Cass. 3e civ., 23 février 1983
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Léon
Rapporteur :
M. Vaissette
Avocat général :
M. Simon
Avocat :
Me Le Bret
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 juin 1981) que la société Shopping Décor est locataire de locaux commerciaux dans un centre commercial en vertu d'un bail consenti à compter du 1er juin 1971 par la Société civile pour l'Etude et l'aménagement du Centre d'Affaires régional de Rungis (S.E.C.A.R) et stipulant un loyer de base fixé en fonction de la surface hors oeuvre des locaux à 250 F le mètre carré au 1er juin 1969 et indexé sur l'index pondéré départemental du coût de la construction pour le Val-de-Marne, qu'en 1979 la société Shopping Décor a fait opposition au commandement que lui avait fait délivrer la bailleresse le 19 février 1979 pour obtenir paiement d'une partie des loyers demeurée impayée et a demandé d'une part, l'annulation des clauses du bail relatives aux modalités d'indexation du loyer et, d'autre part, estimant que celui-ci ne pouvait dépasser de plus de 6,5 % la valeur locative, la restitution des sommes versées en trop ;
Attendu que la société Shopping Décor fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes relatives à la fixation du loyer et au montant des sommes réclamées alors, selon le moyen, d'une part, "que Shopping Décor opposait au commandement de la S.E.C.A.R. non pas la nullité du contrat de bail, qu'elle continuait à exécuter, mais la circonstance qu'erreur ne fait pas compte, ce qui impliquait un redressement des comptes présentés par le bailleur pour erreurs, faux ou doubles emplois, au sens de l'article 541 de l'ancien Code de procédure civile ; qu'en déclarant irrecevable ce moyen de défense, l'arrêt attaqué a méconnu les limites du litige et violé les articles 4 et 455 du nouveau Code de procédure civile, d'autre part, qu'il incombait à la S.E.C.A.R., demanderesse en paiement des loyers, chiffrés dans le commandement précité, d'apporter la preuve de l'exactitude de ses comptes ; qu'en la dispensant de ce fardeau, par le motif inopérant que Shopping Décor ne produisait pas une expertise suffisamment déterminante, l'arrêt attaqué a renversé le fardeau de la preuve et violé l'article 1315 du Code civil" ;
Mais attendu que l'arrêt énonce exactement sans excéder les termes du litige ni inverser la charge de la preuve, qu'aucune disposition législative et réglementaire n'interdit aux parties de fixer le montant du loyer initial en fonction de la superficie hors oeuvre des locaux loués et que la Société Shopping Décor s'est trouvée en conséquence, valablement liée par les stipulations du bail relatives à la fixation du loyer de base ; que par ce seul motif, l'arrêt se trouve légalement justifié de ce chef ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir refusé d'annuler la clause d'indexation prévue au bail litigieux et admis que les variations du loyer ne contrevenaient pas à la loi de blocage du 29 octobre 1976 alors, selon le moyen, "d'une part, que l'ordre public interdit aux parties de prendre pour point de départ de la révision une date autre que celle de la prise d'effet du bail, qu'en l'espèce comme le soulignait la société Shopping Décor dans ses conclusions, la société S.E.C.A.R. ne pouvait, après avoir exigé un pré-loyer, neutraliser la période de deux ans au 1er juin 1969, point de départ de l'indexation pour une entrée en jouissance dans les lieux le 1er juin 1971 pour transformer en simple actualisation ce qui était une véritable révision, prenant en compte une période de variation supérieure à celle légalement autorisée ; qu'ainsi, l'arrêt aurait violé les articles 27 et 28 du décret du 30 septembre 1953 et l'article 10 de la loi du 29 décembre 1977, d'autre part, que, dans ses conclusions délaissées la société Shopping Décor soutenait que la société S.E.C.A.R. ne pouvait pas se prévaloir de l'article 8 de la loi de blocage du 29 octobre 1976 faute d'avoir fait jouer la clause de variation avant la date limite du 15 septembre 1976 ; qu'entaché de défaut de motifs l'arrêt aurait violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile" ;
Mais attendu, d'une part, que l'arrêt, après avoir rappelé que le bail avait pris effet le 1er juin 1971, retient exactement que la fixation du loyer à la date d'entrée en jouissance des lieux, en fonction de la variation indiciaire constatée entre le 1er juin 1969 et le 1er juin 1971 constitue un mode de détermination du loyer originaire qui ne fait nullement échec aux dispositions relatives à la révision des loyers ;
Attendu, d'autre part, que l'arrêt répond aux conclusions en retenant (p. 13) que les dispositions des quatre premiers alinéas de l'article 8 de la loi du 29 octobre 1976, seuls applicables, ont été respectées ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir, sur l'appel incident de la société S.E.C.A.R., décidé de surseoir à statuer alors, selon le moyen, "d'une part, que la société Shopping Décor soulignait, dans ses conclusions délaissées, que le désaccord des parties et la disparition de l'indice excluaient toute révision conventionnelle, du reste non demandée avant le début du procès et même le prononcé du jugement et que seules les règles spécifiques de la révision organisée par les articles 27 et 28 modifiés du décret précité auraient pu être mises en oeuvre, qu'en ne répondant pas à ce moyen, de nature à tenir en échec l'appel incident et tout sursis à statuer, l'arrêt attaqué a violé les articles 1134 du Code civil et 455 du nouveau Code de procédure civile, d'autre part, que les articles 27 et 28 susvisés qui se combinent, sont d'ordre public et que les parties ne peuvent décider d'un commun accord de procéder à une révision, sans tenir compte du mécanisme réglementaire, qu'à partir du moment où sont réunies les conditions de révision du prix, ce qui n'était pas le cas le 30 juillet 1971, date antérieure à l'entrée en jouissance de la société Shopping Décor, qu'ainsi l'arrêt qui consacre à tort une renonciation par avance du locataire à des dispositions d'ordre public et créé arbitrairement une option entre la révision contractuelle et la révision, réglementaire, insusceptible d'être réservée à la date de conclusion du bail et même le 1er juin 1978 a violé les articles 27 et 28 du décret du 30 septembre 1953 ;
Mais attendu que les décisions se prononçant sur l'opportunité d'un sursis à statuer échappent au contrôle de la Cour de cassation quel que soit le mérite des motifs qui leur ont servi de base ; D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Par ces motifs :
Rejette le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 3 juin 1981 par la Cour d'appel de Paris.