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Décisions

Cass. com., 3 mai 2016, n° 14-15.018

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

M. Contamine

Avocat général :

Mme Pénichon

Avocats :

SCP Piwnica et Molinié, SCP Lévis

Paris, du 4 févr. 2014

4 février 2014

Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mmes [I] et [A] et MM. [N] et [O] aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la société Libération et à la société Valliot, Le Guernève et Abitbol, ès qualités, la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois mai deux mille seize.MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour Mmes [I] et [A] et MM. [N] et [O]

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme [S] [I], Mme [Y] [A], M. [G] [N] et M. [X] [O] de leurs demandes ;

AUX MOTIFS QUE la cassation prononcée d'une décision investit la juridiction de renvoi de la connaissance de l'entier litige dans tous ses éléments de fait et de droit et quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation ; que dès lors en l'espèce il convient d'examiner l'argumentation, différente en son fondement de celle proposée par les quatre journalistes en première instance, développée devant la juridiction du second degré et reprise devant la cour de renvoi, reposant sur une cession du journal Libération au sens de l'article L. 7112-5 1° du code du travail par application combinée des articles L. 233-3 III et L. 233-10 du code de commerce ; que l'article L. 7112-5 1° du code du travail prévoit que la rupture du contrat de travail à l'initiative du journaliste motivée par la cession du journal lui permet de bénéficier des dispositions des articles L. 7112-3 et L. 7112-4 de ce même code lui donnant droit à une indemnité de licenciement qui ne peut être inférieure à la somme représentant un mois par année ou fraction d'année de collaboration des derniers appointements avec un maximum de mensualités fixé à quinze et qui est déterminé, lorsque l'ancienneté est supérieure à quinze années, par une commission arbitrale ; qu'il n'est pas contesté qu'une cession de journal peut résulter d'une prise de contrôle ; qu'en application des dispositions de l'article L. 233-3 III sur lequel se fondent les quatre journalistes, deux ou plusieurs personnes agissant de concert sont considérées comme en contrôlant conjointement une autre lorsqu'elles déterminent en fait les décisions prises en assemblée générale ; que l'article L. 233-10 du code de commerce en sa version en vigueur au moment des faits dispose que sont considérés comme agissant de concert les personnes qui ont conclu un accord en vue d'acquérir ou de céder des droits de vote ou en vue d'exercer les droits de vote pour mettre en oeuvre une politique vis-à-vis de la société ; qu'en l'espèce, si le HFJG est devenu suite à la délibération de l'assemblée générale extraordinaire et ordinaire du 28 avril 2005 l'actionnaire principal du fait de son entrée au capital de la SAIP, il ne dispose que de 38,8 % des droits de vote, les statuts de la SAIP mis à jour à la même date prévoyant que jusqu'au 27 avril 2015, aucun actionnaire ne peut exprimer en assemblée générale plus de 40 % du nombre total des droits de vote attachés aux actions de la société ; qu'il n'a pas non plus la majorité des voix au conseil d'administration (…) ; qu'il résulte du procès verbal du 29 juin 2006 versé aux débats que suite à la démission de M. [H] [P] de ses fonctions d'administrateur et de président directeur général de la société, de M. [L] [B] de ses fonctions d'administrateur et de directeur général délégué et plus généralement de leurs décisions de l'ensemble de leurs mandats au sein du groupe Libération le conseil d‘administration de la SAIP a coopté deux nouveaux administrateurs pour les remplacer sur proposition de M. [W] [V], soit Monsieur [C] [R] en remplacement du premier et M. [J] [K] du second et ce pour une durée expirant le 30 septembre 2006 ; que par décision du 29 juin 2006, l'associé unique de la SARL Libération a ensuite désigné en qualité de gérant de la société M. [R] et M. [K] en remplacement respectivement de M. [P] et de M. [B] pour une durée s'achevant le 30 septembre 2006 ; que l'existence d'un accord entre l'actionnaire principal et la SCPL sur une nomination de codirigeants sociaux pour une période intérimaire résulte du document intitulé proposition de la société civile du personnel de Libération faisant état du trouble suscité par la vacance à la tête du journal (…) ; que peu important son caractère ponctuel et l'opposition idéologique des deux catégories d'actionnaires –dès lors que l'action de concert peut avoir pour objet la poursuite d'objectifs propres à chacun d'eux -, l'accord de cogérance intervenu entre la société SCPL et HFJG et matérialisé par la décision du conseil d'administration du 29 juin 2006 pour mettre en place une nouvelle organisation relève de l'action de concert ; que le contrôle d'une société s'entend du pouvoir de prendre les décisions sociales en assemblée et l'article L. 233-10 ne vise que l'exercice des droits de vote en assemblée générale et non l'exercice des droits de vote dans un organe de gestion ou d'administration ; que si en l'espèce les statuts de la SARL Libération prévoient fort logiquement que l'associé unique exerce les pouvoirs dévolus à l'assemblée des associés, ceux de la SAIP stipulent que les décisions collectives des actionnaires sont prises en assemblée ; que par ailleurs, il est expressément indiqué dans le procès verbal du conseil d'administration du 29 juin 2006 que les nominations à titre provisoire des deux nouveaux administrateurs seront soumises à ratification de la plus prochaine assemblée des actionnaires ; que si l'accord de cogérance du 29 juin 2006 permettait ainsi à l'actionnaire principal, HFJG, d'accéder à la direction de la SARL Libération, il n'est fourni aucun éléments et notamment aucun procès verbal d'assemblées générales permettant de vérifier que l'action de concert résultant de la mise en place d'une nouvelle organisation des organes de gestion déterminaient en fait les décisions prises en assemblée générale ; que rien en effet ne permet de considérer que par cet accord, limité dans le temps à la gouvernance de l'entreprise, la SCPL a engagé le droit de vote de tous ses actionnaires et d'additionner ainsi ceux de la HFJG et de la SCPL (38,8 % et 18,45 %) représentant de ce fait 57 % des sociétés dans les assemblées générales de la SAIP et ce d'autant que 37 % des salariés inscrits au scrutin organisé par cette dernière avait émis un avis défavorable à la question posée le 28 juin 2006, que tant les articles de presse que les attestations versées aux débats témoignent du climat délétère régnant au sein du journal en raison des oppositions entre les salariés partisans de l'ancienne direction et ceux favorables à un changement ; que par ailleurs, dans une note explicative du vote du 3 janvier 2007 concernant le refus ou l'acceptation des changements de statuts de la SAIP préalable à l'augmentation de capital adressée à ses actionnaires, la SCPL rappelle qu'elle va devoir réunir sa propre assemblée générale extraordinaire afin de déterminer dans quel sens son gérant votera à l'assemblée générale de la SAIP en faisant état de ce que, parmi le personnel qui la compose, la société des rédacteurs a en majorité donné mandat d'autoriser la modification des statuts et la société des fabricants de la refuser, la société des administratifs et commerciaux étant partagés, ce qui tend à accréditer l'absence d'impact de l'accord de cogérance intervenu entre la société SCPL et HFJG et matérialisé par la décision du conseil d'administration du 29 juin 2006 sur les décisions prises en assemblées générales ; que la preuve d'une prise de contrôle de l'entreprise de presse par la société HFGJ assimilable à une cession du journal Libération n'étant pas rapportée, les quatre journalistes qui ont rompu leur contrat de travail ne peuvent en conséquence se prévaloir des dispositions de l'article L. 7112-5 1° du code du travail pour obtenir le versement de l'indemnité de licenciement prévue aux articles L. 7112-3 et L. 7112-4 de ce même code ; qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris le 11 décembre 2007 en ce qu'il a débouté Mme [S] [I], Mme [Y] [A], M. [G] [N] et M. [X] [O] de leurs demandes ;

1) ALORS QU'en écartant l'application de l'article L. 7112-5 du code du travail au seul motif que l'existence d'une cession de contrôle au sens du droit des sociétés n‘était pas établie, en l'absence de preuve d'un pouvoir des concertistes de déterminer les décisions prises en assemblée générale, sans rechercher comme l'y invitaient les conclusions des journalistes, si « une action de concert en vue de mettre en place une nouvelle organisation des organes de gestion », telle qu'elle a été constatée, ayant permis non seulement un changement d'organisation de la gérance de la société propriétaire du journal mais aussi un changement du directeur de la rédaction du journal, ne pouvait pas suffire à caractériser une cession au sens de l'article L. 7112-5 du code du travail, eu égard à la finalité de ce texte et aux nécessités de la protection du droit moral du journaliste, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 7112-3, L. 7112-4 et L. 7112-5 du code du travail ;

2) ALORS QUE la cour d'appel ne pouvait pas s'abstenir de rechercher, comme le lui demandaient les conclusions des journalistes, si le contrôle de fait exercé dans le cadre d'une cogérance mise en place par une action concertée ne suffisait pas à caractériser une cession au sens de l'article L. 233-3, III du code de commerce ; que la cour d'appel a ainsi entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 233-3 III du code de commerce et L. 7112-5 du code du travail.