Cass. crim., 25 novembre 2008, n° 07-88.006
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pelletier
Rapporteur :
Mme Palisse
Avocat général :
M. Finielz
Avocat :
SCP Baraduc et Duhamel
Sur le moyen unique de cassation, proposé par le procureur général, pris de la violation de l'article 2-1, alinéa 2, du code de procédure pénale ;
Sur le moyen unique de cassation, proposé par la société civile professionnelle Baraduc et Duhamel pour l'association SOS racisme, pris de la violation des articles 2 et 2-1 du code de procédure pénale, 225-1 et suivants du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de l'association SOS racisme du chef de discrimination raciale consistant en un refus de fournir un service, en l'occurrence offrir en location des biens immobiliers à des personnes en raison de leur appartenance ou non-appartenance vraie ou supposée à une ethnie, à une nation, à une race ou religion déterminée ;
"aux motifs que les dispositions de l'article 2-1 du code de procédure pénale font obligation à l'association de lutte contre le racisme qui souhaite exercer les droits reconnus à la partie civile, de justifier de l'accord de la personne intéressée, lorsque l'infraction a été commise envers une personne considérée individuellement ; que cette prescription, qui a pour objet d'encadrer les conditions d'exercice de l'action civile par les associations, s'applique que celles-ci agissent par voie d'action ou par voie d'intervention, la loi n'ayant pas distingué entre ces deux voies ; que, dispenser la partie civile d'obtenir cet accord, dans le second des cas, reviendrait à vider de leur sens les dispositions de constitution de partie civile de ces associations dans le respect des droits des victimes, lesquelles conservent la faculté de s'opposer à cette intervention ; qu'en l'espèce, l'association SOS racisme, s'est constituée partie civile par voie d'intervention sans toutefois produire l'accord des personnes intéressées ; que l'association SOS racisme n'est pas fondée à soutenir que le délit de discrimination aurait été commis envers tous les candidats à la location d'origine africaine, maghrébine et asiatique, et non envers une personne considérée individuellement, ce qui la dispenserait de produire l'accord exigé par la loi, sachant que l'information a été ouverte pour des faits de discrimination concernant des personnes nommément désignées et étant observé qu'aucun élément de l'enquête n'est venu accréditer l'existence d'instructions générales du directeur de l'agence dans le sens indiqué par SOS racisme ; que c'est vainement que l'association produit l'accord d'une tierce personne, Yassin X..., à laquelle un logement aurait été refusé, dès lors que le juge d'instruction n'était pas saisi de ces faits et que la constitution de partie civile par voie d'intervention n'est recevable qu'à raison des seuls faits pour lesquels l'information est ouverte ;
"1) alors que, l'accord préalable de la personne victime d'une discrimination raciale, prévu à l'article 2-1, alinéa 2, du code de procédure pénale pour qu'une association de lutte contre le racisme puisse exercer les droits reconnus à la partie civile, n'est nécessaire que si l'association agit par voie d'action puisque cette autorisation, imposée lorsque l'infraction a été commise envers une personne déterminée, est uniquement destinée à éviter le déclenchement de poursuites pénales contre la volonté de l'intéressé et sa mise en cause forcée dans une procédure qui lui serait imposée par une personne morale de droit privé qui prendrait l'initiative des poursuites ; qu'en revanche, lorsque l'association de lutte contre le racisme se constitue partie civile par voie d'intervention, dans une information judiciaire ouverte par un réquisitoire introductif du procureur de la République, l'accord préalable de la personne concernée n'est pas nécessaire dès lors que la partie lésée sera nécessairement, le cas échéant contre son gré, entendue par le juge d'instruction, même si elle refuse personnellement de se constituer partie civile ; qu'en jugeant cependant que l'accord de la personne concernée par le délit de discrimination était obligatoire aussi bien lorsque l'association de lutte contre le racisme agit par voie d'action que par voie d'intervention, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision ;
"2) alors que, à supposer que l'accord des victimes directes du délit de discrimination raciale soit nécessaire pour qu'une association de lutte contre le racisme puisse agir par voie d'intervention, cette exigence disparaît lorsque les faits de discrimination portant sur une offre de location visent simultanément des personnes identifiées et des candidats anonymes non individualisés ; qu'en l'espèce, il importait peu que l'information ait été ouverte pour des faits de discrimination concernant des personnes nommément identifiées, dès lors que la discrimination litigieuse concernait des catégories de personnes prises en leur ensemble, qui ignoraient le cas échéant la discrimination dont elles faisaient l'objet par le gérant de l'agence immobilière Alvimmo, ce qui était confirmé par le testing constatant que le gérant ordonnait à son employée de pratiquer des discriminations ; que, dès lors, la constitution de partie civile de l'association SOS racisme, dont les statuts visent à faire valoir les droits de catégories de personnes, même non individuellement dénommées, faisant l'objet de discriminations, était recevable ; qu'ainsi, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision ;
"3) alors que, subsidiairement, l'exigence de l'accord des victimes directes du délit de discrimination raciale, à la supposer nécessaire pour que l'association de lutte contre le racisme puisse agir, est remplie lorsque l'association produit l'accord d'une nouvelle personne, à laquelle un logement a été refusé en considération de son origine maghrébine, dès lors que, dans ces conditions, l'association agit par voie d'action en dénonçant des faits nouveaux visant une personne nommément identifiée ; qu'ainsi, c'est à tort que la chambre de l'instruction a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de l'association SOS racisme, qui produisait pourtant l'accord de Yassin X..., candidat locataire victime d'une discrimination commise par le gérant de l'agence Alvimmo" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, sur dénonciation de l'association SOS racisme (SOS racisme) le procureur de la République a requis l'ouverture d'une information du chef de discrimination raciale à l'égard de sept personnes physiques individuellement désignées ; que SOS racisme a déclaré intervenir en qualité de partie civile dans l'information en cours ; que le juge d'instruction a constaté l'irrecevabilité de cette constitution par une ordonnance dont il a été interjeté appel par le ministère public et la partie civile ;
Attendu que, pour confirmer la décision entreprise, l'arrêt retient, notamment, que cette constitution de partie civile a été faite sans l'accord préalable des personnes intéressées ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application de l'article 2-1 du code de procédure pénale ;
Qu'en effet, lorsque l'infraction a été commise envers une personne considérée individuellement, l'accord de celle-ci est nécessaire pour rendre recevable la constitution de partie civile de l'association, que celle-ci ait été faite par voie d'action ou par voie d'intervention ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.