Cass. 1re civ., 19 février 1991, n° 89-20.148
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Massip
Rapporteur :
M. Thierry
Avocat général :
Mme Flipo
Avocats :
Me Choucroy, SCP Delaporte et Briard, SCP Fortunet et Matteï-Dawance, SCP Célice et Blancpain, SCP Rouvière, Lepître et Boutet
Sur le moyen unique :
Attendu, selon les énonciations des juges du second degré, que la commune de Mandelieu est propriétaire sur son territoire de l'immeuble Châteauneuf ; qu'elle a décidé de transformer l'édifice pour y implanter un foyer de personnes âgées ; qu'à cet effet, elle a consenti un bail à construction à la société Le Nouveau Logis Azur, laquelle a contracté avec divers locateurs d'ouvrage, et notamment avec la société Vanucci, pour réaliser la rénovation du bâtiment ; que, le 8 juillet 1988, un effondrement s'est produit sur la façade sud de l'immeuble ; que le maire de Mandelieu a décidé de faire procéder le jour même par la société Spada à des travaux de purge ; que ces travaux ont déstabilisé l'édifice, de telle sorte que sa démolition s'est avérée inéluctable ; que, le 11 juillet 1988, le maire a pris un arrêté de péril ordonnant cette démolition ; que la société Le Nouveau Logis Azur a alors assigné les différents locateurs d'ouvrage et leurs assureurs en désignation d'expert pour déterminer les causes de l'effondrement survenu le 8 juillet 1988 ; que la commune de Mandelieu est intervenue volontairement dans cette procédure, qui a abouti à une première ordonnance de référé en date du 13 juillet 1988 ; qu'une seconde ordonnance du 21 septembre 1988 a étendu la mission de l'expert à la détermination du préjudice économique et financier subi par la société Vanucci, à la suite de l'arrêt du chantier ; qu'ultérieurement, ladite société Vanucci a sollicité une seconde extension de la mission de l'expert, consistant à rechercher si la reconstruction de la partie effondrée de l'immeuble aurait été réalisable, sans recourir à la démolition totale ; qu'estimant que le juge judiciaire ne pouvait apprécier les mesures prises par le maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police relatifs à un immeuble menaçant ruine, le magistrat des référés s'est déclaré incompétent selon ordonnance du 7 décembre 1988 ; que l'arrêt infirmatif attaqué (Aix-en-Provence, 21 juin 1989) a fait droit, au contraire, à cette seconde demande d'extension de la mission de l'expert ;
Attendu que, la commune de Mandelieu fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, que l'appréciation de la nécessité de la démolition de l'immeuble implique obligatoirement un examen du bien-fondé de l'arrêté de péril, pris par le maire de Mandelieu ; que, s'agissant ainsi du contrôle de l'exercice par le maire de ses pouvoirs de police en matière d'édifice menaçant ruine, le juge judiciaire est incompétent ; que, de surcroît, cette appréciation de la nécessité de démolir suppose une analyse de la responsabilité de la Commune, analyse que seul peut effectuer le juge administratif ; qu'en décidant néanmoins d'étendre la mission de l'expert à la question de savoir si des travaux de reconstruction auraient été réalisables sans avoir à recourir à la démolition de l'édifice, ce qui entraînait la détermination des responsabilités respectives des parties, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790 et le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires ;
Mais attendu que le juge judiciaire des référés peut ordonner une mesure d'instruction avant tout procès, dès lors que le fond du litige est de nature à relever, ne serait-ce qu'en partie, de la compétence des juridictions de l'ordre auquel il appartient ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a retenu avec raison qu'il importait, pour déterminer les conséquences des fautes des locateurs d'ouvrage et l'étendue de leur responsabilité contractuelle, abstraction faite de toute responsabilité du maire de Mandelieu, de rechercher si la reconstruction de l'immeuble était réalisable sans qu'il soit procédé préalablement à sa démolition totale ; que le fond de ce litige relevant de la cour d'appel, celle-ci a ordonné la mesure d'instruction critiquée sans violer le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires ; que le moyen n'est donc pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.