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Décisions

Cass. crim., 7 mars 2000, n° 99-82.484

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gomez

Rapporteur :

Mme Simon

Avocat général :

M. Di Guardia

Avocats :

SCP Rouvière et Boutet, Me Choucroy

ch. d'acc. Versailles, du 23 févr. 1999

23 février 1999

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X...,

contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de VERSAILLES, en date du 23 février 1999, qui, dans l'information suivie contre lui du chef de complicité de diffamation publique envers un magistrat, a prononcé sur sa demande en annulation d'actes de la procédure ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 199, 216, 485, 486, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de base légale et de motifs ;

" il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit n'y avoir lieu à annulation du réquisitoire introductif et d'avoir fait retour du dossier au même juge d'instruction ;

" alors, d'une part, qu'il apparaît des mentions de l'arrêt attaqué que la formation de la chambre d'accusation était différente lors des débats et du délibéré de celle qui a siégé lors du prononcé, que les mentions de l'arrêt ne permettent pas de connaître le magistrat qui a lu la décision, que l'état de ces mentions laisse incertaine la question de savoir si l'arrêt a été lu par un magistrat ayant participé aux débats et au délibéré, que dès lors la Cour de Cassation n'est pas en mesure de s'assurer que la décision attaquée a satisfait aux conditions essentielles de son existence légale ;

" alors d'autre part qu'il se déduit de la combinaison des article 199 et 216 du Code de procédure pénale que la minute de l'arrêt de la chambre d'accusation ne peut être signée que par un magistrat qui l'a prononcé ; que l'arrêt attaqué a été signé par M. Pometan, président, bien qu'il n'ait pas siégé à l'audience du prononcé de l'arrêt " ;

Attendu que les mentions de l'arrêt suffisent à établir que les mêmes magistrats ont participé aux débats et au délibéré, que l'arrêt a été lu par l'un d'eux conformément à l'article 199, alinéa 4, du Code de procédure pénale, et que la minute a été signée par le président qui avait participé aux débats et au délibéré, conformément aux dispositions de l'article 216 du Code de procédure pénale ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 29, 30, 31, 48 et 50 de la loi du 29 juillet 1881, et 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de base légale et de motifs ;

" il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit n'y avoir lieu à annulation du réquisitoire introductif et fait retour du dossier au même juge d'instruction ;

" aux motifs que la consignation a été fixée par ordonnance du 19 mai 1998 ; qu'elle a été versée dans le délai de quarante jours qui avait été imparti ; que cette plainte avec constitution de partie civile a mis en mouvement l'action publique ;

que le réquisitoire introductif sur lequel est inscrit le numéro d'enregistrement qui figure sur l'ordonnance de soit-communiqué rendu à la suite du dépôt de la consignation, se rapporte à cette plainte ; que, si en cas d'infraction à la loi sur la presse, la poursuite est définitivement fixée par le réquisitoire introductif, il peut par contre être suppléé aux omissions dudit réquisitoire par les énonciations de la plainte lorsque celle-ci est accompagnée d'une constitution de partie civile ; que Frédéric Y... a déposé une plainte avec constitution de partie civile contre X... qui est nommément visé dans cette plainte ; que cette plainte avec constitution de partie civile fixait irrévocablement la saisine du juge d'instruction ; que le réquisitoire introductif, sur lequel ont été rayées les mentions " contre le ou les personnes nommément désignées dans la plainte " et par lequel il a été requis d'informer provisoirement contre toutes personnes que l'instruction fera connaître, est dépourvu d'effet juridique à l'étendue de cette saisine ; qu'il n'appartient pas à la chambre d'accusation saisie d'une requête en annulation de pièces de la procédure de se prononcer sur la compétence territoriale du juge d'instruction saisi ;

" alors, d'une part, que le réquisitoire introductif doit, à peine de nullité, articuler et qualifier les diffamations à raison desquelles la poursuite est intentée, avec indication des textes dont l'application est demandée ; qu'en l'espèce, le réquisitoire pris à la suite de la plainte avec constitution de partie civile de Frédéric Y... ne porte strictement aucune des indications prévues par l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881 ; qu'en rejetant la demande d'annulation présentée par X..., du seul fait que le réquisitoire introductif portait la mention du numéro d'enregistrement qui figure sur l'ordonnance de soit-communiqué de telle sorte que la plainte avec constitution de partie civile aurait complété le réquisitoire lui-même, la chambre d'accusation a violé le texte susvisé ;

" alors, d'autre part, que dans les matières où l'action publique en diffamation ne peut être soulevée que par la partie lésée, le ministère public ne peut modifier l'étendue des poursuites à des faits non visés par la plainte, sous peine de nullité du réquisitoire introductif et de la procédure subséquente ; que la plainte avec constitution de partie civile de Frédéric Y..., magistrat, visait personnellement X... et avait expressément exclu des poursuites les journalistes et directeurs de publication qui pourraient être éventuellement coupables de complicité ; qu'en revanche le réquisitoire introductif a requis que l'instruction soit dirigée contre toutes personnes que l'instruction fera connaître, de telle sorte que le procureur de la République a élargi le champ des investigations à des faits qui pourraient éventuellement être imputés à des personnes autres que X... nommément visé par la plainte ; qu'en décidant que ce réquisitoire introductif n'aurait aucun effet juridique sur l'étendue de la saisine, la chambre d'accusation a violé les principes précités ;

" alors, enfin, qu'en matière de diffamation contre un fonctionnaire public, la plainte ne peut restreindre les poursuites à quelques uns de ceux qui ont participé au délit pour tenir les autres en dehors des poursuites ; qu'il ressort des mentions de l'arrêt attaqué que la plainte de Frédéric Y..., magistrat, était expressément limitée aux faits reprochés à X... et avait souhaité exclure des poursuites les journalistes et directeurs de publications qui pourraient être concernés par les délits poursuivis ;

qu'il ressort ainsi de l'arrêt lui-même que l'acte initial des poursuites était irrégulier et ne pouvait saisir le juge d'instruction ; qu'en décidant pourtant de renvoyer le dossier devant le magistrat instructeur, la chambre d'accusation a encore violé les principes susvisés " ;

Attendu que Frédéric Y..., juge d'instruction, a porté plainte avec constitution de partie civile pour complicité de diffamation publique envers un fonctionnaire public, contre X..., avocat, à raison des déclarations faites par celui-ci à divers organes de presse et de télévision et le mettant en cause ; qu'après le versement de la consignation, le ministère public a pris des réquisitions aux fins d'informer, contre toutes personnes que l'information fera connaître, sur les faits dénoncés et qualifiés par la partie civile ; que X... a été mis en examen pour complicité de diffamation publique envers un fonctionnaire ;

Attendu que, pour rejeter la requête en annulation du réquisitoire introductif et de la procédure subséquente présentée par celui-ci, la chambre d'accusation prononce par les motifs reproduits au moyen ;

Attendu qu'en cet état, la chambre d'accusation a justifié sa décision, dés lors que l'action publique n'a pas été mise en mouvement par le réquisitoire introductif mais par la plainte avec constitution de partie civile et que la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer que cette plainte répond aux exigences de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881 ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 59 de la loi du 29 juillet 1881, 52, 90, 173, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de base légale et de motifs ;

" il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit n'y avoir lieu à annulation du réquisitoire introductif et fait retour du dossier au même juge d'instruction ;

" aux motifs qu'il n'appartient pas à la chambre d'accusation saisie d'une requête en annulation de pièces de la procédure de se prononcer sur la compétence territoriale du juge d'instruction saisi ;

" alors, d'une part, que les règles de compétence qui sont d'ordre public sont sanctionnées par la nullité des actes pris par la juridiction incompétente, de telle sorte que le juge. répressif doit toujours vérifier sa propre compétence, notamment s'il est saisi d'un moyen à cet effet ; qu'en omettant de répondre au moyen soulevé par X... quant à l'incompétence du juge d'instruction de Nanterre, la chambre d'accusation a privé sa décision de motifs ;

" alors, d'autre part, que le grief tiré de l'incompétence du juge d'instruction saisi tendant à l'annulation des actes qu'il a accomplis, ce moyen peut être soulevé dans le cadre d'une demande présentée sur le fondement de l'article 173 du Code de procédure pénale ; qu'en décidant le contraire, la chambre d'accusation a violé ce texte ;

" alors, enfin, qu'en matière d'infraction sur la loi du 29 juillet 1881, les exceptions d'incompétence doivent être soulevées avant tout débat au fond ; que la demande de X... tendant à ce que soit constatée l'incompétence du juge d'instruction de Nanterre était recevable devant la chambre d'accusation statuant sur une demande d'annulation d'acte de procédure ; qu'en décidant le contraire, la chambre d'accusation a violé l'article 59 de cette loi " ;

Attendu qu'il résulte de l'examen des pièces de la procédure que, dans sa requête en annulation d'actes déposée le 10 décembre 1998 au greffe de la chambre d'accusation, X... n'a invoqué que le moyen de nullité tiré de l'irrégularité du réquisitoire introductif du procureur de la République, au regard de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881 ; que son avocat, qui avait adressé le 10 décembre 1998, au juge d'instruction de Nanterre chargé de l'information, une note contestant sa compétence territoriale et lui demandant de se déclarer incompétent conformément aux articles 52 et 186, alinéa 3, du Code de procédure pénale, n'a pas déposé de mémoire devant la chambre d'accusation invoquant d'autres moyens de nullité, et notamment celui tiré de l'incompétence territoriale du juge d'instruction ;

Attendu qu'en cet état, le demandeur ne saurait reprocher à la chambre d'accusation, saisie de la requête en annulation des actes de la procédure à raison de la nullité du réquisitoire introductif, de ne pas s'être prononcée sur le moyen de nullité à raison de la prétendue incompétence territoriale du juge d'instruction, dès lors que ce moyen ne lui était pas proposé et qu'elle n'estimait pas devoir le relever d'office ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.