Décisions

CA Colmar, ch. 3 A, 6 mars 2023, n° 21/04364

COLMAR

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

H2r Energies (SARL), Domofinance (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Martino

Conseillers :

Mme Fabreguettes, M. Le Quinquis

Avocats :

Me Boudet, Me Wiesel

CA Colmar n° 21/04364

5 mars 2023

FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE

 

Suite à démarchage à domicile, Monsieur [V] [U] a, par acte du 3 mars 2017, souscrit auprès de la Sarl H2R Energies un bon de commande pour la fourniture et l'installation de 22 panneaux photovoltaïques en intégration d'une puissance totale de 6600 W crête, et d'un ballon thermodynamique, au prix de 32 000 euros, financés intégralement au moyen d'un crédit accordé aux époux [U] par la société Domofinance (ci-avant dénommée la banque) et ce moyennant le remboursement de 140 échéances mensuelles de 300,47 euros l'une, au taux effectif global annuel de 4,64 % l'an.

Monsieur [V] [U] a signé le 14 avril 2017 une fiche de réception des travaux, déclarant que la livraison et la pose est terminée et correspond au bon de commande du 3 mars 2017 et demandant à la société Domofinance d'adresser à l'entreprise le montant du financement.

 

 

De même, il a signé à la même date un procès-verbal de réception sans réserve de l'installation.

Au vu de ces attestations, la banque a procédé au déblocage des fonds au profit de la Sarl H2R Energies.

Le raccordement de l'installation a été réalisée par Edf le 26 juin 2017.

Par actes d' huissier de justice en date respectivement des 20 et 21 février 2020, les époux [U] ont fait assigner la société Domofinance et la Sarl H2R Energies devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Colmar aux fins, dans le dernier état de la procédure, de voir prononcer l'annulation du contrat de vente pour vice de forme voire pour dol, entraînant celle du contrat de crédit affecté, voir condamner la société Domofinance à restituer l'intégralité des sommes qui ont été versées, à savoir la somme de 13 117,20 euros, outre les mensualités postérieures acquittées, avec intérêts au taux légal.

À titre subsidiaire, ils ont argué de la négligence fautive de la banque pour solliciter sa condamnation à leur payer la somme de 13 900 euros à titre de dommages intérêts et en tout état de cause, ont sollicité sa condamnation à lui payer les sommes de 3 000 euros en réparation de leur préjudice financier et de leur trouble de jouissance, la somme de 3 000 euros en réparation de leur préjudice moral ainsi que la somme de 8 349 euros au titre du devis de désinstallation.

Ils ont sollicité que la Sarl H2R Energies soit enjointe de déposer les panneaux et de remettre en état la toiture de leur maison et ont demandé en tout état de cause la condamnation des défenderesses aux entiers dépens et à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Sarl H2R Energies s'est opposée aux demandes et a sollicité la condamnation des demandeurs à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Domofinance a également résisté aux demandes et a demandé qu'il soit ordonné aux époux [U] de poursuivre le règlement des échéances du prêt conformément aux stipulations du contrat de crédit affecté, et à titre subsidiaire, si le tribunal devait prononcer l'annulation du contrat principal de vente entraînant l'annulation du contrat affecté, qu'il soit constaté qu'elle n'a commis aucune faute en procédant à la délivrance des fonds ni dans l'octroi du crédit, de condamner solidairement les emprunteurs à rembourser le capital prêté, déduction faite des échéances d'ores et déjà payées, voire une partie du capital prêté si une faute devait être établie, de condamner la Sarl H2R Energies à lui payer la somme de 32 000 euros au titre de sa créance en garantie de remboursement du capital prêté déduction faite des paiements effectués, et de condamner les époux [U] au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

 

Par jugement en date du 2 septembre 2021, le juge des contentieux de la protection judiciaire de Colmar a :

- Débouté les époux [U] de l'intégralité de leurs demandes,

- Dit n'y avoir lieu d'ordonner à Monsieur [V] [U] et à Madame [P] [F] épouse [U] de poursuivre le règlement des échéances du prêt entre les mains de la société Domofinance,  

- Condamné in solidum Monsieur [V] [U] et Madame [P] [F] épouse [U] à payer tant à la société Domofinance qu'à la Sarl H2R Energies la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné in solidum Monsieur [V] [U] et Madame [P] [F] épouse [U] aux dépens de l'instance.  

 

Pour se déterminer ainsi, le premier juge a d'abord retenu, au visa des articles L221-1, L221-5, L111-1 et L242-1 du code de la consommation, que si le bon de commande encourt la nullité en raison de l'insuffisance des spécifications relatives aux caractéristiques essentielles du bien ou du service en ce qu'il ne permet pas de connaître le modèle, les références, la dimension, le poids et l'aspect des panneaux photovoltaïques non plus que le nombre, la marque, le modèle, les références, la dimension et le poids de l'onduleur, les époux [U], qui avaient reçu le 10 avril 2017 une facture émise par la Sarl H2R Energies qui décrivait de manière détaillée les produits fournis, ont accepté leur livraison le 14 avril 2017, ont signé une fiche de réception des travaux indiquant avoir réceptionné l'installation sans réserve, ont demandé à la banque de débloquer les fonds au profit de l'entreprise, ont fait raccorder leur installation par EDF le 26 juin 2017, ont passé un contrat pour la vente de l'électricité produite, ont payé les échéances du prêt et ont perçu les revenus tirés de la vente de leur production d'électricité, de sorte qu'ayant exécuté sans réserve tant le contrat principal que le contrat de prêt accessoire, ils ont confirmé la nullité relative du bon de commande.

Il a écarté les demandes en tant que fondées sur le dol au motif que les demandeurs ne rapportent pas la preuve que les vendeurs, pour les convaincre de conclure le contrat, se seraient livrés à des projections chiffrées quant au rendement énergétique de l'installation et sa rentabilité, se soient engagés sur le rendement et les ait persuadé d'un quelconque autofinancement de l'opération.

S'agissant des demandes de dommages intérêts, le premier juge relève que, s'agissant du défaut d'accréditation du vendeur, la réglementation tirée du code monétaire et financier, invoquée par les époux [U], ne s'applique pas au litige et qu'au surplus il appartiendrait à la société Domofinance de justifier, sur le fondement de l'article L311-8 du code de la consommation, de la formation de son salarié, et non à l'établissement de crédit ; s'agissant du manquement de la banque à ses obligations de surveillance, de vigilance, de conseil et de mise en garde, que la société de crédit n'a pas à s'immiscer dans les affaires de l'acheteur pour apprécier l'opportunité de l'acquisition d'une installation photovoltaïque à laquelle il a procédé et n'est pas tenue en l'absence d'un quelconque engagement de sa part, en sa seule qualité de banque dispensatrice de crédit, d'une obligation de conseil quant à la rentabilité de l'opération ; que si les époux [U] invoquent un manquement de la banque à son obligation d'information sur le fondement de l'ancien article L311-6 devenu 312-12 du code de la consommation, un tel manquement est sanctionné par la déchéance de la banque de son droit aux intérêts contractuels, laquelle n'est pas sollicitée de sorte que le moyen est inopérant ; qu'il n'est justifié d'aucun préjudice moral, financier, voire d'un trouble de jouissance imputable à une faute de la banque.

Les époux [U] ont interjeté appel à l'encontre de cette décision suivant déclaration en date du 12 octobre 2021 et par dernières écritures notifiées le 16 novembre 2022, ils concluent à l'infirmation de la décision entreprise en ce qu'elle les a déboutés de l'intégralité de leurs demandes, condamnés in solidum au paiement d'une somme de 1 000 euros à chacune des défenderesses au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Ils demandent à la cour, statuant à nouveau de :

- déclarer leurs demandes recevables et les déclarer bien fondées,

- prononcer l'annulation du contrat de vente les liant à la Sarl H2R Energies,

- prononcer l'annulation du contrat de crédit affecté les liant à la société Domofinance,

En conséquence,

- ordonner le remboursement par la société Domofinance, de l'intégralité des sommes qu'ils lui ont versées, à savoir la somme de 13 117,20 euros, arrêtée au mois de juin 2021, outre les mensualités postérieures acquittées, avec intérêts au taux légal à compter de la décision de première instance,

À titre subsidiaire :

- condamner la banque à leur payer la somme de 13 900 € à titre de dommages intérêts, sauf à parfaire, du fait de la négligence fautive de la banque,

À titre infiniment subsidiaire  

Si le tribunal ne faisait pas droit aux demandes considérant que la banque n'a pas commis de faute :  

- prononcer la déchéance du droit de la banque aux intérêts du crédit affecté,

En tout état de cause,

- condamner in solidum la Sarl H2R Energies et la banque, à leur payer les sommes de 3 000 euros au titre de leur préjudice financier et du trouble de jouissance et de 3 000 euros au titre de leur préjudice moral,

- condamner la Sarl H2R Energies au paiement de la somme de 8 349 euros, au titre du devis de désinstallation,

À titre subsidiaire :

- ordonner à la Sarl H2R Energies que soit effectuée à sa charge la dépose des panneaux et la remise en état de la toiture de leur habitation dans les deux mois de la signification de la décision à intervenir,

-dire que passé ce délai de deux mois, si la Sarl H2R Energies n'a pas déféré, ils pourront disposer des panneaux comme bon leur semblera,

En tout état de cause :

-condamner in solidum la Sarl H2R Energies et la banque Domofinance venant aux droits de Domofinance aux entiers dépens et à leur payer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

 

Par dernières écritures notifiées le 28 octobre 2022, la société Domofinance a demandé à la cour de :

A titre principal :

- dire bien jugé et mal appelé,

-confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré et notamment en ce qu'il a débouté les époux [U] de l'intégralité de leurs demandes,

- dire et juger que le bon de commande régularisé le 3 mars 2017 respecte les dispositions de l'article L221-5 du code de la consommation,

- à défaut, constater, dire et juger que les époux [U] ont amplement manifesté leur volonté de renoncer à invoquer la nullité des contrats au titre des prétendus vices les affectant et en toute connaissance des dispositions applicables,

- constater la carence probatoire des époux [U],

- dire et juger que les conditions d'annulation du contrat principal de vente sur le fondement d'un prétendu dol ne sont pas réunies et qu'en conséquence le contrat de crédit affecté conclu par les époux [U] n'est pas annulé,

En conséquence,

- débouter les époux [U] de toutes leurs demandes et ordonner à ces derniers de poursuivre le règlement des échéances du prêt conformément aux stipulations du contrat de crédit affecté et jusqu'au plus parfait paiement,

À titre subsidiaire, si la cour décidait de réformer le jugement entrepris et de prononcer la nullité du contrat principal de vente entraînant l'annulation du contrat de crédit affecté,

- constater dire et juger que la banque n'a commis aucune faute en procédant à la délivrance des fonds ni dans l'octroi du crédit,

Par conséquent,  

- condamner solidairement les époux [U] à lui rembourser le montant du capital prêté au titre du contrat de crédit affecté litigieux, déduction faite des échéances d'ores et déjà acquittées par les emprunteurs,

- condamner la Sarl H2R Energies à garantir les époux [U] du remboursement du capital prêté au profit de la banque,

À titre infiniment subsidiaire, si la cour considérait que la banque a commis une faute dans le déblocage des fonds,

- dire et juger que le préjudice subi du fait de la perte de chance de ne pas contracter le contrat de crédit affecté litigieux ne peut être égale au montant de la créance de la banque,

- dire et juger que le ballon thermodynamique et les panneaux solaires photovoltaïques commandés par les époux [U] ont bien été livrés et posés à leur domicile par la Sarl H2R Energies, que l'installation photovoltaïque est en parfait état de fonctionnement puisque ladite installation a été dûment raccordée au réseau Erdf-

 

Enedis puis mise en service et que les époux [U] perçoivent chaque année depuis le mois de juin 2018 des revenus énergétiques grâce à l'installation photovoltaïque litigieuse,

- dire et juger que les époux [U] ne rapportent pas la preuve du préjudice qu'ils prétendent subir en raison de la faute qu'ils tentent de mettre à la charge de la banque, à défaut de rapporter la preuve qu'ils se trouveraient dans l'impossibilité d'obtenir du vendeur, en l'occurrence la Sarl H2R Energies, le remboursement du capital emprunté que la banque lui avait directement versé,

- par conséquent, dire et juger que la banque ne saurait être privée de sa créance de restitution, compte-tenu de l'absence de préjudice avéré pour les époux [U],

-par conséquent, condamner solidairement les époux [U] à lui rembourser le montant du capital prêté au titre du contrat de crédit affecté litigieux, déduction faite des échéances d'ores et déjà acquittées par les emprunteurs,

-à défaut, réduire à de bien plus justes proportions le préjudice subi par les époux [U] et les condamner solidairement à lui restituer une fraction du capital prêté qui ne saurait être inférieure aux deux tiers,

En tout état de cause,  

- débouter les époux [U] de l'intégralité de leurs demandes,

- les condamner solidairement aux entiers dépens et à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

 

Par écritures notifiées le 30 mars 2022, la Sarl H2R Energies a conclu à la confirmation de la décision déférée et a sollicité la condamnation des appelants aux dépens et à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.  

 

MOTIFS  

 

Vu les dernières écritures des parties ci-dessus spécifiées et auxquelles il est référé pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, en application de l'article 455 du code de procédure civile ;  

Vu les pièces régulièrement communiquées ;

Sur la nullité du contrat de vente et de prestations de service au regard des dispositions du droit de la consommation concernant la vente hors établissement

Le premier juge a très précisément énuméré les dispositions du code de la consommation régissant les ventes hors établissement et il est expressément référé aux énonciations du jugement déféré de ce chef.

Aux termes de l'article L111-1 du code de la consommation, le professionnel doit indiquer au consommateur les caractéristiques essentielles du bien ou du service et non pas fournir le détail précis et exhaustifs des dits biens et services.

En l'espèce et comme énoncé par le jugement déféré, le bon de commande porte sur 22 panneaux monocristallins de marque Soluxtec, puissance 300 W crête, soit une installation de 6600 W crête en intégration, micro onduleur, raccordement tableau, protection AC/DC au prix de 24 500 euros, un ballon thermodynamique de 270 litres de marque Thermor Aeromax 4 au prix de 4 000 euros ainsi que sur un forfait installation de l'ensemble pour un montant de 3 500 euros pour un montant total de 32 000 euros toutes taxes comprises.

Il est précisé les modalités de paiement par financement auprès de la société Domofinance et le délai de livraison est indiqué au 30 mars 2017.

Si ces indications doivent être considérées comme suffisantes quant à l'énonciation des caractéristiques essentielles des biens commandés au sens de l'article L 111-1 du code de la consommation, elles sont en revanche particulièrement peu informatives en ce qui concerne la prestation de service s'agissant du mode d'intégration au bâti, qui n'est en rien défini même sommairement, alors que les panneaux étaient destinés à équiper la toiture de l'habitation des époux [U].  

Dans ces conditions, la nullité du bon de commande est encourue.

En revanche, c'est à tort que la partie appelante plaide que l'indication d'un prix global ne serait pas conforme aux dispositions de l'article L 111-1 alors que la loi ne fait obligation aux professionnels que d'indiquer le prix du bien ou de services et qu'aucun texte n'exige la mention du prix unitaire de chaque élément constitutif des biens offerts ou du service proposé. Au demeurant, cette argumentation tombe à plat dès lors que le bon de commande indique expressément le prix des panneaux photovoltaïques, celui du ballon thermodynamique et celui du forfait installation de l'ensemble.

De même, le bon de commande prévoit une date manuscrite de livraison au 30 mars 2017, répondant ainsi aux prescriptions de l'article L 111-1 du code de la consommation, peu important la discussion sur la validité de la clause préimprimée figurant au verso du bon de commande suivant laquelle « les livraisons sont effectuées en fonction des disponibilités dans l'ordre d'arrivée des commandes' les délais de livraison sont indiqués aussi exactement que possibles mais sont fonction des disponibilités d'approvisionnement et de transport. ».

Encore, le bon de commande fait bien mention, comme l'exige l'article L 221-5 du code de la consommation et dans un encart particulièrement visible, des conditions de délai, soit quatorze jours, et des modalités d'exercice du droit de rétractation et comporte un formulaire type de rétractation. La circonstance qu'est visé l'article L121-21 du code de la consommation (article en vigueur avant recodification ) au lieu de l'article L121-18 du même code, tel que résultant de la recodification à droit constant, n'est pas susceptible de faire encourir la nullité au bon de commande.

Le premier juge a exactement énoncé, par des motifs que la cour adopte, que cette nullité, relative, est susceptible de confirmation en cas d'exécution volontaire du contrat en connaissance de la cause de nullité et a, en l'espèce, par des motifs exhaustifs et pertinents que la cour adopte, appliqué à bon droit cette norme légale aux faits de la cause en retenant que les époux [U] avaient, en connaissance de la cause de nullité, entendu confirmer l'acte nul.

Il doit être en effet retenu que par mail du 23 août 2017, les époux [U] ont menacé de plaider, en vertu de l'article L121-1 du code de la consommation, la pratique commerciale trompeuse. Il doit en être déduit que, à cette date, ils avaient la certitude de n'avoir pas été diligentement et loyalement informés quant aux caractéristiques essentielles des biens et services proposés.

Or, ils ont conclu avec Électricité de France un contrat d'achat de l'électricité produite par l'installation photovoltaïque, objet du bon de commande litigieux, le 20 septembre 2018, confirmant ainsi tacitement mais nécessairement le bon de commande qu'ils savaient être vicié.

Ils ne sont dès lors plus recevable à invoquer la nullité du bon de commande.

La décision déférée mérite ainsi confirmation en ce qu'elle a rejeté la demande d'annulation du contrat de vente et consécutivement du contrat de crédit affecté et a rejeté la demande des époux [U] en répétition des échéances de remboursement déjà acquittées.

 

Sur la nullité du bon de commande pour vice du consentement  

Comme devant le premier juge, les époux [U] font valoir qu'en usant de manœuvres avérées manquant délibérément à ses obligations d'information les plus élémentaires, la société H2R Energies a commis des fautes confinant à un dol caractérisé, sans lequel ils n'auraient jamais contracté.

Ils font valoir à nouveau que de nombreuses mentions obligatoires ne figuraient pas sur le bon de commande, qu 'ils n'ont pas reçu d'informations quant aux délais de raccordement, à la location obligatoire d'un compteur de production auprès de la société EDF sur vingt ans ni sur la durée de vie des matériels et leur coût de remplacement notamment en ce qui concerne l'onduleur électrique, qu'il conviendra de remplacer trois fois en cours d'exploitation ; que la société H2R Energies a sciemment fait état de partenariats mensongers avec EDF ou GDF ; que pour pousser ses clients à s'endetter, elle leur a fait une présentation fallacieuse de la rentabilité de l'installation en faisant état de perspectives de rendement chiffrées alors qu'ils perdent d'importantes sommes d'argent ; qu'ils ne leur a pas été indiqué que la performance des panneaux photovoltaïques dépendait de la situation météorologique future, de la durée de vie de l'installation, de la fixation du prix de revente par EDF ; qu'aucune information ne leur a été délivrée quant au prix d'achat de l'électricité pratiqué par l'opérateur EDF alors qu'une installation photovoltaïque aurait pour intérêt quasi exclusif ses rendements financiers ; qu'ils n'ont pas été renseignés sur le coût de l'emprunt et que l'opération leur a été présentée comme une candidature sans engagement soumis à la confirmation de sa parfaite viabilité économique et de son autofinancement, afin qu'ils n'usent pas de leur droit de rétractation.

Pour autant, pas davantage que devant le premier juge, les appelants ne rapportent la preuve que le vendeur, pour les convaincre de conclure le contrat, se serait livré à des projections chiffrées quant au rendement énergétique de l'installation et à sa rentabilité, se soit engagé sur le rendement et les ait persuadés d'un quelconque autofinancement de l'opération.

Le premier juge a fort justement rappelé que la rentabilité économique n'est pas une caractéristique essentielle d'une installation photovoltaïque au sens de l'article L111-1 du code de la consommation qu'à la condition que les parties l'aient fait entrer dans le champ contractuel. Or, pas davantage que devant le premier juge, les appelants ne rapportent la preuve que la rentabilité économique soit entrée dans le champ contractuel.

Au demeurant, la société H2R Energies indique dans ses conclusions, sans être contredite, que la mise en place du système avait pour objet principal l'autoconsommation de l'électricité produite par les panneaux solaires permettant ainsi une économie d'énergie, la revente n'intervenant en réalité que secondairement pour le surplus de l'électricité non consommée.  

Encore, l'insuffisance des informations délivrées à son cocontractant par le vendeur, ne suffit pas à rapporter la preuve de l'intention de tromper qui caractérise le dol.

Par ailleurs, ni le bon de commande ni la plaquette remise aux époux [U] ne comporte une référence à un quelconque partenariat avec EDF ou GDF ou même une quelconque autre entité ni ne fait référence à une candidature sans engagement qui aurait été soumise à condition. Bien au contraire le contrat signé par Monsieur [V] [U] porte en majuscules d'imprimerie et en caractère gras, sans ambiguïté possible, la mention «  bon de commande ».

Les époux [U] ne peuvent sérieusement dire qu'il n'étaient pas informés du coût du crédit alors que les mentions du bon de commande leur permettaient par une simple multiplication du nombre des mensualités par le montant de chaque mensualité d'avoir une idée assez précise du coût du crédit, même si, par le jeu des ajustements des intérêts, le montant des échéances mensuelles s'élèvera en définitive à 316,30 euros.

Il n'est par ailleurs pas justifié de la location d'un compteur auprès du fournisseur d'énergie ni de l'obligation de changer d'onduleur tous les cinq ans, l'article versé aux débats est relatif à la durée de la garantie donnée par les constructeurs et ne traite pas de la durée de vie de ces éléments.

Il suit de ces énonciations que les époux [U] échouent à rapporter la preuve que leur consentement a été vicié par des manoeuvres intentionnelles ou des réticences dolosives de sorte que la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande d'annulation en tant que fondée sur le dol.

 

Sur la responsabilité personnelle de la banque

Les époux [U] imputent à faute à la banque d'avoir octroyé un crédit accessoire d'un contrat nul et d'avoir libéré les fonds avant la finalisation de l'installation et réclament remboursement des échéances de crédit déjà payées à titre de dommages intérêts.

D'une part, les appelants ne sont pas fondés à imputer à faute à la banque d'avoir octroyé un crédit accessoire d'un contrat nul, qu'ils ont par la suite confirmé en connaissance de cause.  

D'autre part, la banque n'a pas commis de faute dans la délivrance des fonds dès lors que le 14 avril 2017, Monsieur [V] [U] a certifié après avoir procédé à la visite des travaux exécutés,  

déclaré que l'installation (livraison et pose) est terminée et correspond au bon de commande numéro 005 12629 du 3 mars 2017 pour la pose et l'installation de panneaux photovoltaïques et d'un ballon thermodynamique, en foi de quoi il a prononcé la réception des travaux sans réserve à la date du 14 avril 2017 et demandé à l'organisme financier d'adresser à l'entreprise les fonds correspondant au financement de l'opération tout en certifiant complets, exacts, sincères et véritables les renseignements ci-dessus.

En outre, comme le relève le premier juge, il n'est justifié d'aucun préjudice en liaison avec l'éventuelle libération des fonds de manière prématurée alors que l'installation fonctionne et produit de l'électricité.

Les demandes de dommages et intérêts ne peuvent qu'être rejetées.

 

Sur la déchéance du droit aux intérêts

1/ Les époux [U] font valoir que la banque a manqué à son obligation de conseil quant à l'opportunité économique du projet et à son devoir de mise en garde en ne s'intéressant pas à leur situation financière, à leurs capacités financières présentes et futures et en finançant des installations dont elle ne pouvait ignorer le caractère ruineux.

Le premier juge a très justement retenu en réponse, et selon jurisprudence constante, que la société de crédit n'a pas à s'immiscer dans les affaires de son client pour apprécier l'opportunité de l'acquisition d'une installation photovoltaïque à laquelle il a procédé et n'est pas tenu en l'absence d'un quelconque engagement de sa part, en sa seule qualité de banque dispensatrice de crédit d'une obligation de conseil quant à la rentabilité de l'opération.

S'agissant de l'obligation de mise en garde, il est de jurisprudence acquise que lors de la conclusion du contrat, le banquier dispensateur de crédit est tenu à l'égard de l'emprunteur non averti d'un devoir de mise en garde à raison de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur et du risque d'endettement excessif né de l'octroi du crédit, étant précisé que lorsque le crédit est souscrit par plusieurs emprunteurs, l'existence d'un risque d'endettement excessif résultant de celui-ci doit s'apprécier au regard des capacités financières globales des co-emprunteurs . S'il appartient au prêteur de prouver qu'il a rempli son devoir de mise en garde, il appartient à l'emprunteur qui agit sur le fondement de la responsabilité contractuelle pour manquement, par l'établissement de crédit, à l'obligation de mise en garde, d'établir au préalable qu'à l'époque de la souscription du prêt litigieux, sa situation financière justifiait l'accomplissement par la banque d'un tel devoir.

Les époux [U] sont mal venus à invoquer un risque d'endettement excessif alors qu'ils ont déclaré, justificatifs à l'appui, percevoir des revenus mensuels de plus de 8 000 euros à deux.

Ils ne fournissent aucun élément propre à démontrer qu'à l'époque de la souscription du prêt litigieux, leur situation financière justifiait l'accomplissement par la banque de son devoir de mise en garde du fait d'un risque d'endettement excessif .

Il en résulte que la responsabilité de la banque n'est pas engagée au titre de la violation de son devoir de mise en garde.

2/ Aux termes de l'article L312-16 du code de la consommation, dans sa version en vigueur au jour du contrat, avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur consulte le fichier prévu à l'article L751-1 (fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers).

L'article L341-2 du code de la consommation, dans sa version en vigueur au jour du contrat, dispose que le prêteur qui n'a pas respecté les obligations fixées à l'article L312-16 est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

En l'espèce, dans la mesure où la banque ne justifie pas de la consultation préalable du Ficp, il y a lieu de prononcer la déchéance du droit aux intérêts en totalité à compter du présent arrêt sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres motifs de demande visant à voir déchoir la banque de son droit aux intérêts contractuels.

Il sera ainsi ordonné aux époux [U] de poursuivre le règlement des échéances du prêt entre les mains de la banque, en réglant à compter du 5 avril 2023 la mensualité prévue au tableau d'amortissement du 12 février 2018, déduction faite de de la part des agios compris dans chacune des mensualités.

 

Sur les demandes de dommages et intérêts dirigées contre la société H2R Energies et la banque Domofinance

Si dans le dispositif de leurs écritures, les époux [U] sollicitent la condamnation in solidum de la société H2R Energies et de la banque à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de leur préjudice financier et du trouble de jouissance et celle de 3 000 euros au titre de leur préjudice moral, ils n'articulent aucune faute à l'encontre de la société H2R Énergies.

Les demandes ne peuvent donc qu'être rejetées en ce qu'elles sont dirigées contre cette société.

 

Les époux [U], qui prétendent subir un important préjudice financier causé par la banque, font grief à celle-ci de leur avoir fait subir « le remboursement du crédit à un taux d'intérêt d'emprunt exorbitant ».

Les époux [U] ont librement contracté le crédit au taux d'intérêt de 4,64 % qui leur a été proposé et dont au demeurant le caractère exorbitant reste à démontrer.

A défaut pour eux de démontrer l'existence d'une contrainte morale que leur aurait fait subir la banque pour les déterminer à contracter, les époux [U] échouent à rapporter la preuve d'une faute de la banque dont il a été jugé supra qu'elle n'a pas manqué à son devoir de mise ne garde et n'était pas tenue d'une obligation de conseil.

Par ailleurs il ne peut être reproché à la banque de n'avoir pas vérifié la régularité formelle du contrat de vente alors que les époux [U] ont ratifié ce contrat en toute connaissance de cause.

Les demandes de dommages et intérêts seront donc rejetées.

 

Sur la demande de condamnation de la société H2R Énergie au titre de la désinstallation des panneaux photovoltaïques

Le contrat de vente et de prestations de services n'étant pas annulé, la demande visant à voir condamner la société H2R Énergies à supporter le coût de désinstallation des panneaux ou subsidiairement visant à la voir condamner à déposer les panneaux et à remettre en état la toiture de l'habitation des époux [U], ne repose sur aucun fondement juridique et ne peut qu'être écartée.

 

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les dispositions du jugement déféré s'agissant des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées.

La cour ayant partiellement fait droit aux moyens de l'appel, il sera fait masse des dépens et dit qu'ils seront supportés pour les trois quarts par les époux [U] et pour un quart par la banque.  

Les époux [U] seront déboutés de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile en tant que dirigée contre la société H2R Énergie et au contraire condamnés à payer à la société H2R Energies la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.  

L'équité commande de dire n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dans les relations Domofinance-[U].

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRME la décision déférée en ce qu'elle a débouté les époux [U] de toutes leurs demandes et a dit n'y avoir lieu d'ordonner aux époux [U] de poursuivre le règlement des échéances du prêt entre les mains de la société Domofinance,

Et statuant à nouveau des chefs infirmés,

DEBOUTE les époux [U] de leur demande d'annulation du contrat de vente et de prestations de services et de leur demande subséquente d'annulation du contrat de crédit affecté,

DÉBOUTE les époux [U] de leur demande en restitution des échéances de remboursement du crédit déjà acquittées,

DÉBOUTE les époux [U] de leurs demandes de dommages intérêts en tant que dirigées contre les sociétés Domofinance et H2R Énergie,

PRONONCE la déchéance de la banque du droit aux intérêts contractuels à compter du 5 avril 2023 et DIT qu'à compter de cette date, les époux [U] devront régler mensuellement chacune des mensualités de crédit figurant au tableau d'amortissement sous déduction du seul montant des agios,

DEBOUTE les époux [U] de leur demande de condamnation de la société H2 R Énergie au paiement de la somme de 8 349 euros au titre du devis de désinstallation et subsidiairement de leur demande de voir condamner cette société à déposer les panneaux photovoltaïques et à remettre en état la toiture de leur maison,

CONFIRME la décision déférée pour le surplus,

Et y ajoutant,

DEBOUTE les époux [U] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile en tant que dirigée contre la société H2R Energies,

CONDAMNE Monsieur [V] [U] et Madame [P] [F] épouse [U] in solidum à payer à la société H2R Energies la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT n'y avoir lieu en équité à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dans les rapports entre la société Domofinance et les consorts [U],

FAIT masse des dépens et DIT qu'ils seront supportés pour les trois quarts par Monsieur [V] [U] et Madame [P] [F] épouse [U] in solidum et pour le quart restant par la société Domofinance.