ART, 18 juin 1999, n° 99−539
ART (DEVENUE L'ARCEP)
se prononçant sur un différend entre Cegetel Entreprises et France Télécom relatif aux conditions d'interconnexion pour les appels entrant sur le réseau de Cegetel Entreprises
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Hubert
L'Autorité de régulation des télécommunications ;
Vu le code des postes et télécommunications, notamment ses articles L. 34−8, L. 36−8 et R. 11−1, D. 97−4 ;
Vu la décision n° 97−57 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 26 mars 1997 portant règlement intérieur modifiée par la décision n° 97−234 du 30 juillet 1997 et la décision n° 99−118 du 9 février 1999 ;
Vu la saisine enregistrée le 25 janvier 1999, présentée par Cegetel Entreprises dont le siège social est situé Tour de l'Esplanade, 1 place Carpeaux− 92915 Paris La Défense, représentée par M. André Meyer − Président, et relative à un différend qui l'oppose à France Télécom, concernant l'interconnexion entre son réseau et celui de France Télécom ;
Vu les observations en défense, enregistrées le 23 février 1999, présentées par France Télécom, société anonyme dont le siège social est 6, place d'Alleray, Paris (XVème), représentée par M. Gérard Moine, directeur des relations extérieures ;
Vu les observations en réplique de Cegetel Entreprises enregistrées le 22 mars 1999 ;
Vu le questionnaire adressé par l'Autorité à France Télécom et à Cegetel Entreprises le 6 avril 1999 ;
Vu la décision de l'Autorité n°99−306 en date du 16 avril 1999 portant à six mois le délai dans lequel l'Autorité doit se prononcer sur le différend opposant Cegetel Entreprises à France Télécom ;
Vu les nouvelles observations de France Télécom enregistrées le 20 avril 1999 ;
Vu la réponse de Cegetel Entreprises au questionnaire de l'Autorité enregistrée le 28 avril 1999 ; Vu la réponse de France Télécom au questionnaire de l'Autorité enregistrée le 29 avril 1999 ; Vu les nouvelles observations de France Télécom enregistrées le 20 mai 1999 ;
Vu les nouvelles observations de Cegetel Entreprises enregistrées le 20 mai 1999 ; Vu les nouvelles observations de Cegetel Entreprises enregistrées le 10 juin 1999 ; Vu les nouvelles observations de France Télécom enregistrées le 14 juin 1999 ;
Vu la convocation en date du 7 juin 1999 à une audience devant le collège le 9 juin 1999, adressée à France Télécom et à Cegetel Entreprises, et les questions annexées;
Après avoir entendu, le 9 juin 1999, lors de l'audience devant le collège :
− le rapport de M. Jean−Claude Jeanneret, présentant les moyens et les conclusions des parties,
− M. Eugène Beckers, représentant la société Cegetel Entreprises, demanderesse, assisté de Maître Frédérique Dupuis−Toubol, avocat,
− M. Gérard Moine, représentant la société France Télécom, défenderesse,
− en présence de Mme. Béatrice Cosperec et MM. Pierre Alain Jeanneney, Philippe Distler, Eric Draicchio, Sylvain Géron, François Lions, Ivan Luben, Antoine Pradayrol, Jérôme Wagner, agents de l'Autorité ;
Après en avoir délibéré le 18 juin 1999, hors la présence du rapporteur et des collaborateurs susmentionnés, lors d'une réunion du collège ;
I− La formation du différend, les conclusions présentées et leur recevabilité
Dans sa saisine, enregistrée le 25 janvier 1999, Cegetel Entreprises rappelle que Cegetel Entreprises et France Télécom ont signé deux conventions d'interconnexion en décembre 1997. Ces deux conventions avaient pour principal objet de régulariser la situation pour l'année 1997. Cegetel Entreprises s'engageait à ne pas facturer les appels provenant du réseau de France Télécom jusqu'au 31 décembre 1997, tout en précisant que cette disposition “ prise à titre dérogatoire et provisoire ne saurait constituer un engagement de l'une ou l'autre partie, pour la détermination des tarifs 1998 ”.
Cegetel Entreprises expose le déroulement de la négociation entre les parties et estime qu'après plus de dix mois de négociations, les deux parties sont arrivées à une impasse concernant la fixation des conditions de l'interconnexion entrante sur son réseau, en dépit de nombreuses concessions lors de cette négociation.
Cegetel Entreprises indique que les points de désaccord entre les parties sont multiples. Dans le cadre de cette saisine, Cegetel Entreprises souhaite limiter ses demandes aux aspects relatifs à l'interconnexion entrante et se réserve de compléter sa demande ou de saisir à nouveau l'Autorité sur les autres points du désaccord qui l'opposent à France Télécom dans le cadre de la négociation d'interconnexion.
Cegetel Entreprises estime que France Télécom ne peut légitimement rejeter son offre d'interconnexion pour le trafic entrant. Elle note en effet que les prestations liées à la mise en œuvre de l'interconnexion entrante sont incontestablement de sa responsabilité, et explique que "la position de France Télécom traduit un abus de position dominante et de dépendance économique qui participe de la stratégie générale de France Télécom de tout faire pour retarder l'émergence d'une concurrence sur le marché des télécommunications locales".
Concernant le champ de la saisine, Cegetel Entreprises demande à l'Autorité de prendre les décisions suivantes:
“ − dire que Cegetel Entreprises est bien fondée à offrir comme point d'interconnexion à France Télécom pour les appels entrants vers le réseau de Cegetel Entreprises :
− un point par zone de transit de Cegetel Entreprises, lesdites zones correspondant aux zones de transit de France Télécom,
− tout point d'interconnexion utilisé pour les appels sortants étant également ouvert à l'interconnexion entrante;
− dire que le tarif de Cegetel Entreprises de [... ] centimes par minute d'interconnexion, sans partie fixe et permettant d'atteindre l'ensemble des numéros géographiques de Cegetel Entreprises dans la Zone de Transit du point d'interconnexion considéré, est équitable et ne fait pas supporter à France Télécom de charges excessives ; prendre acte de l'engagement de Cegetel Entreprises de réduire son tarif à compter du 1er janvier 2000 en l'indexant sur "IPC-5%"
− dire que les parties pourront renégocier les modalités d'interconnexion susvisées pour la période postérieure au 31 décembre 2000 et qu'à défaut de parvenir à un accord dans un délai de 3 mois courant à compter de l'ouverture des négociations, chacune des parties pourra saisir l'ART du différend.
En conséquence :
− imposer à France Télécom de satisfaire toute demande d'interconnexion de Cegetel Entreprises pour permettre l'acheminement des appels entrants dans les zones où Cegetel Entreprises est autorisée sur la base de l'architecture d'interconnexion susvisée ;
− imposer à France Télécom de régler à Cegetel Entreprises toute facture d'interconnexion qui lui sera adressée par cette dernière pour l'acheminement des appels entrants sur cette base ;
− imposer à France Télécom de régulariser toute convention d'interconnexion qui fixerait les modalités techniques et financières d'interconnexion pour les appels entrants vers le réseau de Cegetel Entreprises sur la base des principes susmentionnés. ”
Dans ses observations enregistrées le 23 février 1999, France Télécom refuse d'entrer dans un débat de fond visant à faire statuer l'Autorité sur un supposé abus de position dominante de sa part.
France Télécom considère avoir fait plusieurs concessions au cours de la négociation avec Cegetel Entreprises, et décrit l'historique de sa négociation avec Cegetel Entreprises pour contester les arguments selon lesquels France Télécom aurait usé de manoeuvres dilatoires pour retarder l'interconnexion avec Cegetel Entreprises.
France Télécom demande à l'Autorité de :
"(i) Décider que le niveau de tarif pour 1998 soit de 7,4 centimes/minute, en heure normale (application de la modulation horaire −tarif normal et tarif réduit− aux mêmes horaires que ceux définis par le catalogue d'interconnexion en vigueur de France Télécom) conformément à la proposition de France Télécom et que le niveau fixé par l'ART corresponde au haut de la fourchette des tarifs négociés par France Télécom avec l'ensemble des opérateurs au cours de cette année 1998.
(ii) Décider que, les fournisseurs d'accès à internet raccordés au réseau de Cegetel Entreprises sont accessibles au départ du réseau de France Télécom par les séquences de numéros dédiés à cet effet par l'ART et non pas par des numéros géographiques.
(iii) Décider que le niveau de tarif applicable pour 1999 reflète le principe de symétrie tarifaire entre opérateurs et que le tarif payé à Cegetel Entreprises ne soit pas supérieur à 4,3 centimes/minute avec des modulations horaires similaires à celles de France Télécom.
(iv) Décider que les tarifs d'interconnexion entrant de l'opérateur doivent évoluer selon le même rythme annuel que les tarifs du catalogue d'interconnexion de France Télécom
(v) Que cette indexation soit immédiate
(vi) Et de décider subsidiairement, dans la mesure où l'ART rencontrerait des difficultés pour apprécier les méthodes de calcul présentés par les opérateurs, qu'un expert indépendant soit désigné."
Suite à l'introduction de la question spécifique du trafic internet par France Télécom, Cegetel Entreprises demande à l'Autorité, dans ses observations enregistrées le 22 mars 1999, de "rejeter l'intégralité des demandes de France Télécom et de faire droit à ses demandes, telles que présentées dans son mémoire de saisine".
Dans sa réponse au questionnaire de l'Autorité enregistrée le 28 avril 1999, Cegetel Entreprises indique que sa demande initiale s'appliquait aussi pour le trafic internet. Elle accepte de répondre favorablement à la demande de tarification différenciée pour le trafic Internet, et propose à l'Autorité d'adopter le schéma suivant:
"− le trafic de terminaison à destination d'internet est distingué du reste du trafic dès lors que France Télécom accepte la condition exprimée en réponse à la question 37−38;
− les conditions tarifaires du service d'interconnexion de Cegetel Entreprises pour la terminaison d'appel du trafic internet sont de [. ] centimes par minute, valeur moyenne, sans gradient horaire et sans partie fixe, facturée à la seconde et stable à partir de l'année 1999. [.. ] Les conditions techniques d'interconnexion proposées par Cegetel Entreprises demeurent inchangées;
− pour le reste du trafic, Cegetel Entreprises réaffirme sa demande telle que formulée le 25 janvier 1999."
Dans ses nouvelles observations enregistrées le 20 mai 1999, France Télécom demande, si l'Autorité estime qu'il est nécessaire pendant une période transitoire d'une année que des offres d'accès vers des FAI puissent être faites via des numéros géographiques, que le niveau de terminaison d'appel moyen reversé à Cegetel Entreprises soit de 3 centimes/minute.
Pour les motifs suivants :
Aux termes de l'article L.36−8 du code des postes et télécommunications, "en cas de refus d'interconnexion, d'échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l'exécution d'une convention d'interconnexion ou d'accès à un réseau de télécommunications, l'Autorité de régulation des télécommunications peut−être saisie du différend par l'une ou l'autre des parties. [...] Sa décision est motivée et précise les conditions équitables, d'ordre technique et financier, dans lesquelles l'interconnexion ou l'accès spécial doit être assurés".
L'Autorité note que les parties débattent dans leurs observations respectives des raisons qui ont conduit à la saisine de l'Autorité par Cegetel Entreprises et de la responsabilité de telle ou telle partie. Elle comprend cependant que France Télécom, après plus de 10 mois de négociation ne remet pas en cause le constat fait par Cegetel Entreprises d'un échec des négociations commerciales entre les parties sur l'ensemble des points faisant l'objet de la demande initiale de Cegetel Entreprises.
Au vu des pièces présentées par les parties, et de leurs observations dans le cadre de la procédure, l'Autorité considère qu'il existe bien un différend entre les parties sur l'ensemble des points soulevés par Cegetel Entreprises en ce sens que leurs négociations commerciales ont échoué, et que les parties n'ont pu trouver un accord sur la conclusion de leur convention d'interconnexion.
L'Autorité souligne que cette demande concerne également le trafic à destination d'internet, dans la mesure où France Télécom ne pouvait ignorer, au cours de la négociation, la volonté de Cegetel Entreprises de proposer des offres d'accès à internet sur des numéros géographiques. France Télécom reconnaît en effet dans sa réponse au questionnaire de l'Autorité enregistrée le 29 avril 1999 qu'elle commercialise elle−même des offres permettant à des fournisseurs d'accès à internet d'être joint au travers de numéros géographiques.
L'Autorité estime en conséquence recevable les conclusions présentées par les parties au cours de la procédure. Elles sont regroupées selon cinq thèmes:
1 − Sur les points d'interconnexion au réseau de Cegetel Entreprises
2 − Sur la modulation horaire des offres de Cegetel Entreprises
3 − Sur l'utilisation des numéros géographiques pour fournir un service d'accès à Internet et la nécessité d'un tarif d'interconnexion différencié pour les appels à destination d'Internet
4 − Sur le niveau du tarif d'interconnexion de Cegetel Entreprises, hors trafic d'accès à Internet
5 − Sur la charge de terminaison d'appel pour le trafic à destination d'Internet.
II − Exposé des moyens
Dans sa saisine, enregistrée le 25 janvier 1999, Cegetel Entreprises indique que France Télécom n'a pas de raison légitime de refuser le tarif proposé par Cegetel Entreprises pour l'écoulement du trafic entrant. Elle considère que le tarif proposé n'est nullement abusif ou excessif. Elle estime d'ailleurs que l'impact d'un prétendu surcoût pour France Télécom doit être relativisé dans la mesure où un tel surcoût ne viendrait qu'amoindrir la marge de France Télécom.
Cegetel Entreprises souligne également que le tarif aux heures de pointe que France Télécom a imposé à SFR et aux autres opérateurs mobiles pour leur raccordement jusqu'au 1er janvier 1997, et tel qu'il avait été fixé par le Ministre chargé des télécommunications, était supérieur à près du double du tarif proposé par Cegetel Entreprises dans le cadre de cette saisine.
Cegetel Entreprises estime que le principe de symétrie tarifaire entre les opérateurs, tel qu'invoqué par France Télécom n'a pas lieu de s'appliquer en l'espèce. Elle souligne en particulier ne pas être soumise à l'obligation d'orientation de ses tarifs vers les coûts, estimant non excessifs ceux qu'elle propose à France Télécom.
Cegetel Entreprises considère sa demande fondée, tant en droit qu'en équité.
Cegetel Entreprises précise au demeurant que les zones couvertes par les points d'interconnexion qu'elle propose sont plus vastes que celles couvertes par un commutateur d'abonné de France Télécom.
Dans ses observations en défense, enregistrées le 23 février 1999, France Télécom convient qu'au moins un point de présence Cegetel Entreprises par Zone de Transit de France Télécom s'impose, dès lors que des clients sont raccordés dans cette zone.
France Télécom convient également que tout point d'interconnexion sortant doit pouvoir être utilisé comme point d'interconnexion entrant.
France Télécom définit la symétrie tarifaire par "l'obtention pour chacun des opérateurs, d'un tarif qui le rémunère suffisamment dans des conditions équitables et qui permet le développement d'une concurrence favorable à l'ensemble des consommateurs qu'ils soient clients de l'un ou de l'autre". Selon France Télécom, un tel principe permet à un opérateur alternatif de couvrir ses coûts de terminaison, tout en prévenant des tarifs de terminaison trop élevés qui créeraient des distorsions de concurrence.
France Télécom explique que Cegetel Entreprises ne peut en aucun cas imposer des tarifs prohibitifs y compris à un opérateur historique, tel que France Télécom, sans porter atteinte à l'intérêt du consommateur.
Concernant les dernières propositions de Cegetel Entreprises, France Télécom estime que l'offre tarifaire de Cegetel Entreprises comporte le risque majeur d'instaurer une rente de situation au détriment de France Télécom, grâce à un tarif de l'entrant excessif, non modulé, permettant notamment à Cegetel Entreprises de l'appliquer appel de manière injustifiée à des services de type "centre d'appel".
France Télécom souligne le risque qu'elle encourt de financer des charges indues ou l'entrée sur le marché d'opérateurs peu performants. France Télécom estime que les tarifs proposés par Cegetel Entreprises doivent tenir compte du niveau d'activité de son réseau à moyen terme, en phase de maturité, et ne peuvent pas répercuter des coûts comme si le réseau fonctionnait uniquement avec les premiers abonnés accompagnant le démarrage de l'activité.
France Télécom considère que le tarif proposé par Cegetel Entreprises dans le cadre de sa saisine n'est pas justifié et revêt un caractère excessif compte tenu de la prestation offerte.
France Télécom propose deux méthodes permettant de mettre en œuvre la symétrie tarifaire:
− "une première méthode consiste à déterminer le tarif de terminaison d'appel sur le réseau de l'opérateur de boucle locale alternatif (OBL) en appliquant les facteurs de routage de cet OBL aux coûts des élements de réseau de France Télécom. [...] L'analyse que France Télécom a fait du réseau de Cegetel Entreprises conduit à évaluer le tarif efficace à environ [...]centimes/minute".
− "la seconde méthode consiste à calquer le tarif de la terminaison d'appel sur le réseau de l'opérateur de boucle local alternatif sur le tarif qui aurait prévalu si la terminaison d'appel s'était effectuée sur le réseau de l'opérateur historique − donc sur les coûts encourus lors d'une terminaison d'appel par ce dernier". France Télécom calcule alors une fourchette pour le tarif de terminaison de Cegetel Entreprises allant de [ … ] à [.]centimes par minutes.
France Télécom indique que les communications d'accès à internet présentent des caractéristiques spécifiques par rapport aux communications téléphoniques classiques:
− les appels ne seraient établis que dans un sens, de France Télécom vers Cegetel Entreprises ;
− les coûts du réseau pour le transport IP et le raccordement des fournisseurs de services d'accès à internet ne sont pas les mêmes que ceux pour le service téléphonique.
Dans ses observations en réplique, enregistrées le 22 mars 1999, Cegetel Entreprises après avoir présenté des remarques liminaires sur des affirmations de France Télécom concernant le périmètre de compétence de l'Autorité, l'intérêt des consommateurs finaux, les offres de Cegetel Entreprises faites en 1997, le "chantage à la signature" de la convention d'interconnexion et les négociations de fin 1998, expose sa position sur la notion de charges excessives. Elle estime que le caractère excessif du tarif d'interconnexion pour les appels entrants d'un opérateur non puissant doit être jugé au regard de la seule capacité de l'opérateur interconnecté à pouvoir l'assumer. Ainsi, un tarif d'interconnexion qui ne remet pas en cause l'équilibre financier et économique de l'activité de l'opérateur qui le supporte ne saurait être jugé comme excessif au sens de l'article D. 99−10 du code des postes et télécommunications.
Elle soutient que l'argumentation de France Télécom ne permet pas de dénoncer le caractère excessif du tarif proposé par Cegetel Entreprises en faisant prévaloir une insuffisante disposition à payer dû au déséquilibre financier insoutenable que supporterait l'activité concernée de France Télécom. Elle considère donc qu'il appartient à France Télécom de démontrer, le cas échant, le caractère excessif du tarif par rapport à son équilibre économique global, ou bien d'accepter l'offre de Cegetel Entreprises.
Elle estime que France Télécom s'emploit à déplacer le débat sur l'analyse des coûts de la prestation de Cegetel Entreprises, en estimant cette démarche irrecevable dans la mesure où Cegetel Entreprises, opérateur non puissant n'est pas tenu d'orienter ses tarifs vers les coûts ; elle souligne quel'analyse de France Télécom vise à apprécier les coûts de Cegetel Entreprises comme s'il s'agissait d'une entreprise intervenant dans un secteur totalement concurrentiel, ce qui ne correspond pas à la réalité économique observée.
Cegetel Entreprises considère en outre que la demande de France Télécom d'un tarif d'interconnexion n'excédant pas le tarif intra−CAA de France Télécom conduirait à évincer les nouveaux entrants du marché de la boucle locale, y compris ceux qui seraient les plus efficaces. Elle invoque en particulier leur taille modeste les empêchantde réaliser les économies d'échelle possibles pour les opérateurs historiques.
Cegetel Entreprises estime que l'inégalité des positions des opérateurs sur le marché doit être corrigée par la restauration de la symétrie concurrentielle, ce qui entraîne nécessairement une asymétrie des principes tarifaires qui leur sont appliqués, en conformité avec l'esprit et la lettre des textes français et communautaires en vigueur.
Ainsi, Cegetel Entreprises considère, après avoir mentionnée de nombreuses publications d'auteurs économiques, que la théorie économique démontre que la protection des opérateurs dans “ l'enfance ”, en restaurant les conditions économiques d'une égalité des positions initiales, constitue un préalable indispensable à l'enclenchement d'un processus concurrentiel efficace, loyal, juste et équitable. Elle en conclut qu'elle attend de l'Autorité de régulation des télécommunications qu 'elle rétablise une situation concurrentielle véritable, qui suppose que, dans sa situation sur le marché, la liberté des tarifs de l'interconnexion lui soit confirmés, sans référence aux coûts, comme aux autres opérateurs non puissants.
Elle ajoute que dans une phase simultanée d'ouverture à la concurrence et d'entrée sur le marché face à un acteur dominant, le principe de symétrie concurrentielle qu'elle défend permet de mieux tenir compte des contraintes financières spécifiques des opérateurs nouveaux entrants, ceci afin de leur assurer une probabilité de survie acceptable. Elle conteste le principe de symétrie tarifaire défendu par France Télécom qui spécule, selon elle, sur un hypothétique équilibre économique de long terme.
Elle invite en conséquence l'Autorité à favoriser les mesures permettant aux nouveaux entrants de disposer de moyens de concurrencer l'opérateur historique à “ armes égales ” afin de permettre l'instauration d'un environnement concurrentiel sur les boucles locales.
Enfin, elle indique que le principe de symétrie concurrentielle évoquée précédemment est temporaire et que la demande de réviser les tarifs d'interconnexion de terminaison au bout de deux années se situe très en deçà d'un délai de cinq ans auquel elle estime pouvoir raisonnablement prétendre, au regard du niveau d'asymétrie des positions initiales et de l'importance des phénomènes d'économie d'échelle dans les télécommunications. Elle fournit des exemples de l'application de la symétrie concurrentielle ainsi que des pratiques étrangères.
Concernant les appels à destination des fournisseurs d'accès à Internet, elle demande à l'Autorité de se prononcer sur le fait que l'interdiction demandée par France Télécom de l'usage des numéros géographiques pour l'accès aux FAI est contraire aux dispositions adoptées par l'Autorité et à la réglementation des télécommunications, qui s'oppose à toute restriction dans la fourniture de services de télécommunications non justifiée par des exigences essentielles. Elle estime en outre qu'aucune disposition réglementaire française en vigueur ne saurait justifier une telle restriction.
Dans ses nouvelles observations en défense enregistrées le 20 avril 1999, France Télécom souligne cinq principes généraux qu'elle estime indispensable pour la recherche de la solution au présent différend:
− en premier lieu, France Télécom rappelle que la qualification et la sanction des comportements d'abus de position dominante et de dépendance économique invoqués par Cegetel Entreprises ne relève pas de la compétence de l'Autorité. Dès lors, une "prise en considération" telle que demandée par Cegetel Entreprises lui apparaîtrait comme une manière de qualifier et de sanctionner, au détour d'une procédure qui n'a pour objet que de rechercher une solution équitable dans un différend contractuel, des faits imputés à France Télécom qui seraient selon cette société des abus de position dominante ou d'abus de dépendance économique selon l'article 8 de l'ordonnance de 1986.
− en deuxième lieu, France Télécom souhaite revenir sur les allégations de Cegetel Entreprises, et tente de montrer que le cours des négociations en 1997 et 1998 s'est bien déroulé comme l'a déjà relaté France Télécom dans son premier mémoire enregistré le 23 février 1999. Selon France Télécom, ces négociations ont bien montré que l'attitude de Cegetel Entreprises n'était pas exempte de critiques.
− en troisième lieu, France Télécom estime que, loin de bloquer la situation et d'exercer un chantage à la négociation comme le prétend Cegetel Entreprises, elle a accepté de raccorder le réseau de cette entreprise et d'acheminer les numéros géographiques qu'elle demandait pour exercer son activité, et ceci même en l'absence d'un cadre juridique contractuel,
− en quatrième lieu, France Télécom souhaite établir que, contrairement à ce qu'affirme Cegetel Entreprises, la tarification que cette dernière demande pour la terminaison d'appel se situe à un niveau inefficace eu égard à l'intérêt des consommateurs.
− en cinquième lieu, France Télécom tente de démontrer que le tarif de terminaison d'appel demandé par Cegetel Entreprises va créer une situation d'asymétrie concurrentielle sur le marché du raccordement des ISP au profit de celle−ci et exercer une très forte pression sur la hausse des tarifs de détail de France Télécom concernant l'accès à internet par des numéros géographiques.
France Télécom propose ensuite à l'Autorité de retenir une définition de la notion de charges excessives s'appuyant sur des critères objectifs, et non discriminatoires conformément aux principes de toute offre d'interconnexion en vertu de l'article D.99−10 du code des postes et télécommunications. Elle conteste la définition donnée par Cegetel Entreprises, et souhaite en démontrer le caractère aberrant. Elle revient en particulier sur les éléments de théorie économique présentés par Cegetel Entreprises dans ses observations enregistrées le 22 mars 1999.
France Télécom tente de démontrer que la seule tarification acceptable pour une saine économie de marché est celle qui est fondée sur le principe de la symétrie tarifaire. Elle estime enfin que Cegetel Entreprises répond de façon générale et théorique, sans justification économique de ses tarifs, alors que la position de France Télécom s'appuie sur des données concrètes et des arguments chiffrés.
Dans sa réponse au questionnaire enregistrée le 28 avril 1999, Cegetel Entreprises indique que dans la mesure où la procédure implique que l'intégralité de sa réponse est transmise à France Télécom, elle se refuse à fournir tout élément de coût sur son réseau, ces éléments relevant du secret des affaires.
Cegetel Entreprises indique que, pour répondre à la demande exprimée par France Télécom dans son mémoire en réponse, elle propose de distinguer la rémunération des appels entrant sur son réseau pour le trafic internet de la rémunération des autres appels entrants. Cegetel Entreprises propose d'appliquer à ce trafic internet un tarif de terminaison de [........................ ]centimes par minute, […] sans gradient horaire et sans partie fixe, facturé à la seconde et stable à partir de l'année 1999. Les conditions techniques proposées par Cegetel Entreprises sont inchangées. Toutefois, cette offre de tarifs d'interconnexion différenciés est soumise à la condition de l'acceptation par France Télécom d'un engagement à appliquer aux appels à destination de l'ensemble des numéros géographiques de Cegetel Entreprises la même tarification de détail qu'aux numéros de France Télécom, y compris toute option tarifaire existante ou à venir permettant au consommateur final de réduire sa facture, notamment dans le cas de l'accès à internet (des exemples de ces options sont: forfait local, primaliste internet, temporalis, etc.).
En conséquence, Cegetel Entreprises demande que l'Autorité impose que la convention qui sera signée en application de sa décision intègre cette condition expresse et précise qu'en cas de non−respect de ladite condition par France Télécom, Cegetel Entreprises sera autorisée à appliquer le tarif d'interconnexion de base pour les terminaisons d'appels sur son réseau, y compris pour le trafic internet et ce, dès la date à partir de laquelle France Télécom ferait entrer en vigueur toute option tarifaire ne respectant pas la condition susvisée.
Pour le reste du trafic entrant, (et également pour le trafic internet si France Télécom refuse l'engagement demandé en contrepartie de l'application du tarif différencié), Cegetel Entreprises souhaite réaffirmer son droit à la demande formulée dans sa saisine du 25 janvier 1999.
Cegetel Entreprises souhaite également rappeler le caractère raisonnable de sa demande, compte tenu de la situation du marché français à l'heure actuelle d'ouverture à la concurrence. En effet, le tarif proposé par Cegetel Entreprises est très proche des solutions retenues dans la plupart des pays pour la période d'émergence de la concurrence. En l'espèce, elle serait d'autant plus justifiée qu'il existe en France des barrières à l'entrée sur le marché des boucles locales encore plus importantes que dans les autres pays:
−la France n'offre pas à l'heure actuelle la possibilité d'un investissement progressif, France Télécom n'ayant pas accepté la solution du dégroupage,
− les nouveaux entrants doivent participer au financement du service universel de France Télécom alors que la plupart des pays n'ont pas retenu cette solution.
Cegetel Entreprises cherche enfin à souligner que la proposition de France Télécom ne correspond nullement à la notion de symétrie tarifaire ou de réciprocité retenue par l'Oftel après 6 ans de concurrence. En effet, France Télécom ne propose pas que la tarification des appels entrants qui lui soit appliquée corresponde à la combinaison tarifaire appliquée à l'opérateur en question pour son trafic sortant (combinaison entre les tarifs de simple transit et intra−CAA dont l'opérateur en question bénéficie pour ses appels sortants).
Selon Cegetel Entreprises, France Télécom demande l'application à son seul bénéfice d'un tarif intra−CAA pour les appels entrants. Cette solution aboutirait à une situation aberrante. France Télécom payerait moins pour les appels entrants que les nouveaux opérateurs pour les appels sortants alors même que la réglementation de l'interconnexion prévoit explicitement des contraintes supplémentaires pour les opérateurs puissants.
Cegetel Entreprises estime ainsi que la solution proposée par France Télécom conduirait à orienter les tarifs des nouveaux entrants vers les coûts de France Télécom, alors que les coûts correspondant sont structurellement, pour les nouveaux entrants en période d'émergence de la concurrence largement supérieurs aux coûts d'un opérateur historique. La proposition de France Télécom conduirait en fait à imposer aux nouveaux entrants des contraintes plus lourdes que celles imposées, dans un souci d'asymétrie pro−concurrentielle, aux seuls opérateurs puissants.
Cegetel Entreprises estime enfin que l'application d'un schéma où sa charge de terminaison est fixée comme étant le résultat d'une pondération entre le tarif simple transit et le tarif intra−CAA de France Télécom, la pondération étant prise égale à la proportion de l'utilisation de ces deux services dans le trafic sortant du réseau de Cegetel Entreprises, lui paraît raisonnable.
Dans sa réponse au questionnaire de l'Autorité enregistrée le 29 avril 1999, France Télécom reprend et détaille les arguments invoqués et débattus dans les observations précédentes.
France Télécom estime en particulier que tout écart par rapport à l'orientation vers les coûts pour les tarifs de terminaison risque d'avoir des répercussions négatives sur la concurrence pour les clients finaux.
Dans ses nouvelles observations en défense, enregistrées le 20 mai 1999, France Télécom estime que les propositions de Cegetel Entreprises relatives à Internet ne sont pas acceptables. Selon France Télécom, le montant demandé par Cegetel Entreprises consiste à intégrer dans la terminaison d'appel pour un numéro géographique une part reversée à l'appelé, à savoir le fournisseur d'accès à Internet. Cette demande ne serait pas conforme réglementairement aux règles de l'interconnexion qui s'appliquent à tous les opérateurs :
− à l'examen des règles de gestion du plan national de numérotation et compte tenu de l'existence dans le plan national de numérotation d'une tranche identifiée comme étant destinée au trafic Internet. L'utilisation préférentielle des numéros géographiques serait celle de la téléphonie vocale
− "la notion d'interconnexion telle qu'elle est définie actuellement tant dans ses notions techniques que tarifaires ne s'applique qu'aux réseaux ouverts au public, ce qui induirait par conséquent une tarification qui ne s'applique qu'à eux."
France Télécom estime que le niveau de terminaison d'appel et les conditions exigées par Cegetel Entreprises font subir à France Télécom des pertes financières importantes.
France Télécom complète certaines de ses réponses au questionnaire de l'Autorité et commente certaines des réponses apportées par Cegetel Entreprises.
Dans ses nouvelles observations, enregistrées le 20 mai 1999, Cegetel Entreprises commente les réponses que France Télécom a apportées au questionnaire de l'Autorité.
Cegetel Entreprises estime que la position de France Télécom atteste clairement sa volonté d'empêcher l'émergence d'une concurrence sur le marché de la boucle locale et de pénaliser le développement de l'Internet en cherchant à minimiser les revenus tirés des communications par les autres opérateurs. Cegetel Entreprises remet en cause les méthodes de fixation de tarif proposées par France Télécom.
Dans ses nouvelles observations, enregistrées le 10 juin 1999, Cegetel Entreprises expose les éléments de coûts qu'elle supporte pour le trafic entrant sur son réseau, en retenant plusieurs hypothèses quant au volume de trafic ([…] milliards de minutes). Elle évalue ses coûts complets entre […] centimes et […] centimes suivant les hypothèses retenues. Elle reprend également les remarques formulées par M. Beckers lors de l'audience devant le Collège du 9 juin 1999.
Dans ses nouvelles observations, enregistrées le 14 juin 1999, France Télécom commente les éléments de coûts transmis par Cegetel Entreprises. Au vu des informations fournis, France Télécom estime les coûts de Cegetel Entreprises pour la terminaison d'appels par numéros géographiques vers un ISP au maximum à [ … ]centimes. Elle reprend également les arguments qu'elle a développés lors de l'audience devant le Collège du 9 juin 1999.
III− Exposé des motifs
1. Sur les points d'interconnexion au réseau de Cegetel Entreprises
Cegetel Entreprises propose de garantir la présence d'au moins un point d'interconnexion dans chacune des zones de transit définies dans le catalogue d'interconnexion de France Télécom et de prévoir que tout point d'interconnexion utilisé pour les appels sortants est ouvert à l'interconnexion entrante.
L'Autorité constate que France Télécom n'a pas émis d'objection à l'encontre de cette demande dans les différentes observations qu'elle a produites au cours de la procédure.
L'Autorité en déduit que la proposition faite par Cegetel Entreprises dans le cadre de la saisine apparaît raisonnable à France Télécom et permet de résoudre le différend qui opposait les parties sur ce point.
L'Autorité décide en conséquence que :
− l'offre de Cegetel Entreprises comporte au moins un point d'interconnexion dans chacune des zones de transit (ZT) définies dans le catalogue d'interconnexion de France Télécom.
− Cegetel Entreprises doit également ouvrir à l'interconnexion pour le trafic entrant dans son réseau tout point d'interconnexion utilisé pour les appels sortants du réseau de Cegetel Entreprises.
2. Sur la modulation horaire des offres de Cegetel Entreprises
L'Autorité constate que :
− Cegetel Entreprises demande que le tarif fixé par la présente décision ne présente ni partie fixe relative aux blocs primaires numériques (BPN) de raccordement, ni modulation horaire.
−France Télécom n'a pas contesté l'absence de partie fixe au BPN dans le tarif de Cegetel Entreprises, mais demande par contre qu'une modulation horaire similaire à celle existant pour ses propres tarifs d'interconnexion soit retenue.
L'Autorité estime qu'une éventuelle modulation horaire des tarifs d'interconnexion de Cegetel Entreprises devrait s'inspirer des dispositions de l'article D.99-17 du code des postes et télécommunications qui prévoit que les tarifs d'interconnexion d'un opérateur exerçant une influence significative sur le marché peuvent faire l'objet d'une modulation horaire “ pour tenir compte de la congestion des capacités de transmission et de commutation de son réseau général ”. Or, la modulation horaire des tarifs d'interconnexion de France Télécom calculée à partir de ses tarifs de détail n'est pas représentative du taux d'utilisation du réseau de Cegetel Entreprises . Par ailleurs, Cegetel Entreprises a indiqué dans ses observations enregistrées le 28 avril 1999 ne disposer aujourd'hui ni d'une vision claire de la courbe de répartition horaire du trafic entrant sur son réseau, ni d'une analyse précise des inducteurs de coûts sous−jacents.
Plus généralement, il ne semble pas souhaitable que l'offre d'interconnexion d'autres opérateurs soit liée à la structure des tarifs de France Télécom, qui dépend de décisions propres de cet opérateur.
L'ensemble de ces raisons conduit l'Autorité à décider que Cegetel Entreprises peut jusqu'à fin 2000 proposer des tarifs d'interconnexion sans modulation horaire. 3−Sur l'utilisation des numéros géographiques pour fournir un service d'accès à Internet et la nécessité d'un tarif d'interconnexion différencié pour les appels à destination d'Internet
Il existe aujourd'hui des fournisseurs de service Internet (ISP) accessibles par des numéros géographiques, dont certains attribués à France Télécom. Cette situation peut être amenée à évoluer notamment à la suite de l'appel à commentaires lancé par l'Autorité sur l'accès commuté à Internet qui mentionne en particulier l'opportunité et les conditions d'une migration des services d'accès Internet utilisant des numéros géographiques. L'Autorité constate néanmoins que, s'il est vrai que l'utilisation préférentielle des numéros géographiques est la fourniture du service téléphonique au public, aucun texte du cadre législatif ou réglementaire actuel ne limite le type de services auxquels il est possible d'accéder par ces numéros.
L'Autorité ne peut donc ici retenir la demande de France Télécom tendant à interdire aujourd'hui l'utilisation des numéros géographiques pour le raccordement de fournisseurs de service Internet (ISP). Elle rappelle toutefois que les règles de gestion du plan national de numérotation approuvées par la décision n°98−75 en date du 3 février 1998 modifiée prévoit que “ tous les numéros géographiques comportant le même ZABPQ doivent être implantés dans une même zone géographique appelée Zone de Numérotation Élémentaire (ZNE) ”. Elle rappelle également qu'elle a, par sa décision n°98−1046 en date du 23 décembre 1998 modifiée relative à l'évolution du plan de numérotation pour les numéros non géographiques de la forme 08 AB PQ MC DU, ouvert la tranche de numéros ZAB =860 pour les services d'accès à Internet, auxquels Cegetel Entreprises peut recourir si elle le souhaite.
Par ailleurs, l'Autorité estime que l'interconnexion pour le trafic à destination d'Internet utilisant des numéros géographiques doit être traitée de façon différenciée, notamment en termes tarifaires, de celle pour le trafic téléphonique hors accès à Internet, dénommé ci−après trafic téléphonique classique. Elle note d'ailleurs que Cegetel Entreprises propose dans sa réponse au questionnaire de l'Autorité enregistrée le 28 avril 1999 une telle distinction.
En effet, la prestation fournie par l'opérateur d'arrivée est différente selon qu'il s'agit de trafic à destination d'Internet ou de trafic téléphonique classique :
− le trafic généré par un ISP est constitué uniquement de trafic entrant sur le réseau de l'opérateur auquel il est raccordé alors qu'un client classique crée des flux de trafic entrant et sortant ;
− de forts volumes de trafic entrant sont concentrés vers le site du ISP et permettent ainsi une meilleure utilisation du réseau, notamment dans sa partie terminale ;
− contrairement au cas général où l'opérateur doit déployer un réseau d'accès pour connecter le site de chaque client, il ne lui est pas nécessaire de déployer un tel réseau pour raccorder un ISP, celui−ci pouvant être hébergé dans les locaux mêmes de l'opérateur ou à proximité de ceux−ci ;
− le transport entre le point auquel France Télécom délivre le trafic à l'opérateur d'arrivée et le point de présence de l'ISP pourra être assuré en technologie IP.
L'Autorité décide donc que l'offre de Cegetel Entreprises doit présenter deux volets, l'un pour le trafic à destination d'internet, et l'autre pour le reste du trafic.
4. Sur le niveau du tarif d'interconnexion de Cegetel Entreprises, hors trafic d'accès à Internet
L'Autorité note que la principale disposition du code des postes et télécommunications applicable aujourd'hui au tarif d'interconnexion demandé par Cegetel Entreprises résulte de l'article D.99−10 de ce code : les conditions tarifaires proposées par Cegetel Entreprises "ne doivent pas conduire à imposer indûment aux opérateurs utilisant l'interconnexion des charges excessives".
Elle note en particulier que le principe de l'orientation des tarifs d'interconnexion vers les coûts n'est pas applicable aujourd'hui aux tarifs d'interconnexion de Cegetel Entreprises dans la mesure où Cegetel Entreprises n'est pas inscrite sur la liste, prévue au 7° de l'article L. 36−7 du code des postes et télécommunications, des opérateurs exerçant une influence significative sur le marché.
Dans ce contexte, l'Autorité considère que l'analyse des tarifs d'interconnexion de Cegetel Entreprises doit s'effectuer au regard de leur impact sur l'équilibre concurrentiel du marché des télécommunications. En effet, Cegetel Entreprises n'a aucune incitation à diminuer son tarif d'interconnexion, dans la mesure où ce montant est payé par les clients de ses concurrents. Elle pourrait même, en tant opérateur raccordant des clients, avoir intérêt à fixer un tarif élevé, pour augmenter les coûts de ses concurrents, puisque ceux−ci sont dans l'obligation d'utiliser le service de terminaison de l'opérateur. Dans le même esprit, France Télécom a également avancé qu'un tarif d'interconnexion trop élevé assurerait à l'opérateur un revenu qui lui permettrait de subventionner la conquête de nouveaux clients, au détriment de ses concurrents. France Télécom estime enfin qu'un tarif de terminaison trop élevé pourrait être jugé excessif, en ce qu'il la conduirait le cas échéant à augmenter ses tarifs de détail.
Ainsi, le tarif d'interconnexion de Cegetel Entreprises a un impact sur la politique tarifaire des opérateurs présents sur le marché et sur la concurrence à laquelle ils pourront se livrer avec Cegetel Entreprises sur le marché de détail. Partant de cette analyse, il paraît ainsi nécessaire de définir une méthode pour encadrer les tarifs d'interconnexion de Cegetel Entreprises qui soit conforme aux dispositions précitées de l'article D.99−10 et qui permette d'écarter les risques de distorsion concurrentielle liée au fait qu'un opérateur souhaitant acheminer un appel vers un abonné est dans l'obligation d'utiliser l'offre de terminaison de l'opérateur de raccordement que cet abonné a choisi.
France Télécom a présenté deux méthodes d'évaluation des tarifs d'interconnexion de Cegetel Entreprises dans ses observations enregistrées le 23 février 1999:
− la première consiste à déterminer le tarif de terminaison d'appel sur le réseau de l'opérateur de boucle locale alternatif en appliquant les facteurs de routage de cet opérateur aux coûts des éléments de réseau de France Télécom. France Télécom estime en particulier qu'une telle méthode "permet d'inciter France Télécom à aligner ses décisions d'interconnexion sur le compromis optimal entre l'utilisation de sa propre infrastructure et celle d'une infrastructure alternative". L'Autorité doute de la réalité de cette incitation, dans la mesure où les opérateurs nouveaux entrants n'ont la plupart du temps qu'un seul niveau de commutation dans leur réseau, et où la question du compromis optimal entre l'utilisation de sa propre infrastructure et celle de l'opérateur alternatif ne se pose pas vraiment. L'Autorité note par ailleurs que la mise en œuvre de cette solution repose sur la connaissance des facteurs de routage de Cegetel Entreprises et des coûts des éléments de réseau de France Télécom, données que les parties considèrent dans les réponses au questionnaire de l'Autorité comme faisant partie du secret des affaires et qu'elles n'ont pas souhaité communiquer à l'Autorité. La mise en œuvre d'un tel schéma parait donc difficilement réalisable.
− la deuxième consiste à calquer ce tarif de terminaison d'appel sur le tarif qui aurait prévalu si la terminaison d'appel s'était effectuée sur le réseau de l'opérateur historique − donc sur les coûts encourus lors d'une terminaison d'appel par ce dernier. L'Autorité reproche à cette solution de reposer sur une connaissance fine des acheminements dans le réseau de France Télécom, et sur des éléments trop précis relatifs au déploiement du réseau d'un opérateur alternatif ou au nombre de ses abonnés, pour en déduire les coûts que France Télécom aurait encourus pour déployer un réseau permettant d'offrir une prestation équivalente. L'Autorité estime que cette solution théorique n'est pas en pratique applicable au cas d'espèce. L'Autorité estime de plus que cette solution ne prend pas en compte la réalité du réseau de Cegetel Entreprises, et le caractère évolutif de son déploiement.
Pour ces différentes raisons, l'Autorité reconnaît fondés les arguments de Cegetel Entreprises visant à écarter les propositions de France Télécom relatives à un tarif d'interconnexion de [... ] centimes par minute en 1999 avec des modulations horaires similaires à celles de France Télécom.
Les échanges entre les parties sur le niveau du tarif d'interconnexion de Cegetel Entreprises relatif au trafic téléphonique conduisent l'Autorité, à partir de la proposition initiale de France Télécom relative à la symétrie tarifaire, à retenir une méthode, qui répond aux arguments avancés par France Télécom, tout en conduisant à une solution que Cegetel Entreprises estime raisonnable dans sa réponse au questionnaire de l'Autorité enregistrée le 28 avril 1999. En effet, si les opérateurs supportent, pour terminer les appels sur la zone considérée, des tarifs d'interconnexion équivalents, les risques de distorsion de concurrence sont limités. Une telle approche conduit à situer le tarif d'interconnexion de Cegetel Entreprises entre le tarif intra commutateur d'abonné de France Télécom, palier le plus bas auquel les abonnés de France Télécom sont accessibles, et le tarif simple transit, palier permettant d'atteindre tous les abonnés de la zone de transit.
L'Autorité estime qu'une telle solution, appliquée à la demande de Cegetel Entreprises, permet de ne pas faire peser sur France Télécom des charges excessives, en évitant de surcroît que le tarif d'interconnexion d'un opérateur entrant comme Cegetel Entreprises soit disproportionné par rapport à la réalité du marché en le fixant en référence à des niveaux tarifaires existants sur le marché. Elle note qu'une telle approche a été retenue au Royaume−Uni et que la question des rémunérations des nouveaux opérateurs pour les appels entrant sur leur réseau fait actuellement l'objet de discussions et de débats, voire de recours, dans différents pays de l'Union européenne.
Elle retient une solution consistant à déterminer le tarif d'interconnexion de Cegetel Entreprises en pondérant les tarifs simple transit et intra−CAA du catalogue de France Télécom par des coefficients égaux aux pourcentages correspondant à l'utilisation que Cegetel Entreprises fait de ces services pour le trafic sortant de son réseau vers celui de France Télécom pour joindre les abonnés de la zone de transit considérée. L'Autorité souligne le caractère transitoire de cette méthode, qui correspond à une phase d'ouverture du marché à la concurrence et de l'entrée des opérateurs tiers, elle ne serait pas appropriée pour fixer le tarif d'interconnexion de Cegetel Entreprises sur le long terme pour les deux motifs suivants:
− cette méthode tend en effet, si les deux opérateurs ont des volumes de trafic échangé équilibrés, à égaliser les reversements qu'ils se font. Une telle situation pourrait supprimer l'intérêt que Cegetel Entreprises aurait à s'interconnecter aux CAA de France Télécom pour le trafic sortant afin d'optimiser l'architecture d'interconnexion. Cet inconvénient pourrait être contourné en utilisant des coefficients de pondération fixés selon des données du marché exogènes à la relation entre France Télécom et Cegetel Entreprises, telles que les pourcentages d'utilisation des services calculés sur l'ensemble des opérateurs de boucle locale. Une telle amélioration qui supposerait le cas échéant une adaptation continue des tarifs d'interconnexion semble toutefois difficile à mettre en œuvre.
− les tarifs d'interconnexion des nouveaux entrants ont vocation, progressivement et à moyen terme, à s'orienter vers leurs coûts en fonction de leur développement et de celui du marché.
A court terme, l'Autorité considère que ces différents éléments ne sont pas de nature à remettre en cause la solution retenue. Les données fournies par France Télécom dans sa réponse au questionnaire de l'Autorité montrent que les volumes de trafic entre France Télécom et Cegetel Entreprises sont aujourd'hui fortement déséquilibrés,[. ] . Par ailleurs, la fixation d'un pourcentage de façon exogène, prenant en compte l'utilisation des services de France Télécom par l'ensemble des opérateurs de boucle locale alternatifs conduirait à un résultat équivalent dans la mesure où ces opérateurs sont aujourd'hui principalement interconnectés au niveau des points de raccordement opérateurs (PRO) de France Télécom.
L'Autorité retient donc la méthode précédemment décrite. [.... ], ce qui conduit, en retenant une utilisation de l'interconnexion correspondant à une part de trafic écoulée aux heures de tarif normal de 60% et à un taux d'utilisation des BPN de 2,4 millions de minutes par an, représentatifs de l'utilisation du réseau de France Télécom pour l'année 1999, à un tarif de 10,22 centimes par minute sans modulation horaire et sans partie fixe.
Elle note que France Télécom n'a pas apporté d'éléments permettant d'estimer qu'un tel tarif, ni même celui demandé par Cegetel Entreprises de [... ]centimes la minute sur l'ensemble de la période précédant le 1er janvier 2000, impose à France Télécom des charges excessives. Elle note également que ce niveau de tarif, proche de la demande initiale de Cegetel Entreprises, a été jugé acceptable par cet opérateur dans sa réponse au questionnaire enregistrée le 28 avril 1999.
Pour l'année 1998, un calcul similaire retenant les hypothèses utilisées pour évaluer les tarifs du catalogue de France Télécom 1998 (part de trafic écoulée aux heures de tarif normal de 65% et taux d'utilisation des BPN de 1,8 millions de minutes par an, , représentatifs de l'utilisation du réseau de France Télécom pour l'année 1998) conduit à un tarif de 12,78 centimes par minute.
L'Autorité décide donc que :
- Le tarif d'interconnexion relatif au trafic téléphonique, hors accès à Internet, à destination des numéros géographiques de Cegetel Entreprises dans la zone de transit du point d'interconnexion considéré, valable pour l'année en cours, est déterminé en pondérant les tarifs simple transit et intra−CAA du catalogue de l'année en cours de France Télécom par des coefficients égaux aux pourcentages correspondant à l'utilisation que Cegetel Entreprises fait de ces services pour le trafic sortant de son réseau vers celui de France Télécom pour joindre les abonnés de cette même zone.
- Jusqu'au 31 décembre 1998, le tarif d'interconnexion relatif au trafic téléphonique, hors accès à Internet, à destination des numéros géographiques de Cegetel Entreprises dans la zone de transit du point d'interconnexion considéré est fixé à 12, 78 centimes par minute, sans partie fixe ni modulation horaire.
- Pour l'année 1999, le tarif d'interconnexion relatif au trafic téléphonique, hors accès à Internet, à destination des numéros géographiques de Cegetel Entreprises dans la zone de transit du point d'interconnexion considéré est fixé à 10,22 centimes par minute, sans partie fixe ni modulation horaire.
- Pour l'année 2000, le tarif d'interconnexion relatif au trafic téléphonique, hors accès à Internet, à destination des numéros géographiques de Cegetel Entreprises dans la zone de transit du point d'interconnexion considéré sera calculé en utilisant la formule définie ci−dessus, en fonction de l'évolution de l'interconnexion de Cegetel Entreprises pour le trafic sortant et de l'évolution des tarifs d'interconnexion de France Télécom applicables à l'année 2000.
5−Sur la charge de terminaison d'appel pour le trafic à destination d'Internet
L'Autorité estime que la méthode exposée précédemment ne peut s'appliquer aujourd'hui au cas du trafic vers Internet, en raison notamment de la nature asymétrique de ce trafic.
Par ailleurs, d'après la réponse de Cegetel Entreprises au questionnaire de l'Autorité enregistrées le 28 avril 1999, le trafic à destination d'Internet entrant dans son réseau devrait être exclusivement constitué de trafic intra Zone Locale Elargie, ce qui constitue une particularité par rapport au cas d'un client classique qui génère également du trafic entrant longue distance. L'Autorité note à cet égard que Cegetel Entreprises demande à ce que le tarif local de France Télécom avec les options tarifaires pertinentes, telles que Primaliste Internet et Ecoplan Local, s'appliquent aux appels à destination de ses numéros géographiques permettant d'accéder à Internet. France Télécom soutient, dans ses commentaires aux réponses de Cegetel Entreprises enregistrés le 20 mai 1999, que cette demande de Cegetel Entreprises lui ferait perdre [... ] centimes par minute .
Dans la mesure où Cegetel Entreprises peut demander à appliquer à ses numéros géographiques servant à raccorder des ISP l'ensemble des options tarifaires pertinentes offertes par France Télécom à ses abonnés pour accéder à Internet, l'Autorité considère que les reversements à Cegetel Entreprises de France Télécom ne doivent pas conduire cette dernière à subir des pertes sur ces appels, c'est à dire que la charge d'interconnexion versée à Cegetel Entreprises doit être, en moyenne, au plus égale à la différence entre la recette collectée par France Télécom auprès du client pour les appels à destination d'Internet et les coûts qu'elle supporte. Dans le cas contraire, Cegetel Entreprises ferait supporter des charges excessives à France Télécom, au sens de l'article D. 99−10 du code des postes et télécommunications.
France Télécom a indiqué, dans ses observations enregistrées le 14 juin 1999 que la recette moyenne de France Télécom pour le trafic à destination à Internet était en décroissance, inférieure à 15 centimes la minute et non de 15, 5 centimes tels qu'évalués par l' Autorité dans sa convocation en date du 7 juin 1999. Elle soutient, par ailleurs, dans ses commentaires aux réponses de Cegetel Entreprises enregistrés le 20 mai 1999,
que ses coûts complets seraient, avec les hypothèses de répartition de trafic de Cegetel Entreprises pour un abonné résidentiel− [.] % heures pleines et […] % heures creuses, de l'ordre de 15 centimes la minute.
L'Autorité, quant à elle, évalue les coûts supportés par France Télécom, en se replaçant dans l'ensemble du marché, à 11,05 centimes par minute. Cette valeur, tenant compte des coûts d'acheminement dans le réseau, des coûts commerciaux, des coûts dus aux liaisons d'interconnexion et de la rémunération additionnelle de service universel est déterminée de la façon suivante :
− les coûts d'acheminement de France Télécom dans son réseau sont pris égaux à une moyenne pondérée du prix de la minute intra CAA et de celui du simple transit du catalogue d'interconnexion de France Télécom dont sont déduits les coûts spécifiques de l'interconnexion. Les hypothèses retenues par l'Autorité sont un remplissage des Blocs Primaires Numériques (BPN) de 2,4 millions de minutes par an et un trafic réparti en 20% intra −CAA et 80% simple transit, et 46% heures pleines et 54% heures creuses . Cette répartition du trafic correspond, d'après les valeurs fournies en réponse au questionnaire de l'Autorité de par Cegetel Entreprises, à un revenu moyen de 15 centimes la minute.
− les coûts des liaisons d'interconnexion sont, quant à eux, évalués à 1 centime la minute conformément aux propres hypothèses de France Télécom.
− les coûts commerciaux sont évalués sur la base du niveau du surcoût “ services spéciaux ” du catalogue d'interconnexion de France Télécom et des coûts spécifiques de l'interconnexion.
Dès lors, les reversements par France Télécom à Cegetel Entreprises ne doivent pas excéder 3,95 centimes par minute, différence entre les évaluations précédentes de la recette moyenne et des coûts de France Télécom. La valeur de[.... ]demandée par Cegetel Entreprises ne peut donc être retenue.
Par ailleurs, l'Autorité évalue, au vu des éléments d'information fournis par Cegetel Entreprises dans son mémoire en duplique enregistré le 10 juin 1999, les coûts de Cegetel Entreprises entre […] et […] centimes par minute suivant les hypothèses de trafic retenues (de […] à […] milliards de minutes)
Les écarts avec les valeurs obtenues par Cegetel Entreprises s'expliquent par différents facteurs.
Tout d'abord, l'Autorité estime qu'un certain nombre de coûts pris en compte par Cegetel Entreprises ne sont pas pertinents au regard de la prestation fournie pour le trafic à destination d'Internet. Il s'agit en particulier des coûts:
− des boucles locales d'entreprises : dans la mesure où Cegetel prévoit qu'une proportion significative du trafic sera du trafic à destination d'Internet, il paraît plus efficace d'héberger les équipements des ISP à proximité des commutateurs afin d'assurer un acheminement minimal sur les réseaux commutés.
−[...].
− d'une partie des coûts liés aux modems et au transport de données qui relève de prestations fournies par Cegetel Entreprises aux ISP. L'Autorité souligne que la charge de terminaison d'appel versée par France Télécom à Cegetel Entreprises n'a pas vocation, dans la mesure où le prix payé par le client final correspond au tarif local de France Télécom avec application des options tarifaires pertinentes, à garantir à Cegetel Entreprises un revenu qui lui permettrait de couvrir l'ensemble des coûts mentionnés ci−dessus. De même, elle n'a pas à prendre en compte d'éventuels reversements de Cegetel Entreprises aux ISP qu'elle raccorde même si Cegetel Entreprises conserve la liberté de leur reverser, si elle souhaite, une partie des recettes qu'elle perçoit.
Par ailleurs, l'Autorité a retenu un taux de rémunération du capital identique à celui fixé par sa décision n° 98−684 en date du 23 septembre 1998 pour évaluer les tarifs d'interconnexion de France Télécom pour l'année 1999.
Enfin, l'Autorité note que Cegetel Entreprises a indiqué, dans ses réponses au questionnaire de l'Autorité enregistrées le 28 avril 1998, qu'elle conserverait [ ... ]centimes par minute, si elle s'interconnectait au réseau de France Télécom en mode indirect au niveau des CAA.
Tenant compte de ces différents éléments, l'Autorité considère qu'une rémunération de 3,8 centimes par minute constitue une valeur équitable. En particulier, l'Autorité pense que, compte tenu des perspectives de croissance du trafic à Internet, les coûts de Cegetel Entreprises tels qu'évalués ci−dessus seront inférieurs à cette valeur.
L'Autorité note que France Télécom a proposé que le tarif défini par la présente décision ne s'applique qu'en 1999. Elle estime toutefois, conformément à la demande de Cegetel Entreprises, que ce tarif doit être stable dans le cadre temporel de la présente décision, et que la valeur retenue doit ainsi s'appliquer pour l'an 2000 afin de donner à Cegetel Entreprises et à France Télécom la visibilité suffisante. Elle souligne en particulier que la valeur ainsi déterminée ne dépend pas de l'évolution des tarifs de détail de France Télécom et que les appels à destination des numéros géographiques de Cegetel Entreprises ont vocation à bénéficier de l'ensemble des options tarifaires pertinentes que France Télécom pourrait introduire. En effet, France Télécom dispose par la présente décision de la visibilité suffisante sur les coûts d'interconnexion avec Cegetel Entreprises, et il lui appartient d'intégrer cette contrainte lors de l'élaboration de ses tarifs de détail.
En conséquence, l'Autorité décide que jusqu'au 31 décembre 2000, le tarif d'interconnexion relatif au trafic d'accès à Internet, à destination des numéros géographiques de Cegetel Entreprises dans la zone de transit du point d'interconnexion considéré est fixé à 3,8 centimes par minutes, sans partie fixe et sans modulation horaire.
IV− −Sur la mise en œuvre et la durée d'application de la présente décision
Les parties mettront la convention d'interconnexion qu'elles ont conclue en conformité avec la présente décision dans un délai de quatre semaines à compter de sa notification.
Les parties pourront renégocier les modalités d'interconnexion définies par la présente décision pour la période postérieure au 31 décembre 2000 .
Décide :
Article 1er : L'offre d'interconnexion de Cegetel Entreprises comporte au moins un point d'interconnexion dans chacune des zones de transit définies dans le catalogue d'interconnexion de France Télécom. Au surplus, Cegetel Entreprises ouvre à l'interconnexion pour le trafic entrant sur son réseau tout point d'interconnexion utilisé pour les appels sortants de son réseau.
Article 2 : Le tarif d'interconnexion relatif au trafic téléphonique, hors accès à Internet, à destination des numéros géographiques de Cegetel Entreprises dans la zone de transit du point d'interconnexion considéré, valable pour l'année en cours, est déterminé en pondérant les tarifs simple transit et intra−CAA du catalogue de France Télécom de l'année en cours par des coefficients égaux aux pourcentages correspondant à l'utilisation que Cegetel Entreprises fait de ces services pour le trafic sortant de son réseau vers celui de France Télécom pour joindre les abonnés de la zone de transit considérée.
Article 3 : Jusqu'au 31 décembre 1998, le tarif d'interconnexion relatif au trafic téléphonique, hors accès à Internet, à destination des numéros géographiques de Cegetel Entreprises dans la zone de transit du point d'interconnexion considéré est fixé à 12,78 centimes par minute, sans partie fixe ni modulation horaire.
Article 4 : Pour l'année 1999, le tarif d'interconnexion relatif au trafic téléphonique, hors accès à Internet, à destination des numéros géographiques de Cegetel Entreprises dans la zone de transit du point d'interconnexion considéré est fixé à 10,22 centimes par minute, sans partie fixe ni modulation horaire.
Article 5 : Pour l'année 2000, le tarif d'interconnexion relatif au trafic téléphonique, hors accès à Internet, à destination des numéros géographiques de Cegetel Entreprises dans la zone de transit du point d'interconnexion considéré sera calculé en utilisant la formule définie à l'article 2, en fonction de l'évolution de l'interconnexion de Cegetel Entreprises pour le trafic sortant et de l'évolution des tarifs d'interconnexion de France Télécom applicables à l'année 2000.
Article 6 : Les conclusions de France Télécom tendant à interdire que les fournisseurs d'accès à internet raccordés au réseau de Cegetel Entreprises soient accessibles au départ du réseau de France Télécom par des numéros géographiques sont rejetées. Les numéros géographiques de Cegetel Entreprises, auxquels s'appliquent l'ensemble des options tarifaires pertinentes de France Télécom, peuvent être utilisés pour raccorder des fournisseurs d'accès à internet.
Article 7 : Jusqu'au 31 décembre 2000, le tarif d'interconnexion relatif au trafic d'accès à Internet, à destination des numéros géographiques de Cegetel Entreprises dans la zone de transit du point d'interconnexion considéré est fixé à 3,8 centimes par minutes, sans partie fixe et sans modulation horaire.
Article 8 : Le surplus des conclusions présentées par Cegetel Entreprises et le surplus des conclusions présentées par France Télécom sont rejetés.
Article 9 : Les parties mettront la convention d'interconnexion qu'elles ont conclue en conformité avec la présente décision dans un délai de quatre semaines à compter de sa notification.
Article 10 : Les parties pourront renégocier les modalités d'interconnexion définies aux articles précédents pour la période postérieure au 31 décembre 2000.
Article 11 : Le directeur général de l'Autorité est chargé de l'exécution de la présente décision qui sera notifiée à France Télécom et à Cegetel Entreprises et rendue publique, sous réserve des secrets protégés par la loi.