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Décisions

CAA Paris, 3e ch., 6 mars 2023, n° 22PA01321

PARIS

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Luben

Présidente-assesseure :

Mme Julliard

Première conseillère :

Mme Mornet

Rapporteure publique :

Mme Pena

Avocats :

Mme Pena, Me Frölich

CAA Paris n° 22PA01321

5 mars 2023

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une décision n° 409521 du 14 décembre 2018, le Conseil d'État statuant au contentieux a écarté des débats les mémoires du Premier ministre, rejeté les conclusions de la requête de la société Mei Partners tendant à l'annulation de la convention du 9 mai 2012 et a attribué au tribunal administratif de Paris le jugement du surplus des conclusions la requête de la société Mei Partners, de Me Jean-Marc Noël, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de cette société et de M. X tendant 1°) à l'annulation de la décision refusant à la société Mei Partners la possibilité de promouvoir et de gérer des fonds d'investissement bénéficiant d'aides conformes aux dispositions de l'article 29 du règlement n° 800/2008, 2°) à l'annulation de la décision refusant de procéder à la récupération des aides illégales de la convention du 9 mai 2012 ; 3°) à l'annulation de la décision refusant d'indemniser la société Mei Partners en raison du préjudice subi à la suite des violations de plusieurs dispositions du droit de l'Union européenne ; 4°) à l'annulation de la décision refusant de procéder aux saisies-attributions sur soi-même au titre d'une partie des créances liées à cette indemnisation ; 5°) à la condamnation de l'État à verser une somme en indemnisation de la gestion d'affaire et une somme en indemnisation du préjudice résultant des pratiques anticoncurrentielles définies aux articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce, ainsi qu'aux articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) ; 6°) à ce qu'il soit enjoint à l'État de récupérer les aides octroyées par la convention du 9 mai 2012, assorties des intérêts au taux légal et de procéder au versement des sommes demandées, à compter du 27 mars 2019 sous astreinte d'un million d'euros par jour de retard ; 7°) avant dire droit, à ce qu'il soit procédé à un renvoi préjudiciel auprès de la Cour de justice de l'Union européenne, et au versement d'une provision de 3 678 587 016 euros à valoir sur les sommes demandées.

Par un jugement n° 1901234 du 24 janvier 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête enregistrée sous le n° 22PA01321 le 21 mars 2022 et un mémoire en réplique enregistré le 2 décembre 2022, la société Mei Partners, la société Efinovia SA, Me Jean-Marc Noël agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Mei Partners, M. X et la Banque-Assurance européenne des droits fondamentaux (EFRBI) représentés par Me Frölich, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 24 janvier 2022 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision implicite du ministre de l'économie refusant de récupérer les aides de la convention du 9 mai 2012 octroyées à tort ;

3°) d'annuler les décisions implicites refusant de procéder aux saisies-attributions sur soi-même demandées le 4 juillet 2017 ;

4°) d'enjoindre à l'Etat sous astreinte de procéder à la récupération des intérêts et aides ;

5°) de condamner l'État à leur verser sous astreinte des dommages et intérêts du fait des pratiques anticoncurrentielles définies aux articles 101 et 102 lus conjointement avec l'article 106 paragraphe 1 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) au titre du gain manqué, de la perte de chance et du préjudice moral ;

6°) de prononcer et liquider une astreinte forfaitaire définitive de 1 093 000 000 euros si l'Etat ne justifie pas avoir indemnisé les appelants et récupéré les intérêts et aides illégales avant le 30 juin 2022 ;

7°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les écritures de la Caisse des dépôts et consignations ne sont pas recevables dès lors qu'elle n'a pas intérêt à agir contre les conclusions indemnitaires de la requête qui ne lèsent pas ses intérêts ;

- le tribunal n'a pas rempli son office de juge de plein contentieux en se bornant à examiner l'intérêt à agir à l'égard de la décision refusant de récupérer les aides alors qu'il résulte de l'article L. 775-1 du code de justice administrative que les actions tendant à la réparation d'un dommage causé par une pratique anticoncurrentielle ne suivent pas les règles de recevabilité d'un recours pour excès de pouvoir ; ce faisant, le tribunal a commis un déni de justice, a violé le principe d'effectivité du droit de l'Union européenne et porté aux droits des requérants à une protection juridictionnelle effective ;

- le jugement attaqué a méconnu l'intérêt à agir résultant de leur statut de personnes signalant des violations du droit de l'Union européenne et protégées par les dispositions de la directive 2019/1937 du 23 octobre 2019 ; ils justifiaient également d'un intérêt à demander l'annulation des refus qu'a opposé l'administration à leurs demandes indemnitaires des 24 avril 2018 et 28 juin 2021, de récupération des intérêts et des aides illégales, de saisie-attribution sur soi-même du 4 juillet 2017 ;

- le tribunal a omis de statuer sur la violation de l'article 106 paragraphe 1 du TFUE lu conjointement avec l'article 102 ; la décision refusant d'indemniser la société Mei Partners méconnaît les stipulations des articles 101, 102, 106 paragraphe 1 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) ; le lien de causalité entre la violation des règles de l'Union européenne et son préjudice est établi ;

- pour la période 2012 à 2022, le préjudice de la société Mei Partners et de la EFRBI composé du manque à gagner et de la perte de chance s'élève à 3 600 000 000 euros, le préjudice du manque à gagner des créanciers de la société Mei Partners s'élève à 3 050 000 euros et le préjudice de M. X composé de son manque à gagner, de sa perte de chance et de son préjudice moral s'élève à 7 600 000 euros ;

- la décision de refus de récupération des aides d'État illégales méconnaît les stipulations de l'article 108 paragraphe 3 du TFUE et les dispositions des articles 3 et 29 du règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission européenne du 6 août 2008 ;

- le montant total des aides illégalement octroyées est estimé à 3 879 422 596 euros et les intérêts exigibles s'élèvent à 564 572 370,40 euros ; il y a lieu d'enjoindre à l'Etat sous astreinte de procéder à cette récupération des aides et des intérêts et de liquider l'astreinte d'un million par jour à compter du 27 mars 2019, soit 1 093 000 000 au 24 mars 2022 ;

- la gestion d'affaire au sens de l'article 1301-2 du code civil, accomplie par la société Mei Partners et M. X aux fins de récupération des intérêts et aides octroyées par la convention du 9 mai 2012 doit faire l'objet d'une indemnité légale dont le montant provisoire est de 232 765 355,76 euros ;

- la décision refusant de procéder à des saisies-attributions sur soi-même méconnaît les obligations de diligences nécessaires au recouvrement d'une dette fiscale de la part du comptable public, les stipulations des articles 101, 102, 106 107 et 108 du TFUE, les dispositions de l'article 11 de la directive 2010/24/UE et les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la Cour pourra surseoir à statuer et interroger la Cour de justice de l'Union européenne afin de résoudre les questions d'interprétation du droit de l'Union européenne que soulève le présent litige.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 juin 2022, la Caisse des dépôts et consignations, représentée par Me Bergès, Thomas et Azière, conclut au rejet de la requête à la confirmation du jugement attaqué, à ce que la Cour prononce son exécution forcée sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard et à la condamnation de chacun des appelants à lui verser la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Elle soutient que la requête des sociétés Efinovia SA et EFRBI est irrecevable faute de qualité pour agir, que la requête de la société Mei Partners et de M. X est irrecevable faute d'intérêt à agir et que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

II. Par une requête enregistrée sous le n° 22PA01351 le 22 mars 2022 et un mémoire en réplique enregistré le 2 décembre 2022, la société Mei Partners, la société Efinovia SA, Me Jean-Marc Noël agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Mei Partners, M. X et la Banque-Assurance européenne des droits fondamentaux (EFRBI) représentés par Me Frölich, demandent à la Cour de suspendre l'exécution du jugement du 24 janvier 2022 du tribunal administratif de Paris et à ce que la Cour ordonne le versement solidairement à M. X et la société Mei Partners ou toute autre entité venant aux droits et obligations de ceux-ci en particulier la Banque-Assurance européenne des droits fondamentaux (EFRBI) en cours de création, d'une provision de 97 700 000 euros.

Ils soutiennent que :

- le jugement entrepris entraîne des conséquences financières difficilement réparables pour M. X et les membres de sa famille ;

- les moyens développés dans la requête font apparaître qu'ils sont victimes d'un traitement désavantageux et injuste interdit par l'article 19 de la directive 2019/1937 dont les dispositions sont d'effet direct ;

- au cas où la Cour ordonne le versement d'une provision sur le fondement du III. A de l'article 10-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 modifiée par la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022, elle prononcera un non-lieu à statuer sur la demande de sursis à exécution ;

Par des mémoires en défense enregistrés le 7 juin 2022 et 15 décembre 2022, la Caisse des dépôts et consignations représentée par Me Bergès, Thomas et Azière conclut au rejet de la requête et à la condamnation de chacun des appelants à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Elle soutient que :

- les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat au versement d'une provision sont irrecevables ;

- les moyens de la requête des appelants ne sont pas sérieux et ces derniers ne justifient pas que l'exécution du jugement entraînerait pour eux des conséquences difficilement réparables.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le traité sur l'Union européenne ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l'Union ;

- le code civil ;

- la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Y,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique,

- et les observations de Me Azière, représentant la Caisse des dépôts et consignations.

Considérant ce qui suit :

1. Une convention a été conclu le 9 mai 2012 entre l'État, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), devenue l'Agence de la transition écologique et la Caisse des dépôts et consignations (CDC) ayant pour objet la mise en œuvre et la gestion, par la filiale de la CDC, CDC Entreprises devenue la société Bpifrance Investissement, d'un fonds dédié au financement des petites et moyennes entreprises dans le cadre du programme d'investissements d'avenir (PIA). Le 10 octobre 2016, la société Mei Partners a introduit une plainte auprès de la Commission européenne relative à la méconnaissance des règles de la concurrence par l'État français par la convention du 9 mai 2012. Par une décision n° 409521 du 14 décembre 2018, le Conseil d'État statuant au contentieux a rejeté les conclusions de la requête de la société Mei Partners tendant à l'annulation de la convention du 9 mai 2012 et a attribué au tribunal administratif de Paris le jugement du surplus des conclusions la requête tendant 1°) à l'annulation de la décision refusant à la société Mei Partners la possibilité de promouvoir et de gérer des fonds d'investissement bénéficiant d'aides conformes aux dispositions de l'article 29 du règlement n° 800/2008, 2°) à l'annulation de la décision refusant de procéder à la récupération des aides illégales de la convention du 9 mai 2012 ; 3°) à l'annulation de la décision refusant d'indemniser la société Mei Partners en raison du préjudice subi à la suite des violations de plusieurs dispositions du droit de l'Union européenne ; 4°) à l'annulation de la décision refusant de procéder aux saisies-attributions sur soi-même au titre d'une partie des créances liées à cette indemnisation ; 5°) à la condamnation de l'État à verser une somme en indemnisation de la gestion d'affaire et une somme en indemnisation du préjudice résultant des pratiques anticoncurrentielles définies aux articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce, ainsi qu'aux articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) ; 6°) à ce qu'il soit enjoint à l'État de récupérer les aides octroyées par la convention du 9 mai 2012, assorties des intérêts au taux légal et de procéder au versement des sommes demandées, à compter du 27 mars 2019 sous astreinte d'un million d'euros par jour de retard ; 7°) avant dire droit, à ce qu'il soit procédé à un renvoi préjudiciel auprès de la Cour de justice de l'Union européenne, et au versement d'une provision de 3 678 587 016 euros à valoir sur les sommes demandées. Par un jugement n° 1901234 du 24 janvier 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté ces demandes. Par une requête n° 22PA01321, la société Mei Partners, la société Efinovia SA, Me Jean-Marc Noël agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Mei Partners, M. X et la Banque-Assurance européenne des droits fondamentaux (EFRBI) relèvent appel de ce jugement. Par une requête n° 22PA01351, ils demandent à la Cour le sursis à exécution dudit jugement.

2. Les deux requêtes susvisées sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.

Sur la requête n° 22PA01321 :

Sur la recevabilité des écritures de la Caisse des dépôts et consignations :

3. La Caisse des dépôts et consignations, qui est partie à la convention litigieuse conclue le 9 mai 2012, est recevable à présenter des observations dans le cadre de la présente instance. Il n'y a en conséquence pas lieu d'écarter ses mémoires comme le demandent les appelants.

Sur la recevabilité de la requête d'appel de la société Efinovia et de la Banque-Assurance européenne des droits fondamentaux (EFRBI) :

4. Les sociétés Efinovia et de la Banque-Assurance européenne des droits fondamentaux (EFRBI) qui n'étaient pas parties à l'instance devant le tribunal administratif ne sont pas recevables à relever appel du jugement du 24 janvier 2022 du tribunal administratif de Paris. La fin de non-recevoir opposée la Caisse des dépôts et consignations doit en conséquence être accueillie.

Sur la régularité du jugement attaqué :

5. Les appelants soutiennent, en premier lieu, que le tribunal n'a pas rempli son office de juge de plein contentieux en se bornant à examiner leur intérêt à agir à l'égard de la décision refusant de récupérer les aides. Il ressort en effet du jugement attaqué que le tribunal a omis de se prononcer sur l'intérêt à agir des requérants à l'encontre des autres décisions attaquées et sur le bien-fondé de leur conclusions indemnitaires. Il en résulte que les appelants sont fondés à soutenir que le jugement attaqué doit être annulé dans cette mesure.

6. Si les appelants soutiennent, en second lieu, que le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de la violation de l'article 106 paragraphe 1 du TFUE, lu conjointement avec l'article 102, le tribunal a pu, sans entacher son jugement d'irrégularité, ne pas se prononcer sur ce moyen dès lors qu'il a jugé les conclusions de la requête irrecevables faute d'intérêt à agir des requérants.

7. Il en résulte qu'il y a lieu pour la Cour de statuer par la voie de l'effet dévolutif sur les conclusions dirigées contre la décision implicite du Premier ministre refusant de procéder à la récupération d'aides d'Etat et par la voie de l'évocation pour le surplus de demande présentée devant le tribunal administratif.

Sur l'intérêt à agir des requérants contre la décision refusant de procéder à la récupération d'aides d'Etat :

8. Aux termes de l'article L. 775-1 du code de justice administrative : " Lorsqu'elles relèvent de la juridiction administrative, les actions tendant à la réparation d'un dommage causé par une pratique anticoncurrentielle mentionnée à l'article L. 481-1 du code de commerce sont présentées, instruites et jugées selon les dispositions du présent code, sous réserve des articles L. 153-1 et L. 153-2 du code de commerce et du titre VIII du livre IV du même code. ".

9. En premier lieu, pour justifier de leur intérêt à agir contre la décision implicite du Premier ministre refusant de procéder à la récupération d'aides d'Etat, la société Mei Partners et autres se prévalent des dispositions de l'article L. 775-1 du code de justice administrative. Il résulte toutefois des dispositions précitées qu'elles ne sont pas applicables à leur demande d'annulation pour excès de pouvoir de la décision litigieuse.

10. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient la société Mei Partners et autres, il ne ressort pas des pièces du dossier que dans le cadre des plaintes déposées par M. X devant la Commission européenne, celle-ci aurait reconnu leur intérêt à agir contre la décision litigieuse, ni que la décision en cause leur causerait directement grief dès lors qu'il n'est pas établi que la récupération des aides d'Etat serait de nature à modifier la situation patrimoniale et juridique de la société Mei Partners et de son dirigeant.

11. Enfin, à supposer que M. X puisse être regardé comme un lanceur d'alerte, au sens de la directive 2019/1937 du 23 octobre 2019 et de la loi du 21 mars 2022 prise pour sa transposition pour avoir dénoncé des violations du droit de l'Union européenne, aucune des dispositions qu'il invoque, en particulier celles qui instaurent une protection des lanceurs d'alerte contre les représailles, ne lui confère, contrairement à ce qu'il prétend, un intérêt à agir contre la décision du Premier ministre refusant de récupérer des aides dont il n'est pas établi qu'elles seraient illégales et qu'elles devraient faire l'objet de la part de l'Etat français d'une récupération auprès des bénéficiaires.

12. Il résulte de tout ce qui précède que faute d'intérêt à agir des requérants, les conclusions de la requête dirigées contre la décision refusant de procéder à la récupération d'aides d'Etat sont irrecevables.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

13. Le rejet des conclusions dirigées contre la décision refusant de procéder à la récupération d'aides d'Etat, entraîne, par voie de conséquence, le rejet des conclusions à fin d'injonction à l'Etat de procéder à la récupération de ces aides et des intérêts y afférent, ainsi que les conclusions tendant à ce que la Cour prononce et liquide une astreinte forfaitaire définitive de 1 093 000 000 euros si l'Etat ne justifie pas avoir récupéré les intérêts et aides illégales avant le 30 juin 2022.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision refusant la possibilité à la société Mei Partners de promouvoir et de gérer des fonds d'investissement :

14. Si les requérants demandaient en première instance l'annulation de la décision refusant la possibilité à la société Mei Partners de promouvoir et de gérer des fonds d'investissement bénéficiant d'aides conformes aux dispositions de l'article 29 du règlement n° 800/2008, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une telle décision ait été prise, dès lors que d'une part, la convention du 9 mai 2012 a pour seul objet la mise en place et l'organisation d'un fonds dédié à l'investissement en faveur des petites et moyennes entreprises et d'autre part que ladite convention a été signée en application de l'article 8 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010 qui énonce les différentes catégories d'entités susceptibles d'assumer la gestion des fonds versés à partir des programmes d'investissement d'avenir créés par cette même loi, dont la société MEI Partners ne fait pas partie. Dans ces conditions, les conclusions à fin d'annulation d'une décision inexistante sont irrecevables.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite refusant de procéder aux saisies-attributions sur soi-même :

15. Il résulte des termes dans lesquels elle est présentée que la lettre du 4 juillet 2017 adressée à la direction générale des finances publiques a le caractère d'une demande préalable dès lors que Monsieur A y réclame que l'administration procède à la saisie-attribution sur soi-même pour un montant de 1 362 936 euros en raison de " la créance en germe supérieure à 4 012 713 euros que notre société tient sur le ministère en charge du budget et des comptes publics qui a été révélée par l'ordonnance du 26 juin 2017 du tribunal administratif de Strasbourg n° 1702496 et dont la procédure au fond se poursuit devant le Conseil d'État n°409521. En conséquence nous vous mettons en demeure de procéder aux saisies attribution sur soi-même pour les dettes fiscales de 1 362 936 euros ".

16. Si les requérants entendent demander la condamnation de l'Etat à leur verser le montant d'une " créance en germe " ou " de dettes fiscales " à hauteur de 1 362 936 euros, il ne résulte pas de l'instruction que Monsieur A ou la société Mei Partners établiraient que l'Etat serait redevable à leur égard ni d'une créance dont une décision juridictionnelle serait venue consacrer l'existence ni d'un trop-perçu au titre de leurs impôts. Il en résulte, en tout état de cause, que ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant à la condamnation de l'État au versement des dommages et intérêts du fait des violations de plusieurs dispositions du droit de l'Union européenne et des pratiques anticoncurrentielles :

17. Si la société Mei Partners et autres demandent l'indemnisation du gain manqué, de la perte de chance et du préjudice moral que leur auraient causé les violations par l'Etat de plusieurs dispositions du droit de l'Union européenne et par des pratiques anticoncurrentielles résultant de la conclusion de la convention du 9 mai 2012 et de l'activité de la société Bpifrance Investissement, ils n'établissent en tout état de cause pas un lien de causalité suffisamment direct et certain entre la conclusions de la convention litigieuse, ni davantage entre l'activité de la société Bpifrance Investissement, et les préjudices dont ils se prévalent. Leurs demandes ne peuvent en conséquence qu'être rejetées.

18. Le rejet des conclusions indemnitaires de la requête entraîne, par voie de conséquence, le rejet des conclusions tendant à ce que la Cour prononce et liquide une astreinte forfaitaire définitive de 1 093 000 000 euros si l'Etat ne justifie pas avoir indemnisé les appelants avant le 30 juin 2022.

Sur les conclusions tendant au versement d'une provision de 40 millions d'euros, à valoir sur le montant de l'indemnité de gestion d'affaire accomplie par la société Mei Partners :

19. La société Mei Partners et autres ne sauraient utilement se prévaloir, pour solliciter le versement d'une provision, d'une créance sur l'Etat que détiendrait la société MEI Partners au titre d'une prétendue gestion d'affaire, exercée par le biais de ses actions contentieuses et de sa plainte auprès de la Commission européenne en vue de la récupération d'aides d'Etat illégales, ni d'un enrichissement sans cause de l'Etat qui en résulterait, dès lors qu'en tout état de cause, ils ne justifient pas du succès de ces actions.

20. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de questions préjudicielles, que les conclusions de la société Mei Partners et autres doivent être rejetées, y compris les conclusions aux fins d'injonction, d'astreinte.

Sur les conclusions de la Caisse des dépôts et consignation aux fins d'exécution forcée :

21. Les conclusions aux fins " d'exécution forcée " du jugement annulé par le présent arrêt, ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées.

Sur la requête n° 22PA01351 :

22. Aux termes de l'article R. 811-17 du code de justice administrative : " Dans les autres cas, le sursis peut être ordonné à la demande du requérant si l'exécution de la décision de première instance attaquée risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requête paraissent sérieux en l'état de l'instruction. ".

23. En premier lieu, le présent arrêt statuant sur la demande d'annulation du jugement attaqué, les conclusions de la requête tendant au sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet.

24. En second lieu, il n'entre pas dans les attributions du juge administratif, saisi sur le fondement des dispositions précitées de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, d'ordonner le versement de provisions. Les conclusions de la requête tendant à ce que la Cour ordonne le versement d'une provision de 97 700 000 euros ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais des instances devant la Cour :

25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas à titre principal la partie perdante, verse aux appelants la somme qu'ils demandent au titre des frais de l'instance. Il y a lieu de mettre à la charge solidaire des appelants une somme de 2 000 euros à verser à la Caisse des dépôts et consignations au titre des frais des instances.

Sur l'amende pour recours abusif :

26. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros ".

27. La requête de M. X, qui reprend à l'identique les conclusions et moyens développés par lui ou pour le compte de sa société Mei Partners dans de très nombreuses instances devant les tribunaux administratifs, la Cour de céans et le Conseil d'Etat qui ont toutes été rejetées, présente un caractère abusif. Il y a lieu en conséquence de le condamner à payer une amende de 2 000 euros.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 22PA01351 à fin de sursis à exécution du jugement n°1901234 du 24 janvier 2022 du tribunal administratif de Paris.

Article 2 : Le jugement n° 1901234 du 24 janvier 2022 du tribunal administratif de Paris est annulé, sauf en tant qu'il se prononce sur les conclusions dirigées contre la décision implicite du Premier ministre refusant de procéder à la récupération d'aides d'Etat.

Article 3 : La demande présentée par la société Mei Partners et autres devant le tribunal administratif de Paris et le surplus des conclusions des requêtes n° 22PA01321 et n° 22PA01351, sont rejetées.

Article 4 : La société MEI Partners et autres sont condamnés solidairement à verser à la Caisse des dépôts et consignations une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la Caisse des dépôts et consignations est rejeté.

Article 6 : M. X est condamné à payer une amende de 2 000 euros pour recours abusif.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à notifié à la société Mei Partners et autres, au Premier ministre, au ministre de l'économie, des finances et de la relance, au ministre de la justice, à la Caisse des dépôts et consignations et à l'établissement public Bpifrance.