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Décisions

Cass. crim., 21 décembre 1988, n° 88-86.883

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Angevin

Rapporteur :

M. Azibert

Avocat général :

M. Robert

Avocats :

SCP Piwnica et Molinié, SCP Waquet et Farge, SCP Delaporte et Briard

Paris, ch. d'acc., du 24 nov. 1988

24 novembre 1988

Sur le premier moyen de cassation proposé par le procureur général, pris de la violation de l'article 687 du Code de procédure pénale :

" en ce que l'arrêt attaqué a annulé la procédure à partir de la désignation du juge d'instruction (à l'exception des pièces cotées D. 248 bis et D. 249) et ordonné, par voie de conséquence la mise en liberté immédiate de René X..., Georges Y... et Florence A..., épouse B... ;

" aux motifs qu'à l'instant même où il ouvrait son information (RI du 9 mars 1988) le Parquet de Bobigny était clairement informé qu'un officier de police judiciaire était susceptible d'être inculpé d'un crime ou d'un délit qui aurait été commis dans la circonscription où il était territorialement compétent, hors ou dans l'exercice de ses fonctions et qu'il lui appartenait, dès lors, de présenter sans délai à la chambre criminelle de la Cour de Cassation la requête prévue par l'article 687 du Code de procédure pénale, que cependant ladite requête n'a été présentée que le 29 juin 1988 ;

" alors que le procureur de la République n'est tenu, en application du texte susvisé, de présenter sans délai requête à la chambre criminelle de la Cour de Cassation aux fins de désignation de juridiction que dès qu'il parvient avec certitude à sa connaissance ou à celle du juge d'instruction qu'un officier de police judiciaire est susceptible d'être inculpé d'un crime ou d'un délit qui aurait été commis dans la circonscription ou il est territorialement compétent et à la condition que l'identité et les fonctions de la personne ainsi mise en cause soient déterminées ; que tel n'était pas le cas, en l'espèce " ;

Attendu que pour prononcer la nullité de l'ensemble des pièces de la procédure, à l'exception d'un rapport de l'Office central de répression du trafic illicite de stupéfiants (OCTRIS), du réquisitoire introductif et de l'arrêt de la chambre criminelle du 6 juillet 1988, les juges énoncent que lors de l'ouverture d'information contre X, le procureur de la République de Bobigny était clairement informé qu'un officier de police judiciaire était susceptible d'être inculpé d'un crime ou d'un délit, commis dans la circonscription où il était territorialement compétent, hors ou dans l'exercice de ses fonctions ;

Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure que le rapport de l'OCTRIS, daté du 9 mars 1988, mentionnait que l'une des personnes mises en cause dans le trafic de stupéfiants pourrait être Georges Y..., " inspecteur divisionnaire affecté à la police de l'air et des frontières de l'aéroport de Roissy, officier de police judiciaire sur ce ressort " ;

Que le réquisitoire introductif était de la même date, et que la requête à la chambre criminelle ne fut présentée que le 29 juin 1988 alors que ni le procureur de la République, ni le juge d'instruction n'ignoraient, depuis plusieurs mois, la qualité d'officier de police judiciaire de Y..., eu égard aux actes d'information diligentés, et qu'il apparaissait dès l'ouverture de l'information que Y... était susceptible d'être inculpé ;

Qu'il s'ensuit que le moyen doit être écarté ;

Mais sur le second moyen de cassation, proposé par le procureur général, et pris de la violation de l'article 687 du Code de procédure pénale, ensemble les articles 206 et 593 du même Code :

" en ce que l'arrêt attaqué n'a pas annulé le réquisitoire introductif du procureur de la République, en date du 9 mars 1988 ;

" alors que, en l'état des constatations et énonciations de l'arrêt attaqué l'inobservation des prescriptions du texte susvisé si elle établie (sic), entraînait la nullité absolue de la procédure " ;

Sur le moyen unique de cassation proposé pour X... et pris de la violation des articles 687 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a refusé de prononcer la nullité du réquisitoire introductif, acte chronologiquement antérieur ou concomitant à l'inobservation des prescriptions de l'article 687 ;

" alors que la procédure définie par l'article 687 susvisé doit être engagée sans délai par le procureur de la République, dès le moment où un officier de police judiciaire est mis en cause et se trouve, par suite, susceptible d'être inculpé d'un crime ou d'un délit qui aurait été commis dans la circonscription où il est territorialement compétent ; que le rapport de l'OCTRIS mettant directement en cause un officier de police judiciaire qu'il désignait expressément, Georges Y..., le procureur de la République devait alors, sans délai, saisir la chambre criminelle et ne pouvait légalement prendre des réquisitions afin d'informer ; qu'en refusant d'annuler le réquisitoire introductif, la chambre d'accusation a ainsi violé les textes susvisés " ;

Sur le moyen unique de cassation, proposé pour Y... et pris de la violation des articles 206 et 687 du Code de procédure pénale :

" en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler le réquisitoire introductif du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bobigny en date du 9 mars 1988 ;

" alors que, dès l'instant que le procureur de la République apprend qu'un officier de police judiciaire est susceptible d'être inculpé d'un crime ou d'un délit qui aurait été commis dans la circonscription où il est territorialement compétent, il doit, sous peine de nullité, présenter requête à la chambre criminelle pour faire désigner la juridiction chargée de l'instruction ; que la chambre d'accusation, ayant constaté que dans un rapport du 9 mars 1988, Georges Y..., inspecteur de police divisionnaire affecté à la police de l'air et des frontières de l'aéroport de Roissy, officier de police judiciaire de ce ressort, était clairement désigné sous son nom et sous sa qualité comme membre actif d'un réseau de trafic de drogue opérant à Roissy, le procureur de la République de Bobigny était incompétent pour signer un réquisitoire introductif et ne pouvait que présenter requête sans délai à la chambre criminelle aux fins de désignation de la juridiction d'instruction " ;

Les moyens étant réunis ;

Vu lesdits articles ;

Attendu que selon l'article 206 du Code de procédure pénale, si la chambre d'accusation découvre une cause de nullité, elle prononce la nullité de l'acte qui en est entaché et, s'il y échet, celle de tout ou partie de la procédure ultérieure ;

Que, d'autre part, les arrêts et jugements en dernier ressort sont déclarés nuls s'ils ne contiennent pas de motifs ou si leurs motifs sont insuffisants ; que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à leur absence ;

Attendu qu'après avoir énoncé, qu'au moment où il ouvrait l'information, le procureur de la République de Bobigny était clairement informé qu'un officier de police judiciaire nommément désigné était susceptible d'être inculpé pour un délit ou un crime commis dans la circonscription où il était territorialement compétent, la chambre d'accusation a annulé l'ensemble des pièces de l'information à l'exception notamment du réquisitoire introductif ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, les juges ont méconnu le sens et la portée des principes ci-dessus énoncés ;

Que dès lors, la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

CASSE ET ANNULE l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, du 24 novembre 1988, mais seulement en ce qu'il n'a pas prononcé la nullité du réquisitoire introductif en date du 9 mars 1988, les autres dispositions étant expressément maintenues ;

Vu l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire ;

DIT que le réquisitoire introductif contre X en date du 9 mars 1988 est annulé ;

Et attendu qu'il ne reste rien à juger ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.