CA Aix-en-Provence, ch. 1-1, 17 janvier 2023, n° 22/08444
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Toucan (SCI)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Brue
Conseillers :
Mme Demont, Mme de Bechillon
Avocats :
Me Badie, Me Ghigo, Me Ermeneux, Me Douvier, Me Vincensini
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La SCI Toucan, propriétaire d'un bien immobilier dénommé Villa Orielle, sis [Adresse 2], à [Localité 5] a donné mandat de vente à un agent immobilier.
M. [D] [H] et Mme [U] [B] exposent:
- avoir formé par l'intermédiaire de l'agence Mickaël Zingraf une offre au prix de 32.500.000 €, commission comprise qui aurait été acceptée par la SCI Toucan, le 4 mai 2021.
- qu'une promesse de vente devant être signée avant le 15 juin 2021 a été préparée par leurs notaires respectifs et avoir versé une indemnité d'immobilisation de 3.250.000 €.
- que le délai pour la signature de l'acte définitif a été fixé à la fin du mois de juillet, puis prorogé à la fin du mois d'août et enfin au 30 septembre 2021.
- que le vendeur n'a pas répondu aux demandes du notaire, en vue de la fixation d'une date pour la signature.
Vu l'assignation du 21 juillet 2021, par laquelle M. [D] [H] et Mme [U] [B], son épouse ont fait citer la SCI Toucan, de droit monégasque, devant le tribunal judiciaire de Draguignan en déclaration de vente parfaite.
Vu le jugement rendu le 3 mai2022, par cette juridiction, ayant:
- débouté M. [D] [H] et Mme [U] [B] de l'intégralité de leurs demandes.
- condamné M. [D] [H] et Mme [U] [B] aux dépens.
- condamné M. [D] [H] et Mme [U] [B] à payer à la SCI Toucan la somme de 2000 €, en application de l'.
- constaté l'exécution provisoire de l'entière décision.
Vu la déclaration d'appel du 13 juin 2022, par M. [D] [H] et Mme [U] [B].
Vu l'ordonnance d'autorisation d'assigner à jour fixe, rendue le 28 juin 2022.
Vu les conclusions transmises le 23 novembre 2022, par les appelants.
Ils estiment qu'en l'état de l'acceptation le 5 mai 2021, par le principal porteur de parts de la SCI de leur lettre d'intention d'acquisition, un accord sur la chose et sur le prix est intervenu entre les parties, rendant ainsi la vente parfaite et que les messages électroniques du notaire du vendeur, évoquant les formalités préparatoires, le confirment.
Les appelants soulignent que l'acceptation donnée par M.[O], actionnaire à 99% de la SCI Toucan, ne laisse aucun doute sur l'identité du vendeur et que la mention des références cadastrales n'est pas une obligation légale, alors que le bien objet de la vente est parfaitement identifié.
M. [D] [H] et Mme [U] [B] affirment que si la gérante de la SCI Toucan est Mme [S] [E], il n'a jamais été indiqué que M.[O], agissant comme s'il était le gérant et Me [W], son avocat qui ont toujours donné les instructions à l'agence, ainsi qu'au notaire, n'avaient pas le pouvoir d'agir pour son compte et invoquent ainsi la théorie de l'apparence. Ils observent que la SCI Toucan n'a jamais estimé que son notaire, chargé de procéder aux formalités en vue de la signature de la promesse avait excédé ses pouvoirs.
Ils rappellent que seul compte l'accord des partiest et qu'aucun formalisme n'est requis pour la lettre d'intention d'achat et son acceptation, dès lors qu'elle constitue une offre ferme et définitive et non une simple invitation à des pourparlers et qu'il était prévu de préparer l'acte. Ils précisent que l'acceptation est réputée conforme à l'offre, puisqu'elle est pure et simple, sans que soit nécessaire la mention 'bon pour accord' ou celle par laquelle l'acceptant reprend le contenu intégral de l'offre, ni celle des références cadastrales, le bien étant parfaitement identifié.
Vu les conclusions transmises le 10 novembre 2022, par la SCI Toucan.
Elle expose que M. [O], dont il n'est pas démontré qu'il s'est comporté comme le gérant, ne disposait pas du pouvoir lui permettant de signer l'acceptation de l'offre d'achat, alors que la gérante de la société civile immobilière peut seule, aux termes de ses statuts l'administrer et la représenter. Elle signale qu'aucune mention de la SCI Toucan n'est portée sur l'offre, ni sur son acceptation, M. [O] ne précisant pas qu'il la représentait et rappelle que le mandat de vente avait été délivré par la gérante pour un prix de 40 000 000 € et non de 32 500 000 €, comme cela est mentionné sur la lettre d'intention d'achat.
La SCI Toucan estime que l'agent immobilier a commis une faute, en ne vérifiant pas que l'acceptation de l'offre d'achat était signée par le représentant légal de la société propriétaire du bien, dont elle avait connaissance par des informations fournies par écrit le 15 octobre 2019 et que sa qualité de propriétaire et l'identité du gérant ont été mentionnées dans les projets de promesse de vente, transmis aux parties.
Elle souligne qu'aucun courrier électronique adressé par M. [O] ne permet de confirmer la volonté de la société de vendre le bien, le report au mois de juillet concernant,selon elle, la visite et non la vente du bien. Elle considère que les appelants ne démontrent pas avoir pu avoir une croyance légitime sur la réalité de ses pouvoirs.
La SCI Toucan fait valoir subsidiairement que la lettre d'intention d'achat comporte des imprécisions empêchant de constater le caractère parfait de la vente, notamment en ce qui concerne :
-le prix de 32 millions d'euros, nettement inférieur à celui porté dans le mandat de vente,
- la mention selon laquelle l'appelant se 'déclare intéressé' par l'acquisition du bien et précise en page 2 ' la vente si elle intervient', suggérant plus une entrée en pourparlers qu'une offre ferme et définitive.
- l'absence de mention d'une 'acceptation sans réserve', comme cela était prévu dans le courriel de transmission, et celle de la mention 'bon pour accord', conformément à l'article 1117 du Code civil.
- la liste des meubles qui n'est pas annexée, vendus pour le prix de zéro euro et non prévus dans le mandat de vente.
- L'absence des références cadastrales.
- L'irrégularité de la signature électronique de l'acceptation, alors que son auteur n'est pas identifié.
- Le fait que l'acceptation de l'offre n'a été en réalité transmise par M. [O] que le 5 mai 2021 en dépit de la mention selon laquelle elle aurait été faite le 4 mai, jour de son expiration.
L'article 1583 du Code civil dispose que la vente est parfaite des lors qu'il existe un accord sur Ia chose et sur le prix.
Cet accord peut se matérialiser par la rencontre d'une offre et d'une acceptation.
Aux termes de l'article 1113 du code civil, le contrat est formé par la rencontre d'une offre d'une acceptation par lesquels les parties manifestent leur volonté de s'engager. Cette volonté peut résulter d'une déclaration ou d'un comportement non équivoque de son auteur.
L'article 1114 précise que l'offre est faite à une personne déterminée ou indéterminée et comprend les éléments essentiels du contrat envisagé, la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation. À défaut il y a seulement invitation à entrer en négociation.
Si l'offre et son acceptation ne sont soumises à aucun formalisme prédéfini, elles doivent émaner des personnes devant souscrire au contrat ou disposant de la qualité et des pouvoirs pour les représenter.
Les pièces versées au dossier révèlent que le bien immobilier dénommé ' villa Orielle' est la propriété de la SCI Toucan, immatriculée au répertoire spécial des sociétés civiles de la principauté de Monaco.
Par assemblée générale extraordinaire du 3 janvier 2018, dont le procès-verbal est versé aux débats Mme [S] [E] a été nommée en qualité de gérante.
L'article 11 des statuts de la SCI Toucan modifiés le même jour lui donne notamment, outre le pouvoir d'administration des biens et de représentation de Ia SCI Toucan à l'égard des tiers, le pouvoir de disposition des biens sociaux et de vendre tout bien immobilier.
Il ne ressort pas des statuts susvisés que les associés partagent ce pouvoir que la gérante exerce donc seule.
Le mandat de vente a été consenti à La SAS Michaël Zingraf Real Estate par la SCI Toucan 'représentée par sa gerante', Mme [S] [E] stipule que le prix demandé, rémuneration du mandataire incluse est de 40 000 000 €, payable au plus tard le jour de la signature de l'acte définitif.
Il apparaît que l'acceptation de l'offre figurant en dernière page de celle-ci ne mentionne pas l'identité, ni la qualité de son auteur et que la signature portée pour le vendeur est totalement différente, de celle du mandat de vente, étant observé que M. [O], associé de la SCI Toucan à 99 %, déclare en être l'auteur, ce qui n'est pas contesté par les époux [H].
Il n'est cependant pas précisé que M. [O], disposerait du pouvoir de représenter la SCI Toucan, propriétaire du bien immobilier concerné, dont le nom n'apparaît nulle part sur le document.
Les termes des courriers électroniques en langues française et anglaise versés aux débats émanant de M. [O], ne permettent pas d'établir, ni de confirmer l'acceptation de l'offre pour le compte de la SCI Toucan, le report à la fin du mois de juillet révélant que la décision de vendre n'était pas encore acquise.
Il en est de même pour les courriers électroniques adressés par son notaire, visant des instructions de son client en vue de la signature de la promesse de vente, l'identité de l'interlocuteur n'étant pas précisée, étant rappelé que seule la gérante de la société avait le pouvoir légal de donner des instructions en ce sens.
Il ressort des mentions de la lettre d'intention d'achat datée du 4 mai 2021 que :
- Son auteur déclare être intéressé par l'acquisition du bien.
- Il se propose d'acquérir le bien moyennant le prix de 32'500'000 €, comprenant l'ensemble immobilier intérieur et extérieur, excepté les oeuvres d'art.
- et précise que la vente, si elle intervient, aura lieu aux conditions ordinaires et de droit, révélant ainsi qu'elle devait être consacrée par un autre acte.
Ces formulations évoquent plus une entrée en négociation qu'une offre ferme et définitive.
Le notaire de M. [D] [H] et Mme [U] [B] avait d'ailleurs préparé un projet de promesse de vente et non un projet d'acte de vente définitif.
L'article 1118 du code civil édicte que l'acceptation est la manifestation de volonté de son auteur d'être lié dans les termes de l'offre.
La mention 'bon pour offre au prix de € 32'500'000, rémunération du mandataire incluse', ne comporte pas, comme cela avait été suggéré par le document fourni par l'agent immobilier, une acceptation 'sans réserve' de l'ensemble des conditions de l'offre.
Le tribunal a ainsi justement estimé que les mentions apportées dans la lettre d'intention d'achat sont insuffisantes pour s'assurer de l'intention non équivoque de vendre.
Le fait que le notaire de la SCI Toucan ait indiqué dans un courrier électronique du 5 mai 2021 qu'il pouvait commencer à faire réaliser les diagnostics n'est pas suffisant pour justifier de l'acceptation de l'offre par cette dernière, à défaut qu'il soit démontré qu'il avait été expressément mandaté à cette fin par sa gérante.
L'article 1156 du code civil, lequel précise que l'acte accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs est inopposable au représenté, sauf si le tiers contractant a légitimement cru en la réalité des pouvoirs du représentant, notamment en raison du comportement ou des déclarations du représenté.
Les époux [H] n'apportent pas la preuve qui leur incombe que le comportement ou les déclarations de la gérante légale de la SCI Toucan auraient pu leur faire légitimement croire que M. [O] était son représentant légitime, ni que ce dernier s'était présenté ou agissait en tant que tel.
Ils ne pouvaient ignorer l'identité du propriétaire de la villa, dès lors que l'agence immobilière disposait d'un mandat délivré au nom de la SCI Toucan par sa gérante et que leur propre notaire a établi un projet de promesse de vente au nom de cette dernière.
Le fait que M. [O] détienne la majorité des parts de la société civile immobilière, ne suffit pas à lui conférer l'apparence du pouvoir de disposer de ses biens, dès lors que dans toute société, les fonctions de gérant peuvent être exercées par un associé ou une personne extérieure, comme cela est le cas pour la SCI Toucan.
Dans ces conditions, la théorie du mandat apparent ne peut être invoquée en l'espèce pour que soit appliquée une exception au principe d'inopposabilité au mandant des actes accomplis par une personne ne disposant pas du pouvoir requis.
Les demandes formées par M. [D] [H] et Mme [U] [B] sont, en conséquence, rejetées.
Aucun élément concret fourni par l'intimée ne permet de modifier la décision du premier juge relative aux frais de procédure.
Le jugement est confirmé.
Il y a lieu de faire application de l'en cause d'appel.
Les parties perdantes sont condamnées aux dépens, conformément aux dispositions de l'.
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne M. [D] [H] et Mme [U] [B] à payer à la SCI Toucan, la somme de 3 000 €, en application de l',
Condamne M. [D] [H] et Mme [U] [B] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.