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Décisions

Cass. crim., 7 septembre 2021, n° 20-87.191

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

Bastia, du 16 déc. 2020

16 décembre 2020


1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 16 mai 2019, une enquête préliminaire concernant des infractions à la législation sur les stupéfiants commises entre le continent et la Corse a été initiée, à la suite d'un renseignement anonyme.

3. Le 8 août 2019, une information judiciaire contre personne non dénommée a été ouverte des chefs précités, ainsi que pour participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'infractions à la législation sur les stupéfiants et blanchiment de ces infractions.

4. Le juge d'instruction a délivré une première commission rogatoire en exécution de laquelle des officiers de police judiciaire ont mis en évidence la continuité du trafic de produits stupéfiants.

5. Les procès-verbaux d'exécution de cette commission rogatoire ont été déposés le 30 janvier 2020 au cabinet du juge d'instruction.

6. En exécution d'une seconde commission rogatoire, délivrée par le juge d'instruction après jonction d'une autre information judiciaire, M. [M] a été interpellé à [Localité 1] le 4 février 2020. Une perquisition de son domicile situé à [Localité 2], en Corse, a été simultanément effectuée en son absence et sans qu'il n'ait été invité à désigner un représentant.

7. Par ordonnance de soit-communiqué du 6 février 2020, le juge d'instruction a transmis au procureur de la République les procès-verbaux constatant des faits nouveaux, déposés le 30 janvier précédent, lequel l'en a supplétivement saisi.

8. M. [M] a été mis en examen des chefs susvisés le 10 février 2020.

9. Le 1er juillet 2020, son avocat a présenté une requête en nullité notamment de la perquisition de son domicile et de sa mise en examen.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, sur le deuxième moyen, pris en sa première branche et sur le troisième moyen

10. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de M. [R] [M] tendant à constater que la désignation des juges d'instruction par le juge des libertés et de la détention remplaçant le président du tribunal de grande instance est irrégulière en l'état de l'intervention du juge des libertés et de la détention au stade de l'enquête préliminaire, alors :

« 1°/ que les dispositions des articles 83 alinéa 2 et 83-1 alinéa 5 du code de procédure pénale en ce qu'elles prévoient que les décisions de désignation d'un juge d'instruction, seul ou en co-saisine, rendues par le président du tribunal judiciaire, le président de la chambre de l'instruction ou la chambre de l'instruction, constituent "des mesures d'administration judiciaire non susceptibles de recours", mais aussi selon une interprétation qu'en a faite la Cour de cassation, de toute requête en nullité, sont contraires aux droits de la défense et au droit à un recours effectif garantis par l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ; que consécutivement à la déclaration d'inconstitutionnalité qui interviendra de la part du Conseil constitutionnel saisi par mémoire de QPC distinct et motivé, l'arrêt attaqué, se trouvera privé de base légale. »

Réponse de la Cour

12. Par arrêt du 11 mai 2021, la chambre criminelle a dit n'y avoir lieu à saisir le Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité relative aux articles 83, alinéa 2, et 83-1, alinéa 5, du code de procédure pénale.

13. Il en résulte que le moyen est devenu sans objet.

Sur le deuxième moyen pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

14. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de M. [M] tendant à l'annulation de sa mise en examen, eu égard à l'absence de saisine par le juge d'instruction des faits d'infraction à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs et blanchiment pour la période du 1er mars 2019 et jusqu'au 4 février 2020, ainsi que l'annulation de l'ensemble des actes d'information réalisés hors le périmètre de saisine du magistrat instructeur et de l'ensemble des actes subséquents et des actes coercitifs et la nullité de la mise en examen de M. [M] et de son placement en détention, faute de réquisitoire supplétif pour faits nouveaux permettant une saisine pour des faits postérieurs au 8 août 2019, date du réquisitoire introductif, alors :

« 2°/ que le juge d'instruction qui acquiert la connaissance de faits nouveaux doit immédiatement communiquer au procureur de la République les plaintes ou les procès-verbaux qui les constatent ; qu'en écartant toute méconnaissance de cette exigence, tout en relevant que « le 10 février 2020 le magistrat instructeur a communiqué la procédure au parquet pour solliciter ses réquisitions aux fins de mise en examen de l'ensemble des chefs de préventions visés, sur la période du 1er mars 2019 au 4 février 2020 », sans constater que le procureur de la République avait immédiatement reçu communication des éléments constatant des faits postérieurs au réquisitoire introductif du 8 mars 2019, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 80 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

15. Le demandeur ne saurait se prévaloir d'une éventuelle exécution tardive de l'obligation faite au juge d'instruction, au troisième alinéa de l'article 80 du code de procédure pénale, de communiquer immédiatement au procureur de la République les procès-verbaux et plaintes qui constatent des faits non visés au réquisitoire introductif, dès lors que la chambre de l'instruction a exactement énoncé que les actes de nature coercitive ont été régulièrement mis en oeuvre sur commission rogatoire du juge d'instruction pour établir les faits visés au réquisitoire introductif et que l'intéressé n'a été mis en examen qu'après la communication au procureur de la République des procès-verbaux constatant la commission des faits nouveaux.

Sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

16. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de M. [M] tendant à voir constater que les opérations de perquisition effectuées par les enquêteurs visées aux procès-verbaux du 4 février 2020 sont irrégulières ; dire et juger que ces procès-verbaux sont nuls ; constater que ces procès-verbaux sont le support de l'ensemble des actes subséquents de la procédure ; annuler les perquisitions en date du 4 février 2020 et les actes subséquents dont elles sont le support nécessaire, ainsi que la mise en examen de M. [M], ses interrogatoires au fond, son placement en détention provisoire et le rapport d'expertise en investigations numériques ; ordonner l'annulation de l'ensemble de la procédure à compter des procès-verbaux du 4 février 2020 jusqu'au dernier acte de la procédure accompli, alors :

« 1°/ que, sauf hypothèses limitativement énumérées par la loi, les opérations de perquisition sont faites en présence de la personne au domicile de laquelle celle-ci a lieu ; qu'en cas d'impossibilité, l'officier de police judiciaire aura l'obligation de l'inviter à désigner un représentant de son choix ; qu'à défaut, l'officier de police judiciaire choisira deux témoins requis à cet effet par lui, en dehors des personnes relevant de son administration ; qu'en rejetant la demande de nullité de la perquisition réalisée au domicile de M. [M], sans rechercher, comme il lui était demandé, si celui-ci avait bien été invité à désigner un représentant de son choix afin qu'il assiste à ces perquisitions, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 57 et 95 du code de procédure pénale ;

2°/ que justifie d'un grief la personne poursuivie qui est placée en détention provisoire et voit ses demandes de mise en liberté rejetées sur le fondement d'une opération de perquisition irrégulière ; qu'en jugeant que M. [M] « ne [présentait] pas de grief au sens de l'article 802 du code de procédure pénale à l'appui de sa requête en nullité sur les perquisitions constatées, sa mise en examen notamment n'ayant pas reposé sur ces éléments découverts après son placement en garde à vue », sans rechercher, comme il lui était demandé, si ce grief ne découlait pas de ce que la décision de placement en détention provisoire de M. [M] et le rejet de ses demandes de mise en liberté reposaient sur le résultat des opérations de perquisition et de saisie menées chez lui, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 57, 95 et 802 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

17. Il résulte des articles 171 et 802 du code de procédure pénale que l'inobservation des formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité doit entraîner la nullité de la procédure, lorsqu'il en est résulté une atteinte aux intérêts de la partie concernée.

18. Il s'ensuit les principes généraux suivants.

19. Hors les cas de nullité d'ordre public, qui touchent à la bonne administration de la justice, la chambre de l'instruction, saisie d'une requête en nullité, doit successivement d'abord rechercher si le requérant a intérêt à demander l'annulation de l'acte, puis, s'il a qualité pour la demander et, enfin, si l'irrégularité alléguée lui a causé un grief.

20. Le requérant a intérêt à agir s'il a un intérêt à obtenir l'annulation de l'acte.

21. Pour déterminer si le requérant a qualité pour agir en nullité, la chambre de l'instruction doit rechercher si la formalité substantielle ou prescrite à peine de nullité, dont la méconnaissance est alléguée, a pour objet de préserver un droit ou un intérêt qui lui est propre.

22. L'existence d'un grief est établie lorsque l'irrégularité elle-même a occasionné un préjudice au requérant, lequel ne peut résulter de la seule mise en cause de celui-ci par l'acte critiqué.

23. En l'espèce, pour écarter le moyen de nullité pris de la violation des dispositions de l'article 57, alinéa 2, du code de procédure pénale, l'arrêt attaqué énonce que le mis en examen ne pouvait assister à la perquisition qui avait lieu à son domicile situé en Corse, puisqu'il était alors en garde à vue à Nîmes.

24. Les juges relèvent en substance que l'urgence à procéder à la perquisition de ce domicile est caractérisée par les risques de déperdition des preuves, ce qui résulte de la présence d'une tierce personne dans ce logement, laquelle a précipitamment quitté les lieux après avoir été requise par les policiers.

25. Ils ajoutent que M. [M] n'a pas contesté la propriété des objets saisis par les services de police dans ce logement qu'il reconnaît avoir occupé, qu'il s'est expliqué sur la régularité de leur possession devant le magistrat instructeur et a précisé qu'ils n'avaient aucun lien avec les faits reprochés.

26. Les juges en déduisent que M. [M] ne justifie d'aucun grief.

27. C'est à tort que les juges ont écarté la violation des dispositions du texte précité, alors que M. [M], qui ne pouvait assister à la perquisition en raison de son éloignement géographique, n'a pas été invité à désigner un représentant de son choix.

28. Il apparaît en effet à l'examen des pièces de la procédure que la concomitance entre l'interpellation de M. [M] à [Localité 1] et la perquisition de son domicile en Corse relève d'un choix d'enquête, qui ne peut lui être opposé et ne suffit pas à caractériser l'impossibilité de désigner un représentant de son choix.

29. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure pour les raisons qui suivent.

30. Les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article 57 du code de procédure pénale ont pour objet d'authentifier la présence effective sur les lieux des objets découverts et saisis au cours de la perquisition.

31. M. [M] n'a pas contesté la présence, à son domicile, des objets qui y ont été saisis au cours de la mesure litigieuse.

32. Dès lors, c'est à bon droit que la chambre de l'instruction a constaté que le défaut de désignation, par M. [M], d'un représentant pour assister à la perquisition de son domicile en son absence ne lui a causé aucun préjudice.

33. Le préjudice allégué par le moyen, selon lequel les opérations de perquisition et de saisie critiquées ont été invoquées par le juge des libertés et de la détention dans ses décisions, ne résulte pas de l'irrégularité elle-même et ne constitue ainsi pas un grief au sens de l'article 802 du code de procédure pénale.

34. Par conséquent, le moyen doit être écarté.

35. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le sept septembre deux mille vingt et un.