Cass. crim., 13 octobre 2020, n° 20-81.199
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Soulard
Rapporteur :
Mme Ménotti
Avocat général :
M. Lagauche
Avocats :
SCP Foussard et Froger, SCP Spinosi et Sureau
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. A la suite d'une enquête préliminaire relative à des faits de recels en bande organisée de métaux précieux et de bijoux provenant de vol et de blanchiment, une information judiciaire a été ouverte le 11 juillet 2014 des chefs de recels en bande organisée, association de malfaiteurs et blanchiment en bande organisée, au cours de laquelle ont été mis en cause, notamment, Mme C..., directrice d'un palace à Marrakech, soupconnée de faire échapper d'importantes sommes d'argent au fisc marocain en remettant des espèces à des intermédiaires finançant des trafics et alimentant, en contrepartie, le compte bancaire ouvert à son nom dans la banque suisse D... et Cie, ainsi que M. D..., responsable du compte de Mme C... dans ladite banque.
3. Plusieurs réquisitoires supplétifs sont intervenus, notamment le 16 octobre 2015 étendant la période prévention jusqu'à octobre 2015.
4. Mme C... a été mise en examen le 25 novembre 2016 des chefs de blanchiment aggravé et association de malfaiteurs en raison de faits commis jusqu'au 13 octobre 2015, puis a fait l'objet d'une mise en examen supplétive le 16 août 2018 pour des faits commis jusqu'en novembre 2016.
5. M. D..., interpellé et placé en garde à vue le 11 février 2018, a été mis en examen le 13 février suivant, des mêmes chefs, pour des faits commis jusqu'en novembre 2016.
6. Mme C... et M. D... ont saisi la chambre de l'instruction de requêtes en nullité, auxquelles celle-ci a fait partiellement droit en annulant les mises en examen supplétive de la première et la mise en examen du second, mais uniquement du chef d'association de malfaiteurs pour des faits commis jusqu'en novembre 2016.
Examen des moyens
Sur les premier, quatrième et cinquième moyen et la troisième branche du deuxième moyen proposés pour Mme C... et les quatre moyens proposés pour M. D...
7. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le deuxième moyen proposé pour Mme C..., pris en ses deux premières branches
Enoncé du moyen
8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les demandes d'annulation de la mise en examen supplétive de Mme C... d'une part et des demandes d'entraide judiciaire suisse et de leurs pièces d'exécution d'autre part, tirées d'un excès de saisine, alors :
« 1°/ que le juge d'instruction ne peut informer qu'en vertu d'un réquisitoire du procureur de la République ; qu'en l'espèce, pour écarter le moyen pris d'un excès de saisine tendant à l'annulation de la mise en examen supplétive de Mme C... des chefs de blanchiment aggravé et d'association de malfaiteurs commis « sur le territoire national, en Belgique et en Suisse », après avoir pourtant constaté que les réquisitoires introductif et supplétifs visent des faits de blanchiment et d'association de malfaiteurs commis sur le seul territoire national (arrêt, p. 42 et p. 43), la chambre de l'instruction a énoncé que les actes commis sur le territoire national ne prennent sens qu'au regard des actes commis à l'étranger, dont ils sont indivisibles, et que, pour cette raison, « le juge d'instruction est autorisé à informer sur l'ensemble, y compris sur les actes mis en évidence à l'étranger, alors même que l'acte de poursuite, en l'espèce le réquisitoire supplétif du 13 février 2018, ne viserait que ceux commis sur le territoire national » (arrêt, p. 43) ; qu'en statuant ainsi, lorsque, même à les supposer indivisibles, les faits commis à l'étranger, distincts de ceux dont le magistrat instructeur était saisi, s'analysaient en des faits nouveaux sur lesquels ce magistrat ne pouvait valablement instruire sans réquisitoire préalable du procureur de la République et que les actes dont l'annulation était sollicitée excédaient de simples vérifications sommaires, la chambre de l'instruction a violé l'article 80 du code de procédure pénale ;
2°/ que pour écarter les moyens pris d'un excès de saisine tendant à l'annulation des demandes d'entraide judiciaire adressées par le juge d'instruction aux autorités helvétiques les 22 février 2016, 25 octobre 2016 et 22 novembre 2016 aux fins de communication d'informations bancaires concernant Mme C..., après avoir pourtant constaté que les réquisitoires introductif et supplétifs visent des faits de blanchiment et d'association de malfaiteurs commis sur le seul territoire national (arrêt, p. 42 et p. 43), la chambre de l'instruction a énoncé que les actes commis sur le territoire national ne prennent sens qu'au regard des actes commis à l'étranger, dont ils sont indivisibles, et que, pour cette raison, « le juge d'instruction est autorisé à informer sur l'ensemble, y compris sur les actes mis en évidence à l'étranger, alors même que l'acte de poursuite, en l'espèce le réquisitoire supplétif du 13 février 2018, ne viserait que ceux commis sur le territoire national » (arrêt, p. 43) ; qu'en statuant ainsi, lorsque, même à les supposer indivisibles, les faits commis à l'étranger, distincts de ceux dont le magistrat instructeur était saisi, s'analysaient en des faits nouveaux sur lesquels ce magistrat ne pouvait valablement instruire sans réquisitoire préalable du procureur de la République et que les actes dont l'annulation était sollicitée excédaient de simples vérifications sommaires, la chambre de l'instruction a violé l'article 80 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
9. Pour dire que le juge d'instruction était fondé à mettre supplétivement en examen Mme C... au titre des faits susceptibles d'avoir été commis en Belgique et en Suisse, l'arrêt retient que la compréhension du mécanisme de blanchiment ne peut être conçue à compter des seuls actes commis sur le territoire national, qui ne prennent sens qu'au regard de la mise en évidence des actes commis à l'étranger, ces actes étant indivisibles et constituant une opération unique, de sorte que le juge d'instruction était autorisé à informer sur l'ensemble des faits, alors même que le réquisitoire supplétif du 13 février 2018 ne viserait que les faits commis sur le territoire national.
10. En prononçant ainsi, les juges n'encourent pas le grief allégué dès lors que le juge d'instruction était saisi des faits commis en Belgique et en Suisse, indivisibles de ceux commis en France dont ils n'étaient que le prolongement.
11. Ainsi, le moyen n'est pas fondé.
Sur le troisième moyen proposé pour Mme C...
Enoncé du moyen
12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen de nullité tiré de l'absence d'enregistrement audiovisuel de l'interrogatoire aux fins de mise en examen supplétive de Mme C..., alors « que lorsque l'information judiciaire porte sur des faits de nature criminelle, les interrogatoires des personnes mises en examen réalisés dans le cabinet du juge d'instruction doivent faire l'objet d'un enregistrement audiovisuel ; que, pour écarter le moyen de nullité pris du défaut d'enregistrement audiovisuel de l'interrogatoire aux fins de mise en examen supplétive de Mme C..., la chambre de l'instruction retient que l'exigence d'enregistrement ne concerne que les interrogatoires des personnes mises en examen pour des faits de nature criminelle et en déduit que le magistrat instructeur, bien que saisi de faits criminels, n'était pas contraint d'enregistrer l'interrogatoire de Mme C... qui n'était poursuivie que pour des délits ; qu'en statuant ainsi, lorsque l'obligation d'enregistrement audiovisuel, qui doit être appréciée en début d'interrogatoire, ne peut dépendre de la qualification juridique notifiée à son issue à la personne mise en examen, mais trouve à s'appliquer à chaque fois que le magistrat instructeur est saisi de faits de nature criminelle, la chambre de l'instruction a violé l'article 116-1 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
13. Pour écarter le moyen de nullité, selon lequel l'interrogatoire de Mme C... du 16 août 2018 ayant donné lieu à sa mise en examen supplétive aurait dû faire l'objet d'un enregistrement audiovisuel, l'arrêt attaqué énonce que l'exigence d'un enregistrement audiovisuel prévu par l'article 116-1 alinéa 1er du code de procédure pénale concerne les seuls interrogatoires des personnes mises en examen pour des faits de nature criminelle, ce qui n'est pas le cas de Mme C... qui n'est poursuivie que pour des délits, peu important qu'elle le soit dans le cadre d'une procédure criminelle.
14. En l'état de ces énonciations, et dès lors que l'article 116-1 alinéa 1er dudit code vise à faire bénéficier d'une protection plus grande les personnes mises en examen d'un chef criminel, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés au moyen.
15. Ainsi, le moyen doit être écarté.
16. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.