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Décisions

Cass. soc., 21 avril 2022, n° 20-17.496

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cathala

Rapporteur :

Mme Prache

Avocat général :

Mme Grivel

Avocats :

SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Didier et Pinet, SCP Thouin-Palat et Boucard

Nancy, du 12 mars 2020

12 mars 2020

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 12 mars 2020) et les productions, M. [C] a été engagé le 17 décembre 1993 par la société [Adresse 10], laquelle a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce du 1er juin 2015, avec maintien de l'activité jusqu'au 5 juin 2015, la société MJA, prise en la personne de Mme [U] étant désignée en qualité de liquidateur.

2. Un accord majoritaire portant des mesures du plan de sauvegarde de l'emploi a été conclu le 16 juin 2015 et validé par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi le 18 juin 2015. M. [C] a été licencié pour motif économique le 15 juillet 2015, après autorisation de l'inspecteur du travail.

3. Par ordonnance du 19 août 2015, le juge commissaire a autorisé la reprise de l'activité du site industriel de [Localité 7] par la société [Adresse 8], aux droits de laquelle vient la société Lebronze Alloys (la société).

4. Après avoir vainement demandé sa réembauche auprès de la société Lebronze Alloys, le salarié et le syndicat [Adresse 6] ont saisi la juridiction prud'homale le 12 juin 2017, afin de voir dire le licenciement dépourvu d'effet en vertu de l'article L. 1224-1 du code du travail et obtenir condamnation de la société Lebronze Alloys au paiement de dommages-intérêts pour licenciement abusif ou, subsidiairement, leur fixation au passif de la société [Adresse 10].

Examen des moyens

Sur la première branche du premier moyen et les deuxième et quatrième moyens, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

6. La société Lebronze Alloys fait grief à l'arrêt de déclarer le salarié et le syndicat [Adresse 6] recevables en leurs actions et de la condamner à payer au salarié des dommages-intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail et au syndicat des dommages-intérêts en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif de la profession, alors « que le bien fondé du licenciement d'un salarié protégé intervenu en vertu d'une autorisation administrative définitive ne peut être remis en cause devant le juge judiciaire ; qu'en l'espèce, il était constant que M. [C], salarié protégé, avait été licencié après autorisation de l'inspecteur du travail ; que la société Lebronze Alloys avait fait valoir, tant en première instance qu'en appel, qu'il ne pouvait donc, sans heurter le principe de séparation des pouvoirs, solliciter des dommages-et-intérêts pour licenciement abusif au prétexte que son contrat de travail aurait dû être transféré à la société Lebronze Alloys, élément dont il avait au demeurant eu connaissance dans le délai de recours contre l'autorisation de licenciement ; qu'en jugeant la demande du salarié recevable et en lui accordant des dommages et intérêts pour rupture abusive, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble le principe de séparation des pouvoirs. »

Réponse de la Cour

7. En l'absence de toute cession d'éléments d'actifs de la société en liquidation judiciaire à la date à laquelle l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement d'un salarié protégé, il appartient à la juridiction judiciaire d'apprécier si la cession ultérieure d'éléments d'actifs autorisée par le juge-commissaire ne constitue pas la cession d'un ensemble d'éléments corporels et incorporels permettant l'exercice d'une activité qui poursuit un objectif propre, emportant de plein droit le transfert des contrats de travail des salariés affectés à cette entité économique autonome, conformément à l'article L. 1224-1 du code du travail, et rendant sans effet le licenciement prononcé, sans que cette contestation, qui ne concerne pas le bien-fondé de la décision administrative ayant autorisé le licenciement d'un salarié protégé, porte atteinte au principe de la séparation des pouvoirs.

8. La cour d'appel, qui a relevé que la contestation ne portait pas sur la régularité de la procédure de licenciement, la recherche d'un repreneur et le bien-fondé de la décision rendue par l'inspecteur du travail devenue définitive, mais, à titre principal, sur le non-respect du principe du transfert des contrats de travail par l'effet de la cession d'une entité économique autonome, intervenue après la notification du licenciement autorisé par l'inspecteur du travail et, à titre subsidiaire, sur la responsabilité solidaire du cédant et du cessionnaire dans le cadre de la même opération, a légalement justifié sa décision.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

9. La société Lebronze Alloys fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'aux termes de l'article L. 1235-7 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, toute contestation portant sur la régularité ou la validité du licenciement se prescrit par douze mois à compter de la dernière réunion du comité d'entreprise ou, dans le cas de l'exercice par le salarié de son droit individuel à contester la régularité ou la validité du licenciement, à compter de la notification de celui-ci ; que ce délai est applicable lorsque le salarié conteste la régularité ou la validité de son licenciement pour motif économique intervenu dans le cadre d'une procédure de licenciement collectif en prétendant que son contrat de travail aurait dû être transféré à un autre employeur sur le fondement de l'article L. 1224-1 du code du travail ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »

Réponse de la Cour

10. Le délai de prescription de douze mois prévu par l'article L. 1235-7 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 et applicable du 1er juillet 2013 au 24 septembre 2017, qui court à compter de la notification du licenciement, concerne les contestations, de la compétence du juge judiciaire, fondées sur une irrégularité de la procédure relative au plan de sauvegarde de l'emploi ou sur la nullité de la procédure de licenciement en raison de l'absence ou de l'insuffisance d'un tel plan, telles les contestations fondées sur l'article L. 1233-58 II, alinéa 5, du code du travail.

11. Ce délai n'est pas applicable aux actions, relevant de la compétence du juge judiciaire, exercées par les salariés licenciés aux fins de voir constater une violation des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, de nature à priver d'effet les licenciements économiques prononcés à l'occasion du transfert d'une entité économique autonome, lesquelles sont soumises à la prescription biennale prévue par l'article L. 1471-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017.

12. Ayant constaté que les salariés avaient saisi la juridiction prud'homale d'une action fondée sur l'article L. 1224-1 du code du travail, étrangère à toute contestation afférente à la validité du plan de sauvegarde de l'emploi et non susceptible d'entraîner la nullité de la procédure de licenciement collectif pour motif économique, la cour d'appel en a exactement déduit que la prescription applicable était celle prévue par l'article L. 1471-1 du code du travail.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.