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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 22 avril 2021, n° 18/03054

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Latinco Financial Holding (SA)

Défendeur :

Fitt Mc Sam (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bourrel

Conseillers :

Mme Fillioux, Mme Alquie-Vuilloz

T. com. Aix-en-Provence, du 29 janv. 201…

29 janvier 2018

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS

La S.A.M. Commerce international de dérivés plastiques Interplast - C.I.D.E.P, créée en 1987, est une société de droit monégasque qui exploite à l'enseigne 'INTERPLAST ' des activités de négoce de matière première plastique et dérivés, de tout matériel d'irrigation et de canalisation et tous équipements complémentaires ou accessoires. Elle est contrôlée à 100% par la holding de droit italien EUROCONDOTTE S.p.A.

La société UNISTAR EUROPE créée en 1998 est une société à responsabilité limitée de droit français, spécialisée dans la fabrication, l'installation et la mise en service de raccordements pour les canalisations, tuyaux, pipelines, et plus généralement tous types de transport de fluides. Son siège social était situé à Paris.

La SARL Unistar Europe avait comme associé unique la S.A. Latinco Financial Holding, société de droit suisse.

M. Michele F. est quant à lui associé unique de la société de droit suisse LATINCO FINANCIAL HOLDING S.A., et gérant de la SARL Unistar Europe depuis 2012.

Les sociétés Unistar Europe et CIDEP étaient à la fois concurrentes mais également en relations d'affaires depuis plusieurs années.

Au cours du premier trimestre 2016, des discussions ont eu lieu entre les dirigeants de ces différentes sociétés en vue de l'acquisition par la CIDEP des parts sociales de la SARL Unistar Europe.

Une lettre d’intention d’acquisition a été signée le 12 mai 2016 par la S.A.M. Commerce international de dérivés plastiques Interplast, concernant l'acquisition de 100% des parts sociales de la SARL Unistar Europe au prix de 700.000€, moyennant certaines conditions, notamment la réalisation d'un audit comptable d’acquisition. Il était prévu que M. Michele F. resterait gérant de la société pour une durée d'au moins cinq ans.

Un audit d’acquisition de la situation de la SARL Unistar Europe arrêtée au 30 avril 2016 a été réalisé courant mai par le cabinet Brych, commissaires aux comptes de la S.A.M. CIDEP.

Par acte du 15 juin 2016, la société Latinco Financial Holding ayant pour associé unique M. F., a cédé à la société SAM Commerce international de dérivés plastiques Interplast la totalité des 5 000 parts de la société Unistar, au prix de 700.000 euros.

A cet acte de cession était annexés les documents suivants : un Kbis de la société UNISTAR EUROPE, les statuts à jour au 18 juin 2014 de la société UNISTAR EUROPE, un état d'endettement au 8 juin 2016 de la societé UNISTAR EUROPE, et une situation comptable au 30 avril 2016 de la société UNISTAR EUROPE.

Cet acte de cession n'a été accompagné d'aucune garantie d'actif ou de passif ni d'une clause de révision de prix.

Postérieurement à cette acquisition, la S.A.M. C.I.D.E.P a versé en compte courant d'associé dans la SARL Unistar Europe un montant total de 1.040.000 €, soit 640.000 € le 22 juin 2016, 300.000 € le 7 juillet 2016 et 100.000 € le 19 juillet 2016.

Le 25 juillet 2016, l'expert-comptable de la société Unistar a établi un projet de bilan et de compte de résultat et signalé que ceux-ci faisaient ressortir une perte de l.812.205,80 euros au titre de l'exercice clos au 30 avril 2016.

Par courrier en date du 4 août 2016, la S.A.M. CIDEP a adressé à la société Latinco et à son associé unique, M. F., un courrier dénonçant la différence entre les données communiquées lors de l' acquisition , qui faisaient état d'un résultat positif de 112.113 euros et de capitaux propres positifs de 954.383 euros, et celles révélées par l'expert-comptable de la société, qui font apparaître un résultat négatif de - 1.812.206 euros et des capitaux propres négatifs de - 969.936 euros, réclamant la restitution du prix de vente, soit la somme de 700.000 euros outre le remboursement de son compte courant d'associé à hauteur de 1.040.000€.

Soutenant quant à elle avoir été abandonnée par sa holding, la SARL Unistar Europe a saisi le 15 septembre 2016 le Tribunal de Commerce de Paris d'une requête aux fins de voir désigner un conciliateur, requête à laquelle il a été fait droit par ordonnance du 22 septembre 2016, puis a assigné la S.A.M. Commerce international de dérivés plastiques Interplast le 31 octobre 2016 devant le Tribunal de Commerce de Paris à fin de voir constater l'immixtion de celle-ci dans la gestion de sa filiale.

Cette procédure a fait l'objet d'un sursis à statuer.

Par jugement du 9 novembre 2016 du Tribunal de Commerce de Paris, la société Unistar a été placée en liquidation judiciaire avec poursuite d'activité, le conciliateur ayant reçu des offres d'un repreneur.

Enfin par un jugement du 2 décembre 2016, le tribunal de commerce de Paris a arrêté le plan de cession de la société UNISTAR EUROPE à un repreneur, en la personne de l'un de ses fournisseurs indiens basé au Royaume-Uni, la société JAIN EUROPE LIMITED.

**********

Par actes du 13 décembre 2016, la société CIDEP a fait assigner la S.A. Latinco Financial Holding ainsi que son associé unique M. Michele F., devant le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence, sollicitant l'allocation d'une somme de 1.040.000 euros à titre de dommages-intérêts ainsi que la nullité de la cession de parts et la restitution du prix de vente de 700.000€, estimant que son consentement avait été vicié.

A l'appui de ses demandes la société CIDEP soulevait l'existence de vice du consentement tiré du dol, et de l'erreur.

Par jugement contradictoire du 29 janvier 2018, le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence

- s'est déclaré compétent

et a :

- dit que le consentement de la société de droit monégasque S.A.M. Commerce international de dérivés plastiques Interplast - CIDEP a été vicié par erreur,

- prononcé l'annulation de la cession des parts sociales de la SARL Unistar Europe, intervenue entre la société de droit monégasque S.A.M. Commerce international de dérivés plastiques Interplast - CIDEP et la société de droit suisse Latinco Financial holding le 15 juin 2016,

- condamné la société de droit suisse Latinco Financial Holding et M. Michele F., in solidum, à rembourser à la société de droit monégasque S.A.M. Commerce international de dérivés plastiques Interplast - CIDEP la somme de 700.000 Euros, outre intérêts au taux légal à compter du paiement,

- débouté la société de droit monégasque S.A.M. Commerce international de dérivés plastiques Interplast - CIDEP de ses demandes en dommages-intérêts,

- constaté que le dol n'est pas caractérisé,

- débouté la société de droit suisse Latinco Financial holding et M. Michele F. de toutes leurs autres demandes,

- condamné in solidum la société de droit suisse Latinco Financial holding et M. Michele F. à payer à la société de droit monégasque S.A.M. Commerce international de dérivés plastiques Interplast - CIDEP une somme de 3.000 euros au titre de l',

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné la société de droit suisse Latinco Financial holding et M. Michele F., in solidum, aux entiers dépens, en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme de 88,93€.

Dans son jugement le Tribunal de Commerce a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par M. Michele F. en faisant application de la clause de compétence prévue à l'acte de cession de parts sociales. Sur le fond il a fait droit à la demande d'annulation de la cession de parts en rejetant le vice du consentement tiré du dol mais en retenant l'erreur, et ordonné la restitution du prix de cession, déboutant les parties de leurs autres demandes, notamment la demande de dommages-intérêts en considérant que la CIDEP avait poursuivi la cession de parts sociales alors que les comptes n'avaient pas été validés et en prenant ainsi le risque de faire cette cession dans un délai très court.

La S.A. Latinco Financial Holding et M. Michele F. ont relevé appel de cette décision par déclaration du 21 février 2018.

Par ordonnance de référé du 14 septembre 2018 le Premier Président de la cour a rejeté les demandes présentées par M. Michele F., aux fins de suspension de l'exécution provisoire.

La S.A.M. Commerce international de dérivés plastiques Interplast a saisi le conseiller de la mise en état de deux incidents, l'un aux fins de déclarer nul l'appel conjoint de M. Michele F., et de La S.A. Latinco Financial Holding pour défaut de déclaration d'adresse valable de M. Michele F., et l'autre aux fins de voir radier l'affaire pour défaut d'exécution en application de l'article 526 du code de procédure civile.

Par ordonnance en date du 14 mars 2019 le conseiller de la mise en état a :

- déclaré recevables mais infondés les incidents présentés ;

- déclaré l'appel recevable ;

- rejeté la demande de radiation de l'affaire ;

- rejeté les demandes présentées au titre de l',

- réservé les dépens.

Par ses conclusions récapitulatives signifiées et déposées le 21 janvier 2019, La S.A. Latinco Financial Holding demande au visa des articles 1109 et suivants anciens du code civil de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit et jugé que le dol n'était pas constitué,

- infirmer le jugement en ce qu'il a retenu que le consentement de CIDEP aurait été vicié d'une erreur justifiant l'annulation de la vente,

- débouter la société CIDEP de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la société CIDEP à payer à la société LATINCO la somme de 10.000 € au titre de l'article 700, à parfaire des entiers dépens, ces derniers distraits au profit de la SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE, Avocats associés aux offres de droit.

A l'appui de ses demandes La S.A. Latinco Financial Holding soutient que l'annulation de la cession de parts sociales ne peut plus être ordonnée en raison du fait que la remise en état est impossible, les parts sociales acquises par la CIPED ayant été cédées lors de la validation du plan de cession, et ce du fait même des agissements de l'acquéreur qui ont conduit à la liquidation de la société. Par ailleurs elle soutient que le consentement de la CIPED n'a pas été vicié par une erreur, étant rappelé que l'erreur sur la seule valeur des parts n'est pas constitutive d'une erreur au sens de l'article 1109 du code civil, la S.A.M. Commerce international de dérivés plastiques Interplast ayant eu avant la cession des signaux corroborant l'aléa portant sur la valorisation des parts de la SARL Unistar Europe, notamment en ce que les comptes n'avaient pas été approuvés et que les auditeurs avaient alerté l'acquéreur sur ce point. Elle rappelle que la CIPED en tant que concurrente et cliente de la SARL Unistar Europe était experte dans son domaine d'activité et avait l'obligation de se renseigner de manière complète sur les parts sociales achetées et que c'est son seul empressement à contracter qui a abouti à la cession litigieuse sans renégociation du prix. Elle soutient également que le dol n'est pas caractérisé à défaut de manoeuvres et d’intention dolosive. Elle prétend enfin qu'en réalité, la CIDEP a procédé à l' acquisition des parts sociales de UNISTAR, précipitamment et sans prendre les précautions d'usage, car son seul objectif était de reprendre un produit stratégique, qui représente une plus value inestimable pour son catalogue puisqu'en achetant la totalité des parts sociales de la société UNISTAR au prix de 700.000 €, la CIDEP a donc récupéré, à moindre coût, le bénéfice d'un procédé industriel majeur, qu'elle commercialise depuis dans toute l'Europe.

Par ses conclusions récapitulatives signifiées et déposées le 21 janvier 2019, M. Michele F. demande, au visa des, 1110, 1116 et 1165 anciens du code civil, de :

- le déclarer recevable et bien fondé en son appel, ses demandes, écritures et pièces,

Y faisant droit

* A titre liminaire

- constater que la SAM CIDEP a saisi le Tribunal de Commerce d'Aix-en-Provence sur le fondement de la clause attributive de compétence territoriale prévue à l'article 9 de l'acte de cession du 15 juin 2016 qu'elle a conclu avec la seule S.A. Latinco Financial Holding,

- constater que l'acte de cession du 15 juin 2016 prévoit expressément que ' le présent contrat est soumis à tous égards au droit français'

- constater que M. Michele F., n'est ni partie ni même signataire à l'acte de cession du 15 juin 2016 qui a été conclu entre les seules sociétés CIDEP et Latinco Financial Holding de sorte que la clause attributive de compétence lui est inopposable,

- constater que la clause attributive de compétence n'aurait eu en tout état de cause aucune validité juridique à son égard qui n'a pas la qualité de commerçant,

- constater que M. Michele F. est l'unique partie à l'instance à disposer de son domicile en France, en l'occurrence à Montpellier où l'acte introductif d'instance lui a été délivré,

- en conséquence infirmer le jugement dont appel en ce que le Tribunal de Commerce d'Aix-En-Provence s'est déclaré compétent pour connaître de l'instance,

Statuant à nouveau

- dire et juger que le Tribunal de Commerce d'Aix-en-Provence était territorialement incompétent pour connaître de l'instance et renvoyer l'affaire devant le Tribunal de Commerce de Montpellier,

* Sur le fond

- constater que le consentement de la SAM CIDEP n'a été vicié par aucune manoeuvre dolosive ni aucune erreur excusable portant sur les qualités substantielles des parts sociale de la SARL Unistar Europe qui lui ont été cédées,

- constater que la SAM CIDEP n'a été victime d'aucune faute ni d'aucun préjudice qui lui permettrait de solliciter des dommages-intérêts,

- constater que M. Michele F. n'est pas partie ni même signataire de l'acte de cession de parts sociales du 15 juin 2016 qui a été conclu entre les seules sociétés CIDEP et Latinco Financial Holding de sorte qu'en application du principe de l'effet relatif des conventions, aucune condamnation solidaire ne peut être valablement être prononcée à son encontre,

- en conséquence

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit et jugé que le consentement de la société SAM CIDEP n'avait été vicié par aucune manoeuvre dolosive et a rejeté la demande de dommages-intérêts qu'elle formulait,

- infirmer le jugement en ce qu'il a retenu que le consentement de la SAM CIDEP aurait été vicié d'une erreur, prononcé l'annulation de la cession de parts sociales du 15 juin 2016 et condamné in solidum La S.A. Latinco Financial Holding et M. Michele F., à la restitution du prix,

Statuant à nouveau

- débouter la société CIDEP de l'ensemble de ses demandes,

En tout état de cause

- condamner la société CIDEP à payer à M. Michele F. la somme de 10.000 € au titre de l'article 700, ainsi qu'aux entiers dépens, ces distraits au profit de la SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE, Avocats associés aux offres de droit.

Par ses conclusions récapitulatives comportant appel incident signifiées et déposées le 19 octobre 2018, la S.A.M. Commerce international de dérivés plastiques Interplast demande de :

Vu le jugement du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence du 29janvier 2018

Vu l'ordonnance du Premier Président de la Cour d'Appel du 14 septembre 2018

Vu le procès-verbal de recherches infructueuses du 3 octobre 2018

Vu le règlement (UE) n°1215/2012 du parlement Européen et du Conseil du 12/12/2012

Vu la convention de Lugano du 30 octobre 2007 sur la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ;

Vu l'

Vu les

* In limine litis

-Prononcer la nullité de l'appel conjointement introduit par M. F. et LATINCO FINANCIAL HOLDING, faute d'une valable déclaration d'adresse régularisée dans les délais d'appel pour M. F.,

* A titre subsidiaire, au fond

- Débouter M. F. et la société LATINCO FINANCIAL HOLDING de leur appel,

Statuant sur appel incident

- réformer le jugement du tribunal de commerce d'Aíx-eu-Provence du 29 janvier 2018 en ce qu 'il a jugé que le dol de LATINCO et de M. F. n 'était pas caractérisé,

Statuant à nouveau

- constater que le consentement de la société S.A.M. CIDEP a été vicié par des manoeuvres dolosives ou à tout le moins par une réticence dolosive de la part de LATINCO et de M. F.,

Par conséquent

- prononcer l'annulation de la cession des parts sociales de la société UNISTAR EUROPE intervenue entre les sociétés S.A.M C.I.D.E.P et LATINCO FINANCIAL HOLDING le 15 juin 2016 ;

- condamner la société LATINCO FINANCIAL HOLDING SA et M. Michele F. in solidum, au remboursement du prix de 700.000 G outre intérêts au taux légal à compter du paiement ;

- condamner la société LATINCO FINANCIAL HOLDING SA et M. Michele F. in solidum, au paiement d'une somme de 1.040.000 €à titre de dommages et intérêts ;

* A titre subsidiaire

Confirmer le jugement du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence du 29 janvier 2018 dans toutes ses dispositions,

* Dans tous les cas

- Condamner M. F. et LATINCO FINANCIAL HOLDING SA à verser à S.AM. C.l.D.E.P. la somme supplémentaire en cause d'appel de 10.000 € en application de l'ainsi qu'aux entiers dépens en admettant la SCP B.-S.-T.-J., avocat, au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

Suite à un changement de dénomination sociale, la SAM CIDEP s'appelle désormais la S.A. FITT MC SAM et est intervenue volontairement en la cause sous cette dénomination.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 2 février 2021.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire il échet de constater que dans ses uniques conclusions du 19 octobre 2018 la S.A.M. CIDEP soulève in limine litis la nullité de l'appel conjointement introduit par M. F. et LATINCO FINANCIAL HOLDING, faute d'une valable déclaration d'adresse régularisée dans les délais d'appel pour M. F..

Cependant la S.A.M. CIDEP ayant formé un incident aux mêmes fins postérieurement devant le conseiller de la mise en état qui a été tranché par ordonnance en date du 14 mars 2019 ayant déclaré l'appel recevable, cette demande est sans objet.

Sur l'exception d'incompétence territoriale

L'article 42 du code de procédure civile dispose que :

' La juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur.

S'il y a plusieurs défendeurs, le demandeur saisit, à son choix, la juridiction du lieu où demeure l'un d'eux.

Si le défendeur n'a ni domicile ni résidence connus, le demandeur peut saisir la juridiction du lieu où il demeure ou celle de son choix s'il demeure à l'étranger.'

L'article 48 dispose quant à lui que :

' Toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu'elle n'ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu'elle n'ait été spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée.'

En application de ces articles il est constant que si l'alinéa 2 de l'article 42 donne en présence de plusieurs défendeurs la possibilité au demandeur de saisir à son choix la juridiction du lieu où demeure l'un d'eux, ce texte est sans application lorsque le tribunal saisi n'est territorialement compétent que par suite d'une clause attributive inopposable à ceux qui n'y sont pas parties.

Une clause attributive de compétence ne peut produire d'effets juridiques qu'à l'égard de ses signataires.

Enfin il ressort de l'article 48 susvisé que l'une des conditions de validité d'une clause dérogatoire de compétence est que toutes les parties au contrat aient la qualité de commerçant.

En l'espèce la S.A.M. CIDEP a assigné la S.A. Latinco Financial Holding et M. Michele F. devant le Tribunal de Commerce d'Aix-en-Provence aux fins d'annulation de la cession de parts sociales en application de l'article 9 de l'acte de cession du 15 juin 2016 aux termes duquel il est stipulé :

' Le présent contrat est soumis à tous égards au droit français.

Les parties conviennent de faire leur possible pour résoudre à l'amiable toute contestation susceptible de résulter du présent contrat.

A défaut, compte tenu du caractère international du présent contrat et du lien de rattachement du présent contrat avec la France, les parties conviennent expressément de soumettre tous les différents découlant du présent contrat ou en relation avec celui-ci à la juridiction compétente dans le ressort de la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence, même en cas de demande incidente ou en garantie de pluralité de défendeurs. '

Il n'est pas contestable que cette clause, prévue dans l'acte de cession signé par la S.A.M. CIDEP et la S.A. Latinco Financial Holding, sociétés financières qui ont toutes deux la qualité de commerçantes, est parfaitement légale tant au regard de l'article 48 du code de procédure civile susvisé qu'au regard de l'article 23 de la convention de Lugano du 30 octobre 2007 relative à la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale signée entre la communauté européenne et la Suisse, article 23 du traité qui stipule qu'une convention attributive de juridiction conclue entre des parties dont l'une au moins est établie dans un Etat lié par la convention entraîne compétence exclusive au profit de cette juridiction.

En revanche M. Michele F. n'est en aucun cas partie à l'acte de cession de parts sociales du 15 juin 2016, puisqu'il est gérant de la SARL Unistar Europe, société dont les parts sont l'objet de la cession. Par ailleurs sa qualité d'actionnaire unique de la S.A. Latinco Financial Holding ne le rend pas non plus partie à l'acte, étant en outre précisé que la S.A. Latinco Financial Holding était représentée lors de la signature par M. T., administrateur.

Cette clause attributive de compétence prévue dans l'acte de cession ne lui est donc pas opposable.

Par ailleurs c'est à juste titre que M. Michele F., personne physique, soutient qu'il n'a pas la qualité de commerçant, le fait qu'il soit gérant de la SARL Unistar Europe ne lui conférant pas la qualité de commerçant.

Dès lors la clause attributive de compétence rédigée dans des termes identiques à celle rappelée ci-dessus, contenue dans l'acte signé le 15 juin 2016 entre lui et la S.A.M. CIDEP intitulé ' Déclaration et engagement de non-concurrence', acte par lequel M. Michele F. a notamment pris un engagement de non-concurrence au profit de la société cessionnaire, n'est pas valable au regard de l'article 48 susvisé. Elle ne peut donc dès lors être invoquée par l'intimée.

Par ailleurs la S.A.M. CIDEP ne peut prétendre comme elle le fait que les ne pourraient s'appliquer en l'espèce, alors que l'acte de cession le soumet expressément ' à tous égards au droit français', ce qui inclut les règles de procédure.

Elle ne peut non plus prétendre que M. Michele F. se contredirait en ne sollicitant pas le renvoi devant le Tribunal de Grande Instance en tant que personne physique puisqu'il prétend ne pas avoir la qualité de commerçant. En effet il ressort de l'article 721-3 °) du code de commerce que les tribunaux de commerce sont compétents pour statuer sur les litiges relatifs aux actes de commerces entre toutes personnes, de telle sorte que M. Michele F. pouvait bien être attrait devant un Tribunal de Commerce pour statuer sur la validité de l'acte de cession d'actions du 15 juin 2016 même s'il n'est pas commerçant.

Enfin la S.A.M. CIDEP ne peut invoquer pour faire échec à cette exception de compétence l'article 25.1.a du règlement U.E. 1215/2012 du 12/12/2012 réglant la compétence judiciaire au sein de l'Union Européenne, article qui prévoit expressément la prorogation de compétence par la volonté des parties au contrat. Cet article prévoit que si les parties, sans considération de leur domicile sont convenues d'une juridiction ou de juridictions d'un Etat membre pour connaître des différends nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé, ces juridictions sont compétentes sauf si la validité de la convention attributive de juridiction est entachée de nullité quant au fond selon le droit de cet Etat membre.

En effet c'est article ne peut être invoqué qu'entre les parties au contrat, ce que n'est pas M. Michele F., et ne peut avoir pour effet de rendre opposable à un tiers au contrat ladite clause de compétence.

En conséquence le Tribunal de Commerce d'Aix-en-Provence, certes compétent pour statuer sur la demande d'annulation de la cession de parts sociales présentée par la S.A.M. CIDEP à l'encontre de la S.A. Latinco Financial Holding, n'était pas compétent pour statuer sur les demandes formées à l'encontre de M. Michele F..

Le jugement est infirmé.

Ainsi qu'il a été dit précédemment, la cession de parts sociales litigieuse a été signée entre la S.A.M. CIDEP et la S.A. Latinco Financial Holding, seules parties au contrat.

Aux termes des conclusions de la S.A.M. CIDEP, les demandes de condamnation ' in solidum' entre la S.A. Latinco Financial Holding et M. Michele F. au titre des conséquences de l'annulation de la cession sollicitée sont formées à l'encontre de M. Michele F. sur le fondement de l'article 1382 du code civil ancien, en tant que ' tiers de connivence', la S.A.M. CIDEP précisant que les condamnations pécuniaires formées à son encontre doivent être prononcées ' à titre de dommages-intérêts'.

Dès lors il convient de constater que, quand bien même ces demandes de condamnation sont présentées ' in solidum', il n'existe pas un lien de connexité suffisant entre les demandes formées contre la S.A. Latinco Financial Holding au titre de l'annulation du contrat et celles formées contre M. Michele F. sur le fondement de l'article 1382 du code civil pour justifier qu'il ne puisse être statuer séparément sur ces demandes.

En conséquence il convient de déclarer compétent le Tribunal de Commerce d'Aix-en-Provence pour statuer sur les demandes de la S.A.M. CIDEP formées à l'encontre de la S.A. Latinco Financial Holding en application de la clause attributive de compétence, et de le déclarer incompétent pour statuer sur les demandes formées à l'encontre de M. Michele F..

Compte tenu du domicile de M. Michele F. lors de la délivrance de l'assignation, soit Montpellier, c'était le Tribunal de Commerce de Montpellier qui aurait dû être compétent pour ce dernier.

Dès lors en application de l'article 90 alinéa 3 du code de procédure civile, la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence n'étant pas compétente pour statuer sur les appels formés sur les décisions du dit tribunal, il convient de déclarer la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence incompétente au profit de la Cour d'Appel de Montpellier.

Il ne sera donc statué que sur le bien-fondé des demandes de la S.A.M. CIDEP formulées à l'encontre de la S.A. Latinco Financial Holding.

Sur le dol

Pour solliciter l'annulation de la cession du 15 juin 2016, la S.A.M. CIDEP invoque l'écart constaté entre la réalité des faits et la représentation qui lui en a été faite par le cédant, dénonçant la différence entre les données communiquées lors de l' acquisition , qui faisaient état d'un résultat positif de 112.113 euros et de capitaux propres positifs de 954.383 euros, et celles révélées par l'expert-comptable de la société dès la fin juillet 2016, qui font apparaître un résultat négatif de - 1.812.206 euros et des capitaux propres négatifs de - 969.936 euros.

Elle soutient que cet écart, qui ne serait pas contesté par les appelants, justifierait l'annulation de la vente, soit au titre du dol (écart volontairement provoqué/induit par les appelants) soit au titre de l'erreur (erreur légitime de sa part).

Compte tenu de la date de signature du contrat (15 juin 2016) et en application de l'article 9 de l'ordonnance du 10 février 2016 relatif à l'entrée en vigueur de cette ordonnance portant réforme du droit des obligations, le litige sera tranché selon les dispositions du code civil dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de cette ordonnance, les articles visés étant les articles anciens de ce code.

En application des, le dol constitue un vice du consentement susceptible d'entraîner la nullité d'un contrat lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.

Le dol se définit comme le fait de surprendre, sous l'influence d'une erreur provoquée par des manoeuvres, le consentement d'une personne et de l'amener à conclure un acte juridique, ces manoeuvres pouvant consister en des artifices ou des ruses ou en un simple silence d'une partie dissimulant à son cocontractant un élément qui, s'il avait été connu de lui, l'aurait empêché de contracter.

Enfin le dol ne se présume pas et doit être prouvé par celui qui s'en prévaut. Il suppose l'existence d'une intention dolosive avant ou concomitamment à la signature de l'acte prétendument dolosif.

En matière de cession de parts sociales, constituent un dol les manoeuvres frauduleuses pratiquées par le cédant présentant un bilan falsifié ou tronqué masquant des pertes ou des dettes connues du cédant. La réticence dolosive, notamment la dissimulation d'informations importantes que le cessionnaire aurait eu intérêt à connaître est assimilée au dol.

En l'espèce il convient de rappeler que la cession litigieuse a été passée entre deux sociétés professionnelles et expérimentées dans leur secteur. Notamment la S.A.M. CIDEP, société de droit monégasque, appartient à un groupe italien d'envergure internationale, la holding de droit italien EUROCONDOTTE S.p.A., et a parfaitement connaissance des process et usages en matière d’acquisition, de telle sorte que l'on peut considérer qu'il s'agit d'un professionnel expérimenté.

Il ressort des conclusions des parties que les premières approches en vue de la cession ont eu lieu au printemps 2016.

On peut observer que ces discussions ont commencé juste après que la SARL Unistar Europe ait obtenu le 22 février 2016 une Attestation de Conformité Sanitaire (ACS) pour l'un de ses produits stratégique, constitué de tuyaux et accessoires en HTA PVC-C présentant la particularité d'être hautement résistants à la chaleur. Depuis sa création, ce produit, qui a pour objet le chauffage dans le bâtiment, était fabriqué en monopole européen par le groupe Multinational ALIAXIS, lequel maintenait ce monopole en contrôlant la fabrication européenne de la seule matière première non toxique exploitable à cet effet. Or UNISTAR avait réussi à trouver un moyen technique pour contourner ce monopole Européen, via un sous-traitant égyptien, TOUTOUNJI PLASTICS GROUP, qui n'était pas soumis au blocus Européen de cette matière première, ce qui a permis à UNISTAR d'obtenir, grâce à son partenariat avec TOUTOUNJI, le certificat ACS.

Il est évident que la S.A.M. CIDEP travaillant dans le même secteur industriel que la SARL Unistar Europe, puisqu'elles étaient à la fois concurrentes et clientes, était parfaitement informée de ce que sa concurrente avait obtenu ladite attestation.

La lettre d’intention du 12 mai 2016 posait pour la signature de l'acte définitif les conditions suivantes :

- prix de 700.000 €, pour 100% des parts sociales de la société UNISTAR, sans condition de financement ;

- la marque ONYX devait avoir été acquise par la société UNISTAR, au prix de UN ( 1) € auprès de son actionnaire;

- 100% des titres de sa filiale UNISTAR WATER UK LTD devaient avoir été acquis par la société UNISTAR objet de l'offre d’acquisition, au prix de UN (1) €,

- la société UNISTAR devait avoir été transformée en SAS,

- Monsieur Michele F. s'engageait à rester gérant (ou président), d'une part, et directeur export, d'autre part, de la société UNISTAR, pour une durée d'au moins CINQ ans, moyennant une rémunération annuelle de 18.000 € brute au titre de son mandat de dirigeant, et de 80.400 € brute au titre de son contrat de travail, hors bonus ;

- Réalisation d'un audit comptable préalable d’acquisition, entre autres audits portant notamment sur les stocks, les factures cédées à la société d'affacturage, l'audit des contrats d'assurance, la vérification du titulaire des parts sociales (société LATINCO), l'examen des déclarations fiscales sur les 3 dernières années, et des déclarations aux organismes sociaux

- La conclusion par Monsieur F. d'un engagement de non-concurrence d'une durée de TROIS années.

En ce qui concerne le calendrier des opérations, le candidat acquéreur proposait :

- à partir du 23 mai 2016 : réalisation des audits comptable, juridique et social,

- le 31 mai 2016 : indication de sa décision de procéder, ou non, à l'acquisition,

- 20 juin 2016 au plus tard : tenue de l'assemblée décidant la transformation de la forme de SARL en SAS de la société UNISTAR,

- 25 juin 2016 : signature des actes définitifs.

Ainsi l'opération de cession d'actions de la SA devait se dérouler en à peine un mois, sachant que les délais ont été raccourcis puisque la cession a finalement eu lieu le 15 juin 2016.

L'audit du cabinet Brych a eu lieu, dans les locaux de la SARL Unistar Europe, dans le courant du mois de mai 2016.

Dans leur note en vue de la cession, les auditeurs ont mentionné un certain nombre de difficultés ou de remarques, dont :

- des éditions de comptes de tiers et ou comptes de résultats incomplets (absence de noms, dates, libellés),

- des vérifications menées sur la base d'une situation comptable établie au 30 avril 2016 qui n'avait pas été vérifiée par l'expert-comptable de la société,

- des réserves émises par le commissaire aux comptes sur l'évaluation des stocks, et une absence de prise en compte de ceux-ci ayant de lourds impacts comptables (323 K€)

- une absence de provisions pour dépréciation des clients,

- un solde créditeur fournisseur conséquent, la trésorerie à flux tendu, les délais de paiement reposant sur la seule relation établie par Monsieur F. avec ses fournisseurs,

- aucune autorisation de découvert sur les trois établissements bancaires avec lesquels travaillaient la société UNISTAR,

Surtout les auditeurs concluaient en alertant leur cliente, la société CIDEP, des risques relatifs à leur projet d’acquisition, tel que formulé aux termes de la lettre d’intention du 12 mai 2016, dans les termes suivants :

« Cette société traverse d'importantes difficultés de trésorerie. Cette situation engendre des pratiques avec des risques juridiques, comptables et fiscaux importants (anticipation au niveau de la facturation à l'égard des factors, anticipation au niveau de la TVA déductible, décalage de certaines charges).

La valeur bilantielle de cette société est inférieure au prix d’acquisition indiqué dans la lettre d’intention à savoir 700. 000 € sur la base de la situation qui nous a été présentée.

Suivant la décote à appliquer à la valeur des stocks estimée entre 200 et 300 K€ et la dépréciation complémentaire sur les immobilisations estimée à 100 K€, la situation nette comptable s'élèverait à environ 300 K€ ''.

Cependant malgré ces conclusions, non seulement la S.A.M. CIDEP a poursuivi la vente, mais elle n'a ni renégocié le prix, ni prévu de clause de révision du prix au vu du bilan définitif, ni prévu ou sollicité de garantie d'actif et de passif comme cela se pratique de manière quasiment systématique pour ce type d'actes. De ce fait la vente a été faite le 15 juin 2016 au prix de 700.000€.

En ce qui concerne les difficultés techniques de mise en oeuvre de leurs missions relevées par les auditeurs, ceux-ci ont expressément indiqué que celles-ci viennent du caractère confidentiel des fichiers ' clients' et fournisseurs', ayant pour conséquence l'impossibilité d'avoir accès direct à la comptabilité, et des éditions de comptes de tiers et ou comptes de résultats incomplets (absence de noms, dates, libellés).

Cependant, outre le fait que cette confidentialité relative aux fichiers clients était parfaitement logique puisqu'il s'agissait de sociétés concurrentes et qu'il n'était pas certain que la cession allait se réaliser, il ne peut être considéré que l'absence de fourniture des noms des clients constituerait une manoeuvre dolosive de la part de la S.A. Latinco Financial Holding. En effet aux termes de l'article relatif à l'audit préalable (page 4 de la lettre d’intention), la S.A.M. CIDEP a clairement indiqué que ' à cet égard nous confirmons notre accord pour que vous dissimuliez les noms des clients figurant sur les factures'.

Par ailleurs il ressort des pièces versées aux débats et notamment du mail de Mme TA, directrice administrative et financière de la SARL Unistar Europe avant et après la cession, du 11 août 2016 adressé à M. Michele F., que lors de l'établissement du bilan définitif en juillet 2016 avec M. M., expert-comptable, ils ont reçu tous les deux des instructions de la part des dirigeants de leur nouvel actionnaire, la S.A.M. CIDEP pour intégrer au bilan une dépréciation de stocks pour un montant de 285.407€ et une suppression des factures clients restant à établir pour plus de 261 000€, ce qui a aggravé la perte enregistrée dans le bilan de manière très conséquente. Madame TA remet en cause le bilan final sur lequel la S.A.M. CIDEP se fonde pour demander l'annulation de la cession.

S'il ne peut être reproché à la S.A.M. CIDEP d'avoir fait modifier le bilan prévisionnel 2016 en incluant ces sommes, puisque leur absence de prise en compte avait été pointée par les auditeurs en mai, il est bien certain en revanche que leur prise en compte a nécessairement impacté le bilan, sans pour autant que cela ne caractérise une intention dolosive de la S.A. Latinco Financial Holding ni une rétention d'information.

Enfin il échet de constater que, au regard notamment des conclusions de l'audit sur la manière dont la SARL Unistar Europe était gérée ( trésorerie à flux tendu, délais de paiement accordés par M. Michele F. ...), et en l'absence de toute analyse financière externe et précise permettant de déterminer quelles sont les causes réelles des différences notées entre le bilan provisoire au jour de la cession et le projet de bilan de M. M. joint à son mail du 25/07/2016, lequel bilan n'est même pas versé aux débats, il est impossible de savoir quelles sont les causes réelles de ces différences de bilans. M M. lui-même dans son mail du 20 juillet 2016 pointe un certain nombre de causes, dont une augmentation très importante des achats de marchandises dont M. Michele F. prétend qu'ils auraient été le fait de la S.A.M. CIDEP après la cession.

Il en résulte que d'une part la S.A.M. CIDEP a procédé à la cession en toute connaissance de cause des remarques ou difficultés relevées par le cabinet d'audit, et notamment les difficultés de trésorerie, et d'autre part, que la S.A.M. CIDEP a donné des instructions postérieurement à la cession pour modifier le bilan qui n'était pas définitif à la date de la cession.

Dans ces conditions les manoeuvres dolosives ne sont pas caractérisées, de même que la réticence dolosive, de telle sorte que le dol ne peut être retenu.

Le jugement est confirmé.

Sur l'erreur viciant le consentement

A titre subsidiaire, si le dol n'est pas retenu, la S.A.M. CIDEP demande l'annulation de la cession pour erreur substantielle sur la situation comptable de la société cédée, élément essentiel de la cession, ainsi que sur la réalité de son passif.

L'article 1110 du code civil dans sa version applicable à l'instance dispose que l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle porte sur la substance même qui en est l'objet.

L'erreur sur la substance s'entend non seulement de celle qui porte sur la matière même dont la chose est composée, mais plus généralement de celle qui a trait aux qualités essentielles de celle-ci.

Par ailleurs il est constant que pour justifier l'annulation de l'acte, l'erreur doit être excusable.

Il est certain que la situation comptable d'une société objet d'une cession de parts sociales peut entrer dans le champ des qualités substantielles sur lesquelles le consentement a porté en ce que cette situation est déterminante pour fixer la valeur des parts sociales et par conséquent le prix de cession. Cependant il n'en reste pas moins qu'en l'espèce, au regard des conclusions de l'audit qui indiquent expressément, au regard de la situation comptable examinée, que le prix de cession de 700.000€ est surévalué et que la valeur de la société est au plus de 300K€, que la S.A.M. CIDEP est mal fondée à invoquer une erreur au sens de l'article 1110 du code civil.

Manifestement la S.A.M. CIDEP au vu des conclusions de cet audit, aurait dû soit retarder la cession et approfondir sa connaissance de la situation de la SARL Unistar Europe, soit à tout le moins négocier le prix et prévoir une clause de révision et/ou une garantie de passif.

Par ailleurs il n'est pas possible de considérer que la faillite de la SARL Unistar Europe qui a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire dès le mois de novembre 2016 démontrerait l'erreur. En effet au jour de la cession, il était expressément indiqué que le bilan définitif au 30/04/2016 n'était pas validé. Par ailleurs ainsi qu'il a été dit précédemment, les causes de distorsion entre bilan provisoire et bilan établi en juillet 2016, de même que les causes de cette faillite ne sont pas clairement établies, la SARL Unistar Europe ayant saisi dès le 15 septembre 2016 le Tribunal de Commerce de Paris d'une requête aux fins de conciliation en invoquant le fait que sa holding ne la soutenait plus, et ayant ensuite engagé une procédure aux fins de voir reconnaître l'ingérence de celle-ci dès la cession de parts sociales.

Dans ces conditions l'erreur au sens de l'article 1110 n'est pas caractérisée.

Le jugement est infirmé.

Enfin de manière surabondante, il convient de relever que l'annulation d'un contrat a pour effet la remise des parties en l'état, c'est-à-dire en cas d'annulation d'une vente la restitution du prix d'une part, et la restitution de la chose vendue d'autre part.

Or la S.A.M. CIDEP, qui sollicite l'annulation et la restitution du prix de vente, ne se prononce absolument pas sur le fait que la restitution de la chose vendue n'est plus possible du fait de la cession de la SARL Unistar Europe intervenue selon jugement du Tribunal de Commerce de Paris du 2 décembre 2016 qui a autorisé la cession dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire ouverte selon jugement du 9 novembre 2016.

La S.A.M. CIDEP, actionnaire unique de la SARL Unistar Europe, ne pouvait ignorer cette cession, qui est intervenue avant même la délivrance de son assignation aux fins d'annulation de la cession.

En conséquence la S.A.M. CIDEP est déboutée de sa demande d'annulation de la cession du 15 juin 2016, et des demandes de restitution du prix et d'allocation de dommages-intérêts.

Sur l' et les dépens

La S.A.M. CIDEP ayant succombé en ses prétentions, elle est condamnée à verser à la S.A. Latinco Financial Holding la somme de 6 000€ au titre de l'.

Pour les mêmes motifs elle est condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Le jugement est infirmé sur ces deux points.

Compte tenu du renvoi pour incompétence des demandes formées à l'encontre de M. Michele F. ou par celui-ci contre la S.A.M. CIDEP, ces demandes réciproques sont réservées.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement

Confirme le jugement du Tribunal de Commerce d'Aix-en-Provence en date du 29 janvier 2018 en ce qu'il a dit que le dol n'était pas caractérisé,

L'infirme pour le surplus

Statuant à nouveau

Déclare compétent le Tribunal de Commerce d'Aix-en-Provence pour statuer sur les demandes de la S.A.M. CIDEP devenue la S.A. FITT MC SAM formées à l'encontre de la S.A. Latinco Financial Holding ;

Déclare incompétent le Tribunal de Commerce d'Aix-en-Provence pour statuer sur les demandes de la S.A.M. CIDEP devenue la S.A. FITT MC SAM formées à l'encontre de M. Michele F., au profit de la Cour d'Appel de Montpellier ;

Dit que le secrétariat-greffe transmettra le dossier à la juridiction désignée compétente ;

Déboute la S.A.M. CIDEP devenue la S.A. FITT MC SAM de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la S.A. Latinco Financial Holding ;

Condamne la S.A.M. CIDEP devenue la S.A. FITT MC SAM à verser à la S.A. Latinco Financial Holding la somme de 6 000€ au titre de l' ;

Condamne la S.A.M. CIDEP devenue la S.A. FITT MC SAM aux dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit des avocats en la cause,

Réserve les demandes de la S.A.M. CIDEP devenue la S.A. FITT MC SAM et de M. Michele F. au titre de l'.