Cass. crim., 25 février 2003, n° 02-87.783
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
M. Valat
Avocat général :
M. Finielz
Avocat :
SCP Waquet, Farge et Hazan
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Michel,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, en date du 4 novembre 2002, qui, dans l'information suivie contre lui du chef de provocation à l'usage de substances stupéfiantes, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 30 décembre 2002, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'à la suite de l'exposition au salon du livre d'un ouvrage intitulé "Culture en placard", une enquête préliminaire a été prescrite au cours de laquelle Michel X... a reconnu être l'éditeur de celui-ci ; que l'ouverture d'une information ayant été requise contre personne non dénommée du chef de provocation à l'usage de substances stupéfiantes, Michel X... a été entendu en qualité de témoin sur commission rogatoire du juge d'instruction ; que, mis en examen du chef précité, il a saisi la chambre de l'instruction d'une requête tendant à l'annulation du réquisitoire introductif ainsi que de son audition sur commission rogatoire ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme, L. 3421-4 du Code de la santé publique, 42 de la loi du 29 juillet 1881, 1er, 80, 591 et 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que la chambre de l'instruction a rejeté la requête en annulation du réquisitoire introductif du 8 juin 2000 (cote D. 19), ainsi que de l'ensemble de la procédure subséquente ;
"aux motifs que le procureur de la République tient des articles 40, 41 et 80 du Code de procédure pénale, le droit de requérir l'ouverture d'une information, au vu de tout renseignement dont il est destinataire, que rien ne l'oblige à nommément viser dans son réquisitoire introductif les personnes à l'encontre de qui il existerait des indices justifiant leur mise en examen ; que, dès lors, la validité du réquisitoire introductif, qui ne peut être annulé que s'il ne satisfait pas en la forme aux conditions essentielles de son existence légale, ne saurait être mise en cause ;
"alors, d'une part, que la validité d'un réquisitoire introductif n'est pas exclusivement fonction de conditions de forme, mais également de conditions de fond (compétence, plainte préalable...), qui, si elles sont nécessaires dans le cas d'espèce et font défaut, doivent entraîner la nullité de ce réquisitoire ; qu'en refusant d'annuler le réquisitoire introductif au motif qu'il ne pouvait l'être que s'il ne satisfait pas en la forme aux conditions essentielles de son existence légale, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision ;
"alors, d'autre part, que, lorsqu'une disposition de la loi sur la presse présume qu'une personne est l'auteur d'une infraction, et que le nom de cette personne est connu, le parquet ne peut, sans violer le principe supérieur des droits de la défense, ouvrir un réquisitoire "contre X", dès lors qu'il est avéré que le présumé responsable est connu de lui ; qu'en vertu des articles L. 3421-4 du Code de la santé publique et 42 de la loi du 29 juillet 1881 combiné, lorsque l'infraction de provocation à l'usage de stupéfiants est commise dans un ouvrage, l'éditeur de cet ouvrage est présumé pénalement responsable des faits reprochés en tant qu'auteur principal ; que Michel X... ayant été identifié dans l'enquête préliminaire comme étant l'éditeur de l'ouvrage "Culture en placard" qui provoquerait à l'usage de stupéfiants, il était présumé auteur des faits reprochés ; que le procureur de la République était ainsi tenu de le viser nommément dans son réquisitoire introductif, sous peine de priver de leur substance les dispositions spécifiques au droit de la presse et les droits de la défense, en permettant au juge d'instruction saisi d'entendre ou de faire entendre Michel X... en qualité de simple témoin ; qu'en considérant le contraire, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et violé les droits de la défense" ;
Attendu que, pour dire n'y avoir lieu à annulation du réquisitoire introductif, l'arrêt retient que le procureur de la République tient des articles 40, 41 et 80 du Code de procédure pénale, le droit de requérir l'ouverture d'une information au vu de tout renseignement dont il est destinataire, que rien ne l'oblige à nommément viser dans son réquisitoire introductif les personnes à l'encontre de qui il existerait des indices justifiant leur mise en examen ; que les juges en déduisent que la validité du réquisitoire introductif, qui ne peut être annulé que s'il ne satisfait pas en la forme aux conditions essentielles de son existence légale, ne saurait être mise en cause ;
Attendu qu'en prononçant ainsi la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 3421-4 du Code de la santé publique, 42 de la loi du 29 juillet 1881, 1er, 80, 80-1, 81, 105, 591 et 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que la chambre de l'instruction a rejeté la requête en annulation de l'audition de Michel X..., en date du 20 juillet 2000, en tant que témoin par les forces de police agissant sur commission rogatoire (cote D. 26 et D. 27), et de l'ensemble de la procédure subséquente ;
"aux motifs que, s'il n'est pas contestable que l'éditeur d'un ouvrage provoquant à l'usage de stupéfiants est présumé être l'auteur de l'infraction, encore faut-il pour qu'il existe des indices graves et concordants au sens de l'article 105 du Code de procédure pénale que le livre ait incontestablement pour effet de provoquer à l'usage de stupéfiants, ce que précisément le requérant a contesté lors de l'enquête préliminaire et conteste toujours, invoquant notamment à l'appui de ses dires, un précédent non-lieu rendu pour un ouvrage de même nature ; que, faute d'analyse des passages ou du contenu de l'ouvrage provoquant à l'usage de stupéfiants et d'audition du requérant sur ces éléments au cours de l'enquête préliminaire, il n'existait pas à son encontre, au regard de ses dénégations, d'indices graves et concordants de culpabilité lorsqu'il a été auditionné comme témoin sur commission rogatoire, étant précisé qu'au cours de cette audition il n'a pas davantage été entendu sur les éléments à charge résultant de la lecture de l'ouvrage de sorte que cette audition n'a pas pu porter atteinte à ses droits ; que ce n'est qu'après l'avoir questionné, lors de son interrogatoire de première comparution, sur le contenu de l'ouvrage, ce qui n'avait jamais été fait jusque là, que le juge d'instruction a pu considérer qu'il existait à son encontre, des indices graves et concordants, au sens de l'article 80-1 du Code de procédure pénale, justifiant sa mise en examen ; que le requérant ne peut, sans contradiction, contester les faits qui lui sont reprochés et soutenir qu'il existait à son encontre, au moment de l'ouverture de l'information et partant de son audition sur commission rogatoire,
des indices graves et concordants de culpabilité, excluant son audition comme témoin ;
"alors, d'une part, que le juge d'instruction est saisi "in rem" ; que, par ailleurs, il résulte de l'article 105 du Code de procédure pénale que toute personne à l'encontre de laquelle il existe des indices graves et concordants d'avoir participé aux faits dont le juge d'instruction est saisi ne peut être entendue comme témoin ; qu'il importe donc uniquement à ce stade de déterminer si la personne devant être entendue est susceptible d'avoir commis les faits en cause et non si ces faits sont bien constitutifs d'une infraction pénale ; qu'en l'espèce, au regard des articles L. 3421-4 du Code de la santé publique et 42 de la loi du 29 juillet 1881 combinés, Michel X... étant présumé coupable de provocation à l'usage de stupéfiants en tant qu'éditeur de l'ouvrage dans lequel l'infraction aurait été commise, il existait nécessairement à l'encontre de ce dernier des indices graves et concordants d'être l'auteur des faits allégués, ce qui ne permettait pas aux forces de police agissant sur commission rogatoire de l'entendre comme témoin ; qu'en refusant d'annuler l'audition de Michel X... du 20 juillet 2000 en qualité de simple témoin, tout en ayant pourtant reconnu qu'il n'était pas contestable que l'éditeur d'un ouvrage provoquant à l'usage de stupéfiants était présumé être l'auteur de l'infraction, la chambre de l'instruction n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les textes susvisés ;
"alors, d'autre part, qu'au stade de l'instruction, la qualification ou non de faits en une infraction de provocation à l'usage de stupéfiants, quand elle résulte de la publication d'un ouvrage, ne dépend pas de l'audition de l'éditeur, présumé pénalement responsable en vertu de la loi sur la presse, sur l'opinion qu'il se fait du contenu de l'ouvrage mais de la seule lecture dudit ouvrage ; que la chambre de l'instruction, en considérant qu'il n'existait pas d'indices graves et concordants à l'encontre de Michel X... empêchant de l'entendre en tant que simple témoin tant qu'il n'aurait pas été questionné sur le contenu de l'ouvrage en cause qui n'avait pas encore été analysé, n'a pas mieux justifié sa décision au regard de l'article 105 du Code de procédure pénale ;
"alors, enfin, que le seul fait, pour une personne soupçonnée, de contester les faits qui lui sont reprochés ne saurait remettre en cause les droits dont celle-ci doit bénéficier lorsqu'elle est entendue si des indices graves et concordants laissent supposer qu'elle a commis ces faits ; que la chambre de l'instruction ne pouvait ainsi refuser, au mépris des droits de la défense, la requête en annulation de Michel X... au motif qu'il se serait contredit en contestant les faits en cause tout en relevant que l'existence à son encontre d'indices graves et concordants lors de son audition du 20 juillet 2000, excluait qu'il soit entendu en qualité de témoin ;qu'en statuant ainsi, la chambre de l'instruction a violé l'article 105 du Code de procédure pénale" ;
Attendu que, pour écarter la demande d'annulation de l'audition de Michel X... effectuée en qualité de témoin sur commission rogatoire, les juges énoncent notamment qu'au cours de cette audition, il n'a pas été entendu sur les éléments à charge résultant de la lecture de l'ouvrage ;
Attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.