Cass. 1re civ., 6 décembre 1988, n° 86-14.396
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ponsard
Rapporteur :
M. Bernard
Avocat général :
M. Dontenwille
Avocats :
Me Ryziger, Me Bouthors
Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :
Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 4 mars 1986), que la société de droit roumain Navimpex centrala navala (Navimpex) et la société de droit allemand Wiking Trader (Wiking) ont signé, le 26 juin 1980, un contrat relatif à la vente par la première à la seconde société de quatre navires à construire ; qu'un litige est survenu entre les parties concernant l'absence de paiement d'un acompte par la société acquéreuse et le défaut de remise, par la société venderesse, d'une lettre de garantie dans le délai convenu ; que la société Wiking, se prévalant d'une clause compromissoire incluse sous l'article XIII du contrat - prévoyant que les différends seraient tranchés conformément aux règles de la Chambre de commerce internationale et que le droit matériel français serait applicable - a mis en oeuvre la procédure d'arbitrage ; qu'une sentence, rendue à Paris le 2 novembre 1982, a statué sur les responsabilités encourues et ordonné une mesure d'expertise ; que, par une nouvelle sentence du 23 mars 1984, les arbitres ont condamné la société Navimpex à payer à la société Wiking la somme de 6 millions de deutsch Marks, avec les intérêts ; que la société Navimpex a formé un recours en annulation contre ces deux décisions, en soutenant qu'il n'existait pas de convention d'arbitrage applicable au litige, que les arbitres n'avaient pas statué conformément à la mission qui leur avait été conférée et que l'exécution de ces sentences serait contraire à l'ordre public international ; que l'arrêt attaqué a rejeté le recours ;
Attendu que la société Navimpex fait grief à la cour d'appel d'en avoir ainsi décidé, alors, de première part, que les sentences arbitrales rendues en France ont, dès leur prononcé, l'autorité de chose jugée ; que la cour d'appel, qui a constaté que les arbitres avaient reconnu l'existence d'une responsabilité délictuelle à la charge des parties, n'a pu, selon le moyen, sans méconnaître l'autorité de chose jugée attachée à la sentence, retenir que, quelle que soit la qualification que les arbitres ont pu donner aux manquements relevés, le différend soumis au tribunal arbitral s'inscrivait dans les limites d'une stricte analyse des modalités d'exécution du contrat commercial, de sorte que les articles 1500 et 1476 du nouveau Code de procédure civile et l'article 1351 du Code civil ont été violés ; alors, de deuxième part, qu'en affirmant que le contrat formé par l'accord du vendeur et de l'acheteur n'était pas affecté d'une condition suspensive au sens de l'article 1181 du Code civil, la cour d'appel aurait relevé un moyen d'office sans inviter les parties à s'expliquer, violant ainsi l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ; alors, de troisième part, qu'en énonçant que l'acte n'était pas affecté d'une condition suspensive parce que les conditions de paiement d'un acompte, lié à la délivrance d'une lettre de garantie, dépendaient exclusivement de la volonté des contractants, elle aurait violé l'article 1181 du Code civil ; alors, enfin, qu'en ne recherchant pas si la délivrance d'une lettre de garantie bancaire dépendait de la seule volonté de la société Navimpex ou également d'un événement extérieur à celle-ci, elle aurait privé sa décision de base légale au regard de l'article 1181 précité ;
Mais attendu d'abord, qu'à l'appui de son recours en annulation, la société Navimpex soutenait que le contrat était inexistant faute d'avoir pu entrer en vigueur - en raison des manquements des parties -, ce qui priverait d'effet la clause compromissoire qui y était incluse ; que la cour d'appel a justement écarté ce moyen de nullité pris de l'article 1502.1° du nouveau Code de procédure civile en se fondant sur le principe d'autonomie de la clause compromissoire, lequel permet de se prévaloir de cette clause même lorsque le contrat signé par les parties n'a pu entrer en vigueur dès lors que le différend qui les oppose est lié à sa conclusion ; que ce seul motif suffit à enlever toute portée aux trois derniers griefs du moyen, qui sont préalables ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel, qui n'a pas pris parti sur la nature de la responsabilité, n'a pas porté atteinte à l'autorité de chose jugée attachée sur ce point à la sentence du 23 mars 1984, en énonçant le motif critiqué par la première branche ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.