CA Paris, 3e ch. B, 2 juin 2006, n° 05/07763
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
ORSANS PRODUCTIONS (SAS)
Défendeur :
AYACHE
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Monsieur Pierre-Alain WEILL
Conseillers :
Madame Véronique CATRY, Madame Hélène JOURDIER
Avoués :
SCP RIBAUT, SCP VARIN - PETIT
Avocats :
Me Benjamin SARFATI, Me Elisabeth GUYOT
Le 3 septembre 1990, la société italienne SACHER FILM et la société française
BANFILM ont conclu un contrat pour la production et l'exploitation du film ' Le porteur de serviette'.
Le 1er octobre 1990, la société BANFILM et la société PYRAMIDE PRODUCTIONS devenue ORSANS PRODUCTION ont conclu un contrat complémentaire relatif à la production , l'exploitation et la propriété du film, concernant la part de BANFILM dans la copropriété franco-italienne.
Le 4 novembre 1999, la société BANFILM a été mise en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de PARIS .
Le 29 septembre 2000, la société API GESTION a offert d'acquérir les droits sur le film pour le prix de 565.000 francs hors taxe soit 90.871,05 € TVA comprise au taux de 5,5 %.
Maître AYACHE, liquidateur, en a averti la société ORSANS qui a exercé son droit de préemption institué par l'article L 132-20 du Code de propriété intellectuelle.
Par ordonnance du 27 mars 2001, le juge- commissaire a autorisé la cession à la société ORSANS pour le prix de 565.000 francs hors taxe.
Le projet de cession adressé à ORSANS n'a pas été signé par celle-ci.
A la suite de l'assignation délivrée à la demande de Maître AYACHE, le tribunal de commerce , par jugement contradictoire du 21 février 2005, a :
- dit que la vente était intervenue, que la créance était certaine, liquide et exigible.
- condamné la société ORSANS PRODUCTIONS à régler à Maître AYACHE, ès qualités de mandataire liquidateur de la société BANFILM, la somme de 90.871,05 € , assortie des intérêts légaux à compter du 5 décembre 2001.
- dit les parties mal fondées en leur demandes plus amples ou contraires.
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.
- condamné la société ORSANS PRODUCTIONS à payer à Maître AYACHE, ès qualités de mandataire liquidateur de la société BANFILM, la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile, débouté du surplus.
- condamné la société ORSANS PRODUCTIONS aux dépens.
La SAS ORSANS PRODUCTION a relevé appel le 01 avril 2005 et a conclu le 01 août 2005 pour demander de :
- infirmer le jugement rendu le 21 février 2005 par le tribunal de commerce de PARIS .
Et , statuant à nouveau, :
- constater que Maître AYACHE, ès qualités de mandataire liquidateur de la société BANFILM , a méconnu les dispositions d'ordre public de la loi du 25 janvier 1985 et les dispositions du Code Civil.
- constater que la société ORSANS PRODUCTIONS n'a pas été en mesure d'exercer son droit de préemption dans les conditions de transparence requises et munies des informations essentielles qu'elle aurait dû recevoir.
- constater la nullité de l'offre prétendument présentée par la société API GESTION.
- constater le caractère abusif des termes du projet d'acte de cession rédigé par Maître AYACHE et Monsieur PETIT.
- constater le désaccord entre la société ORSANS PRODUCTION et Maître AYACHE sur des conditions substantielles de la cession des droits du film ' LE PORTEUR DE SERVIETTE '.
à titre principal :
- juger que la cession des parts de la société BANFILMS sur le film ' LE PORTEUR
DE SERVIETTE ' n'est pas intervenue.
- débouter Maître AYACHE de ses prétentions.
- ordonner à Maître AYCHE de procéder à la cession des parts de la société BANFILM sur le film ' LE PORTEUR DE SERVIETTE ' par le ' biais ' d'enchères publiques.
à titre subsidiaire :
Si la Cour décidait de confirmer la cession au profit de la SOCIETE ORSANS :
- A titre reconventionnel , désigner tel sachant indépendant appartenant au milieu du cinéma avec pour mission de déterminer la valeur des parts de la société BANFILM sur le film ' LE PORTEUR DE SERVIETTE ' compte tenu , notamment, de la situation juridique et commerciale de ce film ainsi que des nantissements et délégations de recettes qui grèvent les parts.
- juger que Maître AYACHE doit garantir , dans les conditions du droit commun de la vente, la cession des parts de la société BANFILMS sur le film LE PORTEUR DE SERVIETTE à la Société ORSANS PRODUCTION.
en tout état de cause :
- condamner Maître AYACHE , ès qualités , à payer à la société ORSANS PRODUCTION la somme de 6.000 euros par application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.
Maître AYACHE a conclu le 21 décembre 2005 pour demander de :
- débouter la société ORSANS PRODUCTIONS de son appel et la dire mal fondée. En constatant que Maître AYACHE , ès qualités, fait siens l'intégralité des motifs et considérant du jugement rendu par le tribunal de commerce de PARIS en date du 21 septembre 2005, faire droit à ses demandes.
en conséquence,
- confirmer le jugement.
à titre subsidiaire :
- juger que la société ORSANS PRODUCTIONS sera tenue de former une garantie d'enchères et devra s'engager à faire l'avance des frais préliminaires.
en tout état de cause :
- condamner la société ORSANS PRODUCTIONS au paiement d'une somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile au profit de Maître AYACHE , ès qualités, pour les frais irrépétibles en cause d'appel.
MOTIFS DE LA DECISION
L'ordonnance du 27 mars 2001 du juge-commissaire chargé de la liquidation
judiciaire de la SARL BANFILM a été prise au visa et conformément à l'article 622-18 du Code de commerce qui donne au juge-commissaire le choix entre la vente aux enchères publiques et la vente de gré à gré. Le juge-commissaire a choisi la vente de gré à gré.
L'ordonnance vise la requête du 25 janvier 2001 du mandataire liquidateur qui exposait que la société API GESTION avait offert d'acheter amiablement les droits litigieux pour la prix de 565.000 francs et que la société ORSANS PRODUCTION exerçant son droit de préemption avait offert la même somme, la requête précisant les conditions de cette offre, l'avis favorable à cette dernière cession de l'expert désigné par le jugement de liquidation et celui également favorable de la gérante de la société BANFILM.
C'est dans ces conditions que le juge-commissaire a choisi, et non le liquidateur comme le soutient vainement l'appelante, la procédure de la vente de gré à gré, le liquidateur ayant recueilli les offres conformément à sa mission.
L'appelante confond à tort le recueil d'offres en vue de la vente de gré à gré avec des enchères privées illégales. En effet, l'appelante, bénéficiaire du droit de préemption, ayant fait une offre d'achat le 13 mars 2000, confirmée par plusieurs courriers des 4 avril 2000 , 18 août 2000 et 21 août 2000 au prix de 300.000 francs, il appartenait au liquidateur , ne serait-ce que dans l'intérêt des créanciers et du débiteur qui a été dûment informé et a donné son accord de recueillir des offres en rapport avec la valeur réelle des droits à céder. Par lettre du 22 août 2000, la société ORSANS en a été informée ; elle n'a pas modifiée son offre initiale se réservant de faire valoir le moment venu son droit de préemption.
La procédure instituée par l'article L 132-20 du Code de la propriété intellectuelle qui dispose que ' la meilleure offre est portée à la connaissance du titulaire du droit de préemption ' a été respectée et en définitive la société ORSANS a exercé son droit de préemption.
Le visa dans l'ordonnance du juge-commissaire de la requête indiquant que la gérante de la société BANFILM a fait connaître son avis favorable établi que conformément à la loi le débiteur a été entendu ; les courriers identiques produits en première instance et devant la cour établissent cette consultation.
En outre , l'ordonnance du 27 mars 2001 notifiée à Monsieur le Procureur de la République, à la société API GESTION, à la société ORSANS, à la gérante de la société BANFILM, à COFILOISIRS , créancier nanti et à BNP PARIBAS, n'a fait l'objet d'aucun recours. Elle est donc définitive.
L'appelante reproche également à tort au liquidateur de ne pas l'avoir informée de l'étendue des droits cédés alors d'une part qu'elle a fait une offre en connaissance de cause et que de surcroît étant copropriétaire à concurrence de 40% ,la société BANFILM étant copropriétaire des autres 60% des droits sur le film pour l' exploitation en FRANCE depuis le 01 octobre 1990, la société ORSANS ne peut soutenir ignorer l'étendue des droits dont elle était déjà copropriétaire dans la proportion qui vient d'être indiquée.
La société ORSANS s'appuie également sur sa méconnaissance des droits qui lui ont été cédés par l'ordonnance du 27 mars 2001 alors que l'ordonnance reprend les termes de l'offre de préemption de la société ORSANS, que celle-ci avait connaissance, comme il a été indiqué précédemment, en sa qualité de copropriétaire des droits cédés et que , s'agissant d'une vente judiciaire, le mandataire liquidateur est tenu selon le droit commun.
En définitive, l'acte de cession , dans sa seconde version, est conforme à la situation respective des parties et à leur connaissance des droits cédés, à l'ordonnance du juge-commissaire et au droit commun applicable en la matière, les modifications de rédaction demandées par la société ORSANS n'étant pas substantielles , c'est à tort que celle-ci à refusé de signer l'acte de cession.
Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.
P A R C E S M O T I F S :
Confirme le jugement du tribunal de commerce de PARIS du 21 février 2005.
Condamne la société ORSANS PRODUCTION à payer à Maître AYACHE, ès qualités , la somme de 6.000 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.
Condamne la société ORSANS aux dépens.