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Décisions

Cass. soc., 11 décembre 2019, n° 18-17.874

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Leprieur

Avocats :

SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Zribi et Texier

Besançon, du 27 mars 2018

27 mars 2018

Attendu, selon les arrêts attaqués (Besançon, 27 mars 2018), que Mmes R... et I... P... ont été engagées respectivement le 30 mars 2010 et le 29 août 2011 par la société Indibat France ; que la rupture de leur contrat de travail pour motif économique est intervenue le 27 décembre 2013 après acceptation d'un contrat de sécurisation professionnelle ; qu'elles ont saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, ci-après annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le moyen, pris en ses autres branches :

Attendu que l'employeur fait grief aux arrêts de juger le licenciement des salariées dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner en conséquence à leur payer une somme à ce titre alors, selon le moyen :

1°/ que la réalité du motif du licenciement s'apprécie à la date de son prononcé ; que, pour dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu que l'explication de la société Indibat France selon laquelle le groupe Indibat et le groupe Interpromed avaient décidé en 2013 de ne plus recourir à ses prestations d'ingénierie de projet et de formation était en partie démentie par la circonstance que ceux-ci étaient demeurés les principaux clients des prestations d'ingénierie de formation de l'entreprise au cours des années suivantes, et notamment les années 2014 et 2015 ; qu'elle a ajouté qu'il ressortait des pièces versées aux débats que le chiffre d'affaires de l'entreprise avait augmenté en 2014, de sorte que l'année 2013 constituait une année atypique par comparaison aux années 2012 et 2014 ; qu'en se déterminant ainsi sur le fondement d'éléments postérieurs au licenciement de la salariée, prononcé par lettre du 19 décembre 2013, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ;

2°/ qu'il n'appartient pas à la juridiction prud'homale, chargée d'examiner le caractère réel et sérieux des difficultés économiques invoquées devant elle, d'apprécier les choix de gestion de l'employeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a dit le licenciement pour motif économique dépourvu de cause réelle et sérieuse, motifs pris, d'une part, du défaut de production des annexes des bilans de l'entreprise l'empêchant « d'aller plus avant dans l'analyse des comptes des charges d'exploitation, notamment de celui intitulé "autres achats et achats externes", dont les soldes oscillent de façon significative d'une année sur l'autre », d'autre part, de l'absence d'« explication sur les variations importantes affectant tant le volume de ses dettes que celui de ses créances au titre des trois exercices », et, enfin, de l'« accroissement significatif de la masse salariale » de la SARL Indibat France résultant « principalement de sa gestion chaotique des embauches de salariés » ; qu'en s'immisçant ainsi dans l'opportunité des choix de gestion et de conduite de l'activité de l'entreprise effectués par l'employeur, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, ensemble le principe fondamental de la liberté d'entreprendre découlant de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

Mais attendu que si le motif économique du licenciement doit s'apprécier à la date du licenciement, il peut être tenu compte d'éléments postérieurs pour cette appréciation ;

Et attendu qu'après avoir relevé que la lettre de licenciement faisait état d'une réorganisation liée à des difficultés économiques aggravées par la perte de deux clients qui aura pour conséquence une chute significative du chiffre d'affaires, la cour d'appel a constaté que, si celui-ci avait fléchi en 2013 d'environ 7% par rapport à l'exercice précédent, il avait ensuite augmenté de 21% en 2014, que les deux principaux clients de la société avaient continué à recourir à ses prestations et que les pertes de la société avaient été particulièrement importantes en 2013 en raison d'un accroissement conséquent de la masse salariale ; qu'elle a ainsi vérifié l'adéquation entre la situation économique de l'entreprise et les mesures affectant l'emploi envisagées par l'employeur sans se substituer à ce dernier ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.