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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 17 octobre 2014, n° 13/24205

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

ARBOS (SARL)

Défendeur :

PAX 2010 (SARL), MASSANE PRODUCTION (SAS), SELIG FILMS (SARL), RAMBEAU

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Marie-Christine AIMAR

Conseillers :

Mme Sylvie NEROT, Mme Véronique RENARD

Avocats :

AARPI GRV ASSOCIES, Me Henri CHOUKROUN, Me Edouard GOIRAND, Me Paul-Philippe MASSONI, Me Christophe PASCAL

Paris, du 14 fév. 2012

14 février 2012

Le 28 avril 2010, un contrat de coproduction du film intitulé « Je m'appelle Bernadette » que devait réaliser Monsieur Jean Sagols et qui retraçait la vie de Bernadette Soubirous a été conclu entre trois sociétés, la société Arbos (à hauteur de 15 %), la société Vab (à hauteur de 5 %) et la société Massane Production (coproducteur délégué, à hauteur de 80 %).

Il était notamment stipulé dans ce contrat, à l'article V :

« La distribution du Film dans les salles de cinéma en France sera confiée à une ou plusieurs sociétés choisies d'un commun accord entre les parties et validé par Massane Production.

Pour ce qui est de l'exploitation en salles du Film à Lourdes (cf liste des salles et nombres de places en annexe des présentes), il sera conclu un contrat d'exploitation spécifique avec la société Pax 2010 qui devra s'engager à exploiter exclusivement le Film, à l'exclusion de tout autre Film, sauf dérogation des parties, et ce pendant une période de 20 (vingt) ans à compter de la date d'obtention du visa d'exploitation.

Par ailleurs une clause de revoyure sera établie en fonction du taux de remplissage constaté.

Ce contrat devra recevoir l'accord exprès des parties avant sa conclusion et devra permettre à chacune des parties d'avoir accès, à tout moment, au relevé de la billetterie électronique qui devra être mise en place par la société Pax 2010. Cette billetterie devant être conforme à la réglementation en vigueur. Il s'agit d'une condition préalable essentielle et déterminante à la conclusion du présent accord»;

Se prévalant, notamment, de cette stipulation, de l'acquisition d'une salle de cinéma à Lourdes et de la conclusion d'un contrat de bail pour une autre salle avec les autorités ecclésiastiques (respectivement « Le Pax » et le cinéma « Bernadette ») dans la perspective de la sortie de ce film, faisant grief à la société MassaneProduction de ne pas lui reconnaître l'exclusivité de diffusion du film à Lourdes dont elle estime bénéficier en vertu de cette stipulation pour autrui et lui reprochant d'intervenir, à travers un partenaire exploitant la salle « Le Majestic » à Lourdes, Monsieur Roland Rambeau, dans la diffusion du film dans deux salles de Lourdes (« Le Majestic » et la salle « Bernadette ») au mépris de ses engagements, la société Pax 2010 (créée en octobre 2009 par les dirigeants des sociétés Arbos et Vab) a, selon exploit délivré les 10, 13 et 14 octobre 2011, assigné à jour fixe la société Massane Production, la société Zelig Films Distribution (successivement liée aux sociétés Arbos et Massane par des mandats de distribution) ainsi que Monsieur Rambeau afin, notamment, de se voir reconnaître l'exclusivité de projection à Lourdes du film en cause, ceci pour une durée de 20 ans à compter de l'obtention du visa d'exploitation.

La société Arbos est volontairement intervenue à l'instance en déclarant, en particulier, avoir intérêt pour la conservation de ses droits à soutenir la société Pax 2010.

Par jugement rendu le 14 février 2012, le tribunal de commerce de Paris a, en substance, débouté la société Pax 2010 de l'intégralité de ses demandes en condamnant in solidum les sociétés Pax 2010 et Arbos à verser à la société Massane Production et à Monsieur Rambeau, respectivement, les sommes de 5.000 euros et de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

La société Arbos a relevé appel de ce jugement le 13 août 2012 et, par conclusions notifiées les 2, 3, 5 et 12 octobre 2012, la société Pax 2010 a formé appel incident.

Par arrêt infirmatif rendu le 27 septembre 2013, la présente cour d'appel, statuant sur déféré d'une ordonnance du conseiller de la mise en état rendue le 21 mars 2013, a déclaré recevables lesdits appels, principal et incident, en disant n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et en condamnant la société Massane Production, demanderesse à l'incident, à supporter les dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 8 septembre 2014 , la société à responsabilité limitée Arbos demande pour l'essentiel à la cour, au visa des articles 1134, 1135, 1157, 1184 et 1271 du code civil, 329 et suivants, 564 du code de procédure civile, L 132-19 du code de la propriété intellectuelle, d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

de considérer cumulativement que la convention précitée stipule en son article V une clause d'exploitation exclusive au profit de la société Pax 2010 sur le territoire de la ville de Lourdes pour une durée de 20 ans à compter de la date d'obtention du visa, que la société Pax 2010 est bien fondée, face au refus de la société Massane à poursuivre le respect de la promesse souscrite à son profit de lui laisser l'exploitation exclusive à Lourdes du film en cause et, en raison des graves conséquences financières qui en sont résultées pour elle, de poursuivre la société Massane en réparation de son préjudice à hauteur de la somme de 348.765 euros ; de considérer, de plus, que l'évolution du litige consécutive au non-respect de la société Massane de sa promesse et à l'exploitation désastreuse du film, avec pour conséquence une fréquentation annuelle inférieure à 66.400 personnes au lieu des 400.000 escomptées, l'autorise à demander la résiliation de la convention de coproduction du 28 avril 2010,

de prononcer, en conséquence, la résiliation de cette convention, de condamner la société Massane à lui verser la somme de 245.250 euros en réparation de son préjudice, de débouter cette dernière de ses demandes en la condamnant à lui verser la somme de 30.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter tous les dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 10 septembre 2014 , la société à responsabilité limitée Pax 2010 prie, pour l'essentiel, la cour, de la déclarer recevable et bien fondée en son appel incident, de réformer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, de condamner la société Massane Production à lui verser la somme de 348.765 euros (du fait de la méconnaissance de la stipulation pour autrui dont elle se prévaut et correspondant à des pertes d'exploitation de 2010 à 2012), statuant à nouveau de condamner «solidairement» la société Massane Production et Monsieur Rambeau au paiement de la somme de 120.000 euros (sanctionnant leur déloyauté), de débouter ces derniers de leurs prétentions, de les condamner in solidum à lui verser la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 04 septembre 2014 , la société par actions simplifiée Massane Production demande en substance à la cour, précisant en préambule qu'elle se réserve tous droits et moyens relatifs à la recevabilité des appels, principal et incident, à l'encontre de l'arrêt rendu le 27 septembre 2013 :

au visa de la clause litigieuse, des contrats de distribution signés avec la société Zelig Films, de l'article L 132-19 du code de la propriété intellectuelle, de déclarer mal fondés les appels, principal et accessoire, des sociétés Arbos et Pax 2010 en les déboutant de toutes leurs prétentions et de confirmer le jugement en ce qu'il les a déboutées de leurs demandes,

au visa des articles 325, 330 et 564 du code de procédure civile, de déclarer irrecevables les demandes nouvelles de la société Arbos telles que figurant dans ses dernières écritures et visant la résiliation du contrat de coproduction du 28 avril 2010 et de lui allouer la somme de 245.250 euros à titre de dommages-intérêts,

subsidiairement, si la cour interprétait la clause litigieuse comme signifiant que, pour ce qui est de l'exploitation en salles du film à Lourdes, un contrat d'exploitation exclusif aurait dû être conclu avec la société Pax 2010, au visa des articles L 420-1 et suivants du code de commerce (en particulier l'article L 420-3), 5 du règlement 2790/99 du Traité CE et du principe de la liberté du commerce et de l'industrie, de prononcer la nullité de la clause qui stipulerait une exclusivité de projection, à Lourdes, du film « Je m'appelle Bernadette » au profit de la société Pax 2010, de déclarer mal fondés les appels, principal et accessoire, des sociétés Arbos et Pax 2010 en les déboutant de toutes leurs prétentions et de confirmer le jugement en ce qu'il les a déboutées de leurs demandes,

plus subsidiairement, au visa de l'exception d'inexécution et de l'assignation confirmant que la société Pax 2010 n'entendait exploiter le film que dans une salle de 283 places, de la considérer comme fondée à opposer cette exception, de débouter les sociétés Arbos et Pax 2010 de leurs prétentions et de confirmer le jugement en ce qu'il les en a déboutées,

en toute hypothèse, de la déclarer recevable et bien fondée en son appel incident, de condamner in solidum les sociétés Arbos et Pax 2010 à lui payer la somme indemnitaire de 350.000 euros, d'ordonner une mesure de publication (par voie de presse) à leurs frais avancés, de les débouter de toutes leurs prétentions en les condamnant in solidum à lui verser la somme de 30.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

La société à responsabilité limitée Zelig Films Distribution, assignée (en étude) devant la cour d'appel par la société Arbos selon exploit du 30 novembre 2012, avec signification de ses conclusions d'appel, n'a pas constitué avocat.

Monsieur Roland Rambeau, assigné devant la cour d'appel par la société Arbosselon exploit du 05 décembre 2012, avec signification de ses conclusions d'appel, n'a pas, non plus, constitué avocat.

SUR CE,

Sur la procédure

Considérant, d'abord, que si la société Zelig Films Distribution et Monsieur Rambeauont bien été assignés avec concomitante signification des conclusions d'appel et s'il ressort des dernières conclusions des parties constituées qu'aucune réclamation n'est formée à l'encontre de la société Zelig Films Distribution, tel n'est pas le cas de Monsieur Rambeau dont la société Pax 2010 (interrogée sur ce point en préambule de l'audience de plaidoiries) poursuit la condamnation à divers titres ;

Qu'il convient de considérer que les demandes formées par la société Pax 2010, en ce qu'elles concernent Monsieur Rambeau, méconnaissent le principe du contradictoire et doivent être, partant, déclarées irrecevables ;

Considérant, ensuite, que si la société Pax 2010 demande à la cour, dans le dispositif de ses dernières conclusions, de dire que son appel incident est recevable, il convient de relever que cette question a été tranchée par la présente cour, statuant sur déféré d'une ordonnance du conseiller de la mise en état, et qu'elle ressort de la compétence exclusive de cette dernière juridiction ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer sur ce point ;

Sur la fin de non-recevoir tirée de l'exception de nouveauté

Considérant qu'en cause d'appel, la société Arbos présente une demande tendant à voir prononcer la nullité du contrat de coproduction précité et à voir la société Massane Production condamnée à l'indemniser du préjudice qu'elle estime avoir subi de son fait ;

Qu'en réplique aux conclusions de la société Massane Production lui déniant la faculté de soumettre à la cour une telle prétention du fait de sa qualité d'intervenant volontaire accessoire et, par ailleurs, de la nouveauté de sa demande - exception résultant des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile selon lequel :

«à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait »,

l'appelante soutient que tant en première instance qu'en cause d'appel elle a la qualité d'intervenant principal et qu'elle peut se prévaloir d'un élément nouveau postérieur au jugement qui tient au préjudice financier qu'elle subit en sa qualité de producteur résultant de la poursuite de « la gestion désastreuse » de l'exploitation du film, initiée le 05 octobre 2011, et de « la sortie erratique du DVD », en septembre 2012, soit postérieurement à la clôture des débats de première instance ;

Considérant, ceci exposé, que dans la cadre de la première instance, la société Arbos s'est présentée sous la qualité d'intervenant volontaire accessoire, comme elle l'exposait en préambule dans ses conclusions d'intervention volontaire du 23 janvier 2012 (pièce Massane  3), disant : «La société Arbos Films qui a intérêt pour la conservation de ses droits à soutenir la société Pax 2010 notifie les présentes conclusions d'intervention volontaire pour appuyer, en application de l'article 330 CPC, les demandes présentées par la société Pax 2010» et ne se prévalant d'aucun droit propre ;

Qu'à admettre même que la société Arbos, ayant qualité d'appelante principale, soit recevable à agir à ce titre, il convient de rappeler que, contrairement à ce qu'elle soutient, la notion d'évolution du litige est étrangère à la recevabilité des demandes nouvelles formées en appel et de considérer qu'elle ne peut se prévaloir de la survenance ou de la révélation d'un fait, au sens de l'article précité, dans la mesure où l'impéritie dans l'exploitation du film qu'elle dénonce lui était connue dès la première instance ;

Qu'il s'ensuit que la société Massane est fondée à opposer à cette demande une fin de non-recevoir ;

Qu'il peut être, surabondamment, relevé que, présentant cette demande, la société Arbos s'abstient d'attraire en la cause la société VAB, partie au contrat dont elle poursuit la nullité ;

Sur la demande indemnitaire de la société Pax 2010 fondée sur la stipulation pour autrui dont elle est bénéficiaire

Considérant que la société Pax 2010 poursuit la réformation du jugement qui n'a pas sanctionné le refus du promettant, la société Massane Production, de satisfaire à la stipulation pour autrui contenue dans la convention du 26 avril 2010, alors qu'elle visait dans son assignation l'article 1121 du code civil qui confère au bénéficiaire un droit propre et direct à l'encontre du promettant pour le contraindre à exécuter son obligation, alors, d'autre part, que l'impossibilité éventuelle de faire respecter les droits qu'elle détient en vertu de cette stipulation aurait dû conduire à l'allocation de dommages-intérêts en raison des importants investissements par elle opérés en pure perte pour satisfaire au contrat dont elle bénéficiait et alors que les exceptions soulevées par la société Massane, retenues par le tribunal, n'étaient pas de celles qu'elle était en droit d'opposer à un cocontractant et donc au bénéficiaire de la stipulation ;

Que la société Pax 2010 tire d'un faisceau d'éléments postérieurs à la signature du contrat de coproduction ou résultant de celui-ci l'affirmation selon laquelle cette stipulation lui confère « l'exclusivité » de diffusion du film à Lourdes durant 20 ans ;

Qu'elle affirme, pour ce faire, que le terme « spécifique » ne sert qu'à qualifier le contrat qui devait être conclu (différent de par sa limitation géographique et sa durée, notamment), ajoutant que la volonté des parties s'exprime dans les versions successives d'une brochure destinées à des investisseurs et éditée par la société Massane, datées de juin et octobre 2010, qui exposait que « la gérance des salles d'exploitation de Lourdes a été confiée au coproducteur Arbos Films via une société partenaire », à travers, aussi, le contenu d'un courriel envoyé en mars 2011 par le dirigeant de la société VAB (3ème coproducteur) à la société Massane ou encore en contemplation de la durée d'exploitation de vingt ans dont la contrepartie ne pouvait être que l'exclusivité de diffusion du film ;

Que, venant au soutien de cette argumentation, la société Arbos met cumulativement en exergue les compétences limitées en matière juridique des signataires du contrat de coproduction, l'existence d'une première version de ce contrat qui évoquait l'exclusivité, suivie, il est vrai, de cinq autres employant la formule « exploitation spécifique », les maladresses des sociétés VAB et Arbos qui n'ont pas fait modifier la clause, la circonstance que la rédaction de ce contrat est le fait de la société Massane (et non point des juristes de la société VAB, comme retenu par le tribunal) et le fait qu'elles n'ont accepté que la société Massane devienne coproducteur à leurs côtés qu'à la condition essentielle et déterminante que la société Pax 2010 (qui avait pris à bail une salle et acquis l'ancienne salle de cinéma « Pax », à rénover) bénéficie d'une exclusivité ;

Qu'elle fait également valoir que, conformément à l'article 1271 (3°) du code civil, il y a eu novation du contrat de distribution conclu, lorsqu'elle disposait de 90 % des droits de coproduction, avec la société Zelig Films Distribution le 17 septembre 2009 (lequel ne contenait pas de clause d'exclusivité pour la ville de Lourdes mais était formé dans le contexte d'un nombre restreint de salles de cinéma à Lourdes) par l'engagement pris par la société Massane Production, qui connaissait ce mandat, dans le contrat de coproduction du 28 avril 2010, de stipuler au profit de la société Pax 2010 l'exclusivité de l'exploitation du film ;

Sur la portée de la stipulation pour autrui

Considérant que, vainement, la société Pax 2010 consacre des développements à la qualification de stipulation pour autrui et à son acceptation par le bénéficiaire dès lors qu'ils ne sont contestés ;

Qu'il ressort des écritures des parties qu'elles se divisent sur la portée de cette stipulation et plus précisément sur le terme « spécifique » qu'elle contient et qu'il est demandé à la cour d'interpréter la convention en considération de la commune intention des parties, la société Arbos visant, à cet égard, les dispositions des articles 1156 et 1157 du code civil ;

Que cette clause est, comme il a été dit, ainsi rédigée : « Pour ce qui est de l'exploitation en salles du Film à Lourdes (..) il sera conclu un contrat d'exploitation spécifique avec la société Pax 2010 qui devra s'engager à exploiter exclusivement le Film (') » ;

Qu'il est constat que ce contrat de coproduction porte la signature des responsables de trois sociétés de production ; que ces producteurs, prenant, aux termes de l'article L 132-23 du code de la propriété intellectuelle, « l'initiative et la responsabilité de la réalisation de l'oeuvre », doivent être tenus comme étant à même, fût-ce en se faisant assister de juristes, de comprendre la portée de leurs engagements et de discerner la différence sémantique entre les adjectifs « spécifique » (synonyme de « particulier ») et « exclusif » rapportés aux termes « contrat d'exploitation », peu important, dès lors, la personnalité du rédacteur de ce contrat ;

Qu'il résulte de la lecture de cette clause qu'elle se révèle claire, nette et précise et que la stipulation au profit de la société Pax 2010 ne portait que sur le bénéfice d'un contrat d'exploitation spécifique du film sans que ne soit ajouté le bénéfice d'une exclusivité ;

Que la cour ne saurait, sauf à dénaturer le contrat appelé à faire la loi des parties, faire application des dispositions des articles 1156 et suivants du code civil en recherchant, comme les appelantes le voudraient, l'intention des parties contractantes à la lumière des faits et documents antérieurs voire postérieurs à cette convention ou encore s'attacher à l'économie générale de ce contrat ;

Qu'il en résulte que la société Pax 2010 ne peut fonder sa demande indemnitaire sur le fondement d'une stipulation pour autrui qui lui aurait accordé le bénéfice d'une exclusivité d'exploitation et qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de nullité de cette clause présentée à titre subsidiaire par la société Massane ou encore sur son exécution ;

Sur la novation

Considérant qu'adaptant aux faits de l'espèce l'article 1271 (3°) du code civil , la société Arbos soutient que les conditions en sont satisfaites dès lors que, selon cet article, il y a novation « Lorsque par l'effet d'un nouvel engagement (à savoir, selon elle : le contrat de coproduction du 28 avril 2010 contenant la clause litigieuse en son article V) un nouveau créancier (c'est à dire : la société Massane) est substitué à l'ancien (à savoir : la société Arbos) envers lequel le débiteur (soit la société Zelig qui était liée à la société Arbos par un mandat de distribution daté du 17 octobre 2009) se trouve déchargé » ;

Mais considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 1273 du même code que la volonté de nover doit être dépourvue d'équivoque et que tel n'est pas le cas de l'espèce puisque le contrat de coproduction ne renferme aucune clause clairement exprimée dans ce sens et qu'aucun élément n'est fourni permettant d'affirmer avec certitude que telle a été l'intention des parties contractantes ;

Qu'à cet égard, force est de constater que la société Massane déclare ne pas avoir eu connaissance de ce mandat de distribution lors de la signature du contrat de coproduction, en avril 2010, et que ses adversaires n'en rapportent pas la preuve contraire, tirant seulement argument du contenu d'une brochure diffusée par la société Massane en juin 2010, soit postérieurement à ce contrat ;

Que, surtout et comme l'a retenu le tribunal, a vocation à trouver application la maxime d'Ulpien selon laquelle nul ne peut transférer plus de droit qu'il n'a, de sorte qu'en présence d'un mandat de distribution au profit de la société Zelig Films Distribution qui ne contenait aucune clause lui réservant l'exclusivité de la distribution dans la ville de Lourdes pendant une période d'une durée exceptionnelle de vingt ans et selon des modalités précises, la société Arbos ne peut se prévaloir d'un quelconque effet de cette novation qui n'est que prétendue ;

Qu'il résulte de ce qui précède que la société Pax 2010 qui fonde son argumentation principale sur l'existence d'une exclusivité de distribution du film dans la ville de Lourdes consentie à son profit - n'argumentant sur le mandat de distribution signé le 14 septembre 2010 par les sociétés Massane et Zelig Films Distribution que pour affirmer qu'il ne lui est pas opposable mais que l'exclusivité consentie à celle-ci ne fait pas obstacle à la conclusion d'une convention avec elle-même ou encore qu'une obligation de fournir un nombre de salles ou de places ne lui est pas davantage opposable ' ne peut reprocher à la société Massane Production d'avoir commis une faute en ne respectant pas les termes de la convention et doit se voir déboutée de sa demande en paiement de dommages-intérêts à l'encontre de cette dernière ;

Sur le manquement au devoir de loyauté de la société Massane subsidiairement invoqué

Considérant que la société Pax 2010 poursuit, par ailleurs, la sanction du comportement de la société Massane Production en lui reprochant d'avoir multiplié les manoeuvres pour l'empêcher d'exploiter le film à Lourdes, ceci avec la complicité de Monsieur Rambeau ; qu'elle sollicite en conséquence leur condamnation « solidaire » à lui verser la somme de 120.000 euros ;

Qu'elle reproche à la société Massane Production d'avoir, dès avril 2010, entrepris des démarches auprès des autorités ecclésiastiques pour obtenir la location de la salle « Bernadette » à son profit, ceci afin de pouvoir lui opposer une exception d'exécution, outre l'accord de Monsieur Rambeau, propriétaire de la salle « Le Majestic » alors désaffectée ;

Qu'elle lui fait aussi grief de ne pas avoir mis le film à sa disposition à la date promise, refusant de contracter avec elle et lui ayant fait savoir, par le truchement de la société Zelig Films Distribution, qu'une copie du film lui serait remise dès que les travaux de la salle « Pax » seraient terminés; qu'ils l'ont été, affirme-t-elle, le 15 juillet 2011, moyennant des surcoûts, et qu'en dépit d'une embauche de personnel qui lui permettait de le projeter dès le mois d'août, elle n'a pu disposer de cette copie que passée la saison estivale ;

Qu'elle lui impute également à faute la dégradation de la situation puisque, malgré les lourds investissements qu'elle a réalisés, elle subit d'importantes pertes d'exploitation, aggravées par la défaillance de la société Massane Production à assurer la promotion du film auprès, en particulier, des directions de pèlerinages, ce qui rend, selon elle, aléatoires les perspectives d'exploitation du film ;

Considérant, ceci exposé, qu'il convient de rappeler que les demandes présentées à l'encontre de Monsieur Rambeau sont irrecevables, comme statué ci-avant ;

Que, sur le bien fondé des griefs, il résulte de l'échange des multiples correspondances versées aux débats, qu'il ne peut être reproché à la société Massane Production d'avoir manqué de loyauté envers la société Pax 2010 en la privant de la possibilité d'exploiter le film à Lourdes ;

Qu'en effet, coproducteur à hauteur de 80 % d'un film au coût total de 3,2 millions d'euros, la société Massane Production pouvait légitiment obtenir d'un cocontractant l'assurance d'une exploitation en rapport avec ses propres investissements, ainsi qu'exprimé dans les brochures précitées ou de son courrier à l'adresse de la société Arbos daté du 16 mars 2011, et ne point se satisfaire du projet de contrat d'exploitation que lui a adressé en retour la société Pax 2010, lequel contenait en particulier (en son article 3.3) des réserves sur la faculté de louer la salle « Bernadette » (sous le dépendance de la volonté du bailleur de la donner à bail) et introduisait une faculté de résiliation anticipée en cas d'exploitation déficitaire ; que sa prudence était d'autant plus justifiée qu'il ressort d'un courrier du bailleur daté du 12 août 2011 que, dès le 1er février 2011, il l'avait informée que la salle «Bernadette», louée à une société tierce depuis plusieurs années et qui contestait la résiliation, ne serait pas donnée à bail à la société Pax 2010 ;

Que, par ailleurs, il ressort d'une attestation notariée (pièce 24) que la vente de la salle «Pax» au profit de la société Pax 2010 a été reçue par acte authentique le 25 mars 2010 - soit antérieurement au contrat de coproduction litigieux incluant une stipulation pour autrui - et de la pièce Pax  14 que la société Arbos écrivait le 09 avril 2011 à la société Massane Production : « la société Pax 2010 a sans attendre la signature effective de ce contrat réalisé les investissements suivants : achat de l'immeuble le Pax (cinéma) le 26 novembre 2009, moyennant le prix de 300.000 euros » ;

Qu'il s'en déduit qu'elle ne peut se prévaloir d'un lien de causalité entre cet investissement ainsi que la réalisation de travaux que nécessitaient son état lors de son acquisition et les faits reprochés à la société Massane Production, cette dernière faisant, de plus, pertinemment observer que ces travaux pouvaient parfaitement se justifier dans le cadre d'une exploitation non exclusive du film à Lourdes et correspondre à un investissement immobilier au centre de cette ville touristique ;

Que la société Pax 2010 ne peut, non plus, être suivie lorsqu'elle invoque une entrave à sa propre exploitation du film constituée par le défaut de mise à disposition d'une copie, dans la mesure où il est justifié qu'à bonne date, la société MassaneProduction l'a informée (courriel daté du 02 mai 2011 en pièce 15) du fait que « dès que les travaux seront terminés dans votre salle de cinéma Pax située à Lourdes une copie numérique du film « Bernadette l'insoumise » de Jean Salgos vous sera transmise afin que vous puissiez l'exploiter (..)» ;

Qu'elle est d'autant plus mal venue en son moyen, à l'instar, d'ailleurs, de ses griefs non circonstanciés relatifs aux insuffisances de la société Massane dans ses efforts promotionnels du film, qu'est produit aux débats par la société Massane (pièce 24) un courriel de la société Zelig Films, liée à cette dernière par le mandat de distribution du 14 septembre 2010 ; qu'elle informait la société Pax 2010 d'une ouverture exceptionnelle des salles de cinéma pour la projection du film, « très relayée par les services de communication de Lourdes », avec commande d'affichettes et de grandes affiches livrées le 04 octobre 2011, ainsi que de la disponibilité d'une copie, ce 04 octobre , pour les salles «Majestic» et «Le Pax» et que la réaction de la société Pax 2010, qui ne peut se prévaloir d'un traitement discriminant privilégiant un concurrent, s'est manifestée par une réponse immédiate de son avocat arguant du bénéfice de l'exclusivité à son profit, par l'établissement d'un procès-verbal de constat dans la salle « Le Majestic » et par une assignation à jour fixe dans les jours suivants ;

Qu'en conséquence de tout ce qui précède, il y a lieu de considérer que la société Pax 2010 ne rapporte pas la preuve des manoeuvres déloyales dont elle reproche à société Massane Production d'avoir usé ; qu'elle sera donc déboutée de sa demande et le jugement confirmé sur cet autre point ;

Sur la demande indemnitaire reconventionnellement formée par la société MassaneProduction

Considérant que, formant appel incident, l'intimée soutient que les agissements de la société Pax 2010 ont perturbé et continuent à perturber gravement l'exploitation du Film ;

Qu'elle lui reproche d'avoir, depuis le début de l'année 2011, multiplié les démarches auprès des autorités ecclésiastiques en tentant de les impliquer dans leur différend, de les avoir même poursuivies en cours de procédure en leur délivrant, notamment, une sommation interpellative, d'avoir réagi comme elle l'a fait à réception du courriel de la société Zelig sus-évoqué ou encore d'avoir initié la présente procédure en y impliquant Monsieur Rambeau ; qu'elle considère qu'une telle attitude de dénigrement lui a été gravement préjudiciable, les autorités ecclésiastiques se refusant, du fait de cette procédure, à lui permettre l'exploitation du film dans les salles leur appartenant, en particulier la salle « Bernadette » ;

Mais considérant qu'en dépit de la solution donnée au présent litige, la société Pax 2010 a pu, sans faute, se méprendre sur la portée de ses droits et entendre voir trancher le différend en justice ; que l'implication des autorités ecclésiastiques ou d'un exploitant de salle concurrent peuvent se justifier par la qualité de bailleur des premières, de concurrent du second et que si la société Massane se plaint du défaut de mise à disposition à son profit de la salle « Bernadette » consécutivement à l'introduction de la présente procédure, elle n'en administre pas la preuve pas plus que des effets négatifs pour son image qu'elle déclare avoir subis du fait du comportement de la société Pax 2010 ;

Qu'en conséquence, le jugement entrepris mérite confirmation en ce qu'il l'a déboutée de cette demande ;

Sur les autres demandes

Considérant que l'équité conduit à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à condamner in solidum les sociétés Pax 2010 et Arbos à verser à la société Massane la somme complémentaire de 5.000 euros à ce titre ;

Que, déboutées de ce dernier chef de prétentions, elles supporteront les dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Déclare la société Pax 2010 SARL irrecevable en ses demandes présentées à l'encontre de Monsieur Roland Rambeau et la société Arbos SARL irrecevable en sa demande de nullité de contrat comme nouvelle en cause d'appel ;

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Condamne in solidum la société à responsabilité limitée Pax 2010 et la société à responsabilité limitée Arbos à verser à la société par actions simplifiée MassaneProduction la somme complémentaire de 5.000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile, et à supporter les dépens d'appel avec faculté de recouvrement conformément à l'article 699 du code de procédure civile.