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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 15 février 2023, n° 22/10326

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Caraïbes Web Solutions (SAS)

Défendeur :

Provalliance (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Douillet

Conseillers :

Mme Barutel, Mme Bohée

Avocats :

Me Jarry, Me Merle

T. com., 15e ch, 9 mai 2022, n° 20210353…

9 mai 2022

EXPOSE DU LITIGE

La société Provalliance appartient au groupe du même nom qui exploite des salons de coiffure en propre ou en franchise sous les enseignes : [Y] [I], [P] [Z], The Barber Company. Elle a développé un système interne de rendez-vous en ligne spécifique à chaque enseigne.

La société Caraïbes Web Solutions (CWS), implantée en Guadeloupe, exploite un site internet unboncoiffeur.fr qui comporte un annuaire de référencement de salons de coiffure.

Le 29 mai 2020, puis le 26 octobre 2020, la société Provalliance a demandé à la société CWS de retirer le référencement de ses enseignes de son site internet.

C'est dans ce contexte que par acte du 30 juin 2021 la société Provalliance a fait assigner la société CWS sur le fondement de pratiques commerciales trompeuses et déloyales aux fins notamment d'ordonner sous astreinte le retrait du site de services de réservation des enseignes appartenant à la société Provalliance.

La société CWS, dans ses premières conclusions en défense, a opposé in limine litis l'incompétence du tribunal de commerce de Paris.

Dans son jugement rendu le 9 mai 2022, le tribunal de commerce de Paris :

- Dit recevable mais mal fondée l'exception d'incompétence soulevée par la société CWS,

- Déboute CWS de son exception et se déclare compétent,

- Réserve l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Le 8 juin 2022, la société CWS a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses conclusions transmises le 8 juin 2022 concomitamment à la déclaration d'appel et dans son assignation à jour fixe signifiée le 13 juillet 2022 et notifiée par RPVA le 21 juillet 2022, la société CWS demande à la cour de :

INFIRMER le jugement de la 15ème chambre du tribunal de commerce de Paris en date du 9 mai 2022,

Statuant de nouveau,

- DECLARER le tribunal de commerce de Paris incompétent au profit du tribunal de commerce de Pointe-à-Pitre pour statuer sur les demandes formulées par Provalliance.

- CONDAMNER la société Provalliance au paiement des entiers dépens, et à la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions signifiées par RPVA le 27 octobre 2022, la société Provalliance demande à la cour de :

- SE DÉCLARER compétent pour statuer sur la responsabilité civile de la société Caraïbes Web Solutions SAS du fait du recensement des enseignes du Groupe Provalliance sur le site internet disponible à l'adresse https://www.unboncoiffeur.fr/ qu'elle édite ;

- CONDAMNER la société Caraïbes Web Solutions SAS à 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

MOTIFS DE LA DECISION

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.

Sur la compétence territoriale.

La société CWS soutient que le siège social du défendeur est situé à [Localité 5] en Guadeloupe ; que les faits dommageables allégués pour justifier de la compétence ne sont, ni caractérisés dans leur principe, ni dans leur localisation géographique qui justifierait de faire application des dispositions de l'article 46 du code de procédure civile ; que les décisions invoquées concernent des litiges en droit de la propriété intellectuelle (droit d'auteur), dont le principe ne peut trouver à s'appliquer en l'espèce dans la mesure où le site internet unboncoiffeur.fr est accessible sur tout le territoire français, de sorte que cela reviendrait à poser le principe selon lequel n'importe quel tribunal français serait compétent pour statuer.

Elle ajoute qu'il convient d'opérer la distinction entre le fait générateur du dommage, et l'atteinte patrimoniale ou extra-patrimoniale dont le requérant se prévaut ; que c'est bien le dommage entendu en tant que fait matériel, et non simplement son expression financière à savoir le préjudice, qui doit être matérialisé afin de fonder la compétence matérielle du tribunal ; qu'en matière de litiges sur internet l'atteinte patrimoniale alléguée se manifeste toujours au sein du siège social de la société demanderesse.

Elle en conclut que la prétendue atteinte subie par la société Provalliance ne constitue pas un dommage pouvant fonder la compétence du tribunal de commerce de Paris, et demande l'infirmation du jugement.

La société Provalliance fait valoir qu'en application de l'article 46 du code de procédure civile, en matière délictuelle le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi ; qu'en matière de dommage causé sur internet, la Cour de cassation s'est prononcée à plusieurs reprises en faveur de la compétence de la juridiction du lieu de matérialisation du dommage allégué, dans laquelle est constatée l'accessibilité du site internet par le biais duquel sont proposés les produits ou services litigieux; que ces jurisprudences constantes, fondées sur les dispositions de l'article 46 du code de procédure civile, ne sont pas propres aux litiges rendus en matière de propriété intellectuelle mais aux litiges dans lesquels le fait litigieux est commis sur internet afin de déterminer les tribunaux compétents de sorte qu'elles sont applicables au présent litige ; qu'en l'espèce le Groupe Provalliance a fait constater l'atteinte alléguée par un huissier de justice qui a accédé aux contenus litigieux en se connectant sur le réseau Internet depuis son domicile personnel situé dans le 16ème arrondissement de [Localité 4] (procès-verbal de constat d'huissier du 13 février 2021); que s'il est vrai que le dommage aurait pu être constaté dans d'autres lieux sur le territoire français, il ressort du constat d'huissier que le dommage a notamment eu lieu à Paris, ce qui rend compétent le tribunal de Paris pour en juger.

Sur ce,

La cour rappelle que l'article 46 du code de procédure civile dispose : « Le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur : (') - en matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi ».

Il est en outre acquis que l'accessibilité, dans le ressort de la juridiction saisie, d'un site internet diffusant les informations incriminées comme constitutives de concurrence déloyale, suffit à retenir la compétence de cette juridiction, prise comme celle du lieu de matérialisation du dommage prétendument subi au sens de l'article 46 susvisé.

En l'espèce, le litige principal porte sur le point de savoir si la société CWS a commis des pratiques commerciales trompeuses constitutives de concurrence déloyale à l'encontre de la société Provalliance du fait de références et de propositions de rendez-vous pour des salons de coiffure présentés sur son site internet unboncoiffeur.fr.

La société Provalliance a fait constater les atteintes prétendument alléguées par procès-verbal de constat d'huissier de justice réalisé à [Localité 4] sur ledit site internet le 13 février 2021.

Il est ainsi démontré que le tribunal de commerce de Paris est territorialement compétent au titre du lieu du dommage que la société Provalliance prétend avoir subi par les faits allégués de pratiques commerciales déloyales et trompeuses.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société CWS et s'est déclaré compétent.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Condamne la société Caraïbes Web Solutions (CWS) aux dépens d'appel, et vu l'article 700 du code de procédure civile la condamne à verser à ce titre, la somme de 1 000 € à la société Provalliance.