Cass. 2e civ., 16 décembre 2021, n° 20-15.875
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pireyre
Rapporteur :
M. Besson
Avocat général :
M. Grignon Dumoulin
Avocats :
Me Balat, SAS Cabinet Colin - Stoclet
Faits et procédure
1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Aix-en-Provence, 10 mars 2020), M. et Mme [H] ont confié la défense de leurs intérêts à M. [M], avocat exerçant au sein de la société [L] (l'avocat), à l'occasion d'une procédure contentieuse qui les opposait à une société de promotion immobilière et à un syndicat de copropriétaires.
2. M. et Mme [H] ayant refusé de lui régler un honoraire de résultat qu'il indiquait avoir été convenu, l'avocat a saisi le bâtonnier de son ordre afin de les voir condamnés à lui payer cet honoraire complémentaire.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deuxième et quatrième branches, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. L'avocat fait grief à l'ordonnance de dire que M. et Mme [H] ne sont redevables d'aucun honoraire de résultat envers lui, et de le débouter de l'ensemble de ses demandes, alors « qu'est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d'un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que « la seule pièce permettant de retenir l'existence d'un accord sur le principe d'un honoraire de résultat » est l'attestation rédigée par Maître [P] ; que, pour refuser toutefois à l'attestation de Maître [P] tout caractère probant, la cour d'appel relève que « les époux [H] justifient avoir déposé plainte le 24 janvier 2020 pour fausse attestation à l'encontre de Mme [V] [P] et contestent formellement avoir accepté le principe d'un tel honoraire », de sorte « qu'en l'état de cette contestation », l'existence d'un accord des parties sur un honoraire de résultat n'est pas démontrée ; qu'en refusant ainsi toute valeur probante à une attestation dont elle avait pourtant constaté qu'elle permettait de retenir l'existence d'un accord sur le principe d'un honoraire de résultat, au seul motif, parfaitement inopérant, que les époux [H] avaient déposé une plainte pénale pour fausse attestation et qu'ils contestaient avoir accepté le principe d'un tel honoraire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et de l'article 1353 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et l'article 202 du code de procédure civile :
5. Il résulte du premier de ces textes que le défaut de signature d'une convention ne prive pas l'avocat du droit de percevoir un honoraire de résultat convenu en son principe, après service rendu.
6. Il résulte du second que, notamment, l'attestation contient la relation des faits auxquels son auteur a assisté ou qu'il a personnellement constatés. Elle indique en outre qu'elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur a connaissance qu'une fausse attestation de sa part l'expose à des sanctions pénales.
7. Le premier président, pour débouter l'avocat de sa demande en paiement d'un honoraire de résultat, énonce d'abord que l'accord du client sur le principe de cet honoraire, s'il peut n'être que tacite, doit toutefois être certain ou à tout le moins, résulter d'actes dont il est raisonnable de déduire une telle acceptation.
8. Il retient ensuite qu'en l'occurrence M. et Mme [H] justifient avoir déposé plainte le 24 janvier 2020 pour fausse attestation contre Mme [V] [P] qui est l'auteure de la seule pièce permettant de retenir l'existence d'un accord sur le principe d'un honoraire de résultat.
9. En statuant ainsi, en déniant toute valeur probante à une attestation, au seul motif qu'elle faisait l'objet d'une plainte pénale déposée par ses clients, le premier président a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 10 mars 2020, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant la juridiction du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.