence sur le marché soit au moins aussi grave si l'opération ne se réalisait pas. »141 Elle estime que trois critères sont particulièrement pertinents pour que l’argument de l'entreprise défaillante soit retenu. Les deux premiers critères retenus par la Commission dans ses lignes directrices sur l’appréciation des concentrations horizontales sont similaires à ceux du Conseil d’État 142 :

- « En premier lieu, l'entreprise prétendument défaillante serait, dans un proche avenir, contrainte de quitter le marché en raison de ses difficultés financières si elle n'était pas reprise par une autre entreprise.

- Deuxièmement, il n'existe pas d'autre alternative de rachat moins dommageable pour la concurrence que la concentration notifiée. »

341. En revanche, s’agissant du troisième critère, la Commission évoque la disparition inévitable des actifs cibles143 :

- « Troisièmement, si la concentration n'était pas réalisée, les actifs de l'entreprise défaillante disparaîtraient inévitablement du marché. »

342. La charge de la preuve de ces trois conditions cumulatives repose sur la partie notifiante144. En outre, la réunion de ces trois conditions est appréciée strictement145.

343. Lorsque ces trois critères sont cumulativement réunis, on peut considérer que la dégradation de la situation concurrentielle qui résulte de l’opération notifiée ne serait pas pire que celle qui se serait passée en l’absence de l’opération : celle-ci peut alors être autorisée sans condition. En effet, la dégradation de la situation concurrentielle se serait produite quelle que soit la cause. L’application de l’exception de l’entreprise défaillante permet d’autoriser l’opération sans remède : « s'agissant de la reprise, par un concurrent, d'une société en difficulté, [le ministre] doit autoriser l'opération sans l'assortir de prescriptions lorsqu'il apparaît au terme de ce bilan que les effets de cette opération sur la concurrence ne seraient pas plus défavorables que ceux qui résulteraient de la disparition de l'entreprise en difficulté »146.

1. LA DISPARITION RAPIDE DE LA SOCIÉTÉ CIBLE EN L’ABSENCE DE L’OPÉRATION

(CRITÈRE N° 1)

344. Le premier critère exige d’établir que la société en difficulté n’était pas en mesure de poursuivre son activité en l’absence de reprise par un tiers. Le fait que la ou les sociétés cibles étaient en situation de cessation de paiement et avaient fait l’objet d’une procédure collective devant un tribunal de commerce suffit, en général, à démontrer que ce critère est satisfait147.

2. L’ABSENCE D’OFFRE ALTERNATIVE MOINS DOMMAGEABLE (CRITÈRE N° 2)

345. Le deuxième critère permet d’établir qu’aucune autre offre moins dommageable pour la concurrence n’aurait permis d’assurer la continuité de l’activité de l’entreprise cible. Il s’agit d’identifier d’éventuelles offres alternatives et, le cas échéant, de les apprécier.

a) L’identification des offres alternatives

346. Tout d’abord, s’agissant de l’identification des offres alternatives, la partie notifiante doit démontrer que le processus de cession garantit une publicité suffisante, afin qu’il puisse être présumé que la totalité des offres alternatives pertinentes ont été effectivement identifiées.

347. Les procédures encadrées par le tribunal de commerce permettent en général de présumer un niveau suffisant de publicité148.

348. Cependant, si, lorsqu’elle apprécie l’existence d’offres alternatives, l’Autorité peut s’appuyer sur les recherches de repreneurs réalisées par les parties prenantes au processus de cession (notamment les conciliateurs ou les tribunaux de commerce), elle n’est pas tenue par les conclusions de ces procédures. En effet, l’Autorité analyse de manière autonome et au cas par cas, les procédures pour estimer si un ou plusieurs repreneurs alternatifs crédibles se sont manifestés, puisque l’appréciation qu’elle porte sur le processus de reprise repose sur des critères concurrentiels, qui peuvent être distincts de ceux retenus par les autres parties prenantes à la procédure de cession149.

349. En outre, en fonction des évolutions de la structure de marché, par exemple du fait de l’entrée ou de la sortie d’opérateurs concurrents postérieurement aux procédures encadrées par le tribunal de commerce, il pourra être nécessaire que les parties démontrent qu’aucune offre alternative n’ait pu émerger entre le jour où l’opération notifiée a présenté un caractère suffisamment abouti pour pouvoir faire l’objet d’une notification et le jour où l’Autorité adopte sa décision relative à l’opération notifiée. En effet, de manière générale, en matière de contrôle des concentrations, l’analyse concurrentielle à laquelle procède l’Autorité doit prendre en compte les évolutions de la structure de marché, que celles-ci soient constatées en cours d’instruction ou anticipées, dès lors qu’elles revêtent un caractère suffisamment certain150. De même, dans le cadre de l’entreprise défaillante, l’Autorité devra logiquement prendre en compte les évolutions de la structure de marché dans son analyse.

350. À cet égard, il est intéressant de noter que lorsqu’elle apprécie l’existence d’une offre alternative, la Commission européenne s’assure elle-même, au cours de son instruction de l’opération, et donc postérieurement à l’accord entre le vendeur et l’acheteur sur la réalisation de l’opération, qu’aucun opérateur n’est intéressé par le rachat de la cible. Elle va ainsi au-delà des offres de reprise officiellement déposées dans le cadre des procédures judiciaires. Pour ce faire, elle peut prendre directement contact avec des concurrents afin de connaître leurs intentions151, bien après la date à laquelle l’opération notifiée a été envisagée.

b) L’appréciation des offres alternatives

351. S’agissant de l’appréciation des offres alternatives, afin d’être retenue par l’Autorité, l’offre alternative doit présenter les caractéristiques suivantes152 :

- être crédible ;

- porter sur l’ensemble du périmètre repris ou sur une partie substantielle de ce périmètre ;

- être moins dommageable pour la concurrence que celle des parties.

352. L’Autorité de la concurrence procède à une analyse autonome, propre à chaque cas d’espèce, du caractère abouti des offres et de leur impact sur la concurrence.

353. L’Autorité ne prend pas uniquement en compte les offres équivalentes. Elle peut également prendre en compte une offre moins-disante, dès lors que celle-ci porte sur l’ensemble du périmètre repris ou sur une partie substantielle de celui-ci153. Ainsi, dans son arrêt du 6 février 2004 dans l’affaire Seb/Moulinex, le Conseil d’État a précisé que l’offre alternative devait porter sur « la totalité ou à une part substantielle de l’entreprise » concernée.

354. Par ailleurs, pour être considérée comme une offre alternative crédible, une offre ne doit pas nécessairement avoir le même degré d’aboutissement que l’offre présentée par les parties154. En particulier, le dépôt d’une offre devant le tribunal de commerce dans le cadre d’une procédure formelle de reprise ne saurait être considéré ni comme un critère nécessaire, ni comme un critère suffisant, pour qu’une offre soit considérée comme crédible au sens du deuxième critère d’applicabilité de l’exception de l’entreprise défaillante155.

3. LE CARACTÈRE MOINS DOMMAGEABLE DE L’OPÉRATION PAR RAPPORT À UN SCÉNARIO DE DISPARITION DE L’ACTIVITÉ CIBLE (CRITÈRE N° 3)

355. Le troisième critère doit être examiné dans l’hypothèse où les deux premiers critères sont remplis. Il poursuit l’analyse du lien de causalité entre l’opération et la dégradation de la situation concurrentielle sur le marché, en comparant les effets sur la concurrence de l’opération notifiée et ceux des différents scénarios envisageables dans le cas où celle-ci n’aurait pas lieu. Au niveau de la jurisprudence européenne, la Cour de justice fait référence à la « neutralité » pour le jeu de la concurrence (point 116, arrêt CJCE Kali & Salz156). En France, la pratique se réfère à la « neutralité pour le consommateur » comme en témoigne l’expression reprise dans les lignes directrices157.

356. En d’autres termes, ce critère permet de comparer les effets propres de l’opération à la dynamique spontanée du marché, dans un cadre plus large que l’analyse du deuxième critère, comme il ressort de l’arrêt Kali & Salz de la CJCE, précité : « En fait, l’introduction de ce critère vise à assurer que l’existence d’un lien de causalité entre la concentration et la détérioration de la structure concurrentielle du marché ne peut être exclue qu’au cas où la détérioration de la structure concurrentielle, faisant suite à l’opération de concentration, se produirait pareillement même en l’absence de cette opération. »158

357. Les lignes directrices de la Commission précisent que ce troisième critère est notamment atteint dès lors qu’il est démontré que la disparition des actifs cibles était inévitable159. Les lignes directrices de l’Autorité, reprenant l’arrêt du Conseil d’État Seb/Moulinex précité, précisent qu’il convient de s’assurer plus largement que la disparition de la société en difficulté (dans sa configuration antérieure à l’opération) n’est pas moins dommageable pour le consommateur que l’opération notifiée160.Dans cette dernière hypothèse, le troisième critère repose donc sur l’analyse des scénarios contrefactuels crédibles en cas de non- réalisation de la concentration. En particulier, si des offres ont été écartées au titre du deuxième critère, en raison de leur manque de crédibilité ou de leur caractère partiel, elles peuvent être prises en compte au stade de ce troisième critère.

358. S’agissant des différents scénarios pouvant être envisagés dans le cas où le projet d’opération n’aurait pas lieu, le Conseil d’État précise en effet que, dans ce cadre, des scénarios de reprise de seulement certains des actifs de la société cible peuvent être pris en compte :

« Considérant, en outre, qu'en estimant qu'une éventuelle acquisition des marques détenues par la société Moulinex, sans reprise des actifs industriels, ne modifiait pas l'analyse, le ministre a méconnu les possibilités offertes par une telle acquisition à un opérateur désireux de pénétrer le marché français du petit électroménager, sur lequel, d'après le ministre lui- même, la principale barrière à l'entrée était constituée par les marques. »161

359. L’Autorité peut également apprécier les effets de la sortie du marché de tout ou partie des actifs de l’entreprise cible. En particulier, elle peut être amenée à rechercher si le renforcement de la position du repreneur n’aurait pas découlé de la simple absorption des parts de marché de l’entreprise cible une fois celle-ci sortie du marché162. Par exemple, dans son avis n° 02-A-15 du 23 décembre 2002, le Conseil de la concurrence a examiné différents scénarios prospectifs pour déterminer si la reprise de la société ORP par la société ASD était moins dommageable que sa disparition pour la concurrence et les consommateurs. Il est ressorti de cette analyse que la disparition de la société ORP « serait aussi préjudiciable au fonctionnement de la concurrence que sa reprise par ASD », et le Conseil de la concurrence a considéré, en conséquence, le troisième critère comme rempli, position qui a été reprise par le Ministre dans sa décision d’autorisation.

360. L’analyse du troisième critère d’applicabilité de l’exception de l’entreprise défaillante consiste donc à identifier des scénarios contrefactuels alternatifs crédibles en cas de non- réalisation de l’opération notifiée. Sur cette base, l’Autorité analyse les effets de ces scénarios sur la structure du marché. Les résultats de cette analyse sont enfin comparés aux résultats de l’analyse concurrentielle de l’opération notifiée163.

361. Pour que ce troisième critère soit satisfait, il est donc nécessaire de démontrer qu’aucun des scénarios alternatifs ne conduirait à une situation concurrentielle plus favorable que celle qui résulterait de l’opération notifiée.

B. POSITION DE LA PARTIE NOTIFIANTE

1. SUR LE RISQUE DE DISPARITION RAPIDE DE LA SOCIÉTÉ CIBLE EN L’ABSENCE DE L’OPÉRATION

362. La partie notifiante précise que la cible, Conforama France, rencontre des difficultés financières importantes depuis 2017 à la suite de révélations d’irrégularités dans les comptes de son actionnaire ultime, la société Steinhoff International Holdings. Depuis, Conforama France a fait l’objet de différentes procédures judiciaires entre 2017 et 2019 […] qui ont débouché sur des opérations de restructuration, telles que la mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi (« PSE ») important adopté en février 2020, la fermeture de plus d’une trentaine de points de vente ou encore la vente de certains actifs du groupe164. Ces opérations de restructuration devaient permettre à Conforama France de retrouver une certaine profitabilité.

363. Les difficultés financières de Conforama ont été exacerbées au cours de l’année 2020, d’abord par le mouvement des « gilets jaunes » puis par la crise sanitaire liée à la Covid-19, avec la fermeture administrative de l’ensemble de ses magasins en France et à l’étranger. Courant avril/mai 2020, Conforama France devait plus de […] d’euros à ses fournisseurs et ne disposait que de quelques semaines de trésorerie165. Ainsi, la fragilité financière de Conforama France et l’absence de soutien de ses actionnaires ne lui ont pas permis d’obtenir le prêt garanti par l’État (« PGE ») auprès de ses principales banques, rendant impossible le paiement de ses fournisseurs et bloquant la réouverture de ses points de vente.

364. Dans ce contexte, une nouvelle procédure […] a été ouverte par le président du tribunal de commerce de Bobigny par ordonnance du 19 mai 2020, sous l’égide notamment du Comité interministériel de restructuration industrielle (ci-après « CIRI »), afin d’obtenir un PGE de la part des banques et, selon la partie notifiante, « d’éviter la cessation d’activité de l’entreprise et la cessation des paiements »166.

365.  […].

366.  […].

367. Dès lors, la partie notifiante considère que ladite société faisait face à des difficultés qui risquaient d’entraîner sa disparition rapide, en l’absence de reprise. Elle considère donc que la première condition doit être considérée comme satisfaite.

2. SUR L’ABSENCE D’OFFRE ALTERNATIVE MOINS DOMMAGEABLE POUR LA CONCURRENCE, PORTANT SUR LA TOTALITÉ OU UNE PARTIE SUBSTANTIELLE DE L’ENTREPRISE

368. La partie notifiante considère que le deuxième critère doit être analysé à la date de la dérogation et non à celle de la décision.

369. Dès lors, selon la partie notifiante, aucun repreneur, à l’exception de Mobilux, ne s’est présenté volontairement pour acquérir tout ou partie de Conforama France. Pourtant les difficultés économiques de Conforama France étaient connues et largement documentées, ayant même fait l’objet, selon la partie notifiante, d’un « scandale financier »167. En outre, la partie notifiante relève que la presse a largement relayé les difficultés financières subies par Conforama France suite aux irrégularités comptables de son actionnaire, les premiers articles relevant ces difficultés ayant été publiés en 2018, ainsi que celles liées à la crise sanitaire de la Covid-19. Par exemple, en 2020, le Parisien a titré : « Conforama au bord du dépôt de bilan, But revient en chevalier blanc »168. Elle soutient que le critère de la publicité des difficultés de l’entreprise serait donc rempli en l’espèce, les entreprises concurrentes de Conforama France ayant eu connaissance de ses difficultés. Ainsi, malgré la publicité des difficultés de la cible et l’intervention du CIRI, aucune offre de reprise, autre que celle de Mobilux, portant sur la totalité ou une partie substantielle de l’activité de Conforama France n’a été proposée.

370. Enfin, la partie notifiante précise que cette absence de repreneur est liée à la structure et au contexte du marché de la vente au détail de produits d’ameublement. En effet, ce secteur est confronté depuis plusieurs années à des difficultés importantes, comme en témoigne, par exemple, la mise en redressement judiciaire de l’enseigne Alinéa en 2020169.

371. En définitive, Mobilux considère que dès lors qu’aucune offre de reprise n’a été présentée, à la date de la dérogation, la condition tenant à l’absence d’offre moins dommageable pour la concurrence est, par conséquent, satisfaite.

3. SUR LE CARACTÈRE MOINS DOMMAGEABLE DE L’OPÉRATION PAR RAPPORT À UN SCÉNARIO DE DISPARITION DE L’ACTIVITÉ CIBLE

a) Remarques préliminaires

372. La partie notifiante soulève plusieurs remarques méthodologiques sur la manière selon laquelle le troisième critère devrait être apprécié. Ces remarques sont abordées ci-dessous.

Sur l’appréciation du critère n° 3 au regard du périmètre de la société Conforama France

373. Selon la partie notifiante, l’analyse du troisième critère ne peut être appréciée que globalement. En d’autres termes, la partie notifiante soutient que ce critère doit s’apprécier au niveau du périmètre de la société Conforama France, pris dans son ensemble.

374. Au soutien de cette position, la partie notifiante précise que, selon elle, les trois critères de l’entreprise défaillante poursuivent la même finalité, et doivent donc être appréciés de manière cohérente. Cet impératif d’application cohérente des trois critères implique selon elle une appréciation aux bornes du périmètre de la cible. En effet, la partie notifiante considère dans un premier temps que « les textes pertinents, ainsi que la pratique de la Commission européenne et de l’Autorité de la concurrence, indiquent clairement que toute appréciation des deux premières conditions d’application de la théorie de l’entreprise défaillante ne peut se faire qu’à l’échelle de la société reprise (en l’espèce Conforama France). »170 Dans un second temps, elle soutient qu’ « une application cohérente des trois conditions d’application de cette théorie, seule de nature à déterminer s’il existe un lien de causalité entre l’opération de concentration et la dégradation de la structure de la concurrence, suppose, dans le cadre de la troisième condition, d’identifier un scénario contrefactuel unique, applicable aux bornes de la cible. »171

375. La partie notifiante considère que seule une appréciation de la troisième condition à la même échelle que les deux premières, c’est-à-dire à l’échelle de cible, permet de parvenir à une analyse rigoureuse de l’absence de lien de causalité entre l’opération de concentration et toute éventuelle dégradation concurrentielle sur le marché. En effet, elle considère que les trois conditions de la théorie de l’entreprise défaillante poursuivent toutes la même finalité, à savoir déterminer s’il existe un lien de causalité entre la réalisation éventuelle de l’opération envisagée et la dégradation de la concurrence qui pourrait s’en suivre. Cette exigence de cohérence imposerait de choisir un scénario contrefactuel unique, applicable à tous les points de vente. Elle soutient en particulier que si un point de vente fait partie d’une cible considérée comme étant en difficulté et donc amenée à sortir du marché en l’absence de reprise au titre de la première condition, et qu’il ne constitue pas une partie substantielle du périmètre cible ayant fait l’objet d’une offre de reprise alternative au titre de la deuxième condition, rien ne justifierait que l’Autorité prenne en considération , pour l’application du troisième critère, un scénario contrefactuel spécifique à ce point de vente, pour estimer par exemple qu’il pourrait, quant à lui, ne pas être amené à disparaître ou faire l’objet d’une offre de reprise alternative.

376. En conclusion, la partie notifiante soutient que l’analyse du troisième critère imposerait de choisir un scénario contrefactuel unique, applicable à tous les points de vente.

Sur la disparition inévitable des actifs du marché comme scénario contrefactuel unique, en l’absence de reprise

377. La partie notifiante considère que « s’il est exact que les Lignes directrices de l’Autorité exigent, au titre du troisième critère de l’entreprise défaillante, que soit démontrée que ‘la disparition de la société en difficulté ne serait pas moins dommageable pour les consommateurs que la reprise projetée’ », les lignes directrices de la Commission retiennent quant à elles un critère légèrement différent : « Troisièmement, si la concentration n’était pas réalisée, les actifs de l’entreprise défaillante disparaîtraient inévitablement  du  marché »172. La partie notifiante en déduit donc, en s’appuyant sur la pratique décisionnelle de la Commission, qu’il suffirait, pour que le troisième critère de l’entreprise défaillante soit rempli, qu’il soit démontré d’une manière générale, qu’en l’absence de réalisation de la concentration projetée, les actifs de l’entreprise défaillante disparaîtraient inévitablement du marché. Elle ajoute que le critère de la disparition des actifs est d’ailleurs le seul qui puisse être valablement appliqué. En effet, sauf dans le cas très particulier d’un marché en duopole, il serait strictement impossible, en pratique, de démontrer qu’en l’absence de réalisation d’une concentration, et donc qu’en cas de disparition de la cible, la totalité des parts de marché détenues par l’entreprise reprise aurait (en toute hypothèse) été transférée au repreneur. Cette démonstration étant dans la plupart des cas impossible, il serait donc logique que la Commission ne retienne pas ce critère.

378. Par conséquent, la partie notifiante considère qu’il suffit, pour que le troisième critère de l’entreprise défaillante soit rempli, de démontrer qu’en l’absence de réalisation de la concentration projetée, les actifs de l’entreprise défaillante disparaîtraient inévitablement du marché.

Sur la date à laquelle l’Autorité devrait se placer pour l’analyse du critère n° 3

379. La partie notifiante considère que la troisième condition de la théorie de l’entreprise défaillante, s’agissant d’opérations ayant fait l’objet d’une dérogation au caractère suspensif du contrôle des concentrations, doit nécessairement être appréciée à la date de la réalisation de l’opération permise par cette dérogation et que l’appréciation ne saurait être menée à la date à laquelle l’Autorité se prononce sur l’opération qui lui a été notifiée.

380. En effet, selon la partie notifiante, l’identification d’un scénario contrefactuel « en cas de non-réalisation de la concentration » suppose, lorsque l’opération a déjà été réalisée, de se placer dans une situation où celle-ci ne l’aurait pas été, c’est-à-dire de « revenir » à la date à laquelle cette dernière a été réalisée afin, précisément, d’apprécier ce qu’il serait advenu des actifs de la société cible, à cette date, en l’absence de reprise.

381. Ainsi, l’Autorité ne devrait pas tenir compte, au titre du troisième critère, d’éventuelles offres de reprise partielle susceptibles d’être formulées postérieurement à la réalisation de l’opération sous le régime de la dérogation, dans un contexte où l’entreprise cible a depuis lors été reprise, sauvée de la faillite et restructurée, c’est-à-dire dans un contexte où l’entreprise n’est tout simplement plus en difficulté. En ce sens, selon la partie notifiante, la situation des actifs cibles serait radicalement différente depuis leur reprise, compte tenu des financements apportés et obtenus par la partie notifiante pour permettre la poursuite de l’activité de Conforama et la réouverture de ses points de vente.

382. Par conséquent, la partie notifiante considère que le troisième critère doit être apprécié à la date de la réalisation de l’opération permise par la dérogation.

Sur l’analyse du critère n° 3 sur les marchés où l’opération ne soulève pas de problème de concurrence

383. Selon la partie notifiante, l’Autorité ne pourrait pas, dans le cadre du bilan concurrentiel qu’elle doit mener au titre de la troisième condition, se contenter d’examiner les effets de chaque scénario à l’aune de chaque marché pris isolément et, surtout, en ne tenant compte que des seuls marchés sur lesquels l’opération soulève des difficultés de concurrence. En effet, elle considère que cela reviendrait à n’intégrer dans le bilan concurrentiel qu’une partie des effets susceptibles d’exister dans le ou les scénarios contrefactuels, et donc, à déséquilibrer artificiellement le bilan concurrentiel de l’opération en sous-estimant l’impact négatif de l’absence de reprise sur la structure des marchés concernés et, plus encore, sur le bien-être du consommateur.

384. La partie notifiante considère donc que l’analyse du bilan concurrentiel doit tenir compte des effets favorables et défavorables de chaque scénario, sur l’ensemble des marchés pertinents concernés par l’opération, et non sur les seuls où l’opération soulève des difficultés de concurrence.

b) Analyse des différents scénarios

385. Au regard des différents arguments exposés ci-avant, la partie notifiante considère qu’il ne fait pas de doute qu’en l’absence de reprise de Conforama France par Mobilux, les actifs détenus par Conforama France n’auraient pas été repris et auraient donc disparu du marché.

386. Elle précise, par ailleurs, que même à supposer qu’une analyse au niveau de chaque marché local ou de chaque point de vente soit envisageable, le seul constat qu’en l’absence de reprise, les actifs de l’entreprise défaillante (en l’occurrence les points de vente et la marque) disparaîtraient inévitablement du marché suffirait à justifier l’application de la théorie de l’entreprise défaillante (sans qu’il soit besoin de procéder à une analyse concurrentielle détaillée, analysant l’effet de la disparition de chaque point de vente sur chaque marché local concerné).

387. Elle développe néanmoins deux scénarios contrefactuels au titre de l’analyse de la troisième condition de l’exception de l’entreprise défaillante. Le premier scénario, le seul suffisamment crédible, selon la partie notifiante, envisage la disparition de l’intégralité des actifs de Conforama du marché. Le second scénario, qu’elle analyse à titre subsidiaire, repose sur l’hypothèse de la reprise de certains actifs de Conforama seulement173. Elle considère que le bilan concurrentiel est, quel que soit le scénario retenu, favorable à l’opération.

Sur les marchés amont

388. S’agissant du premier scénario, la partie notifiante considère que la disparition des actifs de Conforama aurait eu des conséquences négatives pour l’ensemble de la filière du meuble et, en particulier, pour les fournisseurs de produits de literie. En effet, à défaut de l’opération envisagée et de la reprise de Conforama par Mobilux, les créances fournisseurs de Conforama, […], n’auraient pas été payées. Ainsi, l’absence de reprise aurait conduit à la faillite de plusieurs fabricants de meubles de taille intermédiaire. En d’autres termes, compte tenu des faiblesses structurelles du secteur, le défaut de Conforama sur ses créances fournisseurs aurait eu un impact majeur sur la filière du meuble. Si les entreprises de taille intermédiaires (ETI) avaient été menacées, la situation des plus petits fournisseurs aurait été plus périlleuse encore. Ainsi, le défaut de Conforama aurait entraîné des faillites en cascade, ce qui explique l’intervention du CIRI lors des négociations entre Mobilux et Conforama. Concernant les fournisseurs de produits de literie, la partie notifiante considère que la position des services d’instruction selon laquelle la nouvelle entité deviendrait le principal acheteur de produits de literie en France, conduit à considérer que ce marché passerait d’un quasi-duopole à un quasi-monopole. En suivant cette position, les fournisseurs de produits de literie n’auraient pas d’autre choix que de reporter leurs ventes vers But. Dans ce cas, le risque de dépendance économique n’aurait pas été inférieur dans un scénario contrefactuel d’absence d’opération notifiée qu’en présence d’une telle opération. La partie notifiante considère ainsi que la disparition de Conforama ne serait donc pas moins dommageable pour les consommateurs que sa reprise par But.

389. En outre, la concentration plus importante du marché amont, résultant des faillites de fabricants, se serait traduite par une réduction de la diversité et de la quantité de l’offre de meubles (puisque, par hypothèse, un grand nombre de fournisseurs auraient disparu) et par un risque d’augmentation des prix des meubles vendus aux distributeurs, qui aurait été une conséquence probable d’une plus forte concentration du marché. Compte tenu des difficultés du secteur de la distribution de meubles, il ne fait aucun doute que les distributeurs n’auraient eu d’autre choix que de répercuter une telle augmentation des prix sur les consommateurs finals. De plus, la compétitivité des fournisseurs restants aurait pu se dégrader. En effet, leurs débouchés se seraient contractés et même si les fournisseurs de Conforama auraient pu se reporter vers d’autres acteurs, au premier rang desquels But, les volumes vendus auraient nécessairement diminué.

390. Enfin, même si une partie seulement des actifs avaient été repris, les créances fournisseurs n’auraient pas été payées (puisque, par hypothèse, les actifs de Conforama auraient été rachetés dans un processus liquidatif qui exclut par principe la reprise de passifs174). Ainsi, l’ensemble des conséquences décrites ci-dessus se seraient réalisées et la situation sur le marché amont aurait été très nettement moins favorable qu’en présence de l’opération (faillites en cascade, augmentation de la concentration sur le marché amont entraînant une diminution de la diversité de l’offre et une augmentation des prix, nécessairement répercutée aux consommateurs).

Sur les marchés aval

391. La partie notifiante considère également que la disparition de Conforama aurait eu des conséquences négatives sur les marchés aval de la distribution au détail de produits d’ameublement, de produits de bazar et de décoration et de produits électrodomestiques. Comme indiqué ci-dessus, la filière des meubles aurait été lourdement affectée par le défaut de Conforama sur ses créances fournisseurs, ce qui aurait entraîné une réduction du nombre de fournisseurs présents, et donc, nécessairement, en aval, une diminution de la diversité des produits disponibles ainsi qu’une augmentation de leurs prix de vente, sur Internet ou dans les points de vente physique.

392. De plus, l’offre de services de distribution aurait été significativement dégradée et réduite, puisque certains consommateurs ont déclaré qu’en cas de disparition de Conforama, ils arrêteraient d’acheter les familles de produits concernés, preuve que les consommateurs sont attachés à l’enseigne Conforama. Ainsi, selon la partie notifiante, la reprise par Mobilux améliorerait directement le bien-être des consommateurs. En outre, la totalité des points de vente Conforama en métropole auraient disparu, ce qui aurait imposé aux consommateurs des trajets plus longs, soit pour aller acheter des produits, soit pour récupérer physiquement les meubles lorsqu’ils optent pour un achat « click and collect ». Enfin, en cas de disparition de Conforama, il aurait existé un risque d’augmentation des prix sur le marché aval, s’ajoutant à l’augmentation des prix découlant de la dégradation de la situation concurrentielle sur le marché amont.

393. Même si certains actifs avaient été repris, les hypothèses de reprise auraient également été marquées par des effets négatifs de grande ampleur, même si ces derniers auraient, par définition, été légèrement amoindris dans ce second scénario. Ainsi, la hausse des prix des meubles et la réduction de l’offre de meubles vendus, qui découleraient des conséquences sur le marché amont, resteraient inchangées. La réduction de l’offre de services de distribution au détail aurait perduré très largement et la reprise de tout au plus 60 points de vente impliquerait la disparition de Conforama dans l’ensemble des autres zones de chalandise, c’est-à-dire dans la vaste majorité des zones de chalandise concernée. Les consommateurs perdraient une alternative et verraient la qualité de l’offre disponible significativement amoindrie (certains consommateurs arrêtant d’acheter les catégories de produits en cause). De plus, rien n’indique que les reprises de points de vente pourraient concerner les zones de chalandise dans lesquelles les services d’instruction ont identifié un risque d’atteinte à la concurrence. Dans ces zones-là, en l’absence de mise en œuvre de l’opération, la disparition de Conforama resterait donc possible, avec les conséquences décrites ci-dessus. L’impact sur les prix identifié ci-dessus continuerait donc à s’appliquer dans les 110 zones non concernées par une reprise des actifs.

Sur les franchisés dans les DROM

394. Sur les conséquences, pour les franchisés situés dans les DROM, d’une disparition de Conforama comme franchiseur, la partie notifiante considère qu’à supposer que l’Autorité retienne la position des services d’instruction selon laquelle la nouvelle entité deviendrait le principal franchiseur dans les DROM à l’issue de l’opération, alors les franchisés n’auraient d’autre choix que de se tourner vers l’enseigne But pour conserver l’exploitation de leurs surfaces de vente. Il serait donc probable que les parts de marché de la cible reviendraient à la partie notifiante. Dans ce scénario, les franchisés se retrouveraient donc face à une offre unique comme si l’opération était réalisée, de sorte que l’opération ne serait pas la cause de la dégradation de la situation concurrentielle sur le marché. Ainsi, selon la partie notifiante, la disparition de Conforama ne serait pas moins dommageable pour les consommateurs que sa reprise par But.

395. En conclusion, pour l’ensemble des raisons exposées ci-dessus et quel que soit le scénario retenu, les conséquences seraient plus négatives en l’absence de l’opération notifiée qu’en cas de sa mise en œuvre. La partie notifiante considère donc le troisième critère rempli sur chacun des marchés concernés par l’opération. Ainsi, l’ensemble des critères étant remplis, l’exception de l’entreprise défaillante aurait vocation à s’appliquer en l’espèce.

C. APPLICATION AU CAS D’ESPÈCE

1. SUR LE RISQUE DE DISPARITION RAPIDE DE LA SOCIÉTÉ CIBLE EN L’ABSENCE DE L’OPÉRATION

396. Il ressort des éléments transmis par la partie notifiante que Conforama France n’était plus en mesure de payer ses fournisseurs au printemps 2020, ce qui l’a empêché de rouvrir la plupart de ses magasins après le premier confinement, Conforama France ne disposant plus que de

« quelques semaines de trésorerie ». Les importantes difficultés financières l’ont également empêché de mettre en œuvre le PSE visant à restructurer ses activités. L’impossibilité pour Conforma France d’obtenir des financements bancaires, pourtant nécessaires à la poursuite de son activité, témoigne des grandes difficultés qu’elle rencontrait. Ces difficultés ont entraîné l’ouverture de la conciliation judiciaire. L’ordonnance d’ouverture de la conciliation judiciaire précise que celle-ci a pour objectif d’« […] »175.

397. Seule la reprise par le groupe Mobilux a permis à Conforama France d’obtenir les financements nécessaires à la poursuite de son activité. Ces financements ont émané à la fois du groupe Mobilux mais également d’un prêt garanti par l’État. Ainsi, à défaut d’une telle reprise, la cible se serait rapidement trouvée en état de cessation de paiement.

398. L’Autorité considère ainsi que, même si la cible n’était pas, au moment de sa reprise par Mobilux, en état de cessation de paiement, l’absence d’une telle reprise aurait rendu impossible la poursuite de l’activité de la cible.

399. Au vu des éléments apportés par la partie notifiante, l’Autorité considère que le premier critère d’applicabilité de l’exception de l’entreprise défaillante identifié par la pratique décisionnelle est donc rempli.

2. SUR L’ABSENCE D’OFFRE ALTERNATIVE MOINS DOMMAGEABLE POUR LA CONCURRENCE, PORTANT SUR LA TOTALITÉ OU UNE PARTIE SUBSTANTIELLE DE L’ENTREPRISE

400. L’analyse du deuxième critère d’applicabilité de l’exception de l’entreprise défaillante, tel que dégagé par la jurisprudence du Conseil d’État, repose principalement sur l’appréciation de l’existence d’offres alternatives à celle de la partie notifiante et, s’agissant des offres alternatives identifiées, sur leur adéquation.

401. En l’espèce, il convient d’analyser en partie le deuxième critère à l’aune du premier. En effet, le contexte de cession mentionné au stade de l’examen du premier critère permet d’éclairer en partie la situation de Conforama France au regard du deuxième critère, à savoir la publicité de la procédure de recherche de candidats et l’absence d’offre alternative proposée.

a) Sur la publicité de la procédure de recherche des candidats

402. La partie notifiante doit démontrer que le processus de cession a garanti une certaine publicité afin que les acteurs du marché aient pu faire part de leur intérêt pour la reprise.

403. En l’espèce, l’ouverture d’une procédure de conciliation ne permet pas à elle seule de présumer d’une publicité suffisante concernant la vente de Conforma France. Toutefois, comme l’a souligné la partie notifiante, les difficultés financières de Conforama France ont fait l’objet d’une grande publicité par voie de presse, ce qui a permis, à tout le moins, d’informer les potentiels candidats à une reprise.

404. En effet, plus d’une dizaine d’articles sont parus dans la presse nationale entre avril et mai 2020 concernant les difficultés financières de Conforama France176. Par exemple, Le Monde titrait le 17 mai 2020 « L’avenir de Conforama suspendu à l’obtention d’un prêt garanti par l’État »177 et Ouest France le 19 mai 2020 « Coronavirus : Conforama en passe de déposer le bilan »178.

405. En conséquence, l’Autorité considère que la publicité relative aux difficultés de Conforama France a été suffisante, dans la mesure où elle a raisonnablement permis d’informer les potentiels repreneurs afin qu’ils puissent se positionner le cas échéant.

b) Sur l’absence d’offre alternative

406. Comme indiqué ci-dessus, la partie notifiante a déclaré qu’aucune autre offre n’a été proposée à l’exception de celle de Mobilux.

407. L’Autorité considère que les difficultés rencontrées dans le secteur de l’ameublement expliquent cette absence de candidat alternatif au groupe Mobilux au moment de sa reprise de Conforama. En effet, plusieurs acteurs ont souligné dans leurs réponses aux différents tests de marché menés à l’occasion de l’instruction de la présente opération que le secteur de l’ameublement français connaissait une grave crise depuis plusieurs années. Ainsi, Alinéa a été placé en redressement judiciaire en 2020 et le groupe Mobilier Européen, qui exploitait plus de 200 magasins sous les enseignes Fly, Atlas et Crozatier, placé sous procédure de sauvegarde en 2014, a été dans l’obligation de céder ou de fermer l’ensemble de ses points de vente.

408. Aucun nouvel opérateur n’est d’ailleurs entré dans le secteur de l’ameublement au cours des cinq dernières années.

409. De plus, il convient de rappeler que Conforama France avait tenté de céder 32 points de vente au cours de l’année 2020 et qu’elle a finalement dû les fermer en l’absence, précisément, d’offres de reprise179.

410. Enfin, lors des tests de marché, il a été demandé aux différents acteurs présents sur le marché s’ils avaient envisagé la reprise  de  l’ensemble  ou  d’une  partie  des  actifs  de  Conforama France ou s’ils étaient intéressés par une telle reprise. En effet, comme indiqué ci-dessus, l’Autorité prend en compte dans son analyse l’ensemble des offres, et ce, jusqu’à la date de la présente décision.

411. L’ensemble des répondants a indiqué qu’ils n’avaient pas été intéressés par la reprise de tout ou partie des actifs de Conforama lorsque ces derniers ont été mis en vente. 5 des 31 répondants ont toutefois indiqué qu’ils pourraient éventuellement être intéressés par le rachat de points de vente. Toutefois, hormis un répondant, aucun des autres n’a indiqué précisément les points de vente qui pourraient l’intéresser, de sorte que la potentielle intention de reprise d’actifs non identifiés ne saurait être considérée comme crédible au sens du deuxième critère. S’agissant du seul répondant ayant identifié les points de vente, il a indiqué qu’il pourrait être intéressé par la reprise de 48 points de vente. En tout état de cause cette reprise ne peut être considérée comme représentant une partie substantielle des actifs de Conforama France. En effet, les actifs cibles sont constitués de 170 points de vente, de sorte que la seule reprise de moins d’un tiers des actifs ne représente pas une partie substantielle des actifs de Conforama France. Les offres de ces opérateurs seront en revanche intégrées dans l’analyse du troisième critère.

412. Au vu de ces éléments, l’Autorité considère qu’il n’existe, à ce jour, aucune offre alternative à celle de Mobilux moins dommageable à la reprise des actifs Conforama France portant sur la totalité ou une partie substantielle d’entre eux. L’Autorité considère donc que le second critère d’applicabilité de l’exception de l’entreprise défaillante identifié par la pratique décisionnelle est rempli.

3. SUR LE CARACTÈRE MOINS DOMMAGEABLE DE L’OPÉRATION PAR RAPPORT À UN SCÉNARIO DE DISPARITION DE L’ACTIVITÉ CIBLE

413. Pour rappel, le troisième critère permet de comparer les effets propres de l’opération à la dynamique spontanée du marché, dans un cadre plus large que l’analyse du deuxième critère180. L’analyse de ce critère s’effectue en comparant les effets concurrentiels de l’opération notifiée et ceux des différents scénarios envisageables dans le cas où celle-ci n’aurait pas lieu.

a) Précisions de l’Autorité sur les remarques de la partie notifiante

Sur l’appréciation du critère n° 3 au regard du périmètre de la société Conforama France

414. La partie notifiante considère que le troisième critère devrait être analysé à l’échelle de la cible, de la même manière que les deux premiers critères, de sorte que l’analyse ne devrait pas tenir compte des délimitations de marchés retenues par la pratique décisionnelle. En d’autres termes, les effets de la théorie de l’entreprise défaillante s’analyseraient indépendamment des définitions de marché.

415. L’Autorité ne partage pas cette analyse et considère que l’analyse doit être menée au niveau de chaque marché pertinent problématique.

416. Premièrement, la théorie de l’entreprise défaillante est la dernière étape du raisonnement de l’appréciation d’une opération de concentration, appréciation qui se fait au niveau de chacun des marchés pertinents définis, tant en termes de marché de produits que de marché géographique.

417. Deuxièmement, les critères de l’entreprise défaillante sont cumulatifs. L’analyse du troisième critère n’intervient que lorsque les deux premiers critères sont remplis et son analyse est autonome. En conséquence, le fait que les deux premières conditions s’apprécient nécessairement à l’échelle de la cible n’empêche pas que le dernier critère puisse s’apprécier dans chacun des marchés identifiés comme problématiques dans le cadre de l’analyse concurrentielle.

418. Troisièmement, l’objectif de ce dernier critère diffère des deux autres critères car il consiste à vérifier l’existence d’un lien de causalité entre, d’une part, la concentration et d’autre part

« la détérioration de la structure concurrentielle du marché »181. Il s’en suit que ce critère vise à analyser les effets sur le marché en cas de non-réalisation de l’opération, ce qui est une étape du raisonnement différente de celles des deux autres critères. Comme rappelé ci- dessus au paragraphe 359, l’Autorité peut être amenée à rechercher si le renforcement de la position du repreneur n’aurait pas découlé de la simple absorption des parts de marché de l’entreprise cible une fois celle-ci sortie du marché182. Dans ce contexte, afin d’apprécier le pouvoir de marché du repreneur dans une telle situation, l’analyse des scénarios contrefactuels doit donc s’effectuer sur les marchés pertinents tels que définis par l’Autorité (seule définition à même de pouvoir déterminer l’existence d’un pouvoir de marché). En effet, il convient de relever que la définition adéquate du marché en cause est une condition nécessaire et préalable à toute appréciation portée sur l’impact concurrentiel d’une opération de concentration183.

419. Quatrièmement, il ressort de la décision Kali & Salz précitée que la Commission a retenu deux marchés distincts de la potasse à usage agricole en fonction de leur dimension géographique, afin d’analyser l’application de l’exception de l’entreprise défaillante : un premier marché de la potasse, comprenant exclusivement l’Allemagne et un second, comprenant le reste des pays européens à l’exclusion de l’Allemagne. La Commission a accepté l’argument de l’entreprise défaillante sur le premier marché184 et sur le second marché, la Commission a conclu que l’opération de concentration projetée aurait créé ou renforcé une position dominante185. Il s’ensuit que l’analyse des scénarios contrefactuels doit s’effectuer sur chacun des marchés définis.

420. En l’espèce, outre les problèmes de concurrence identifiés sur le marché amont de l’approvisionnement en produits de literie et s’agissant des franchisés des parties dans les DROM, l’Autorité a identifié des problèmes de concurrence sur différents marchés locaux de la distribution au détail de meubles meublants, meubles rembourrés et de literie. L’analyse doit donc être menée sur chacun de ces marchés.

Sur l’appréciation du critère n° 3 fondée uniquement sur la disparition inévitable des actifs du marché

421. La partie notifiante considère que la démonstration de la disparition des actifs de la cible suffit à démontrer que le troisième critère est rempli en se référant aux lignes directrices de la Commission et considère que seul ce critère peut être valablement démontré.

422. L’Autorité relève, comme la partie notifiante, que les lignes directrices de la Commission font référence à la disparition des actifs de l’entreprise cible. Dans la décision Aegean/Olympic II186, la Commission a d’ailleurs mené son analyse relative au troisième critère en examinant s’il existait des repreneurs pour les différents actifs de la cible (en l’espèce, une marque, des droits de trafic bilatéraux avec certains pays tiers et des avions loués).

423. L’arrêt du Conseil d’État de 2004 précité précise toutefois qu’il convient de s’assurer que la disparition de la société en difficulté (dans sa configuration antérieure à l’opération) n’est pas « moins dommageable pour le consommateur » que l’opération notifiée187. En ce sens, le Conseil d’État apprécie ce critère sous l’angle des conséquences pour le consommateur et ne se limite pas à la seule démonstration de la disparition inévitable des actifs cibles comme condition pour remplir le troisième critère. Il s’agit donc de démontrer la neutralité de la reprise pour le consommateur, critère qui peut être apprécié de différentes façons. Les lignes directrices de l’Autorité précisent, de manière logique, que ce critère repose sur l’analyse des scénarios contrefactuels crédibles en cas de non-réalisation de la concentration, analyse appréciée sous l’angle des conséquences pour le consommateur.

424. Par conséquent, l’Autorité considère qu’il est nécessaire de démontrer que les effets de la disparition des actifs cibles sur chacun des marchés sur lesquels l’Autorité a identifié un risque d’atteinte à la concurrence ne seraient pas moins dommageables pour les consommateurs que l’opération envisagée. Une telle démonstration suppose dans un premier temps de démontrer que les actifs auraient inéluctablement disparu et dans un second temps de comparer les effets pour le consommateur d’une telle disparition avec ceux de l’opération projetée.

S’agissant de la date d’appréciation du critère n° 3

425. La partie notifiante considère que l’appréciation de ce critère devrait s’effectuer à la date de la réalisation de l’opération (c’est-à-dire en septembre 2020) et non à la date de la présente décision.

426. Premièrement, de manière générale, en matière de contrôle des concentrations, l’analyse concurrentielle à laquelle procède l’Autorité doit prendre en compte les évolutions de la structure de marché, que celles-ci soient constatées, ou anticipées dès lors qu’elles revêtent un caractère suffisamment certain188.

427. Deuxièmement, le Conseil d’État considère que l’Autorité doit porter une appréciation sur les faits tels qu’ils existent à la date à laquelle elle statue189.

428. Troisièmement, dans le cadre de l’analyse de l’entreprise défaillante, l’Autorité a par le passé, décidé de prendre en compte tous les repreneurs qui se sont manifestés au cours de la procédure pour apprécier le deuxième critère190. Par analogie, le même raisonnement peut être appliqué au troisième critère.

429. Par conséquent, l’appréciation du troisième critère doit nécessairement se faire au moment de l’examen mené par l’Autorité (et ce jusqu’à la date de la décision).

Sur les marchés pertinents où il existe des problèmes de concurrence

430. L’Autorité considère que l’analyse des différents scénarios contrefactuels pour le troisième critère doit porter sur chacun des marchés pertinents où des problèmes de concurrence ont été identifiés à savoir :

- les marchés aval de la distribution des produits de literie, meubles meublants et meubles rembourrés :

- et le marché amont de l’approvisionnement en produits de literie.

431. L’analyse portera également sur la situation des franchisés présents dans les DROM où des risques de concurrence ont été identifiés.

432. S’agissant des marchés aval de la distribution des produits de literie, meubles meublants et meubles rembourrés, qui sont de dimension locale, il s’avère qu’un gain sur un marché local donné ne saurait du point de vue du consommateur compenser une perte sur un autre marché local. Dès lors, et contrairement à ce que soutient la partie notifiante191, l’analyse devra s’effectuer sur chacun de ces marchés locaux, soit 56 zones locales, ainsi que sur le marché amont de l’approvisionnement en produits de literie et dans le cadre de l’examen de la situation des franchisés présents dans les DROM.

b) Appréciation du critère sur chacun des marchés sur lesquels l’opération est de nature à porter atteinte à la concurrence

Sur les marchés aval de la distribution de produits de literie, meubles meublants et meubles rembourrés

433. En premier lieu, afin de vérifier si des repreneurs auraient été intéressés par la reprise de points de vente de la cible, un test de marché a été adressé aux opérateurs du secteur.

434. Il ressort des réponses au test de marché mené spécifiquement sur cette question que huit répondants (sur 33 ayant répondu) se sont déclarés intéressés. Parmi ces huit répondants, cinq sont des grandes surfaces de bricolage qui ne sont pas actives sur les familles de produits sur lesquelles des problèmes de concurrence ont été identifiés (literie, meubles meublants et meubles rembourrés). Les répondants restants ne souhaitent pas exploiter les points de vente pour une activité de distribution de produits d’ameublement. En effet, l’un des répondants souhaite exploiter des grandes surfaces alimentaires. Les deux autres sont des enseignes spécialisées dans les produits décoration et bazar. Le groupe Alinéa qui avait manifesté un intérêt lors d’un précédent test de marché a finalement indiqué dans sa réponse à ce test de marché ne pas être intéressé par la reprise de points de vente Conforama.

435. Par conséquent, la large consultation menée auprès de l’ensemble des acteurs du marché, a permis de confirmer l’absence de manifestation d’intérêt émanant d’opérateurs actifs sur les marchés identifiés comme problématiques (c’est-à-dire les meubles meublants, rembourrés et de literie). En effet, les seuls repreneurs ayant manifesté un intérêt sont les GSB, les GSA ou encore les enseignes de décoration-bazar qui ne sont pas actives sur les marchés problématiques concernés.

436. Dès lors, en l’absence de l’opération, les points de vente cibles sur les 56 zones identifiées auraient disparu.

437. En second lieu, s’agissant de l’exigence de neutralité posée par le Conseil d’État dans la décision Seb/Moulinex, il convient de comparer les effets de cette disparition avec ceux d’une reprise par But pour le consommateur.

438. La sortie des actifs du marché est susceptible d’entrainer deux types de conséquences pour les consommateurs. D’une part, la disparition des points de vente Conforama aurait des conséquences négatives sur la diversité de l’offre de produits en privant les consommateurs d’une enseigne alternative, ainsi que de ses magasins dans les différentes zones locales identifiées. Même si, comme souligné supra, les offres proposées par But et Conforama sont très proches, certains consommateurs ont néanmoins indiqué en réponse aux différents sondages réalisés qu’en cas de hausse des prix, ils continueraient à fréquenter cette enseigne ; d’autres ont même indiqué qu’en cas de fermeture de l‘enseigne Conforama, ils cesseraient d’acheter les familles de produits concernées. Ces comportements sont de nature à montrer que certains consommateurs sont attachés à l’offre proposée par Conforama et, par suite, que la disparition des points de vente de l’enseigne dans les différentes zones locales entrainerait des conséquences négatives sur leur capacité à acheter. Par ailleurs, la fermeture de points de vente Conforama pourrait également entraîner une augmentation du temps de parcours des consommateurs, même si celle-ci ne serait que limitée, compte tenu de la proximité d’implantation géographique des points de vente de ces deux enseignes, ainsi que cela a été précédemment démontré. D’autre part, la disparition des points de vente Conforama aura également pour effet de réduire la pression concurrentielle s’exerçant sur les concurrents de l’enseigne dans les différentes zones locales et ainsi d’entrainer des hausses de prix de leur part. Etant donné l’absence de repreneurs actifs dans les catégories de meubles identifiées comme problématiques dans les différentes zones locales ainsi que l’importance soulignée ci-dessus des barrières à l’entrée sur le marché, il apparaît peu probable que les effets négatifs liés à la diminution de l’offre puissent être rapidement compensés.

439. La disparition des actifs en l’absence de reprise de Conforama est ainsi de nature à engendrer des effets négatifs très importants pour les consommateurs, qui sont fortement susceptibles d’être au moins aussi dommageables que ne le serait la réalisation de la présente opération. En effet, il y a lieu de penser qu’en cas de réalisation de l’opération, tout ou partie des conséquences négatives identifiées en termes de réduction de la diversité de l’offre pourraient être évitées. Par ailleurs, il n’y a pas lieu de considérer, au cas d’espèce, que les hausses de prix qui pourraient découler de la réalisation de l’opération seraient supérieures à celles attendues en cas de disparition des actifs de la cible. Ainsi, l’Autorité considère que la disparition des actifs n’est pas moins dommageable pour le consommateur que l’opération notifiée.

440. Par conséquent, l’Autorité considère le troisième critère rempli sur le marché de la distribution de produits de literie, meubles meublants et meubles rembourrés.

Sur le marché amont de l’approvisionnement en produits de literie

441. En premier lieu, s’agissant de la disparition inévitable des actifs de la cible du marché, le test de marché a confirmé l’absence de repreneur alternatif en produits de literie comme indiqué ci-dessus. Dès lors, en l’absence de l’opération, la cible aurait disparu en tant qu’acheteuse de produits de literie.

442. En second lieu, s’agissant de l’exigence de neutralité, l’Autorité considère que les effets de cette disparition pour le consommateur ne sont pas moins dommageables que la reprise. En effet, ainsi que l’a indiqué la partie notifiante, la disparition de Conforama France aurait mis certains fournisseurs de produits d’ameublement en grande difficulté. La majorité des fournisseurs en produits d’ameublement est d’ailleurs favorable à l’opération, car ils estiment que « ce projet industriel permet la création d’un leader français de l’ameublement avec un actionnaire solide et issu du même secteur d’activité »192 et que l’opération assure la survie de Conforama France et évite de mettre certains fournisseurs en difficulté. Le Syndicat français de l’ameublement a indiqué que « la concentration des distributeurs était préférable à un dépôt de bilan de l'enseigne Conforama du fait des créances très importantes des fabricants français sur Conforama. En effet, si celles-ci n'étaient pas honorées, plusieurs ETI auraient mis directement la clé sous la porte »193. En particulier, concernant les fournisseurs de produits literie, un fournisseur a indiqué lors du test de marché qu’il considérait que l’opération aurait des conséquences favorables sur son activité précisant, comme précédemment indiqué, que l’opération permettait la création « d’un leader français » avec un « actionnaire solide »194. Un autre fournisseur, considère quant à lui, que l’opération permettra la « [s]urvie de Conforama et [sa] capacité à investir pour relancer l’activité »195. La mise en difficulté de certains fournisseurs de literie en raison de la disparition des actifs cibles aurait réduit l’offre disponible de produits pour les enseignes d’ameublement et in fine réduit le choix des consommateurs.

443. Par conséquent, l’Autorité considère le troisième critère rempli sur le marché amont de l’approvisionnement en produits de literie.

Sur le risque de disparition d’une alternative aux franchisés situés dans les DROM

444. En premier lieu, s’agissant de la disparition inévitable des actifs de la cible du marché, comme indiqué précédemment, l’instruction a confirmé qu’il n’existait aucun repreneur ni pour la totalité des actifs de la cible ni pour certains des actifs de la cible. Le réseau de franchise sous enseigne « Conforama » aurait disparu.

445. En second lieu, s’agissant de l’exigence de neutralité, il ressort de l’instruction qu’en cas de disparition de Conforama en tant que franchiseur, il n’y aurait pas d’alternative pour les franchisés en dehors de But dans les DROM. Ainsi, en l’absence de l’opération, les franchisés Conforama se seraient soit tournés vers But, soit auraient cessé leur activité. La disparition de Conforama n’apparaît ainsi pas moins dommageable pour les consommateurs que la reprise par But Conforama.

446. Par conséquent, l’Autorité considère le troisième critère rempli s’agissant des franchisés situés dans les DROM.

c) Conclusion sur le critère n° 3

447. Au vu des éléments apportés par la partie notifiante, l’Autorité considère que le troisième critère est rempli, concernant l’ensemble des marchés sur lesquels l’Autorité a identifié des risques d’atteinte à la concurrence. Les effets d’une disparition de Conforama France n’apparaissent en effet pas moins dommageables que ceux de la reprise de ses actifs, dans les 56 zones locales sur lesquels des risques d’atteinte à la concurrence ont été identifiés, ainsi que sur le marché amont de l’approvisionnement en produits de literie et s’agissant des franchisés situés dans les DROM.

D. CONCLUSION GÉNÉRALE QUANT À L’ARGUMENT TIRÉ DE L’EXCEPTION DE L’ENTREPRISE DÉFAILLANTE

448. Dans la mesure où l’ensemble des critères sont remplis, l’exception de l’entreprise défaillante est applicable concernant les 56 zones sur lesquelles des risques d’atteinte à la concurrence ont été identifiés, le marché amont de l’approvisionnement en produits de literie et les franchisés situés dans les DROM.

449. Ainsi, bien que les différents risques concurrentiels identifiés par l’Autorité ne soient pas compensés par des gains d’efficience, l’opération peut être autorisée sans condition.

DÉCIDE

Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 20-102 est autorisée.

NOTES

2 La société But International a récemment pris le contrôle de la SAS Connexity, ou « DRAWER », via l’acquisition d’une partie du capital social de cette société. Drawer est active uniquement dans le secteur de la vente en ligne de produits d’ameublement et décoration aux particuliers et professionnels via le site internet www.drawer.fr. En 2021, elle a réalisé un chiffre d’affaire inférieur à 20 millions d’euros.

3 Voir par exemple les décisions de l’Autorité n° 15-DCC-28 du 17 mars 2015 relative à la prise de contrôle exclusif de six points de vente sous enseigne Fly et Atlas par But International et n° 16-DCC-139 du 29 août 2016 relative à la prise de contrôle exclusif de dix-huit points de vente sous enseigne But par But International.

4 Les parties proposent également à la vente des meubles de jardin. Toutefois, cette activité est très marginale pour les parties puisque les ventes de meubles de jardin ont représenté respectivement [0-5] % et [0-5] % des chiffres d’affaires 2020 de But et de Conforama France (cote 16679). Cette activité est incluse par l’Autorité dans le marché de la distribution de détail d’articles de jardinage, de bricolage, d’animalerie et d’aménagement extérieur sur lequel l’Autorité considère que seuls les libres-services agricoles (LISA), les jardineries, les grandes surfaces de bricolage (GSB) et les grandes surfaces alimentaires (GSA) sont actives. L’Autorité n’inclut pas dans son analyse les GSS d’ameublement telles que But et Conforama. Au regard de ces éléments, il n’apparaît pas nécessaire d’analyser plus en détail les effets de l’opération sur l’activité de distribution au détail de meubles de jardin des parties, qui en tout état de cause, ne seraient que marginaux.

5 Voir la décision n° 15-DCC-28 précitée.

6 Décision de la Commission européenne M.9609 Mann Mobilia / Tessner Holding / Tejo / Roller du 30 novembre 2020.

7 Voir notamment les décisions n° 15-DCC-28 et n° 16-DCC-139 précitées.

8 Décisions n° 09-DCC-22 du 20 juillet 2009 relative à la prise de contrôle conjoint de la société Groupe Arthur Bonnet par les sociétés Snaidero et Nobilia.et n° 15-DCC-15 du 23 février 2015 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Nobia Holding France SAS par la société Fournier SA.

9 Lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie C2006-118, du 28 novembre 2006, au conseil de la société Cauval Industries, relative à une concentration dans le secteur de la fabrication de matelas et sommiers.

10 Décision n°17-DCC-216 du 18 décembre 2017 relative à la prise de contrôle exclusif des actifs des sociétés Lilnat, Vetura et Agora Distribution par la société Groupe Philippe Ginestet.

11 Décision n°20-DCC-49 du 27 mars 2020 relative à la prise de contrôle exclusif de Top Achat par le groupe LDLC.

12 Voir la lettre C2006-155 précitée.

13 Xerfi, « La distribution de meubles », conjoncture et prévisions, juin 2021.

14 Ibid.

15 Ibid.

16 Voir notamment le lettre du ministre en charge de l’économie C2006-155 précitée et les décisions de l’Autorité n°11-DCC-78 du 18 mai 2011 relative à l’acquisition du groupe Titouan par le groupe Conforama,

n°11-DCC-136 du 14 septembre 2011 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Habitat France SAS, Compania de Equipamientos del Hogar –Habitat SA et Habitat Deutschland GmBH par la société Cafom, n° 14-DCC-39 du 24 mars 2014 relative à la prise de contrôle exclusif de 12 points de vente sous enseigne Atlas et Fly par Conforama Développement, n° 15-DCC-28 et n° 16-DCC-139 précitées.

17 Ibid.

18 Décision C2006-155 précitée.

19 Décision n° 14-DCC-39 précitée.

20 Ibid.

21 Voir la décision n° 18-DCC-01 du 10 janvier 2018 relative à l’acquisition du contrôle exclusif de la société La Redoute par la société Motier (groupe Galeries Lafayette).

22 Cote 14209.

23 Cote 14213.

24 Cote 14226.

25 Cotes 14223à 1425.

26 […]. La crise sanitaire de la Covid-19 est en outre susceptible d’avoir participé à l’accélération de la progression des ventes en ligne depuis cette estimation (voir infra).

27 Voir notamment les décisions n°15-DCC-28 et 16-DCC-139 précitées.

28 Voir les réponses à la question 32 du premier test de marché concurrent.

29 Voir les décisions n° 09-DCC-22 et n° 15-DCC-15 précitées.

30 Voir la décision n° 15-DCC-15 précitée.

31 Voir notamment la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’emploi C2006-155 du 31 août 2007 au conseil de la société Cafom, relative à une concentration dans le secteur de la vente de biens d’équipements de la maison et les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 17-DCC-216 du 18 décembre 2017 relative à la prise de contrôle exclusif des actifs des sociétés Lilnat, Veture et Agora Distribution par la société Groupe Philippe Ginestet et n° 15-DCC-28 du 17 mars 2015 relative à la prise de contrôle exclusif de six points de vente sous enseigne Fly et Atlas par But International.

32 Voir la décision n° 17-DCC-216 précitée.

33 Ibid.

34 Voir la décision n° 15-DCC-28 précitée.

35 Voir notamment les décisions n° 11-DCC-87, n° 16-DCC-111 et n° 18-DDC-131 précitées.

36 Dans la décision n° 20-DCC-49 du 27 mars 2020 relative à la prise de contrôle exclusif de Top Achat par le groupe LDLC, la pratique décisionnelle a envisagé (i) une segmentation du marché des produits gris en fonction de la gamme de prix et (ii) une segmentation spécifique à destination des joueurs de jeux vidéo, en raison de la spécialisation de LDLC et Top Achat en produits informatiques. En l’espèce, les parties fournissent des produits gris à la marge et ont adopté un positionnement généraliste et grand public (cotes 1005 et 1045). En conséquence, les segmentations identifiées dans la décision n° 20-DCC-49 ne s’appliquent pas au cas d’espèce.

37 Les parties ne sont pas actives sur le segment des produits de divertissement (cote 9511).

38 Il convient de préciser que les parties sont actives de manière marginale sur les produits gris (cotes 1005 et 1045).

39 Voir la décision n° 16-DCC-111 précitée.

40 Voir les décisions n° 11-DCC-87, n° 16-DCC-111 et n° 18-DCC-131 précitées.

41 Voir la décision de la Commission n° COMP/M.9609 précitée.

42 Lettre C2006-118 du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 28 novembre 2006, au conseil de la société Cauval Industries, relative à une concentration dans le secteur de la fabrication de matelas et sommiers.

43 Cote VNC 11476.

44 Cote VNC 11479.

45 Cote 11312.

46 Cote VNC 11498.

47 Voir la décision de l’Autorité n° 17-DCC-216 précitée.

48 Voir notamment la décision de l’Autorité n° 15-DCC-28 précitée.

49 Voir la décision n° 16-DCC-111 précitée.

50 Voir notamment les décisions de la Commission n °COMP/M.2898, Leroy Merlin / Brico, 13 décembre 2002 et n°COMP/M.4226, DSGI / Fotovista, 29 juin 200 et n°IV/M.1221, Rewe / Meinl, 3 février 1999 et n°COMP/M.1684, Carrefour / Promodès, 25 janvier 2000.

51 Le cas particulier de l’enseigne Ikea sera développé dans l’analyse concurrentielle.

52 Voir les réponses à la question 47 du second test de marché concurrents.

53 Voir les réponses à la question 43 du second test de marché concurrents.

54 Voir la présentation Deloitte intitulée « Enseignements du sondage pour l’analyse de la concurrence », pages 23 à 37 (cote 16602).

55 Voir la lettre du ministre de l’économie C2006-155 et l’avis du Conseil de la concurrence 07-A-06 précités, les décisions de l’Autorité la décision n° 14-DCC-39, n° 15-DCC-28, 16-DCC-139 et 17-DCC-216 précitées.

56 Voir la décision n° 18-DCC-79 du 23 mai 2018 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Dimeco par la société Cafom et la décision n° 16-DCC-111 précitée.

57 Voir la décision n° 16-DCC-111 précitée.

58 Voir la décision n° 16-DCC-111 précitée.

59 Voir notamment les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 14-DCC-71 du 4 juin 2014 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Nocibé par Advent International Corporation, n° 10-DCC-01 du 12 janvier 2010 relative à la prise de contrôle exclusif par Mr Bricolage de la société Passerelle, n° 14-DCC-173 du 21 novembre 2014 relative à la prise contrôle exclusif de la société Dia France SAS par la société Carrefour France SAS. Voir également la décision du Conseil d’État du 23 décembre 2010, Société Monsieur Bricolage.

60 En France métropolitaine, les magasins franchisés se situent à Lons-le-Saunier, Melun et Challans. Dans les DROM, ils sont situés en Guadeloupe, Guyane, Martinique, et deux à La Réunion (cote 8853). Ce chiffre est susceptible d’évolution, […].

61 Cote 1031.

62 Cotes 1611 à 1683.

63 Cotes 9184 à 9219.

64 Cotes 9264 à 9267.

65 Cote 9265.

66 Cote 25126.

67 Cote 9265.

68 Voir par exemple l’article 10.1 du contrat de franchise Conforama Challans (cote 11940).

69 Article 14 du contrat de franchise Conforama Challans précité (cote 11942).

70 Article 22 du contrat de franchise Conforama Challans précité (cote 11946).

71 Cote VNC 14052.

72 Cuir Center, Gautier, Château d’Ax, Mégabriel, Rêves d’Ailleurs, ou encore des enseignes de dimension nationale non présentes dans les DROM comme Ikea.

73 En effet, la partie notifiante considère que les développements sur le marché aval de la distribution au détail en termes de définition de marché ne s’appliquent pas nécessairement aux franchisés qui disposeraient d’alternatives plus importantes.

74 Cotes 25117 à 25118.

75 Cote 987.

76 Voir la décision de la Commission européenne M.9609 du 30 novembre 2020 précitée, paragraphe 134.

77 Cote 9138.

78 Voir paragraphes 499 à 504 des lignes directrices de l’Autorité.

79 Décision de la Commission n° IV/M.1221 Rewe/Meinl du 3 février 1999.

80 Avis n° 97-A-14 précité.

81 Voir paragraphe 502 des lignes directrices de l’Autorité.

82 Décision n° 20-DCC-72 du 26 mai 2020 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Vindémia Group par la société Groupe Bernard Hayot.

83 Décision de la Commission n° IV/M.1221 Rewe/Meinl du 3 février 1999.

84 Décision n° 20-DCC-72 du 26 mai 2020 précitée.

85 Cotes 12411 à 12421.

86 Décision de la Commission européenne M.9609 du 30 novembre 2020 précitée.

87 Cote 11708.

88 Cote VNC 11496.

89 Liste des fournisseurs interrogés : cotes 12411 à 12421.

90 Cotes VNC 11476.

91 Cotes VNC 11478.

92 Cotes 11312.

93 Cotes 11316.

94 Cotes VNC 11482.

95 cote VNC 11481.

96           IPEA      Bilan      de          l’année 2020.     Accessible :         https://ipea.fr/medias/public/IPEA- Bilan%20march%C3%A9%202020.pdf.

97 Cote 14205.

98 Ce résultat est obtenu en calculant la moyenne de la part de ventes en ligne retenue pour chaque type d’enseignes pondérée par le poids que représente chaque type d’enseigne sur le marché de l’ameublement.

99 Cote 16783.

100 Certain spécialistes literie peuvent également proposer des meubles rembourrés.

101 Cf. paragraphes 23 et suivants.

102 Cote 16651.

103 Cote 16789 ; https://www.lsa-conso.fr/thierry-le-guenic-est-le-nouveau-proprietaire-d-habitat,359968.

104 Les données de la société Drawer, acteur « pure player », récemment achetée par But International ont été prises en compte dans l’analyse concurrentielle.

105 Lignes directrices de l’Autorité de la concurrence, paragraphe 622.

106 Lignes directrices précitées, paragraphe 627.

107 Cote VNC 16908.

108 Cote VNC 25086.

10110 Cote VNC 25086.

111 Slide 39 à 43 du document « Enseignement du sondage pour l’analyse de la concurrence » (cote 16602).9 Cote VNC 25086.

112 L’indice GUPPI est un indice de pression à la hausse des prix.

113 En d’autres termes, pour une catégorie de meubles donnée, le ratio de diversion critique au seuil de 5% de l’enseigne Conforama correspond aux reports d’achat minimum des consommateurs de cette enseigne vers But qui entraînent un indice GUPPI supérieur à 5%. La méthode de calcul du ratio de diversion critique découle d’une réécriture de la formule même de l’indice GUPPI soit, pour deux entreprises A et B : GUPPIA = Ratio de DiversionA->B * Marges BrutesB. La formule obtenue pour un ratio de diversion critique au seuil de 5% est alors la suivante : Ratio de Diversion CritiqueA->B = 5 %/ Marges BrutesB. Ces deux formules ont recours à des ratios de diversion pondérés par les dépenses pour tenir compte d’éventuelles différences de prix entre les deux enseignes.

114 Observations de la partie notifiante, page 51.

115 1 = Entrée de gamme ; 2 = Moyenne gamme ; 3 = Haut de gamme ; 4 = Très haut de gamme, luxe.

116 Chiffres issus de la réponse à la question 25 du second test de marché à destination des concurrents.

117 Tableau issu de la réponse à la question 3 du questionnaire n° 4 du 16 septembre 2021 (cote 14205).

118 […] (cote 14205).

119 Distancier communiqué le 23 décembre 2021 (cote 16651).

120 Cote 11811.

121Cote 16821.

122 Cote 17297.

123 Cote VNC 21205.

124 Voir par exemple, la réponse de La Redoute (Galeries Lafayette) (cote VNC 16911).

125 Cote VNC 11123.

126 Cote VNC 9769.

127 Voir supra, para. 264.

128 Cotes 1031 à 1033.

129 Cote 25331.

130 Cotes 12414 et 12415.

131 Voir page Wikipédia portant sur le groupe Beko : https://fr.wikipedia.org/wiki/Beko et sa réponse au test de marché (cotes VNC 13889 à 13894).

132 Cote 1035.

133 Cotes 9510 à 9511.

134 Cotes 9510 à 9511.

135 Lignes directrices, para. 767 et suivants.

136 Lignes directrices, para. 785.

137 Conseil d'État, Section du contentieux, du 6 février 2004, 249267, publié au recueil Lebon.

138 Voir le Glossaire d’économie industrielle et de droit de la concurrence de l’OCDE.

139 CJCE, Kali & Salz du 31 mars 1998, C-68/94.

140 Lignes directrices, para. 789.

141 Lignes directrices sur l’appréciation des concentrations horizontales de la Commission européenne, para. 89.

142 Lignes directrices de la Commission européenne, para. 90.

143 Ibid.

144 Lignes directrices, para. 787. Voir également la décision de la Commission européenne du 26 juin 1997, IV/M.890 – Blokker/Toys « R » Us et para. 91 des Lignes directrices sur l'appréciation des concentrations horizontales au regard du règlement du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (2004/C31/03).

145 Lignes directrices, para. 787.

146 Conseil d’État, arrêt du 6 février 2004 précité.

147 Lignes directrices, para. 791.

148 Lignes directrices, para. 793.

149 Lignes directrices, para. 794.

150 Voir, par extension, les paragraphes 448, 504 et 518 des lignes directrices. Voir également, a fortiori, la décision du Conseil d’État du 21 mars 2016, Numéricable – Groupe Canal Plus.

151 Voir notamment les décisions de la Commission européenne du 17 juillet 2001, COMP/M.2314 – BASF/Eurodiol/Pantochim, du 11 mai 2007, COMP/M.4381 – JCI/ VB/ FIAMM et du 9 octobre 2013, COMP/M. 6796 – Aegean / Olympic II.

152 Lignes directrices, para. 792.

153 Lignes directrices, para. 795.

154 Décision 18-DCC-95 du 14 juin 2018 relative à la prise de contrôle exclusif d'une partie du pôle plats cuisinés ambiants du groupe Agripole par la société Financière Cofigeo.

155 Ibid.

156 « Dès lors, le critère de l'absorption des parts de marché, bien qu'il ne soit pas considéré par la Commission elle-même comme suffisant à lui seul pour exclure le caractère préjudiciable de l'opération de concentration pour le jeu de la concurrence, concourt à assurer la neutralité de cette opération par rapport à la dégradation de la structure concurrentielle du marché, ce qui est conforme à la notion de causalité figurant à l'article 2, paragraphe 2, du règlement. » (point 116)

157 Lignes directrices, para. 796.

158 CJCE, 31 mars 1998, Kali & Salz, aff. C-68/94 et C-30/95, Rec. I-1375.

159 Lignes directrices de la Commission, para. 89 et 90.

160 Conseil d’État, arrêt du 6 février 2004 précité.

161 Conseil d’État, arrêt du 6 février 2004 précité.

162 Lignes directrices, para. 796.

163 Sur la méthode retenue par l’Autorité de la concurrence dans l’analyse du troisième critère d’applicabilité de l’exception de l’entreprise défaillante, voir notamment la décision n° 17-DCC-216 du 18 décembre 2017 relative à la prise de contrôle exclusif des actifs des sociétés Lilnat, Vetura et Agora Distribution par la société Groupe Philippe Ginestet.

164 Cotes 9155 à 9157 et cotes 1053 à 1062.

165 Le Parisien, Conforama au bord du dépôt de bilan, But revient en chevalier blanc, 17 mai 2020 : cotes 9380 à 9382.

166 Cote 1058.

167 Cote 9156.

168 Cote 9156.

169 Par exemple, l’enseigne Alinéa a été placée en redressement judiciaire le 13 mai 2020 par le Tribunal de commerce de Marseille et a été finalement reprise par ses anciens actionnaires par un plan de cession arrêté le 14 septembre 2020 ne permettant pas d’ailleurs de sauver tous les magasins de l’enseigne (Cotes 9156 et 9157).

170 Cote 25049.

171 Cote 25049.

172 Cote 25057.

173 Dans ce second scénario, la partie notifiante part de l’hypothèse selon laquelle le nombre de points de vente repris et conservés sur le marché serait compris entre un et 60 points de vente (ce seuil correspond à environ 35 % des points de vente).

174 La reprise d’actifs n’emporte pas nécessairement de reprise de passifs, comme cela peut être le cas pour une reprise d’une branche d’activité, voire des titres d’une société.

175 Cote 183.

176 Cotes 9353 à 9396.

177 Cotes 9378 à 9379.

178 Cotes 9354 à 9355.

179 Cote 25056.

180 Comme cela ressort de l’arrêt Kali & Salz de la Cour de justice des communautés européennes, précité :

« En fait, l’introduction de ce critère vise à assurer que l’existence d’un lien de causalité entre la concentration et la détérioration de la structure concurrentielle du marché ne peut être exclue qu’au cas où la détérioration de la structure concurrentielle, faisant suite à l’opération de concentration, se produirait pareillement même en l’absence de cette opération. »

181 CJCE, 31 mars 1998, Kali & Salz, aff. C-68/94 et C-30/95, Rec. I-1375.

182 Lignes directrices, para. 796.

183 Voir point 143 de l’arrêt de la CJCE Kali & Salz précité.

184 Comme il ressort de l’extrait suivant de l’arrêt précité: « Dès lors, il y a lieu de constater que, pour ce qui est de ce marché, ladite opération apparaît comme satisfaisant au critère mentionné à l'article 2, paragraphe 2, du règlement, en sorte qu'elle pouvait être déclarée compatible avec le marché commun, sans qu'il y soit apportée de modification. En conséquence, contrairement à ce que prétend le gouvernement français, il ne saurait être exigé, sans contredire cette prémisse, que, s'agissant du marché allemand, la Commission assortisse de quelque condition que ce soit sa déclaration de compatibilité de l'opération de concentration. » (point 124).

185 Il convient de noter que ce point a été annulé par la Cour, ce qui a entraîné l’annulation de la décision de la Commission dans sa totalité car il apparaissait que « la Commission n'a, en tout état de cause, pas établi à suffisance de droit que l'opération de concentration engendrerait une position dominante collective de K + S/MdK et SCPA susceptible de constituer une entrave significative à une concurrence effective dans le marché en cause » (point 249 de l’arrêt précité).

186 Voir la décision de la Commission européenne n° COMP/M.6796 Aegean/Olymic II en date du 9 octobre 2004.

187 Conseil d’État, arrêt du 6 février 2004 précité.

188 Voir para. 448, 504 et 518 des Lignes directrices de l’Autorité et décision du Conseil d’État du 21 mars 2016, Numéricable – Groupe Canal Plus.

189 Voir par exemple la décision du CE 13 février 2006, société De Longhi SPA, n° 278796, au Recueil et les conclusions de V. Daumas sur CE, Assemblée, 21 décembre 2012, Sté Groupe Canal Plus et autres, n° 362347, au Recueil

190 Voir par exemple, la décision n° 18-DCC-95 du 14 juin 2018 relative à la prise de contrôle exclusif d'une partie du pôle plats cuisinés ambiants du groupe Agripole par la société Financière Cofigeo.

191 But estime que ce critère devrait être analysé sur l’ensemble des marchés locaux à l’aval de manière générale sans faire l’analyse marché local par marché local.

192 Cote VNC 11247.

193 Note du Syndicat français de l’ameublement du 15 mars 2022.

194 Cote VNC 11247.

195 Cote 11712.