Livv
Décisions

Cass. crim., 4 janvier 1995, n° 93-85.135

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Gunehec

Rapporteur :

M. Poisot

Avocat général :

M. Libouban

Avocat :

SCP Waquet, Farge et Hazan

Cass. crim. n° 93-85.135

3 janvier 1995

Sur le premier moyen de cassation proposé pour José X... et Dominique Y... et pris de la violation des articles 105, 152 et 206 du Code de procédure pénale, 593 de ce Code, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense :

" en ce que les arrêts nos 603 et 620 du 7 octobre 1993 attaqués ont refusé d'annuler les procès-verbaux d'audition de José X... (12 février 1991, pièce cotée D. 84) et de Dominique Y... (14 mars 1991, pièce cotée D. 146 bis), ainsi que les procès-verbaux de première comparution des intéressés du 15 juin 1992 (D. 377 et D. 381) et toute la procédure subséquente ;

" aux motifs que lorsque X... et Y... ont été interrogés dans le cadre de la commission rogatoire, les seuls indices dont disposaient les enquêteurs étaient les accusations portées par Ali B... contre eux, en sorte que leur audition uniquement destinée à recueillir les explications de la personne ainsi soupçonnée n'a pas été accomplie par les officiers de police judiciaire dans le dessein de faire échec aux droits de la défense ;

" alors, d'une part, que ne peut plus être entendue comme témoin la personne soupçonnée contre laquelle existent des indices graves et concordants de culpabilité ; que tel était bien le cas de José X... et de Dominique Y... lors de leurs auditions respectives les 13 février et 14 mars 1991, dès lors que, dans ses déclarations du 11 février 1991 (D. 83), Ali B..., qui précisait avoir personnellement assisté à l'arrestation et l'exécution de C..., les mettait nommément en cause comme faisant partie du groupe de personnes ayant commis ces crimes ; que c'est donc dans le dessein évident de faire échec aux droits de la défense que les officiers de police judiciaire ont procédé, les 12 février et 14 mars 1991, à leur audition en qualité de témoins ; qu'en refusant de procéder à l'annulation des procès-verbaux d'audition et de la procédure subséquente, les arrêts attaqués ont violé les textes susvisés ;

" alors, d'autre part, que l'audition en qualité de témoin d'une personne soupçonnée devient impossible dès la réunion d'indices graves et concordants de culpabilité, et non seulement au moment où se trouvent réunis des éléments certains de preuve de sa culpabilité ; que, dès lors, la chambre d'accusation ne pouvait refuser d'annuler les procès-verbaux d'audition de José X... et Dominique Y... en qualité de témoins des 12 février et 14 mars 1991, au motif inopérant qu'à cette date les enquêteurs ne disposaient que d'indices de culpabilité ; que, dès lors, les arrêts attaqués ne sont pas légalement justifiés ;

" alors, enfin, qu'il y a nécessairement dessein de faire échec aux droits de la défense lorsque les officiers de police judiciaire entendent comme témoin une personne sur laquelle pèsent des soupçons précis, sur le fondement d'accusations précises émanant d'un tiers ; que, dès lors, c'est à tort que la chambre d'accusation a refusé d'annuler les procès-verbaux d'audition de José X... et Dominique Y..., ainsi que la procédure subséquente ;

" alors, de surcroît, que les dispositions combinées des articles 105 et 171 du Code de procédure pénale, résultant de la loi du 24 août 1993 applicable à compter du 2 septembre 1993, qui exigent de la personne dénonçant une violation de l'article 105 du Code de procédure pénale la seule preuve d'une atteinte à ses intérêts, sont plus favorables que celles de l'article 105 du Code de procédure pénale applicable au moment des auditions litigieuses, qui exigeaient la preuve que les enquêteurs agissant sur commission rogatoire avaient procédé à l'audition dans le dessein de faire échec aux droits de la défense ; que, dès lors, les nouvelles dispositions, touchant fondamentalement aux droits de la défense et, dès lors, assimilables aux lois de fond, devaient s'appliquer rétroactivement aux auditions incriminées ; qu'en refusant d'annuler les procès-verbaux d'audition, et la procédure subséquente, au motif que les auditions n'avaient pas été accomplies dans le dessein de faire échec aux droits de la défense, les deux arrêts nos 603 et 620 attaqués, rendus le 7 octobre 1993, ont violé le principe de la rétroactivité in mitius, le principe de l'égalité devant la loi pénale, les droits de la défense, ainsi que les articles 105 (ancien) du Code de procédure pénale, par fausse application, et 105 et 171 du même Code, issus de la loi du 24 août 1993, par refus d'application " ;

Attendu que, à la suite de la disparition dans la nuit du 1er au 2 septembre 1990 de Michel C..., une information a été ouverte le 14 novembre 1990 contre personne non dénommée pour assassinat ; que José X... et Dominique Y... ont été entendus respectivement les 12 et 14 mars 1991 par les policiers agissant sur commission rogatoire alors que, le 5 février précédent, Ali B... les avait dénoncés comme ayant participé à l'exécution de Michel C... dont le corps n'a pas été retrouvé ;

Attendu que, pour dire qu'il n'y avait lieu d'annuler les actes de la procédure concernant José X... et Dominique Y..., la chambre d'accusation relève que, les seuls indices dont disposaient les enquêteurs étant les accusations portées contre eux par Ali B..., il n'existait pas contre eux d'indices suffisamment graves et concordants pour rendre leur audition légalement impossible ;

Qu'en cet état, et alors que l'article 105 du Code de procédure pénale, dans sa rédaction antérieure à la loi du 24 août 1993, était seul applicable, le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le premier moyen de cassation proposé par Dominique Z... et pris de la nullité du réquisitoire introductif ;

Attendu que, pour rejeter l'exception de nullité du réquisitoire introductif soulevée au motif qu'aucun fait susceptible de caractériser l'existence d'une infraction n'avait été révélé par l'enquête préliminaire à l'origine de l'information, l'arrêt attaqué énonce que cette enquête avait permis de déterminer que la disparition de Michel C... était intervenue après sa rencontre avec des membres du milieu nantais, qu'elle avait également permis de retrouver son véhicule, abandonné dans des conditions inexpliquées, ainsi que ses lunettes endommagées ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, desquelles il résulte qu'il existait au moment de l'ouverture de l'information contre personne non dénommée, des présomptions graves qu'un assassinat avait été commis, la chambre d'accusation a justifié sa décision sans encourir le grief allégué ;

Qu'ainsi le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé par Dominique Z... : (sans intérêt) ;

Sur le second moyen de cassation proposé pour José X... et Dominique Y... et pris de la violation de l'article 6. 3 d de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble violation des droits de la défense, défauts de motifs, manque de base légale :

" en ce que les arrêts nos 622 et 619 du 7 octobre 1993 et 617 du 22 septembre 1994 attaqués ont rejeté la demande de supplément d'information de José X... et Dominique Y..., tendant à la confrontation de X... à Mlle D..., témoin à charge, ainsi qu'à la confrontation de X... et Y... à MM. E... et F... et à Mme G..., employés ou clients de la discothèque " Le Pym's ", témoins à décharge ;

" aux motifs que la lettre adressée le 9 août 1994 par Mlle D... à X... et versée aux débats ne paraît pas susceptible de remettre en cause le contenu de son témoignage recueilli le 7 février 1992 ; que les témoins qui ont été présents à la discothèque " Le Pym's " ont déjà été entendus ; que les auditions et confrontations demandées apparaissent inutiles ;

" alors que tout accusé a le droit d'interroger ou de faire interroger les témoins à charge et d'obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ; qu'en refusant les mesures d'instruction demandées, sans justifier d'aucune circonstance empêchant la confrontation des inculpés avec un témoin à charge ayant par la suite déclaré n'avoir fait sa déposition à charge que pour des raisons de vengeance, ainsi qu'avec des témoins à décharge, la chambre d'accusation a privé sa décision de toute base légale au regard des textes susvisés, et méconnu les droits de la défense " ;

Sur le troisième moyen de cassation proposé par Dominique Z... et pris de la violation de l'article 6. 3 d de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que ces moyens, étant de pur fait, ne relèvent pas du contrôle de la Cour de Cassation et que les droits des demandeurs demeurent entiers devant la juridiction de jugement ;

D'où il suit qu'ils ne sont pas recevables ;

Sur le quatrième moyen de cassation proposé par Dominique Z... et pris de la violation des droits de la défense et de l'article 6. 3 a, b et c, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Attendu qu'il ne saurait être fait grief à la chambre d'accusation d'avoir méconnu les dispositions conventionnelles invoquées en énonçant que le défaut de délivrance de la copie du dossier d'information ne portait pas atteinte aux droits de la défense ; qu'elle relève, à bon droit, que l'intéressé, en choisissant d'assurer sa défense sans l'assistance d'un avocat, s'est privé du bénéfice des dispositions de l'article 197, dernier alinéa, du Code de procédure pénale qui réservent cette délivrance aux seuls avocats des personnes mises en examen et des parties civiles ;

Qu'ainsi le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le troisième moyen de cassation proposé pour José X... et Dominique Y... : (sans intérêt) ;

Sur le cinquième moyen de cassation proposé par Dominique Z... : (sans intérêt) ;

Et attendu que la chambre d'accusation était compétente, qu'il en est de même de la cour d'assises devant laquelle les accusés sont renvoyés ; que la procédure est régulière et que les faits, objet de l'accusation, sont qualifiés crime et délit connexe par la loi ;

REJETTE les pourvois.