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Décisions

Cass. com., 8 mars 2023, n° 21-18.829

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

Mme Vallansan

Avocat général :

Mme Guinamant

Avocats :

SARL Ortscheidt, SAS Buk Lament-Robillot

Toulouse, du 2 juin 2021

2 juin 2021


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 2 juin 2021), la société Akerys s'est engagée courant 2004 à acheter à la société A3X Promotion (la société A3X) deux parcelles de terrains pour lesquels elle a versé la somme de 611 000 euros à titre d'indemnité d'immobilisation. La vente n'ayant pu se réaliser, la société Akerys a assigné la société A3X en remboursement de cette somme. Par ailleurs, en 2010, la société Groupe Pacfa, qui avait convenu avec la société A3X d'un projet de promotion immobilière portant sur les parcelles litigieuses moyennant le versement d'un acompte de 250 000 euros, a demandé le remboursement de cette somme à la société A3X après l'échec de l'opération, le montant étant garanti par une hypothèque de premier rang sur les parcelles.

2. Le 13 juin 2012, la société A3X, représentée par son gérant M. [V], a effectué un apport en nature des terrains litigieux à la société Sainte Germaine 3, représentant la quasi-totalité des parts d'une société constituée avec la fille de ce dernier, Mme [Z] [V], laquelle a, le 21 août suivant, acquis de la société A3X la quasi-totalité des parts de cette dernière. Les dernières parts ont été cédées à l'épouse du gérant le 31 mars 2013.

3. Les 23 et 30 août 2013, la société Akerys, qui avait été autorisée à inscrire une hypothèque provisoire de second rang sur les immeubles litigieux à l'encontre de la société Sainte Germaine 3, a assigné cette dernière ainsi que la société A3X en inopposabilité de l'apport en société sur le fondement de la fraude paulienne.

4. Les 5 avril et 5 juillet 2016, la société A3X a été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la société [T] et associés étant désignée liquidateur. Le 10 avril 2017, le liquidateur a assigné la société Sainte Germaine 3 « en nullité pour fraude paulienne » de l'apport en nature effectué par la société A3X au profit de la société Sainte Germaine 3.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

6. La société Sainte Germaine 3 fait grief à l'arrêt de déclarer inopposable à la procédure collective de la société A3X, pour cause de fraude paulienne, l'apport en nature des parcelles effectué le 13 juin 2012 par la société A3X, d'ordonner la publication de l'arrêt et la réintégration des parcelles dans le périmètre de la liquidation judiciaire de la société A3X, et de dire que le liquidateur pourra appréhender entre les mains de la société Sainte Germaine 3 les parcelles précitées et procéder à leur réalisation suivant les règles inhérentes au droit des procédures collectives, alors « que le liquidateur du débiteur n'est pas recevable à exercer l'action paulienne, faute de pouvoir prétendre agir dans l'intérêt collectif des créanciers, dans une hypothèse où seule une partie des créanciers a intérêt à voir juger que l'acte attaqué leur est inopposable pour cause de fraude paulienne ; qu'en jugeant que le liquidateur était recevable à agir dans l'intérêt collectif des créanciers, après avoir constaté que les deux terrains dont l'apport en nature était contesté faisaient l'objet de deux hypothèques, sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si l'inopposabilité de l'apport en nature allait profiter à l'ensemble des créanciers, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 622-20 du code de commerce et de l'article 1167 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

7. Le liquidateur, qui représente l'intérêt collectif des créanciers en application de l'article L. 622-20 du code de commerce, rendu applicable à la liquidation judiciaire par l'article L. 641-4 du même code, a qualité pour exercer l'action paulienne contre un acte frauduleux ayant eu pour effet de soustraire un bien du patrimoine du débiteur soumis à la liquidation judiciaire et de réduire ainsi le gage commun des créanciers, y compris lorsque la répartition des dividendes profite exclusivement à certains d'entre eux.

8. Ayant retenu qu'en transférant, sous le couvert d'un apport en nature, son patrimoine immobilier dans celui de la société Sainte Germaine 3, puis en se dépouillant progressivement de l'ensemble de ses parts sociales de cette société au bénéfice des parents de son gérant au moyen d'une compensation fictive dénuée de contrepartie, la société A3X avait accompli un acte en fraude aux droits de ses créanciers, la cour d'appel qui n'était pas tenue de procéder à une recherche inopérante, a légalement justifié sa décision de déclarer cet apport en nature inopposable à la procédure collective de la société A3X peu important que cette inopposabilité n'allait pas profiter à l'ensemble des créanciers.

9. Le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.