Cass. crim., 7 avril 1987, n° 87-80.513
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Berthiau
Rapporteur :
M. Zambeaux
Avocat général :
M. Galand
Avocat :
SCP Waquet
Sur la recevabilité du pourvoi ;
Attendu que l'arrêt de la chambre d'accusation du 22 avril 1975 portant mise en accusation de Catherine X... pour vol qualifié et vol a été signifié le 11 juin 1975 à Parquet, après une tentative de signification à une ancienne adresse de cette accusée, alors qu'il résulte d'une déclaration faite par sa soeur, le 23 janvier 1975, que l'intéressée était domiciliée en un autre endroit précisé où aucune recherche n'a été effectuée ;
Qu'il s'ensuit que la signification du 11 juin 1975, qui ne répond pas aux prescriptions de l'article 559 du Code de procédure pénale, n'a pu faire courir le délai de pourvoi ;
D'où il suit que celui-ci, bien que formé seulement le 5 janvier 1987, est recevable ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 83, 84, D. 27 et D. 28 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a omis de prononcer la nullité de la désignation du juge d'instruction Mazars (pièce cotée D. 13) ainsi que de toute la procédure subséquente ;
" alors qu'aux termes des articles 83 et 84 du Code de procédure pénale, lorsqu'un tribunal comprend plusieurs juges d'instruction, le président du tribunal désigne, pour chaque information, le juge qui en sera chargé ; que l'absence de désignation constitue une nullité substantielle touchant à l'organisation et à la composition des juridictions qui sont d'ordre public ; qu'en l'espèce, il ne figure au dossier de la procédure qu'un simple imprimé portant à la fois requête en désignation d'un juge d'instruction datée et signée par le procureur de la République et désignation du juge Mazars par le président du tribunal, mais sans qu'aucune énonciation ou numérotation ne permette de déterminer quelle était l'information dont ce magistrat se trouvait précisément chargé ; qu'en l'absence d'une telle indication, il est impossible de s'assurer que le juge Mazars a bien été désigné pour suivre l'information dirigée contre Y..., Z... et tous autres de sorte que la chambre d'accusation avait le devoir de prononcer la nullité de cette pièce et de toute la procédure subséquente " ;
Attendu que si l'ordonnance du président du tribunal en date du 16 février 1973 désignant le juge d'instruction chargé de suivre l'information ne comporte pas l'indication du numéro de la procédure à laquelle elle se rapporte, cette décision est portée au pied d'une requête du procureur de la République du même jour visant les pièces de l'information jointe ; que cette requête et l'ordonnance qui lui fait suite sont régulièrement cotées, D. 13, après le réquisitoire introductif, coté D. 12, également daté du 16 février 1973 ; qu'il s'ensuit qu'il ne saurait exister aucune équivoque sur l'application de l'ordonnance critiquée à l'information en cause ;
Mais sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 122, 131 et suivants du Code de procédure pénale, de l'article 6-3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, violation des droits de la défense, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que la chambre d'accusation a omis de prononcer la nullité du mandat d'arrêt décerné le 24 janvier 1974 à l'encontre de Catherine X... (C. 5) et de toute la procédure subséquente ;
" alors, d'une part, qu'aux termes de l'article 131 du Code de procédure pénale, le juge d'instruction ne peut décerner un mandat d'arrêt que contre un inculpé en fuite ou résidant hors du territoire de la République ; qu'il n'appert d'aucune pièce de la procédure que Catherine X... se serait trouvée, le 24 janvier 1974, hors du territoire national ; que par ailleurs, il ne saurait se déduire du seul échec de la commission rogatoire délivrée en vue de rechercher et d'identifier Catherine X... que celle-ci ait cherché à se soustraire aux recherches dès lors qu'il n'est pas constaté qu'elle en avait eu connaissance ; qu'ainsi, l'intéressée n'étant ni en fuite, ni hors du territoire national mais ayant simplement une autre adresse que celle figurant initialement dans le dossier de la procédure, le magistrat instructeur ne pouvait régulièrement décerner un mandat d'arrêt à son encontre ;
" alors, d'autre part, que l'article 131 du Code de procédure pénale stipule également que le juge d'instruction doit recueillir l'avis du procureur de la République avant de décerner un mandat d'arrêt ; qu'en l'espèce, le mandat du 24 janvier 1974 ne visant que le réquisitoire introductif du 16 février 1973 lequel n'avait pas été pris nommément contre Catherine X..., et en l'absence de toutes réquisitions supplétives sur la mesure envisagée, les exigences légales impératives susmentionnées ont été méconnues ;
" alors, de troisième part, qu'en tout état de cause, le mandat d'arrêt délivré contre un inculpé dont la résidence en France est connue est radicalement nul ; qu'interrogée le 23 janvier 1975 sur commission rogatoire du magistrat instructeur, la soeur de l'inculpée avait communiqué l'adresse exacte de Catherine X... aux policiers de sorte que le mandat d'arrêt devenait caduc ; que faute de l'avoir constaté, la chambre d'accusation a méconnu les principes susvisés ;
" alors, de quatrième part, que l'inculpation résulte de tout acte par lequel le juge d'instruction manifeste sa détermination d'impliquer une personne dans son information et notamment du mandat d'arrêt qui confère à celui qui en est l'objet, la qualité d'inculpé ; que dès lors, le mandat d'arrêt en date du 24 février 1974 étant nul, Catherine X... perdait nécessairement cette qualité de sorte que toute la procédure ultérieure diligentée à son encontre était nulle et qu'il appartenait à la chambre d'accusation de le constater ;
" alors, enfin, qu'un inculpé ne peut être mis en accusation sans avoir été préalablement entendu ou, au moins, sans avoir été l'objet d'un mandat de justice décerné par le juge compétent et notifié suivant les règles prévues par la loi établissant que l'autorité judiciaire avait été dans l'impossibilité de communiquer avec lui par les voies de droit ; que tel n'est pas le cas en l'espèce puisque non seulement le mandat d'arrêt délivré contre Catherine X... était nul mais que de surcroît, son adresse figurait dans le dossier de sorte que le juge d'instruction ne se trouvait pas dans l'impossibilité de communiquer avec elle afin de lui permettre de s'expliquer sur les charges retenues à son encontre ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la chambre d'accusation a gravement porté atteinte aux droits de la défense " ;
Vu les articles précités, ensemble l'article 206 du Code de procédure pénale ;
Attendu que selon l'article 131 du Code de procédure pénale un mandat d'arrêt contre un inculpé en fuite ne peut être décerné par le juge d'instruction qu'après avis du procureur de la République ;
Attendu que nul ne peut être jugé ou mis en accusation sans avoir été entendu ou dûment appelé ;
Attendu qu'il appert de l'examen des pièces de la procédure que le réquisitoire introductif établi le 16 février 1973 du chef de vols était dirigé contre Daniel Y... et Jean Z..., ainsi que tous autres, et sollicitait la délivrance de mandats d'arrêt ; que le mandat d'arrêt décerné le 24 janvier 1974 par le juge d'instruction contre Catherine X... n'a été précédé d'aucune réquisition nominative à son égard de la part du procureur de la République et ne comporte que la référence au réquisitoire précité du 16 février 1973 ;
Mais attendu qu'en délivrant mandat d'arrêt contre une inculpée qui n'avait pas été visée expressément dans le réquisitoire du procureur de la République et sans recueillir au préalable l'avis de celui-ci, le juge d'instruction n'a pas satisfait aux prescriptions de l'article 131 du Code de procédure pénale ;
Qu'il s'ensuit que le mandat d'arrêt du 24 janvier 1974 est entaché de nullité et que, faute de mandat régulier, Catherine X... n'a pas été dûment appelée à s'expliquer sur les faits qui lui sont reprochés avant que soit rendu l'arrêt attaqué ;
Que la chambre d'accusation, saisie en application de l'article 181 du Code de procédure pénale, en s'abstenant de constater, comme l'article 206 du même Code lui en faisait obligation, la nullité du mandat d'arrêt du 24 janvier 1974 et en omettant de tirer de ses constatations les conséquences légales qu'elles comportaient, a méconnu les textes visés au moyen ;
Que dès lors la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le troisième moyen de cassation produit :
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions relatives à Catherine X... l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Douai du 22 avril 1975,
Et pour être statué à nouveau, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Douai, autrement composée.