Cass. com., 19 juin 1990, n° 89-11.489
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 novembre 1988), qu'aux termes de conventions conclues les 10 juillet 1954 et 4 février 1960, la société Star Films, aux droits de laquelle se trouve la société Teledis, a cédé à la société Etablissement de diffusion internationale de films (EDIF), les droits d'exploitation à la télévision d'un certain nombre de films dans divers pays, dont la France, la cession étant prévue pour une durée de sept années à partir de la première projection à la télévision ; qu'un litige étant né en 1983 à propos d'une offre d'achat émanant d'une chaîne de télévision française et qui portait sur les droits d'exploitation d'un film n'ayant fait jusqu'alors l'objet d'aucune diffusion, la société Teledis a assigné la société Vauban Productions (société Vauban), mandataire de l'EDIF, pour obtenir que soit prononcée la résiliation des conventions intervenues et que soit constaté, en ce qui concerne les films n'ayant fait l'objet d'aucune diffusion télévisée, que la non réalisation de la condition mise à leur efficacité rendait caduques ces conventions ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la société Teledis fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de cette dernière demande alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'obligation est conditionnelle lorsqu'on la fait dépendre d'un évènement futur et incertain ; qu'ayant constaté que la cession des droits d'exploitation devait prendre fin sept années après la première exploitation des films
dans le pays concerné, la cour d'appel devait en déduire nécessairement que l'obligation, qui dépendait d'un évènement dont la survenance était incertaine, avait juridiquement une nature conditionnelle ; qu'en décidant le contraire, et en déclarant par voie de conséquence inapplicable l'article 1175 du Code civil, la cour d'appel a méconnu la portée de ses propres constatations, violant ensemble ce texte et l'article 1168 du Code civil ; alors, d'autre part, que le terme, qui affecte la durée de l'obligation, ne
peut consister que dans un évènement dont la survenance est certaine ; qu'en admettant même que les conventions suivant lesquelles la cession devait prendre fin sept années après la première exploitation aient concerné la durée de l'obligation, et non son existence, ces stipulations, faute de se référer à un évènement dont la survenance avait un caractère certain, présentaient un caractère ambigu qui rendait nécessaire leur
interprétation ; qu'en affirmant, au contraire, le caractère "clair et précis" de ces stipulations, relatives à la durée de la cession, la cour d'appel a, en tout état de cause, refusé de faire usage de son pouvoir d'interprétation, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1185 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant retenu que les dispositions contractuelles litigieuses étaient claires et précises, la cour d'appel ne pouvait qu'écarter toute interprétation de nature à leur donner un sens différent de celui qu'elles exprimaient ;
Attendu, en second lieu, qu'ayant relevé que le point de départ du délai de sept années, durant lesquelles les conventions intervenues devaient produire effet, était la première projection télévisée des films en cause, la cour d'appel a pu en déduire que les parties étaient ainsi convenues d'une modalité affectant le terme fixé pour l'extinction de leur engagement ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la société Teledis fait encore
grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande tendant à obtenir la résiliation aux torts de son cocontractant des conventions intervenues, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'ayant constaté que la rémunération par passage de film à la télévision, prévue au profit de la société Teledis, était la contrepartie de la cession du droit d'exploitation consentie au profit de l'EDIF, la cour d'appel devait nécessairement en déduire que l'exploitation télévisuelle des films constituait, pour l'EDIF, une obligation contractuelle, et qu'en estimant au contraire que le paiement des droits d'exploitation constituait la seule obligation contractée par l'EDIF envers la société Teledis, de sorte que la non exploitation des films ne pouvait constituer une faute justifiant la résiliation de la cession aux torts de l'EDIF, la cour d'appel a méconnu la portée de ses propres constatations et a violé les articles 1134 et 1184 du Code civil ; alors, d'autre part, que seul l'engagement contractuel de l'EDIF de procéder à une
première exploitation des films dans le pays concerné, faisant courir le délai de sept ans, pouvait conférer à cet évènement un caractère déterminé, de nature à le faire regarder comme un terme ; qu'ayant précisément considéré que l'évènement en cause affectait la durée de la convention et constituait un terme, la cour d'appel devait nécessairement en déduire que l'EDIF s'était contractuellement engagée à mettre en oeuvre les droits d'exploitation dans le pays concerné ; qu'en décidant le contraire, et en refusant de prononcer, pour cette raison, la résiliation du contrat aux torts de l'EDIF, la cour d'appel a, une fois encore, méconnu la portée de ses propres constatations, en violation des articles 1134 et 1184 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt relève, par une appréciation souveraine de la commune intention des parties, que le mode de rémunération convenu au profit de la société Teledis n'impliquait pas, en l'absence de toute stipulation précise sur ce point, que la société Teledis ait eu l'obligation d'exploiter les films dont les droits lui avaient été cédés ; que la cour d'appel en a justement déduit que le défaut d'exploitation de ces films ne constituait pas le manquement qu'y voyait la société Teledis ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
! Condamne la société Teledis, envers la société Vauban Production, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du dix neuf juin mil neuf cent quatre vingt dix.