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Décisions

ART, 30 septembre 1999, n° 99−822

ART (DEVENUE L'ARCEP)

1999 se prononçant sur un différend entre 9 Télécom Réseau et France Télécom relatif à l'applicabilité de la majoration "services spéciaux" aux appels vers Internet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Hubert

Avocat :

Me Guthfreund−Roland

ART n° 99−822

29 septembre 1999

L'Autorité de régulation des télécommunications,

Vu le code des postes et télécommunications, et notamment ses articles L.34−8, L.36−8 et R.11−1, D.97−4 ;

Vu la décision n°99−528 de l’Autorité de régulation des télécommunications en date du 18 juin 1999 portant règlement intérieur ;

Vu la saisine enregistrée le 6 juillet 1999 présentée par 9 Télécom Réseau dont le siège social est situé 38 quai du Point du Jour, 92659 Boulogne Billancourt cedex, représentée par M. Roberto Giannnini, Président, et relative à un différend qui l’oppose à France Télécom, concernant l’interconnexion entre son réseau et celui de France Télécom ;

Vu les observations en défense enregistrées le 2 août 1999, présentées par France Télécom dont le siège social est situé 6, place d’Alleray, 75505 Paris cedex 15, représentée par M. Gérard Moine, Directeur des relations extérieures ;

Vu les observations en réplique de 9 Télécom Réseau, enregistrées le 23 août 1999 ; Vu les nouvelles observations de France Télécom, enregistrées le 2 septembre 1999 ;

Vu les nouvelles observations de 9 Télécom Réseau, enregistrées le 13 septembre 1999 ;

Vu la convocation en date du 8 septembre 1999 à une audience devant le collège le 22 septembre 1999 adressée à France Télécom et 9 Télécom Réseau ;

Vu les demandes de 9 Télécom Réseau et de France Télécom, enregistrées le 21 septembre 1999, tendant à ce que l'audience du 22 septembre 1999 ne soit pas publique, en application des dispositions de l'article 14 du règlement intérieur;

Après avoir entendu , le 22 septembre 1999, lors de l’audience devant le collège :

− le rapport de M. Jean−Claude Jeanneret, présentant les moyens et les conclusions des parties,

− les observations de M. Michel Rogy, assisté de Me Florence Guthfreund−Roland, avocat, pour 9 Télécom Réseau,

− les observations de M. Eric Debroeck, pour France Télécom,

En présence de M. Pierre−Alain Jeanneney, directeur général, de Madame Isabelle Ciupa et de MM. Ivan Luben et Aymeril Hoang, pour l'Autorité de régulation des télécommunications,

De Me Florence Guthfreund−Rolland, avocat, et de MM. Michel Rogy, Vincent Teissier, Christophe Roy, pour 9 Télécom Réseau,

De Madame Laurence Coste et MM. Eric Debroeck, Christian Boinot, Bernard Lesage et Michel Seiler, pour France Télécom,

Le collège en ayant délibéré le 30 septembre 1999, hors la présence du rapporteur, du rapporteur adjoint, du directeur général et des agents de l'Autorité ;

Adopte la présente délibération fondée sur les faits et les moyens exposés ci−après :

I − Sur le différend et la recevabilité

Dans sa saisine, enregistrée le 6 juillet 1999, 9 Télécom Réseau rappelle le déroulement des négociations d'interconnexion qu'elle a menée avec France Télécom en vue de la mise en place de services d'accès à Internet. Ces négociations ont débuté dès le mois de février 1999.

9 Télécom Réseau indique avoir conclu, le 24 juin 1999, un "protocole d'accord pour l'acheminement de l'indicatif 0860PQ pour l'accès aux services d'accès à Internet de 9 Télécom Réseau", en ayant "proposé d'accepter ces conditions financières à titre transitoire et temporaire, jusqu'à ce que le différend soit tranché".

9 Télécom Réseau estime que "le différend est bien circonscrit", et demande à l'Autorité de dire que:

  • "le tarif applicable à 9 Télécom Réseau jusqu'au 31 décembre 1999 pour l'acheminement des communications d'accès à Internet est celui prévu par le catalogue 1999 pour le trafic téléphonique, sans majoration services spéciaux ;
  • le protocole conclu le 24 juin 1999 devra être mis en conformité avec les conditions susvisées dans un délai de huit jours suivant la notification de la décision et les paiements intervenus régularisés dans un délai de quinze jours ;
  • les parties pourront renégocier les conditions d'interconnexion pour la période postérieure au 31 décembre 1999 et qu'à défaut d'accord au 31 janvier 2000, chaque partie pourra saisir l'Autorité du différend."

Dans ses observations enregistrées le 2 août 1999, France Télécom fournit en annexe un projet d'avenant à la convention d'interconnexion avec 9 Télécom Réseau et demande à l'Autorité :

  • "de prendre acte de la proposition de France Télécom en date du 19 juillet 1999 ;
  • de constater que cette proposition correspond en tous points à la demande de 9 Télécom Réseau en date du 6 juillet 1999 ;
  • de constater l'absence de différend ;
  • à défaut, de maintenir pour France Télécom la possibilité de répondre à chacun des points développés par 9 Télécom Réseau dans sa demande de règlement de différend."

Dans ses observations en réplique enregistrées le 23 août 1999, 9 Télécom Réseau "convient que la proposition de France Télécom répond sur le fond, à sa demande qui concerne l'année 1999".

9 Télécom Réseau précise qu'elle demande à l'Autorité de dire que :

  • "le différend existait bien à la date de la saisine par 9 Télécom Réseau, sa demande étant bien justifiée au fond à cette date compte tenu notamment du caractère contraignant des demandes de l'Autorité en matière d'interconnexion ;
  • la proposition ultérieure de France Télécom dans le cadre de la procédure permet de résoudre le différend sur ce point ;
  • les conditions d'interconnexion applicables à compter du 1er janvier 2000 pourront être renégociées et la négociation sera encadrée dans le délai d'un mois."

Dans ses observations complémentaires enregistrées le 2 septembre 1999, France Télécom "note que 9 Télécom Réseau reconnaît que la proposition qui lui a été transmise le 19 juillet 1999 répond entièrement aux demandes de 9 Télécom Réseau exprimées dans le cadre de sa saisine du 5 juillet 1999".

France Télécom indique en conclusion "France Télécom ne peut que constater à nouveau et faire constater par l'Autorité, l'absence de différend susceptible de conduire à un règlement de litige conformément à l'article L. 36−8 du code des postes et télécommunications. Par conséquent, l'ensemble des demandes de 9 Télécom Réseau doit être jugées irrecevable".

Dans ses observations complémentaires enregistrées le 13 septembre 1999, 9 Télécom Réseau n'apporte pas d'éléments nouveaux.

Sur les conclusions de France Télécom tendant à ce que l'Autorité dise que la proposition d'avenant de France Télécom jointe à son mémoire enregistré le 2 août 1999 emporte l'irrecevabilité des demandes de 9 Télécom Réseau

France Télécom soutient qu'il y a absence de différend compte tenu de sa proposition d'avenant à la convention litigieuse et qu'ainsi l'ensemble des demandes de 9 Télécom Réseau est irrecevable.

Il n'est cependant pas contesté par France Télécom qu'un désaccord portant sur la conclusion de la convention d'interconnexion signée le 24 juin 1999 et plus particulièrement sur le tarif applicable à 9 Télécom Réseau jusqu'au 31 décembre 1999 pour l'acheminement des communications d'accès à Internet existait à la date de la saisine de 9 Télécom Réseau.

Il s'ensuit que les conclusions de France Télécom tendant à ce que l'Autorité dise que la proposition d'avenant de France Télécom jointe à ses observations enregistrées le 2 août 1999 emporte l'irrecevabilité de l'ensemble des demandes de 9 Télécom Réseau doivent être rejetées.

II − Sur les conclusions de 9 Télécom Réseau tendant à ce que l'Autorité dise que le tarif applicable à 9 Télécom Réseau jusqu'au 31 décembre 1999 pour l'acheminement des communications d'accès à Internet est celui prévu par le catalogue d'interconnexion de France Télécom pour 1999 pour le trafic téléphonique sans majoration pour services spéciaux et que le protocole d'accord conclu le 24 juin 1999 devra être mis en conformité avec les conditions susvisées dans un délai de huit jours suivant la notification de la décision et les paiement intervenus régularisés dans un délai de quinze jours

 Exposé des moyens

Dans sa saisine, enregistrée le 6 juillet 1999, 9 Télécom Réseau estime que sa demande est raisonnable et qu'il ne serait pas équitable de lui faire supporter une majoration "services spéciaux" et qu'une réponse claire à cette question a déjà été apportée par l'Autorité dans son avis n°99−289 du 21 mai 1999 sur la décision tarifaire de France Télécom n° 99042 E relative à la nouvelle option tarifaire "forfait internet".

Selon 9 Télécom Réseau, France Télécom n'a jamais invoqué la moindre difficulté technique à satisfaire à cette demande, mais "s'est abritée derrière un juridisme pointilleux pour ne pas appliquer ces conditions au motif qu'elles ne figurent pas dans une décision juridiquement contraignante".

Dans ses observations en défense, enregistrées le 2 août 1999, France Télécom indique qu'elle a fait parvenir à 9 Télécom Réseau le 19 juillet une proposition de négociation sur la base d'un nouveau protocole pour 1999 qui intègre la demande de 9 Télécom Réseau, et propose de régler ce différent à l'amiable.

Elle conteste les éléments de justification avancés par 9 Télécom Réseau dans sa demande.

France Télécom se réserve le droit de pouvoir réagir ultérieurement sur chacun des points développés par 9 Télécom Réseau.

Dans ses observations en réplique, enregistrées le 23 août 1999, 9 Télécom Réseau convient que la proposition de France Télécom faite dans le cadre de la procédure répond sur le fond à sa demande en ce qui concerne l'année 1999.

Par ailleurs, 9 Télécom Réseau considère que "la position pleinement motivée, après une large consultation, et publiée, constitue sans ambiguité une demande de l'Autorité de fournir une nouvelle prestation d'interconnexion répondant aux besoins de la communauté des opérateurs et que France Télécom ne dispose pas de latitude pour appliquer ou non, à sa convenance, les demandes de l'Autorité qui constituent en substance et en réalité de véritables décisions".

En outre, 9 Télécom Réseau estime qu'au vu de la réglementation applicable au secteur, l'Autorité peut parfaitement demander la révision, l'ajout ou la modification des prestations d'interconnexion de France Télécom, sans que cette demande ait à revêtir un formalisme particulier dans la mesure où cette position est largement motivée et issue d'une large consultation du secteur.

Dans ses nouvelles observations en défense enregistrées le 2 septembre 1999, France Télécom conteste l'analyse de 9 Télécom Réseau. Elle indique que l'avis n° 99−289 de l'Autorité ainsi que l'appel à commentaires de l'Autorité concernant l'accès Internet par le réseau téléphonique sont dénués de valeur juridique contraignante. En conséquence, il ne peut être conclu que la suite donnée par France Télécom aux demandes de 9 Télécom Réseau aurait été tardive.

En outre, France Télécom indique qu'en application de l'article L. 34−8 I du code des postes et télécommunications, "l'Autorité de régulation des télécommunications peut, après avis du Conseil de la concurrence, demander la modification des conventions déjà conclues". Elle considère que la convention d'interconnexion et le protocole d'accord ayant été signés par 9 Télécom Réseau et France Télécom "sans réserve", l'Autorité ne pouvait de son chef demander leurs modifications, ni imposer à France Télécom ces modifications sans avoir pris, au préalable, l'avis du Conseil de la concurrence".

Dans ses observations complémentaires enregistrées le 13 septembre 1999, 9 Télécom Réseau indique ne pas situer sa demande dans le cadre de l'article L. 34−8 I du code des postes et télécommunications. Elle précise en outre que le protocole d'accord signé entre 9 Télécom Réseau et France Télécom, le 24 juin 1999, comportait une réserve expresse relative à l'application de la majoration pour services spéciaux.

En outre, 9 Télécom Réseau considère que France Télécom ne peut pas refuser de donner suite aux demandes de l'Autorité d'ajouter une prestation à son catalogue et dans la mesure où une prestation devait y figurer, 9 Télécom Réseau avait le droit de l'obtenir au tarif indiqué.

Elle considère que cette demande s'inscrit dans le cadre de l'article D. 99−16 du code des postes et télécommunications et que France Télécom était tenue de donner suite à cette demande sans délai, étant donné le caractère provisoire de la période concernée, expirant le 31 décembre 1999. Elle considère que le refus de France Télécom de fournir la prestation à 9 Télécom Réseau était infondé et l'acceptation par France Télécom le 19 juillet est tardive.

Pour les motifs suivants :

L'Autorité constate que la proposition d'avenant à la convention litigieuse répond à la demande principale de 9 Télécom Réseau, ce que ce dernier reconnaît dans son mémoire du 23 août 1999. Il convient ainsi de prendre acte de la proposition de France Télécom et de donner force exécutoire à l'avenant précité, qui n'a été signé par aucune des parties, en ce qu'il supprime la majoration services spéciaux.

Il n'y a donc plus lieu de statuer sur les conclusions de 9 Télécom Réseau tendant à ce que l'Autorité dise que le tarif applicable à 9 Télécom Réseau jusqu'au 31 décembre 1999 pour l'acheminement des communications d'accès à Internet est celui prévu par le catalogue d'interconnexion de France Télécom pour 1999 pour le trafic téléphonique hors majoration pour services spéciaux.

Il suit de là que, dans un délai de huit jours à compter de la notification de la présente décision, France Télécom signera et transmettra à 9 Télécom Réseau un avenant identique à celui qu'elle a proposé pendant l'instruction en ce qu'il supprime la majoration pour services spéciaux pour l'acheminement des communications d'accès à Internet pour 1999.

III  − Sur les conclusions de 9 Télécom Réseau tendant à ce que l'Autorité dise que les parties pourront renégocier les conditions d'interconnexion pour la période postérieure au 31 décembre 1999 et qu'à défaut d'accord au 31 janvier 2000, chaque partie pourra saisir l'Autorité du différend

L'Autorité rappelle que les parties sont libres de renégocier à tout moment les conventions qui les lient, dans le respect du code des postes et télécommunications. La procédure de saisine de l'Autorité prévue à l'article L.36−8 de ce code est ouverte de plein droit aux opérateurs autorisés en application des articles L. 33−1 et 34−1 du code des postes et télécommunications sans qu'il soit nécessaire que l'Autorité les autorise à s'en prévaloir.

Au demeurant l'Autorité relève que le protocole d'accord pour l'acheminement de l'indicatif 0860PQ pour l'accès aux services d'accès à Internet de 9 Télécom Réseau comporte une clause établissant que "les tarifs applicables à compter du 1er janvier 2000 seront ceux négociés entre les parties au plus tard le 31 janvier 2000 et s'appliqueront rétroactivement au 1er janvier 2000".

Décide :

Article 1 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de 9 Télécom Réseau tendant à ce que l'Autorité dise que le tarif applicable à 9 Télécom réseau jusqu'au 31 décembre 1999 pour l'acheminement des communications d'accès à Internet est celui prévu par le catalogue d'interconnexion de France Télécom pour 1999 pour le trafic téléphonique hors majoration pour services spéciaux.

Article 2 : Dans un délai de huit jours à compter de la notification de la présente décision, France Télécom signera et transmettra à 9 Télécom Réseau un avenant identique à celui qu'elle a proposé pendant l'instruction en ce qu'il supprime la majoration pour services spéciaux pour l'acheminement des communications d'accès à Internet pour 1999.

Article 3 : Le surplus des conclusions de 9 Télécom Réseau et de France Télécom est rejeté.

Article 4 : Le directeur général de l'Autorité de régulation des télécommunications est chargé de l'exécution de la présente décision qui sera notifiée à France Télécom et à 9 Télécom Réseau. La présente décision sera rendue publique, sous réserve des secrets protégés par la loi.