CA Bourges, ch. civ., 20 juin 2019, n° 18/01572
BOURGES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Mutuelle MSA Berry Touraine
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Foulquier
Conseillers :
M. Perinetti, Mme Ciabrini
Avocats :
Me Mercier, Me Palombino, Me Demont
Exposé des faits
Une contrainte émise par la Mutuelle sociale agricole Berry Touraine le 12 juin 2017 et portant sur une somme totale de 14 638,81 € correspondant à des cotisations et majorations de retard dues au titre des années 2010, 2012, 2013, 2014 et 2015 a été signifiée à Monsieur X par acte d'huissier de justice en date du 19 juin 2017. En l'absence d'opposition dans le délai de 15 jours conformément à l'article R133-3 du Code de la sécurité sociale, la MSA BERRY TOURAINE a fait pratiquer le 22 janvier 2018 une saisie attribution sur les comptes bancaires de Monsieur X pour recouvrer le montant des sommes dues au titre de la contrainte et des frais de recouvrement, déduction faite des versements du débiteur. La saisie, dénoncée le 24 janvier 2018 à Monsieur X, a permis d'appréhender la somme de 1 118,97 €, solde bancaire insaisissable non déduit.
Par acte d'huissier en date du 26 février 2018, Monsieur X a assigné la MSA BERRY TOURAINE et la SELARL HUISSIERS PARTNER CONSEILS devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bourges aux fins notamment de voir prononcer la nullité de la saisie attribution.
Par jugement en date du 10 décembre 2018, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bourges a :
- déclaré recevables les contestations formées par Monsieur X à l'encontre de la saisie attribution pratiquée le 22 janvier 2018 ;
- rejeté l'intégralité des prétentions formulées par Monsieur X ;
- condamné Monsieur X aux dépens de l'instance ;
- condamné Monsieur X à payer à la Mutuelle sociale agricole Berry Touraine la somme de 800 € au titre des frais non compris dans les dépens sur le fondement de l'article 700 du CPC ;
- rejeté toutes les demandes plus amples ou contraires de la Mutuelle sociale agricole Berry Touraine ;
- rappelé que la présente décision est exécutoire de plein droit conformément aux dispositions de l'article R. 121-21 du Code des procédures civiles d'exécution ;
- dit que la présente décision sera notifiée aux parties selon les modalités prévues à l'article R. 121-15 du Code des procédures civiles d'exécution.
Le juge de l'exécution, après avoir constaté la recevabilité de la contestation du demandeur du fait du respect des délais légaux quant à la délivrance de l'assignation en contestation de saisie attribution, considère que, au visa des articles L. 211-1, L. 111-2 et -3 du Code des procédures civiles d'exécution et L. 244-9 du code de la sécurité sociale, la contrainte est régulière, puisqu'elle mentionne bien les dates de mises en demeure, les périodes retenues, le montant des cotisations et majorations dues, et définitive à défaut d'opposition dans le délai de quinze jours qui a suivi sa signification, de sorte qu'il n'appartient pas au juge de l'exécution de la remettre en cause.
Monsieur X a interjeté appel de ce jugement le 24 décembre 2018.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 4 février 2019, il demande à la cour de :
- réformer le jugement entrepris ;
- juger que les demandes formulées pour les périodes antérieures au 22 janvier 2013 sont prescrites et les déclarer irrecevables ;
- dire nulle et de nul effet la saisie pratiquée entre les mains de LA CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE CENTRE LOIRE, demeurant <adresse> immatriculée au RCS de BOURGES sous le numéro 398 824 174 pour la somme de 14 852,76 € et fructueuse :
- pour la somme de 617,92 € sur le compte n° 70048537346,
- pour la somme de 501,05 € sur le compte n° 70064966106 ;
- ordonner la mainlevée de la saisie pratiquée ;
- prendre acte de la présente demande de déconsignation et de restitution des sommes saisies ;
- ordonner la déconsignation des sommes saisies et en tant que de besoin leur restitution ;
- condamner la MSA BERRY TOURAINE, dont le siège est à BLOIS <adresse> au paiement de la somme de 2 500 € au titre du préjudice subi ;
- condamner la partie saisissante au paiement de la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 u CPC et en tous frais et dépens en ce compris les frais d'exécution et de mainlevée.
Il fait valoir que :
- il résulte des articles L. 244-2, L. 244-3 et L. 244-11 du Code de la sécurité sociale que l'action civile en recouvrement des cotisations ou majorations de retard se prescrit par cinq ans à compter du délai d'un mois fixé par la mise en demeure et ne peut concerner que les cotisations exigibles dans les trois ans qui précèdent son envoi, de sorte que les demandes formulées au titre des cotisations antérieures au mois de février 2013 sont prescrites et donc irrecevables au titre des dispositions de l'article 122 du CPC ;
- les cotisations appelées pour l'année 2010 ont fait l'objet d'un règlement de 165,95 € le 22 septembre 2017 à la suite d'un PV de saisie attribution du 8 avril2014, ainsi qu'en atteste un reçu de la même date au titre des cotisations prétendument dues pour les années 2009 et 2010 ;
- l'appelant démontre avoir réglé régulièrement et à la suite de rappels de la MSA du 19 décembre 2011 la somme de 1 647,74 € au titre des cotisations dues pour l'année 2011 par chèque n° 0844244 tiré sur la banque HSBC ;
- l'assignation devant le juge de l'exécution a régulièrement été signifiée à domicile élu le 26 février 2018 et dans le mois qui a suivi la dénonciation de la saisie attribution délivrée le 24 janvier 2018 conformément aux termes des articles 641 et 642 du CPC et de la règle de computation des délais puisque le 24 février 2018 étant un samedi, le délai était prorogé jusqu'au lundi 26 ;
- l'ordonnance n° 2006-461 du 21 avril 2006 portant réforme de la saisie immobilière a modifié l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire et désormais, le juge de l'exécution a le pouvoir de remettre en cause le titre exécutoire dans son principe ainsi que les droits et obligations que ce titre constate, à la triple condition que le titre exécutoire ne soit pas une décision de justice, que la difficulté relative au titre exécutoire n'échappe pas à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire et que la difficulté se pose à l'occasion d'une mesure d'exécution ;
- les mises en demeure n'ont pas été régulièrement délivrées à l'appelant.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 18 février 2019, la MSA BERRY TOURAINE demande à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, sauf en ce qui concerne le quantum relatif à l'indemnité réclamée au titre de l'article 700 du CPC qu'il conviendra d'élever à la somme de 2 500 € pour les frais exposés en 1ère instance ;
- rejeter l'intégralité des prétentions formulées par Monsieur X ;
- condamner Monsieur X à payer à la MSA la somme complémentaire de 3 000 € au titre des frais exposés, non compris dans les dépens, sur le fondement de l'article 700 du CPC, en cause d'appel et aux dépens de 1ère instance et d'appel.
Elle fait valoir que :
- aux termes de l'article L. 725-3 du code rural, la signification, non suivie d'opposition devant le TASS, donne à la contrainte les effets d'un jugement, de sorte que cette contrainte n'ayant jamais fait l'objet d'opposition, est devenue définitive ;
- aux termes des articles L. 213-6 du Code de l'organisation judiciaire et R 121-1 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution ne peut remettre en cause le titre exécutoire servant de base aux poursuites de la créance qu'il constate, ce principe d'intangibilité du titre exécutoire s'appliquant également aux titres délivrés par les personnes morales de droit public par application de l'article L. 111-3 du Code des procédures civiles d'exécution ;
- de même, seul le TASS était compétent pour statuer sur une éventuelle prescription ;
- le JEX n'a pas non plus le pouvoir de se prononcer sur le montant des cotisations sociales dues par un affilié au régime agricole et de modifier le montant retenu par voie de contraintes devenues définitives mais seulement vérifier si la saisie contestée est pratiquée en vertu d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, ce qui est le cas en l'espèce en l'absence d'opposition.
Motifs
SUR QUOI
Aux termes de l'article L. 244-9 du code de la sécurité sociale, la contrainte, à défaut d'opposition dans les délais légaux, produit tous les effets d'un jugement et confère notamment le bénéfice de l'hypothèque judiciaire. Il en va de même pour les contraintes décernées par les caisses de mutualité sociale agricole, tel que prévu à l'article L 725-3 du code rural et de la pêche maritime.
Selon l'article R 121-1 du code des procédures civiles d'exécution, il n'appartient pas au juge de l'exécution de modifier le dispositif d'une décision de justice qui sert de fondement aux poursuites et selon l'article L111-2 du même code, le créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l'exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d'exécution.
Il est constant qu'une contrainte a été émise par la Mutuelle sociale agricole Berry Touraine le 12 juin 2017 et portait sur une somme totale de 14 638.81 € correspondant à des cotisations et majorations de retard dues au titre des années 2010, 2012, 2013, 2014 et 2015 à l'encontre de Monsieur X et signifiée le 19 juin 2017. En l'absence d'opposition dans le délai de 15 jours conformément à l'article R 133-3 du Code de la sécurité sociale, la MSA BERRY TOURAINE a fait pratiquer le 22 janvier 2018 une saisie attribution sur les comptes bancaires de Monsieur X
L'appelant fait valoir que l'action civile en recouvrement des cotisations ou majorations de retard se prescrit par cinq ans à compter du délai d'un mois fixé par la mise en demeure et ne peut concerner que les cotisations exigibles dans les trois ans qui précèdent son envoi, de sorte que les demandes formulées au titre des cotisations antérieures au mois de février 2013 sont prescrites.
Néanmoins, il est constant que l'appelant n'a pas formé opposition à la contrainte délivrée à son encontre par l'intimée, de sorte que cette contrainte, devenue un titre exécutoire définitif défini par l'article L111-3 du code des procédures civiles d'exécution, pouvait légitimement fonder des mesures d'exécution forcée telles qu'une saisie attribution. De plus, il n'appartient pas au juge de l'exécution de remettre en cause les sommes dues au titre de ladite contrainte, même prescrites.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions.
L'équité commande de condamner Monsieur X, qui succombe en appel et sera tenu aux entiers dépens d'appel, à payer la MSA BERRY TOURAINE la somme de 2 000 € au titre des frais non compris dans les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bourges en date du 10 décembre 2018 ;
Y ajoutant,
Condamne Monsieur X aux entiers dépens d'appel ;
Condamne Monsieur X à payer la MSA BERRY TOURAINE la somme de 2 000 € au titre des frais non compris dans les dépens d'appel.