CE, 8 décembre 2000, n° 203625
CONSEIL D'ÉTAT
Arrêt
Considérant que la requête de la société G.R.A.C.E. ne mentionne pas l'intention de la requérante de présenter un mémoire complémentaire ; que, dès lors, le ministre de la culture n'est pas fondé, quel que soit l'intitulé de ladite requête, à demander, en application de l'article 53-3 du décret du 30 juillet 1963 susvisé et au motif qu'aucun mémoire complémentaire n'a été produit dans le délai de quatre mois, que le Conseil d'Etat donne acte du désistement de la requérante ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête de la société G.R.A.C.E. :
Sur la légalité du décret attaqué :
Considérant que les articles L.132-20-1 et L. 217-2, introduits dans le code de la propriété intellectuelle par la loi n° 97-283 du 27 mars 1997, confient le droit d'autoriser la retransmission par câble, simultanée, intégrale et sans changement, sur le territoire national, d'une oeuvre, de la prestation d'un artiste-interprète, d'un phonogramme ou d'un vidéogramme télédiffusés à partir d'un Etat membre de la communauté européenne aux seules sociétés de perception et de répartition des droits, sous la condition, lorsqu'elles sont régies par le titre II du livre III, d'être agréées à cet effet par le ministre de la culture ; qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 132-20-1, "L'agrément prévu au premier alinéa est délivré en considération :- 1° De la qualification professionnelle des dirigeants des sociétés et des moyens que celles-ci peuvent mettre en oeuvre pour assurer le recouvrement des droits définis au premier alinéa et l'exploitation de leur répertoire ; - 2° De l'importance de leur répertoire ; - 3° De leur respect des obligations que leur imposent les dispositions du titre II du livre III. Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions de délivrance et de retrait de l'agrément." ;
Considérant que la société G.R.A.C.E. conteste la légalité de l'article 1er du décret n° 98-1041 du 18 novembre 1998 pris pour l'application de ces dispositions en ce qu'il introduit dans le code de la propriété intellectuelle un article R. 323-1 qui pose notamment à la délivrance de l'agrément les conditions suivantes : "1° - Apporter la preuve de la gestion effective du droit d'autoriser la retransmission par câble, à raison du nombre d'ayants droit et de l'importance économique exprimée en revenu ou en chiffre d'affaires ; ( ...) 3° - Donner toutes informations relatives : ( ...) b) Aux perceptions reçues ou attendues à l'occasion de la retransmission par câble, simultanée, intégrale et sans changement, sur le territoire national, à partir d'un Etat membre de la communauté européenne et aux données nécessaires pour leur répartition ; 4° - Communiquer : a) Copie des conventions passées avec les tiers relatives à la retransmission par câble, simultanée, intégrale et sans changement, sur le territoire national, à partir d'un Etat membre de la communauté européenne ; b) Le cas échéant, copie des conventions passées avec les organisations professionnelles étrangères chargées de la perception et de la répartition des droits." ;
Considérant, en premier lieu, que si le décret attaqué prévoit que la société qui sollicite l'agrément pour pouvoir autoriser la retransmission par câble d'une oeuvre ou de la prestation d'un artiste-interprète, d'un phonogramme ou d'un vidéogramme télédiffusés à partir d'un Etat membre de la communauté européenne, doit apporter la preuve de la gestion effective, par elle, du droit d'autoriser la retransmission par câble, en raison du nombre des ayants-droit et de l'importance économique de cette activité, cette preuve peut résulter non seulement d'autorisations déjà accordées par les auteurs avant l'entrée en application des dispositions de la loi du 27 mars 1997 qui créent l'agrément, mais aussi, le cas échéant, des contrats que des auteurs ou des artistes-interprètes projettent de conclure avec une société, des désignations faites dans les conditions prévues par les articles L. 132-20-1 et L. 217-2 du code de la propriété intellectuelle et, éventuellement, de contrats passés sous la condition suspensive de l'obtention, par la société concernée, de l'agrément ; que la société requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que les dispositions contestées du décret du 18 novembre 1998 empêcheraient des sociétés nouvellement créées d'obtenir un agrément ;
Considérant, en deuxième lieu, que, pour les mêmes raisons, le décret attaqué a pu légalement prévoir qu'une société qui sollicite l'agrément doit donner au ministre de la culture toutes informations relatives notamment "aux perceptions reçues ou attendues à l'occasion de la retransmission par câble" ; qu'en effet, l'article L. 130-20-2 prévoit expressément que l'agrément est délivré en considération, entre autres, de l'importance du répertoire que gère la société concernée ; que cette exigence n'empêche nullement, comme il a été dit ci-dessus, une société nouvellement créée de faire valoir ses projets de contrats et les demandes qui ont pu lui être adressées de la part d'auteurs ou d'artistes-interprètes, afin que celle-ci, une fois l'agrément obtenu, exerce à leur bénéfice, le droit d'autoriser la retransmission par câble de leurs oeuvres ou de leurs prestations ;
Considérant, en troisième lieu, que les sociétés de perception et de répartition des droits peuvent conclure avec des tiers des conventions pour la retransmission par câble en assortissant ces conventions de conditions suspensives tenant à l'obtention effective de l'agrément ; que la société G.R.A.C.E. n'est dès lors pas davantage fondée à soutenir que l'article R. 323-1-4°, en ce qu'il impose aux sociétés en cause de fournir à l'appui de la demande d'agrément la copie des conventions passées pour la retransmission par câble, aurait pour effet de les conduire à diffuser des oeuvresdans des conditions irrégulières ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société G.R.A.C.E. n'est pas fondée à demander l'annulation du décret attaqué ;
Sur les conclusions de la société G.R.A.C.E. tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la société G.R.A.C.E. la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Sur les conclusions du ministre de la culture tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner la société G.R.A.C.E. à payer à l'Etat la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de la société G.R.A.C.E. est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du ministre de la culture et de la communication tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société G.R.A.C.E., au Premier ministre et au ministre de la culture et de la communication.