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Décisions

Cass. com., 8 mars 2023, n° 21-24.650

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

Mme Brahic-Lambrey

Avocats :

SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Cass. com. n° 21-24.650

8 mars 2023

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 23 septembre 2021), la société Igreen, dont M. [G] était le gérant, a été mise en redressement judiciaire le 13 juillet 2016. La procédure a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 12 juillet 2017, la société [Z] Hermont, devenue société Alpha mandataires judiciaires, étant désignée liquidateur et la date de cessation des paiements étant fixée au 13 janvier 2015.

2. Soutenant que M. [G] avait commis différentes fautes de gestion, le liquidateur l'a assigné en responsabilité pour insuffisance d'actif.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa quatrième branche, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La société Alpha mandataires judiciaires, ès qualités, fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de sanction à l'encontre de M. [G] en raison de la poursuite d'une activité déficitaire depuis le jugement d'ouverture du redressement judiciaire du 13 juillet 2016 jusque l'arrêt du 24 mai 2018, alors « que les fautes de gestion commises pendant la période d'observation du redressement judiciaire peuvent être prises en considération pour fonder l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif dès lors qu'elles sont antérieures au jugement de liquidation judiciaire ; qu'en jugeant que seule une faute du dirigeant antérieure à l'ouverture de la procédure collective pouvait donner lieu à l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, qu'il convenait d'apprécier si le dirigeant avait commis, antérieurement à la procédure collective, les fautes alléguées par le liquidateur, qu'il ne pouvait être reproché la poursuite d'une activité déficitaire à M. [G] entre le jugement d'ouverture du redressement judiciaire du 13 juillet 2016 et jusque l'arrêt du 24 mai 2018 confirmant la liquidation judiciaire dans la mesure où la poursuite de l'activité s'était faite dans le cadre de l'autorisation donnée par le tribunal et que le souci de M. [G] de sauver la société, peut-être non réaliste, ne caractérisait pas une faute dès lors que la poursuite de l'activité était encadrée judiciairement, quand M. [G], dirigeant de la société Igreen, demeurait responsable des fautes de gestion qu'il avait pu commettre à compter du redressement judiciaire, ouvert sans désignation d'un administrateur judiciaire, la cour d'appel a violé l'article L. 651-2 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

5. Seules des fautes de gestion antérieures au jugement d'ouverture de la procédure collective peuvent être prises en compte pour l'application de l'article L. 651-2 du code de commerce. Lorsque la liquidation judiciaire d'un débiteur est prononcée, au cours ou à l'issue de la période d'observation d'un redressement judiciaire, le jugement de conversion du redressement en liquidation judiciaire n'ouvre pas une nouvelle procédure. Il s'en déduit qu'une sanction ne peut, dans cette dernière hypothèse, être prononcée sur le fondement de ce texte en raison de fautes commises pendant la période d'observation du redressement judiciaire.

6. Statuant sur une action en responsabilité pour insuffisance d'actif exercée par le liquidateur contre le dirigeant de la société Igreen dont le redressement judiciaire avait été converti en liquidation judiciaire, l'arrêt en déduit exactement que la poursuite d'une activité déficitaire entre le 13 juillet 2016, date du jugement d'ouverture du redressement judiciaire et l'arrêt de la cour d'appel du 24 mai 2018 confirmant, après l'arrêt par le premier président de son exécution provisoire, le jugement ayant prononcé la liquidation judiciaire, c'est-à-dire pendant la période d'observation du redressement judiciaire, ne peut justifier une mesure de sanction sur le fondement de l'article L. 651-2 du code de commerce.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Et sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

8. La société Alpha mandataires judiciaires fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de sanction à l'encontre de M. [G] d'une part pour n'avoir pas procédé à une déclaration de l'état de cessation des paiements dans le délai légal de quarante-cinq jours, d'autre part, pour avoir poursuivi abusivement une activité déficitaire depuis la fin de l'année 2014, alors :

« 2°/ que lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion ; que le défaut de déclaration de l'état de cessation des paiements dans le délai légal de quarante-cinq jours constitue une faute de gestion ; que M. [Z] ès qualités reprochait à M. [G] de n'avoir pas procédé à la déclaration de cessation de paiement dans le délai de quarante-cinq jours et d'avoir ainsi contribué à l'insuffisance d'actif ; que pour écarter ce grief, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que M. [G] n'a pas procédé à la déclaration de cessation des paiements dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la date de cessation des paiements, fixée par le tribunal au 13 janvier 2015, mais que les faits reprochés à M. [G] ne justifient pas de sanction à son encontre et, par motifs propres, que si M. [G] a pu commettre l'erreur de ne pas solliciter la protection du tribunal dès qu'il a eu connaissance de la modification du modèle économique de l'activité principale et de penser que par l'apport de ses deniers personnels, il allait pouvoir faire face aux problèmes de trésorerie liés à ces circonstances, il ne peut lui être reproché une quelconque faute ayant contribué à l'insuffisance d'actif ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à établir que le défaut de déclaration de l'état de cessation des paiements dans le délai de quarante-cinq jours, dont elle constatait l'existence, n'avait pas contribué à l'insuffisance d'actif, la cour d'appel a privé sa décision au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;

3°/ que lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion ; que M. [Z] ès qualités reprochait à M. [G] d'avoir abusivement poursuivi une activité déficitaire ; qu'il lui reprochait d'avoir poursuivi l'activité de la société alors qu'elle était dans une situation catastrophique depuis la fin de l'année 2014, qu'aucun paiement envers les organismes sociaux, l'administration fiscale et le bailleur n'était plus réalisé à partir de cette date et que pour l'exercice 2015, les capitaux propres étaient négatifs avec un solde de – 83 314 € et des dettes de 314 150 € ; qu'en jugeant qu'il ne pouvait être reproché à M. [G] une quelconque faute ayant contribué à l'insuffisance d'actif, pour cela que la société Igreen avait nécessairement rencontré des problèmes de trésorerie dès 2015 en raison de la note d'information du 1er juin 2015, émanant du ministère de l'écologie et des aéroports de Paris, conditionnant l'octroi de subventions aux particuliers à des diagnostics et procédures de validation étalées dans le temps, que M. [G] avait soldé, sur ses deniers personnels, la dette URSSAF au 16 mai 2017 et qu'il avait une volonté, peut-être peu réaliste, mais intangible, de sauver l'entreprise, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à exclure une faute de gestion de M. [G] au titre de la poursuite abusive d'une activité déficitaire et ayant contribué à l'insuffisance d'actif, privant sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

9. Il résulte de l'article L. 651-2 du code de commerce que, lorsque le dirigeant d'une personne morale a commis une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire de la personne morale, le juge peut le condamner à supporter tout ou partie de cette insuffisance d'actif.

10. L'arrêt, après avoir constaté que la société Igreen avait rencontré des difficultés de trésorerie dès 2015, au point de compromettre le paiement de certaines charges, relève que M. [G], sa mère et son associé ont apporté des fonds personnels pour y faire face et qu'il ressort d'une lettre de l'huissier de justice mandaté par l'URSSAF que la dette à l'égard de cet organisme a été soldée. Il retient ensuite que l'attitude du dirigeant témoigne d'une volonté intangible de sauver l'entreprise motivée par une note du ministère de l'écologie et des aéroports de Paris prévoyant un simple décalage dans le temps du versement des subventions auxquelles pouvait prétendre la société Igreen. Il en déduit, par motifs adoptés, que les fautes qui lui sont reprochées ne justifient pas une sanction à son encontre.

11. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel n'a fait qu'user des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 651-2 précité en ne prononçant pas de sanction pécuniaire à l'encontre du dirigeant.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.