Cass. 2e civ., 8 décembre 2022, n° 20-20.233
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pireyre
Avocats :
SCP Ghestin, SARL Cabinet Rousseau et Tapie
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 7 juillet 2020), par ordonnance de référé en date du 8 juin 1993, M. [N] a été condamné, en sa qualité de caution solidaire de la société JP Dara, placée en liquidation judiciaire par jugement du 17 mai 1993, à payer une certaine somme à la société Finatrans (la société), laquelle a fait pratiquer une saisie-attribution sur le fondement de cette décision.
2. M. [N] a saisi un juge de l'exécution d'une contestation.
Examen des moyens
Sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. M. [N] fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 15 mars 2019 à la requête de la société entre les mains de la Banque populaire, agence d'[Localité 3], alors « que le juge de l'exécution a compétence exclusive pour connaître des contestations élevées à l'occasion de l'exécution forcée et ce même si elles portent sur le fond du droit, telle l'extinction de la créance postérieurement au titre exécutoire qui l'a constatée ; qu'à l'appui de sa décision, la cour d'appel a estimé que le juge de l'exécution n'était pas compétent pour apprécier les causes d'extinction de la créance postérieure à la décision valant titre de créance, le juge de l'exécution ne pouvait remettre en cause le dispositif de cette décision définitive ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu ses pouvoirs, violant l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 2313 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, 53, alinéa 4, de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, alors en vigueur, L. 213-6, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution :
4. ll résulte de la combinaison de ces textes que les dispositions de l'article R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution, aux termes desquelles le juge de l'exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l'exécution, ne font pas obstacle à ce qu'une caution, à l'encontre de laquelle a été pratiquée une mesure d'exécution forcée sur le fondement d'une décision l'ayant condamnée à exécuter son engagement, puisse invoquer devant le juge de l'exécution l'extinction de la créance garantie pour une cause postérieure à cette décision.
5. Pour confirmer le jugement entrepris, l'arrêt relève, d'abord, que le juge de l'exécution a dit qu'il ne lui appartenait pas de modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, que M. [N] critique cette motivation en faisant valoir que le juge de l'exécution doit prendre en compte les faits postérieurs à la délivrance de la décision, dès lors qu'ils auraient modifié le montant de la dette, que, se prévalant des dispositions de l'article 2313 du code civil qui autorisent la caution à se prévaloir de toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal et sont inhérentes à la dette, M. [N] soutient que sa dette est éteinte comme celle du débiteur principal à défaut de déclaration de la créance à la procédure collective en vertu de l'article L. 621-46 ancien du code de commerce, que l'ordonnance de référé du 8 juin 1993 a été rendue avant l'expiration du délai de deux mois dont bénéficiait le créancier pour déclarer sa créance et que le défaut de déclaration de celle-ci est bien un fait postérieur à la décision qui fonde les poursuites. Il retient, ensuite, que le moyen ainsi soutenu par M. [N] procède d'une analyse erronée de la compétence du juge de l'exécution pour apprécier les causes d'extinction de la créance postérieures à la décision valant titre de créance et qu'à supposer que la créance à l'encontre du débiteur principal soit éteinte à défaut de déclaration à la procédure collective de la société JP Dara, il appartenait à M. [N] de le faire valoir dans le cadre d'un appel contre l'ordonnance de référé ou d'une instance devant le juge du fond et que le juge de l'exécution ne saurait remettre en cause le dispositif de cette décision définitive.
6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement rendu le 28 novembre 2019 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse, il a débouté M. [N] de sa demande de mainlevée de la saisie-attribution, l'arrêt rendu le 7 juillet 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée.
Condamne la société Finatrans aux dépens.