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Décisions

Cass. crim., 17 octobre 1995, n° 93-84.084

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Gunehec

Rapporteur :

M. Milleville

Avocat général :

M. le Foyer de Costil

Avocat :

SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez

Paris, du 29 juin 1993

29 juin 1993

ACTION PUBLIQUE ETEINTE ET REJET sur le pourvoi formé par :

- Y... Georges,

contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 9e chambre, en date du 29 juin 1993, qui, pour trafic d'influence et complicité, les a condamnés, le premier à 3 ans d'emprisonnement dont 30 mois avec sursis et 150 000 francs d'amende, le second à 2 ans d'emprisonnement dont 18 mois avec sursis et 100 000 francs d'amende, a interdit au second d'exercer, pendant 10 ans, tout emploi public et a prononcé sur les intérêts civils.

LA COUR,

Vu le mémoire produit et les observations complémentaires ;

Attendu qu'il résulte d'un extrait des actes de l'état civil que X..., qui avait formé son pourvoi le 1er juillet 1993, est décédé le 23 août 1993 ; que, malgré le décès de ce prévenu, la Cour de Cassation reste compétente pour statuer à son égard sur l'action civile ;

Attendu que Nicole X..., épouse Georges Y..., fille du défunt, intervient en qualité d'héritière du demandeur pour reprendre l'instance engagée par son auteur ; qu'il convient de lui en donner acte ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 57 et 593 du Code de procédure pénale, défaut, insuffisance de motifs, défaut de réponse à conclusions et manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de la procédure d'enquête tirée du défaut de flagrance, et a condamné Georges Y... du chef de trafic d'influence à la peine de 2 ans d'emprisonnement dont 18 mois avec sursis et 100 000 francs d'amende, ainsi qu'à diverses réparations civiles ;

" aux motifs que les enquêteurs de la gendarmerie, pour avoir eu antérieurement connaissance des soupçons que pensaient devoir diriger les frères Z... à l'endroit de X... quant à un éventuel trafic d'influence de sa part et dont il se disaient devoir être incessamment les victimes, n'ont toutefois acquis la certitude de l'existence en l'occurrence d'indices faisant clairement ressortir que le délit était en train de se commettre, que seulement au jour de leur intervention du 24 juillet 1990, X... en étant resté jusque-là, ainsi qu'il apparaît des pièces de la procédure et sans qu'il soit nécessaire d'ordonner un supplément d'information, au stade d'actes purement préparatoires ; que, dès lors, à la date susvisée du 24 juillet 1990, les conditions de la flagrance telle que prévues par l'article 53 du Code de procédure pénale étaient effectivement réunis ;

" alors, d'une part, que faute d'avoir précisé en quoi consistait l'indice apparent qui selon elle caractérisait l'état de flagrant délit et justifiait que les enquêteurs de la gendarmerie agissent dans le cadre des articles 53 et suivants du Code de procédure pénale, la cour d'appel, dès lors qu'elle écartait l'hypothèse retenue par les premiers juges, dans laquelle les informations données par Z... aux gendarmes constituaient cet indice, a privé sa décision de toute base légale ;

" alors, d'autre part, que pour être caractérisé, l'état de flagrance nécessite que des indices apparents d'un comportement délictueux révèlent l'existence d'une infraction répondant à la définition de l'article 53 du Code de procédure pénale ; que si l'état de flagrance existe lorsque l'infraction se commet actuellement, c'est à la condition que l'infraction puisse être perçue sans ambiguïté ou que, si l'infraction est occulte, celle-ci soit révélée par un indice apparent, antérieur aux actes mis en oeuvre dans le cadre du flagrant délit ; que l'intervention de tels actes ne saurait constituer à eux seuls la raison pour laquelle leurs auteurs acquièrent la conviction que le délit est en train de se commettre, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;

" et alors, enfin, que le délit n'est flagrant que s'il existe un indice apparent révélant l'existence d'une infraction ; que la simple conviction de la brigade des recherches de la gendarmerie qu'il existe des indices faisant ressortir que le délit est en train de se commettre est également insuffisante à justifier légalement qu'il ait été procédé comme en matière de flagrant délit de sorte que l'arrêt a méconnu les principes ci-dessus rappelés ; qu'en effet, la qualité des indices requis en pareille matière suppose que de la constatation ou l'observation de ces derniers, soit révélée l'existence d'une infraction flagrante au sens de l'article 53 du Code de procédure pénale, et fait obstacle à ce que l'existence d'indice soit produite par la seule conviction des agents, de laquelle aucune infraction flagrante ne peut être révélée " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et des pièces de procédure soumises au contrôle de la Cour de Cassation que le 24 juillet 1990, Patrick Z... s'est présenté aux services de gendarmerie pour leur dénoncer les agissements de X..., qui lui réclamait une somme de quatre millions de francs pour faire accélérer le règlement d'une procédure d'expropriation ; qu'il leur a alors expliqué qu'en vue de confondre l'intéressé, il avait mis plusieurs liasses de billets de banque dans une valise et se disposait à les lui remettre, à l'issue d'un déjeuner auquel il l'avait invité le jour même ;

Qu'ayant aussitôt établi un dispositif de surveillance à proximité du restaurant où le déjeuner devait avoir lieu, les gendarmes ont interpellé X... à sa sortie de l'établissement, vers 14 heures, au moment où il prenait possession de la valise ; qu'ils ont ensuite poursuivi leurs opérations selon la procédure de flagrance ;

Attendu qu'en l'état de ces constatations, d'où il résulte que la dénonciation, recueillie par procès-verbal, faisait état d'une sollicitation de nature à caractériser le délit de trafic d'influence qui se commettait ou venait de se commettre et constituait l'indice apparent d'un comportement délictueux révélant l'existence d'une infraction flagrante, au sens de l'article 53 du Code de procédure pénale, les juges ont justifié leur décision sans encourir les griefs allégués ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 59, 60 et 178 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut, insuffisance de motifs, défaut de réponse à conclusions et manque de base légale :

" en ce que l'arrêt a déclaré la culpabilité de Georges Y... du chef de complicité de trafic d'influence et l'a condamné à la peine de 2 ans d'emprisonnement dont 18 mois avec sursis et cent mille francs d'amende, ainsi qu'à diverses réparations civiles, solidairement avec X... ;

" aux motifs que X... qui n'assumait aucune fonction à la mairie de Paris a néanmoins disposé, et pour venir à l'appui de ses exigences financières auprès des adhérents du GIE " Abilis ", du rapport sur la privatisation des services municipaux de nettoiement qu'avait eu charge d'établir son gendre, et dont tout indique qu'il lui avait été remis par ce dernier ; qu'il est constant que Y... qui s'est mis initialement en rapport avec les responsables du GIE " Abilis " pour les besoins, selon lui, de son étude, est néanmoins, et nonobstant l'accomplissement de sa mission officielle, resté toutefois ultérieurement et au prétexte de liens de sympathie noués, en étroite relation avec A..., un des responsables du GIE, alors que les adhérents dudit groupement avaient clairement affiché leur intention de participer en bonne position aux marchés susceptibles de s'ouvrir ensuite de la privatisation des services municipaux dont s'agit ;

" et aux motifs que pour ce qui a trait au trafic d'influence dont s'est par ailleurs rendu coupable X... envers Patrick et François Z..., la rencontre qui a eu lieu le 31 mai 1990 entre ces derniers et Y..., lequel était lui même accompagné en cette occurrence de X..., loin de résulter " d'un pur concours de circonstances ", n'avait eu en définitive d'autre objet que d'accréditer l'idée auprès desdits frères Z... que son beau-père disposait de l'influence nécessaire pour faire aboutir favorablement, et ce par personne interposée, le dossier d'indemnisation en litige ; que Georges Y... ne saurait se prévaloir de ce qu'il n'était pas dans les attributions de la Sema Vip de fixer le montant de l'indemnité d'éviction qui serait due aux frères Z... ; qu'en effet, outre le pouvoir que détenait le prévenu, de par ses fonctions au sein de la Sema Vip, de veiller à ce qui soient le cas échéant accomplies toutes diligences pour instruire le dossier d'expropriation et ainsi parvenir dans les meilleurs délais au règlement de l'indemnité dont s'agit, il y a lieu de rappeler qu'est de surcroît punissable tout abus dinfluence et ce, fût-elle réelle ou supposée ;

" et aux motifs adoptés que la répétition du rôle joué par Georges Y... dans l'affaire Abilis et dans l'affaire Soga ne saurait être fortuite et crée un faisceau de présomptions supplémentaires de nature à prouver qu'il a bien aidé son beau-père dans le trafic d'influence qui lui est reproché ;

" alors, d'une part, que la complicité de trafic d'influence par aide ou assistance retenue par l'arrêt à l'encontre de Georges Y... devait être caractérisée, et non pas présumée par la cour d'appel, au moyen de l'énonciation des actes positifs à charge de ce dernier, à la faveur desquels l'infraction commise par X... de trafic d'influence aurait été directement aidée ou facilitée ; que les faits personnellement commis par Georges Y..., retenus par les juges à son encontre, consistant à avoir entretenu d'étroites relations avec l'un des candidats à l'attribution de marchés devant éventuellement s'ouvrir en raison de la privatisation de services municipaux, et à avoir participé à un déjeuner, alors qu'il dirigeait la Sema Vip, autorité expropriante, avec l'un des expropriés, ne caractérisent aucun acte positif ayant contribué à la commission du trafic d'influence poursuivi, et n'établissent en tout cas pas la participation morale de Georges Y... ;

" et alors, d'autre part, que les faits reprochés à Georges Y..., postérieurs aux agissements de X... caractérisant le trafic d'influence, et dont les juges se sont, dans les deux affaires Abilis et Soga, accordés à constater qu'ils n'avaient en toute hypothèse pu qu'accréditer les sollicitations antérieures de X..., faute de résulter d'un accord antérieur à la commission de l'infraction constatée par les juges, sont insuffisants pour établir la complicité de trafic d'influence retenue à son encontre par l'arrêt qui de ce chef n'est pas légalement justifié " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Georges Y..., alors président de la société d'économie mixte d'aménagement de la ville de Paris (SEMAVIP), est poursuivi pour complicité des délits de trafic d'influence reprochés à son beau-père, X..., d'une part, pour l'avoir informé de la procédure d'expropriation dont faisaient l'objet les frères Z... et l'avoir introduit auprès de ceux-ci, d'autre part, pour lui avoir remis des documents administratifs concernant le groupement d'intérêt économique " ABILIS " ;

Attendu que, pour le déclarer coupable, la cour d'appel énonce que " la rencontre qui a eu lieu le 31 mai 1990 entre les frères Z... et Georges Y..., lequel était accompagné de X..., n'a eu d'autre objet que d'accréditer l'idée que son beau-père disposait de l'influence nécessaire pour faire aboutir le dossier d'indemnisation en litige et relève que les informations administratives utilisées par X... ne pouvaient provenir que de son gendre ; qu'en ce qui concerne le trafic d'influence commis envers le GIE Abilis, les juges énoncent notamment que X..., qui n'assumait aucune fonction à la mairie de Paris, a néanmoins disposé, pour venir à l'appui de ses exigences financières auprès du GIE, du rapport établi par son gendre et dont tout indique qu'il lui avait été remis par ce dernier " ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Par ces motifs :

Donne acte à Mme X..., épouse Georges Y... de son intervention ;

DECLARE l'action publique éteinte à l'égard de X... ;

REJETTE le pourvoi pour le surplus.