Cass. crim., 24 janvier 2017, n° 16-85.577
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guérin
Rapporteur :
M. Parlos
Avocat général :
M. Cuny
Avocat :
SCP Bouzidi et Bouhanna
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-5 du code pénal, 53, 427, 460, 513, du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 modifiée relative à l'état d'urgence, de la loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015, des décrets n° 2015-1475 et n° 2015-1476 du 14 novembre 2015, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que la chambre de l'instruction s'est déclarée incompétente pour statuer sur la légalité de l'ordre de perquisition de M. le préfet de la Haute-Savoie en date du 15 décembre 2015 et sur celle des modalités de mise à exécution de cet ordre et, en cet état, a rejeté la requête en nullité déposée au nom de MM. Alexandre X..., James X... et Mme Tania Z..., constaté qu'aucun autre motif de nullité ne se révèle à la lecture du dossier arrêté à la cote D 89 et ordonné le renvoi du dossier de la procédure au juge d'instruction saisi afin de poursuivre l'information ;
" aux motifs que l'article 111-5 du code pénal dispose que les juridictions pénales sont compétentes pour interpréter les actes administratifs, réglementaires ou individuels et pour en apprécier la légalité lorsque, de cet examen, dépend la solution du procès pénal qui leur est soumis ; qu'en l'espèce, M. James X... est mis en examen des chefs d'offre ou cession, acquisition, transport, détention de résine de cannabis (quantité évaluée à 16 kilogrammes), en récidive légale, de blanchiment en récidive légale, de détention d'arme et munition de catégorie B en récidive légale et d'importation en contrebande de marchandises prohibées dangereuses pour la santé, la moralité ou la sécurité publique également en récidive légale ; que Mme Z... est pour sa part mise en examen des chefs de détention de stupéfiants, de blanchiment et d'importation en contrebande de marchandises prohibées dangereuses pour la santé, la moralité ou la santé publique ; quant à M. Alexandre X..., qu'il est mis en examen des chefs d'offre ou cession, acquisition, transport, détention de résine de cannabis (quantité évaluée à 16 kilogrammes) en récidive légale, de blanchiment en récidive légale, de détention d'arme et munition de catégorie B en récidive légale, de menaces, violences ou actes d'intimidation pour obtenir d'un fonctionnaire qu'il s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction en récidive légale, et d'importation en contrebande de marchandises prohibées dangereuses pour la santé, la moralité ou la sécurité publique là aussi en récidive légale ; qu'il ressort clairement des pièces du dossier et notamment des procès-verbaux cotés D2 et D3 que l'ouverture de la procédure pénale en flagrance dans le cadre de laquelle ont été placés en garde à vue les trois mis en examen, a trouvé son fondement dans les constatations opérées par les policiers du commissariat de Thonon-les-Bains intervenus le 16 décembre 2015 à 22 heures 15 au pied de l'immeuble sis au ...à Thonon-les-Bains, lesquels ont procédé à la saisie d'une arme, de munitions, de stupéfiants et de deux gilets pare-balle sur la pelouse puis sur le balcon de l'appartement du troisième étage alors que la perquisition administrative ne concernait que l'appartement situé au 4ème étage de l'immeuble, et sur le témoignage du brigadier de police resté en bas de l'immeuble (D9) ; que si, au cours de l'exécution de la perquisition contestée, les policiers ont, de manière incidente, procédé à la saisie incidente de diverses sommes d'argent, d'un couteau de cuisine, d'un ordinateur portable, d'un trousseau de clés, de deux pains de résine de cannabis et de feuilles de comptes (D4) et ont remis aux policiers chargés de la procédure pénale en flagrance les objets ainsi saisis qui ont été joints aux scellés précédents (D27), il n'en demeure pas moins que les mesures de garde à vue puis les mises en examen réalisées n'ont pas pour support nécessaire ces scellés complémentaires, ceux réalisés dans le cadre de la flagrance et le témoignage ci-dessus rappelé étant suffisants pour constituer des indices graves ou concordants rendant vraisemblable que les trois requérants aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions en matière de stupéfiants et de blanchiment ; que la détention d'arme et de munitions reprochée à MM. James et Alexandre X... trouve son support unique dans les constatations réalisées en flagrance, et les menaces, violences ou actes d'intimidation pour obtenir d'un fonctionnaire de police qu'il s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction reprochées à M. Alexandre X... ont été constatés hors tout lien avec la perquisition contestée ; qu'il s'en déduit que la solution du procès pénal ne dépend ni de l'ordre de perquisition de M. le préfet de la Haute-Savoie en date du 15 décembre 2015, ni des modalités de mise à exécution de cet ordre, et que la chambre de l'instruction n'a en conséquence pas compétence pour en apprécier la légalité ; que pour le surplus, il ressort de la lecture du dossier qu'aucun acte de la procédure arrêtée à la cote D 89 n'est affecté d'une irrégularité de nature à justifier son annulation ;
" alors que seul l'exercice régulier d'un pouvoir de contrôle permettant le constat d'une situation de flagrance, au sens de l'article 53 du code de procédure pénale, l'ordre donné par l'autorité administrative de procéder à une perquisition administrative ensuite de laquelle sont, in fine, relevés des indices révélant une telle situation de flagrance, constitue nécessairement un acte administratif dont la légalité a une incidence sur la solution du procès pénal soumis au juge répressif ; que, dès lors, en se bornant à énoncer que les faits reprochés aux demandeurs, trouvent leur support unique dans les constatations réalisées en flagrance par les policiers, pour en déduire que la solution du procès pénal ne dépend pas de l'ordre de perquisition administrative du 15 décembre 2015 ni des modalités de mise à exécution de cet ordre, et qu'ainsi la chambre de l'instruction n'a pas compétence pour apprécier la légalité de cet acte, sans rechercher si, ainsi qu'il résulte des pièces de la procédure, et notamment des procès-verbaux cotés D2, D3 et D9, cités par l'arrêt, les éléments au vu desquels a été ouverte une enquête de flagrance sur le fondement de l'article 53 du code de procédure pénale, à savoir d'une part le témoignage du brigadier de police resté en bas de l'immeuble constituant le domicile de M. X..., d'autre part les constatations des policiers se trouvant au pied de cet immeuble, n'avaient pas été recueillis à l'occasion et à la faveur d'une perquisition administrative qui, autorisée le 15 décembre 2015 par une décision du préfet de la Haute-Savoie, a d'ailleurs été annulée par jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 13 juillet 2016, de sorte que la légalité de cet ordre de perquisition était susceptible de déterminer la régularité du constat de la situation de flagrance et, partant, d'avoir une incidence sur la solution du procès pénal, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-5 du code pénal, de l'article préliminaire et des articles 53, 427, 460, 513 du code de procédure pénale, 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 591 et 593 du code de procédure pénale défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que la chambre de l'instruction s'est déclarée incompétente pour statuer sur la légalité de l'ordre de perquisition de Monsieur le Préfet de la Haute-Savoie en date du 15 décembre 2015 et sur celle des modalités de mise à exécution de cet ordre et a rejeté la requête en nullité déposée au nom de MM. Alexandre et James X..., et Mme Z..., constaté qu'aucun autre motif de nullité ne se révèle à la lecture du dossier arrêté à la cote D 89 et ordonné le renvoi du dossier de la procédure au juge d'instruction saisi afin de poursuivre l'information ;
" aux motifs que l'article 111-5 du code pénal dispose que les juridictions pénales sont compétentes pour interpréter les actes administratifs, réglementaires ou individuels et pour en apprécier la légalité lorsque, de cet examen, dépend la solution du procès pénal qui leur est soumis ; qu'en l'espèce, M. James X... est mis en examen des chefs d'offre ou cession, acquisition, transport, détention de résine de cannabis (quantité évaluée à 16 kilogrammes), en récidive légale, de blanchiment en récidive légale, de détention d'arme et munition de catégorie B en récidive légale et d'importation en contrebande de marchandises prohibées dangereuses pour la santé, la moralité ou la sécurité publique également en récidive légale ; que Mme Z... est pour sa part mise en examen des chefs de détention de stupéfiants, de blanchiment et d'importation en contrebande de marchandises prohibées dangereuses pour la santé, la moralité ou la santé publique ; Quant à M. Alexandre X..., qu'il est mis en examen des chefs d'offre ou cession, acquisition, transport, détention de résine de cannabis (quantité évaluée à 16 kilogrammes) en récidive légale, de blanchiment en récidive légale, de détention d'arme et munition de catégorie B en récidive légale, de menaces, violences ou actes d'intimidation pour obtenir d'un fonctionnaire qu'il s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction en récidive légale, et d'importation en contrebande de marchandises prohibées dangereuses pour la santé, la moralité ou la sécurité publique là aussi en récidive légale ; qu'il ressort clairement des pièces du dossier et notamment des procès-verbaux cotés D2 et D3 que l'ouverture de la procédure pénale en flagrance dans le cadre de laquelle ont été placés en garde à vue les trois mis en examen a trouvé son fondement dans les constatations opérées par les policiers du commissariat de Thonon-les-Bains intervenus le 16 décembre 2015 à 22h15 au pied de l'immeuble sis au ...à Thonon-les-Bains, lesquels ont procédé à la saisie d'une arme, de munitions, de stupéfiants et de deux gilets pare-balle sur la pelouse puis sur le balcon de l'appartement du troisième étage alors que la perquisition administrative ne concernait que l'appartement situé au 4ème étage de l'immeuble, et sur le témoignage du brigadier de police resté en bas de l'immeuble (D9) ; que si, au cours de l'exécution de la perquisition contestée, les policiers ont, de manière incidente, procédé à la saisie incidente de diverses sommes d'argent, d'un couteau de cuisine, d'un ordinateur portable, d'un trousseau de clés, de deux pains de résine de cannabis et de feuilles de comptes (D4) et ont remis aux policiers chargés de la procédure pénale en flagrance les objets ainsi saisis qui ont été joints aux scellés précédents (D27), il n'en demeure pas moins que les mesures de garde à vue puis les mises en examen réalisées n'ont pas pour support nécessaire ces scellés complémentaires, ceux réalisés dans le cadre de la flagrance et le témoignage ci-dessus rappelé étant suffisants pour constituer des indices graves ou concordants rendant vraisemblable que les trois requérants aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions en matière de stupéfiants et de blanchiment ; que la détention d'arme et de munitions reprochée à MM. James et Alexandre X... trouve son support unique dans les constatations réalisées en flagrance, et les menaces, violences ou actes d'intimidation pour obtenir d'un fonctionnaire de police qu'il s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction reprochées à M. Alexandre X... ont été constatés hors tout lien avec la perquisition contestée ; qu'il s'en déduit que la solution du procès pénal ne dépend ni de l'ordre de perquisition de Monsieur le Préfet de la Haute-Savoie en date du 15 12 décembre 2015, ni des modalités de mise à exécution de cet ordre, et que la chambre de l'instruction n'a en conséquence pas compétence pour en apprécier la légalité ; que pour le surplus, il ressort de la lecture du dossier qu'aucun acte de la procédure arrêtée à la cote D 89 n'est affecté d'une irrégularité de nature à justifier son annulation ;
" alors qu'il résulte de l'article préliminaire du code de procédure pénale et de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que la procédure pénale doit être équitable, ce qui, d'une part, induit une exigence de loyauté, afin de préserver l'équilibre des droits des parties, et d'autre part, prohibe tout détournement de procédure ; Qu'en l'espèce, il s'évince des pièces de la procédure et notamment des procès-verbaux cotés D2, D3 et D9, que les éléments au vu desquels a été ouverte une enquête de flagrance sur le fondement de l'article 53 du code de procédure pénale, à savoir d'une part le témoignage du brigadier de police resté en bas de l'immeuble constituant le domicile de M. X..., d'autre part les constatations des policiers se trouvant au pied de cet immeuble, n'ont été recueillis qu'à l'occasion et à la faveur d'une perquisition administrative qui, autorisée le 15 décembre 2015 par une décision du Préfet de la Haute-Savoie, a été annulée par jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 13 juillet 2016 ; Qu'il résulte des mêmes pièces de la procédure que c'est en concertation avec les enquêteurs chargés de l'exécution la perquisition administrative que les policiers se sont postés au bas de l'immeuble des prévenus en prévision de la découverte d'éléments suspects qui pourraient être jeté au dehors de l'appartement au moment de cette perquisition ; Que, dès lors, en se bornant à énoncer que les faits reprochés aux exposants trouvent leur support unique dans les constatations réalisées en flagrance par les policiers, pour en déduire qu'il convenait de rejeter la requête en nullité des prévenus, sans rechercher si, eu égard aux circonstances ainsi décrites, dans lesquelles ces éléments ont ainsi été recueillis, le procédé ayant permis l'ouverture d'une enquête de flagrance ne traduisait pas un détournement de procédure incompatible avec les exigences du procès équitable, notamment en ce que les éléments motivant les poursuites contre les exposants ont été recueillis à la suite et à la faveur d'une perquisition administrative dont la chambre de l'instruction a renoncé à examiner la légalité, et dont l'ordre donné par le Préfet a finalement été annulé, ce dont il résulte que le constat de l'état de flagrance ne résulte que d'une construction artificielle échappant à tout examen de la régularité du pouvoir de contrôle censé le justifier, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 15 décembre 2015, le préfet de la Haute-Savoie a ordonné la perquisition, à compter du 16 décembre 2015, du domicile de M. Alexandre X..., à Thonon-les-Bains, lieu au sujet duquel il existait, selon l'arrêté du préfet, des raisons sérieuses de penser qu'il était fréquenté par une ou plusieurs personnes dont le comportement constituait une menace pour l'ordre et la sécurité publique ; que les fonctionnaires de police se sont présentés à ce domicile le 16 décembre 2015, à 22H00 ; qu'alors que certains d'entre eux frappaient à la porte, d'autres, restés en faction à l'extérieur, au bas de l'immeuble, ont constaté que M. Alexandre X... jetait, de son balcon sur celui de l'étage inférieur, un sac, dont une partie du contenu, des billets de banque, restait sur le balcon, et l'autre, un pain de résine de cannabis et un pistolet automatique démuni de chargeur, tombait au sol ; que l'officier de police judiciaire présent sur les lieux a saisi au sol, dans ce sac et au domicile de l'intéressé, l'arme et son chargeur, garni de quatre cartouches, deux gilets pare-balles, 700 grammes de cannabis et 5 715 euros ; qu'après une garde à vue et l'ouverture d'une information judiciaire, MM. Alexandre et James X... et Mme Z... ont été mis en examen le 19 décembre 2016, des chefs susénoncés, les deux premiers étant placés, le même jour, en détention provisoire ; qu'ils ont saisi, le 17 juin 2016, la chambre de l'instruction d'une requête en annulation des actes de la procédure judiciaire, prise de l'illégalité de l'arrêté préfectoral ayant ordonné les perquisitions et des conditions de son exécution en méconnaissance de l'article 11 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et renforçant l'efficacité de ses dispositions ;
Attendu que, pour rejeter la requête, l'arrêt énonce que l'ouverture de l'enquête pénale en flagrance, dans le cadre de laquelle ont été placés en garde-à-vue les trois mis en examen, a trouvé son fondement dans les constatations opérées par les fonctionnaires de police intervenus au pied de l'immeuble, lesquels ont procédé à la saisie, sur la pelouse puis sur le balcon de l'appartement du troisième étage, d'une arme, de munitions, de stupéfiants et de deux gilets pare-balles, ainsi que sur le témoignage d'un policier demeuré en bas de l'immeuble, alors que la perquisition administrative ne concernait que l'appartement situé au quatrième étage de l'immeuble ; que les juges retiennent que la détention d'arme et de munitions reprochée à MM. James et Alexandre X... trouve son support unique dans les constatations réalisées en flagrance, et les menaces, violences ou actes d'intimidation pour obtenir d'un fonctionnaire de police qu'il s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction imputés à M. Alexandre X... ont été constatés en dehors de tout lien avec la perquisition contestée ; que la chambre de l'instruction ajoute qu'il s'en déduit que la solution du procès pénal ne dépendant ni de l'ordre de perquisition du préfet de la Haute-Savoie ni des modalités d'exécution de cet ordre, elle n'a, en conséquence, pas compétence pour en apprécier la légalité ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que, la découverte des indices de commission d'infractions ayant résulté de la tentative de dissimulation par l'une des personnes poursuivies, avant l'entrée des forces de police, sur l'ordre du préfet, dans les lieux de la perquisition, de certains objets ultérieurement saisis en dehors de ces lieux, autorisait les officiers de police judiciaire à agir selon le mode de l'enquête de flagrance, la légalité de l'ordre de perquisition et des modalités de son exécution étant sans conséquence sur la régularité de la procédure, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.