Cass. 2e civ., 9 mars 2023, n° 21-22.274
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pireyre
Rapporteur :
Mme Philippart
Avocat général :
M. Dumoulin
Avocats :
SARL Le Prado - Gilbert, SCP Thouin-Palat et Boucard
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 8 juillet 2021), à l'occasion d'un litige les opposant à M. [F], M. et Mme [R] ont été condamnés sous astreintes, par un jugement irrévocable du 21 juin 2019, d'une part « à radoucir la pente du talus avec un fruit de 1 pour 3 (verticale/horizontale) et purger les plus gros blocs pouvant rester en surface », d'autre part, à « élaguer les branches des pins n° 1 et n° 4 qui empiètent sur le fonds de M. [F] ».
2. Invoquant l'inexécution par M. et Mme [R] de leurs obligations, M. [F] a saisi un juge de l'exécution aux fins de liquidation des astreintes.
Examen des moyens
Sur le premier moyen et le deuxième moyen, pris en ses première et deuxième branches, ci-après annexés
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen qui est irrecevable, et sur le deuxième moyen, pris en ses première et deuxième branches, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
4. M. [F] fait grief à l'arrêt de liquider l'astreinte fixée par le jugement du 21 juin 2019, au titre des obligations concernant les pins et le talus, à la seule période allant du 13 juillet 2019 jusqu'au 11 février 2020, soit 213 jours et, en conséquence, de condamner solidairement M. et Mme [R] à lui payer la seule somme de 2 130 euros en liquidation de l'astreinte, avec intérêts au taux légal à compter de la décision, et de le débouter de ses demandes plus amples ou contraires, alors « que le juge de l'exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l'exécution ; que par jugement du 21 juin 2019, le tribunal d'instance de Salon de Provence a condamné M. et Mme [R] à élaguer les branches du pin n° 1 et n° 4 qui empiètent sur le fonds de M. [F] ; qu'en décidant, statuant comme juge de l'exécution, de limiter l'obligation d'élagage aux seules branches basses ou mortes qui empiètent sur le fonds de M. [F], la cour d'appel, qui a modifié le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, a violé les articles L. 213-6 du code l'organisation judiciaire et R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution ensemble les articles 480 du code de procédure civile et 1351, devenu 1355, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1351, devenu 1355, du code civil, 480 du code de procédure civile, et R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution :
5. Il résulte de ces textes que le juge de l'exécution ne peut, sous couvert d'interprétation, et sans porter atteinte à l'autorité de la chose jugée attachée à la décision servant de fondement aux poursuites, en modifier les dispositions dénuées d'ambiguïté.
6.Pour liquider l'astreinte assortissant l'obligation d'élaguer les branches des pins n° 1 et n° 4 à une certaine somme pour la période allant du 13 juillet 2019 au 11 février 2020, l'arrêt, après avoir constaté qu'aucune branche basse, morte, dépérissante ou cassée n'empiète sur le fonds de M. [F] le 11 février 2020, sans écarter le fait que les branches hautes de ces pins débordent sur cette propriété, déduit que l'injonction a été respectée à compter de cette date.
7. En statuant ainsi, alors que la décision ayant ordonné l'obligation sous astreinte faisait injonction à M. et Mme [R] d'élaguer, sans distinction, toutes les branches des pins n° 1 et n° 4 qui empiètent sur le fonds de M. [F], la cour d'appel, qui a modifié le dispositif de cette décision, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre moyen du pourvoi, qui est subsidiaire, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. et Mme [R] de leur demande reconventionnelle en fixation d'une astreinte à l'encontre de M. [F], l'arrêt rendu le 8 juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.