Livv
Décisions

Cass. 1re civ., 12 mai 2011, n° 10-15.700

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Charruault

Avocats :

SCP Baraduc et Duhamel, SCP Le Bret-Desaché

Rennes, du 9 févr. 2010

9 février 2010

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que M. X..., huissier de justice, a pratiqué une saisie conservatoire sur le compte bancaire de la société Provectio à la demande d'une société créancière qui se prévalait d'une lettre de change acceptée par la débitrice et qu'elle avait vainement présentée deux fois au paiement à l'échéance ; qu'après avoir sollicité la mainlevée de la mesure qu'une décision irrévocable a dit injustifiée en considération de sa situation financière et obtenu la condamnation à réparation de la société saisissante, la société Provectio a recherché la responsabilité civile professionnelle de l'huissier de justice que l'arrêt confirmatif attaqué (Rennes, 9 février 2010) a condamné à l'indemniser de son préjudice ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué alors, selon le moyen, que l'huissier de justice ne commet pas de faute en effectuant régulièrement une saisie conservatoire au vu d'une lettre de change acceptée, demeurée impayée et faisant l'objet d'un double protêt, pour le montant de cet effet ; qu'il en est ainsi quand bien même le juge de l'exécution estimerait ultérieurement que la saisie conservatoire n'était pas justifiée en raison de l'absence de menace sur le recouvrement de la créance ; qu'en effet il n'appartient pas à l'huissier de vérifier si la créance est en péril et si le débiteur est solvable dès lors qu'il a été dressé protêt de la lettre de change ; qu'en l'espèce, à la demande de la société Ouest partenaire conseil, et pour garantir le paiement d'une lettre de change acceptée par la société Provectio mais demeurée impayée, qui a fait l'objet d'un double protêt, M. X... a régulièrement saisi à titre conservatoire le solde du compte bancaire de la société Provectio ; qu'en jugeant néanmoins que l'huissier avait commis une faute en effectuant cette saisie, au motif inopérant que le juge de l'exécution avait par la suite considéré que le recouvrement de la créance de la société Ouest partenaire conseil n'était pas menacé et que le compte saisi était créditeur de 31 933,53 euros pour une créance de 6 139,30 euros, la cour d'appel a violé les articles 1382 du code civil, 68 et 73 de la loi du 9 juillet 1991 ;

Mais attendu qu'il résulte de la combinaison des articles 67 et 68 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution que, si une autorisation préalable du juge n'est pas nécessaire pour faire pratiquer une mesure conservatoire sur les biens du débiteur lorsque le créancier se prévaut d'une lettre de change acceptée, il doit néanmoins être justifié de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance ; que l'huissier de justice chargé de l'exécution, ayant, aux termes de l'article 19 du même texte, la responsabilité de la conduite des opérations d'exécution, est tenu d'y procéder dans les conditions légales dont il doit s'assurer qu'elles sont réunies ; qu'ayant souverainement relevé, par motifs propres et adoptés, que le recouvrement de la créance n'était pas menacé, le double protêt ne suffisant pas, par lui-même, à caractériser une telle menace, la cour d'appel en a justement déduit que l'huissier de justice avait commis une faute en ne s'assurant pas de l'existence de circonstances propres à justifier l'exécution de la mesure conservatoire ; que le grief n'est pas fondé ;

Et attendu que les deux autres branches du moyen ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.