Cass. crim., 26 février 2003, n° 02-88.074
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
M. Lemoine
Avocat général :
M. Finielz
Avocat :
SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Jacques,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de FORT-DE-FRANCE, chambre détachée de CAYENNE, en date du 20 novembre 2002, qui, dans l'information suivie contre lui du chef de meurtre, a rejeté sa requête en annulation d'actes de la procédure ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 9 janvier 2003, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire ampliatif produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 54 à 63, 66, 79, 105, 174, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la requête en annulation d'actes accomplis pendant l'enquête de flagrance pour homicide volontaire ;
"aux motifs que "s'il est exact que seul le juge d'instruction est en droit de faire procéder à la reconstitution d'un crime, c'est bien sûr à la condition que ce magistrat soit saisi et qu'un dossier d'information soit ouvert. Or, le juge d'instruction n'a été saisi en l'espèce que le 15 juillet 2002. Ce magistrat n'avait donc aucun pouvoir sur la procédure policière le 14 juillet 2002, jour où le procès-verbal attaqué a été dressé.
"Le moyen soulevé sur ce point par le mis en examen est inopérant.
"Seule la partie de la reconstitution du crime est critiquée par le conseil du mis en examen.
"Si la loi n'accorde pas expressément aux officiers de police judiciaire agissant en flagrance le droit de procéder à une reconstitution, la jurisprudence de la chambre criminelle a toujours validé cette pratique, tout à fait inhabituelle (sic) et même indispensable, lors d'une enquête criminelle.
"Il ressort des dispositions de l'article 427 du Code de procédure pénale que les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve, hors les cas où la loi en dispose autrement. Rien n'interdit donc à un officier de police judiciaire de faire procéder à une reconstitution ou remise en situation pendant l'enquête de flagrance" ;
Que "les éventuelles imperfections ou approximations de cette reconstitution sont à critiquer dans le cadre de l'information ou des débats aux assises, sans affecter la régularité de l'acte lui-même" ;
"alors d'une part que, pendant l'enquête de flagrance, les policiers sont uniquement habilités à accomplir les actes expressément autorisés par les articles 56 à 63 du Code de procédure pénale ; que la reconstitution d'une infraction, et en particulier d'un crime, en présence de la personne soupçonnée de l'avoir commise et auditionnée sur les circonstances de l'infraction, n'est pas l'un des actes que les policiers sont légalement habilités à accomplir pendant l'enquête de flagrance, une telle reconstitution relevant de la seule compétence du juge d'instruction qui peut légalement accomplir tout acte utile à la manifestation de la vérité ;
que, par ailleurs, la reconstitution d'un crime en présence de la personne qui est soupçonnée d'en être l'auteur, en ce qu'elle implique la recherche d'indices graves et concordants d'avoir participé à l'infraction à l'encontre de cette personne, porte nécessairement atteinte aux droits de la défense tels que garantis pendant une instruction ; qu'en considérant que les policiers pouvaient accomplir tous actes nécessaires à l'obtention des preuves de l'infraction dès lors que la loi ne les interdisait pas, tout en reconnaissant pourtant que seul le juge d'instruction pouvait procéder à une reconstitution, la chambre de l'instruction a violé les articles 56 et suivants du Code de procédure pénale ;
"alors d'autre part qu'en vertu des articles 62, 66 et 429 alinéa 2 du Code de procédure pénale, l'audition d'une personne pendant une enquête de flagrance doit donner lieu à la rédaction "sur le champ" d'un procès-verbal devant comporter la mention des questions posées et des réponses de la personne ; que le procès-verbal de reconstitution fait état des "déclarations" de la personne soupçonnée du crime, objet de l'enquête, sans préciser les questions posées et des réponses précises qui ont été fournies ;
que par ailleurs, le procès-verbal n'indiquant pas à quelle heure il a été signé ne permet de s'assurer que l'audition ou même les déclarations de la personne gardée à vue y ont été immédiatement consignées ; que, par conséquent, en considérant qu'une reconstitution pouvait être effectuée dans le cadre d'une enquête de flagrance, sans s'interroger sur les conditions dans lesquelles une telle reconstitution pouvait être organisée et la personne soupçonnée auditionnée, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale ;
"alors enfin que l'utilisation de procédés déloyaux compromettant les droits de la défense en vue d'obtenir la preuve de la participation d'une personne à une infraction entraîne la nullité des actes qui en résultent ; qu'en l'espèce la reconstitution qui a eu lieu en présence de la personne placée en garde à vue dans des circonstances de temps différentes de celles des événements rapportés antérieurement par cette personne, ne pouvant que créer une certaine confusion et amener cette personne à se justifier plus que nécessaire sur les faits, constitue un procédé déloyal d'obtention de la preuve de l'infraction ; que la validité d'un tel procédé ne peut être admise" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 14 juillet 2002, les officiers de police judiciaire se sont transportés au domicile de Jacques X... pour procéder à une reconstitution des faits criminels en raison desquels il était placé en garde à vue ; qu'au cours de ce transport, effectué à la demande du procureur de la République et en sa présence, Jacques X... a refait les gestes auparavant décrits au cours de ses auditions et a fourni diverses précisions ;
Attendu que Jacques X..., mis en examen pour meurtre, le 15 juillet 2002, a présenté, le 9 octobre, une requête en annulation du procès-verbal de transport et de reconstitution, en soutenant que les articles 53 à 66 du Code de procédure pénale ne prévoyaient pas la possibilité de procéder à une reconstitution dans le cadre d'une enquête de flagrance, une telle opération relevant du seul pouvoir du juge d'instruction ;
Attendu que pour rejeter cette requête, l'arrêt attaqué prononce par les motifs reproduits au moyen ;
Attendu qu'en cet état, les griefs allégués ne sont pas encourus, dès lors que la réalisation d'une reconstitution dans le cadre d'une enquête de flagrance n'est prohibée par aucun texte et que les officiers de police judiciaire, qui n'étaient pas tenus de rédiger un procès- verbal dans les formes prévues par les articles 62 et 429, alinéa 2, du Code de procédure pénale, ont agi dans la limite des pouvoirs conférés par les articles 53 à 66 du Code de procédure pénale, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
Attendu que, par ailleurs, pour écarter l'argumentation de Jacques X..., qui soutenait que la reconstitution, effectuée dans des circonstances de temps différentes de celles des faits, constituait un procédé déloyal de preuve compromettant les droits de la défense, l'arrêt énonce, notamment, que les éventuelles imperfections ou approximations de cette reconstitution n'affectent pas la régularité de l'acte lui-même ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors qu'aucun procédé déloyal n'a été utilisé et qu'il appartient aux juridictions d'instruction et de jugement d'apprécier la valeur et la portée des éléments de preuve, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.