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Décisions

Cass. 1re civ., 11 janvier 2005, n° 00-19.009

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ancel

Rapporteur :

Mme Chardonnet

Avocat général :

Mme Petit

Avocats :

SCP Jacques et Xavier Vuitton, Me Le Prado, Me Copper-Royer, SCP Le Griel, SCP Defrenois et Levis

Paris, du 28 avr. 2000

28 avril 2000

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 avril 2000), que la société Scierie de la Croix Fera a été mise en liquidation judiciaire par jugement du 4 septembre 1992 ; que l'un de ses anciens dirigeants, M. Y..., a été frappé d'une mesure de faillite personnelle par jugement du 9 avril 1993 qui a également prononcé sa mise en redressement judiciaire pour son activité de syndic de copropriété ; que M. X... a été désigné comme représentant des créanciers à cette procédure collective ; que, par jugement des 7 mai et 11 juin 1993, le tribunal a autorisé M. Y... à poursuivre son activité de syndic ;

qu'en septembre 1993, l'activité de syndic a été donnée en location-gérance au cabinet JAGC dont il s'est avéré ultérieurement que le dirigeant n'était pas titulaire de la carte professionnelle ; qu'en février 1998, le syndicat des copropriétaires de la Résidence Montparnasse Moisant (le syndicat) a assigné M. X..., ès qualités et pris en son nom personnel, la Société de caution mutuelle des professions immobilières et foncières (la SOCAF), Allianz Via assurances, la Banque de l'union maritime et financière et diverses autres personnes en paiement d'une somme de 2 036 948,23 francs correspondant au montant du préjudice que le syndicat estimait avoir subi du fait de la gestion de M. Y... et du Cabinet JAGC ;

Sur les deux moyens du pourvoi principal, pris en leurs diverses branches, réunis :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné in solidum avec la SOCAF à payer au syndicat de copropriété la somme de 2 036 948,23 francs, alors, selon le moyen :

1 / qu'en se bornant à relever que les documents en possession de M. Y... permettaient au mandataire de connaître l'existence du syndicat de copropriété et d'avertir ainsi ce créancier d'avoir à déclarer sa créance, sans mentionner aucune de ces pièces ni leur contenu, et bien que la liste des créanciers n'ait pas été établie par le débiteur, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / que statue par des motifs inopérants, la cour d'appel qui se fonde sur une lettre du 4 septembre pour établir la connaissance par le mandataire de l'existence d'une créance du syndicat, bien que cette lettre soit postérieure au délai de déclaration de créance, qu'elle constitue une réponse au président du conseil syndical, ce qui indique nécessairement que celui-ci connaissait l'existence du redressement ; l'arrêt attaqué a ainsi violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

3 / que le défaut d'avertissement du représentant des créanciers ne privait pas le syndicat de déclarer sa créance ni de présenter une demande en relevé de forclusion, de sorte qu'en admettant l'existence d'un lien de causalité entre la faute retenue à l'encontre de M. X... et le préjudice subi par le syndicat du fait de l'extinction de sa créance, l'arrêt attaqué a violé l'article 1382 du Code civil ;

4 / que, subsidiairement, en ne recherchant pas, comme l'y invitaient les conclusions de l'exposant, reprenant notamment les motifs du jugement relevant le défaut de précaution et le manque de vigilance du syndicat de copropriété, négligent et qui n'avait pas même demandé à être relevé de forclusion, n'avait pas, par sa faute, contribué au moins partiellement à la survenance de son préjudice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

5 / que la cour d'appel qui ne constate pas que le créancier avait une chance certaine d'obtenir paiement de sa créance dans le cadre de la procédure collective, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

6 / que la cour d'appel qui condamne le mandataire à indemniser le créancier par le versement d'une somme égale à la totalité de son préjudice, bien que la faute alléguée à l'encontre du mandataire n'ait pu consister que dans une perte de chance d'obtenir un paiement dans le cadre du redressement judiciaire, a violé l'article 1382 du Code civil ;

7 / que le redressement des créanciers ne pouvait être tenu des obligations de l'administrateur même dans le cadre d'une procédure simplifiée ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 50 de la loi du 25 janvier 1985 ;

8 / que le représentant des créanciers n'était pas tenu d'informer le tribunal de l'existence d'une autre procédure collective ;

qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

9 / que le mandataire n'a commis aucune faute lors de la conclusion du contrat de location-gérance, dès lors que ce contrat a été accepté par le tribunal de commerce ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui ne s'est pas fondée sur la seule absence d'information du syndicat de copropriété d'avoir à déclarer sa créance, a relevé, en premier lieu, que M. X... s'était abstenu d'informer le Tribunal, qui a autorisé M. Y... à poursuivre son activité de syndic, que ce dernier était frappé de faillite personnelle, en deuxième lieu, que M. X... avait omis d'informer le syndicat de copropriété de l'incapacité frappant M. Y... et avait fourni à ce syndicat des indications erronées et, en troisième lieu, que M. X... avait accepté la conclusion d'un contrat de location-gérance, qui avait été accepté par le tribunal dans son principe, avec le Cabinet JAGC sans vérifier que celui-ci était détenteur d'une carte professionnelle ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a justement décidé que les négligences de M. X... avaient contribué au préjudice subi par le syndicat ; que les moyens ne sont pas fondés ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi incident :

Vu l'article 3.2 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, ensemble les articles 44, 45 et 46 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 ;

Attendu que pour condamner la société SOCAF à garantir l'intégralité des créances du syndicat de copropriété trouvant leur origine dans les détournements de fonds commis tant par M. Y..., son adhérent, que par le cabinet JAGC, l'arrêt attaqué énonce que si la SOCAF justifie avoir publié un avis de cessation de garantie dans les journaux "La Vie judiciaire" des 24 au 27 mai 1993 et "Le Parisien" du 30 mai 1993, force est de constater que l'affichage de la cessation de garantie dans l'immeuble n'a eu lieu que le 9 décembre suivant et que le président du conseil syndical n'a été informé de cette cessation de garantie que le 17 novembre 1993, que le syndicat n'a jamais été avisé du contrat de location-gérance conclu entre M. Y... et le cabinet JAGC, et qu'en conséquence, la garantie de la société SOCAF a cessé envers le syndicat, le 4 novembre 1993, date de la désignation du nouveau syndic, le Cabinet Vassiliades, en application des dispositions du décret du 20 juillet 1972, dont les prescriptions sont à cet égard indivisibles ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que les formalités de notification de la cessation de garantie par le garant prévues à l'article 46 du décret du 20 juillet 1972 ont pour seul effet de déterminer le point de départ du délai de trois mois imparti au créancier pour présenter sa réclamation et sont sans incidence sur la cessation de garantie qui intervient, en application de l'article 44, alinéa 3, du décret, à l'expiration d'un délai de trois jours francs suivant sa publication dans deux journaux, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi incident :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société SOCAF in solidum avec M. X..., la BUMF et la société Allianz assurance, ces deux dernières dans la limite de 1 032 469,10 francs et de 29 600 francs, à payer au syndicat des copropriétaires de la Résidence Montparnasse Moisant la somme de 2 036 948,23 francs avec intérêts à compter de la signification de la décision, l'arrêt rendu le 28 avril 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.