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Décisions

Cass. soc., 6 février 2008, n° 06-45.385

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mazars

Avocats :

SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Waquet, Farge et Hazan

Aix-en-Provence, du 11 sept. 2006

11 septembre 2006

Sur le moyen unique commun aux pourvois :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence,11 septembre 2006), que MM.X..., Y..., Z..., A..., B..., C..., D..., E..., de F... et G... ont été engagés en qualité d'agents de sécurité incendie par la société Française de sécurité industrielle (SFSI) aux droits de laquelle intervient la société Euro Sécurité Privée, exerçant leur fonction dans le cadre de contrats de sous-traitance avec la société Eurocopter ; qu'estimant que ces contrats dissimulaient un prêt de main d'oeuvre illicite destiné à éviter l'application de la convention collective applicable dans l'entreprise utilisatrice, ils ont saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que les salariés font grief aux arrêts de les avoir déboutés de leurs demandes tendant à voir dire que la société Eurocopter était leur co-employeur et de leurs demandes en paiement de rappels de salaires et diverses sommes, alors, selon le moyen :

1° / qu'aux termes de l'article L. 125-1 du code du travail, toute opération à but lucratif de fourniture de main d'oeuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu'elle concerne ou d'éluder l'application de la loi, d'un règlement, d'une convention ou d'un accord collectif de travail, est interdite ; que la cour d'appel a relevé, en premier lieu, que les activités du service incendie de la société Eurocopter étaient assurées, d'une part, par ses propres salariés, et d'autre part, par des salariés appartenant à diverses sociétés intervenantes, et qu'en outre, ses propres salariés avaient assumé l'intégralité des tâches de ce service avant qu'elles ne soient confiées pour partie à des salariés d'entreprises sous-traitantes, en deuxième lieu, que la société Eurocopter coordonnait les activités d'encadrement des salariés sur son site – y compris ceux en provenance des sociétés intervenantes – en fournissant des instructions et en sollicitant des sanctions disciplinaires en cas de manquements fautifs des salariés, en troisième lieu, qu'elle donnait une formation à ses propres salariés, et enfin, que les sociétés intervenantes utilisaient son matériel d'incendie ; qu'il en résulte que les sociétés intervenantes – dont la société SFSI – n'apportaient aucun savoir-faire particulier ni aucun encadrement que n'aurait pas déjà eus – ou la possibilité d'avoir – la société Eurocopter, peu important qu'il se fût agi pour cette dernière d'une activité annexe à son activité principale, et qu'en conséquence, le contrat liant les sociétés SFSI et Eurocopter caractérisait une opération de fourniture de main d'oeuvre à but lucratif dont il était constant qu'elle avait pour effet une méconnaissance de la règle « à travail égal, salaire égal » ; qu'en écartant le caractère illicite de l'opération, au motif inopérant que l'activité de sécurité incendie n'était pas l'activité principale de la société Eurocopter, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations de fait, a violé, par fausse application, l'article L. 125-1 précité du code du travail ;

2° / qu'une opération à but lucratif de fourniture de main d'oeuvre au sens de l'article L. 125-1 du code du travail est caractérisée dès lors que les sociétés fournisseur et utilisatrice exercent de façon conjointe les fonctions d'employeur à l'égard des salariés mis à sa disposition ; que la seule volonté des parties est impuissante à soustraire un salarié au statut social qui découle nécessairement des conditions d'accomplissement de son travail ; que l'existence d'une relation de travail dépend des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du salarié ; que deux sociétés doivent être qualifiées de co-employeurs lorsque l'une, ayant engagé puis licencié le salarié, et ayant conservé le pouvoir disciplinaire, l'a entre-temps mis à la disposition de l'autre société qui a fourni au salarié les instructions pour l'exécution du contrat de travail, de sorte que le lien de subordination est caractérisé à l'égard des deux sociétés ; que la cour d'appel a relevé que la société Eurocopter n'exerçait pas à l'égard des salariés exposants de pouvoir de direction et de contrôle caractérisant l'existence d'un lien de subordination à côté de celui les unissant à la société SFSI après avoir pourtant constaté, en premier lieu, que la société Eurocopter établissait des notes de service contenant des consignes de sécurité ainsi que les périodes de travail et de congés, qui devaient être respectées par les salariés et dont seule l'individualisation était faite pour ceux-ci par la société SFSI, en deuxième lieu, que la société Eurocopter demandait des sanctions à la société intervenante pour des manquements constatés par le chef de service incendie, membre du personnel Eurocopter, dans le comportement d'agents de sécurité appartenant à l'une des sociétés intervenantes, et en troisième lieu, que les salariés exposants, comme leurs collègues du service incendie employés par les sociétés intervenantes, exerçaient leurs fonctions uniquement sur le site d'Eurocopter en prenant connaissance des consignes, non pas par le biais de sa société, mais au travers des notes de coordination élaborées par le chef de service Eurocopter, certes sur la base des plannings fournis, mais sans que cela apparaisse sur le dernier état de la note, de sorte que les salariés s'étaient laissé prendre à l'illusion du quotidien et avaient peu à peu estimé faire partie intégrante de la société dans laquelle ils exerçaient leurs fonctions ; qu'en en déduisant que cette « impression » ne correspondait pas à la « réalité juridique » du pouvoir de direction de la seule société SFSI qui, seule, devait être retenue, là où les constatations de fait précitées faisaient ressortir l'exercice conjoint par les deux sociétés des fonctions d'employeur et l'existence d'un lien de subordination avec les deux sociétés, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations de fait, a violé, par fausse application, les articles L. 125-1 et L. 121-1 du code du travail et 1134 du code civil ;

3° / que le juge ne peut dénaturer les termes clairs et précis d'un bon de commande ; qu'en relevant que les bons de commande produits aux débats ne faisaient pas ressortir que la rémunération de la prestation de service fournie par la SFSI était calculée sur le nombre d'heures de travail accompli par les salariés mis à disposition dès lors que ceux-ci indiquaient le prix de la prestation de manière forfaitaire dans la limite d'une variation de 2 %, sans référence ni à un coût horaire ni au temps ni au nombre de salariés utilisés, et restant déterminable en fonction de toute autre variation non prévisible lors de l'établissement de la commande, la cour d'appel a dénaturé les bons de commande précités, lesquels indiquent, en termes clairs et précis, les qualifications des salariés mis à la dispositions de la société Eurocopter ainsi que leur coût horaire respectif pour l'année 2001, au cours de laquelle les prestations doivent être fournies avec, de surcroît, la mention selon laquelle ces coûts sont susceptibles d'une variation de 2 % ; qu'elle a violé l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu qu'appréciant la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel qui, par motifs propres et adoptés, a relevé que les salariés concernés effectuaient pour le compte de l'entreprise utilisatrice une tâche spécifique et restaient sous l'autorité de leur employeur et que le prix des prestations fournies en exécution du contrat de sous-traitance était calculé de manière forfaitaire, a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.