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Décisions

Cass. com., 27 juin 2018, n° 17-14.439

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot

Paris, du 7 déc. 2016

7 décembre 2016

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 décembre 2016), que la société Bernard Dupret (la société Dupret) a acquis, dans le cadre d'une transaction, plusieurs milliers d'ouvrages publiés aux Editions Anagramme et stockés initialement dans les locaux de la société Sirege, puis dans ceux de la société DG diffusion ; que pour s'opposer à la demande de restitution des ouvrages, cette dernière s'est prévalue d'un contrat de diffusion-distribution exclusive conclu avec la société Anedit, titulaire de la marque Anagramme Editions et seule habilitée à donner des instructions pour la commercialisation des ouvrages de la marque ; que la société Dupret a assigné les deux sociétés en restitution sous astreinte et en réparation de son préjudice ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société DG diffusion fait grief à l'arrêt d'accueillir ces demandes alors, selon le moyen, que le dépôt est un acte par lequel on reçoit la chose d'autrui à la charge de la garder et de la restituer en nature ; que l'obligation, pour le dépositaire, de garder la chose ainsi que la charge de la restituer en nature sont des éléments essentiels du contrat de dépôt ; qu'en déduisant l'existence d'un prétendu contrat de dépôt de livres entre les sociétés Dupret et DG diffusion, qui seraient selon elle respectivement déposant et dépositaire, du fait que « les ouvrages ont été livrés à la société DG diffusion sur ordre de leur propriétaire, la société Dupret et pour son compte » et de la circonstance que la société Dupret aurait « confié la garde de ses livres à la société DG diffusion en mandatant le stockeur initial, la société Sirege, pour les transférer vers les locaux de la société DG diffusion » sans constater que la société DG diffusion avait pris à l'égard de la société Dupret tant l'engagement de garder les livres que celui de les lui restituer en nature, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1915 du code civil ;

Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, l'arrêt relève que la société Dupret est régulièrement devenue propriétaire des ouvrages qui étaient entreposés dans les locaux de la société Sirege et que c'est elle qui en a demandé le transfert dans les locaux de la société DG diffusion, à qui elle les a confiés; qu'il en déduit que les livres ayant été livrés sur ordre de leur propriétaire, la société Dupret, et pour son compte, la société Anedit n'est pas le déposant pour la société DG diffusion, laquelle est tenue de restituer les ouvrages à leur propriétaire ; qu'en cet état, la cour d'appel qui n'est pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations et appréciations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société DG diffusion fait grief à l'arrêt de la condamner in solidum avec la société Anedit à payer à la société Dupret des dommages-intérêts en réparation de ses préjudices financier et moral alors, selon le moyen :

1°/ que le préjudice doit être réparé sans perte ni profit pour la victime ; qu'un même préjudice ne peut être indemnisé deux fois ; qu'en allouant à la société Dupret, d'un côté, 5 000 euros de dommages-intérêts au titre du préjudice prétendument « subi du fait du manque à gagner résultant de son impossibilité de percevoir les fonds issus de la revente » des 15 676 livres et, de l'autre, la somme de 24 792,48 euros correspondant « outre le prix d'achat de ces ouvrages non restitués [les 5 580 livres manquants], [à] la marge moyenne de 1,5 habituellement perçue lors de la revente pour ce type de produit » ainsi que la somme de 34 857,51 euros au titre du « manque à gagner » sur les 10 096 ouvrages restitués, la cour d'appel a indemnisé plusieurs fois le même préjudice, en violation de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ensemble le principe de la réparation intégrale ;

2°/ que le préjudice doit être réparé sans perte ni profit pour la victime ; qu'un même préjudice ne peut être indemnisé deux fois ; qu'en allouant, « s'agissant de la période antérieure au jugement », à la société Dupret la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral qui résulterait du fait « qu'elle n'a pu exercer librement son droit de propriété en étant empêchée de vendre ses ouvrages » tout en confirmant le jugement entrepris en ce qu'il a alloué à la société Dupret la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts résultant de l'empêchement pour celle-ci « de disposer des livres qui lui ont été vendus » et de la présentation de « cette société [la société Dupret] comme usurpant des droits », la cour d'appel a encore indemnisé deux fois le même préjudice en violation de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ensemble le principe de la réparation intégrale ;

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt retient que s'agissant de la période antérieure au jugement, du fait de la non-restitution fautive des 15 676 livres, la société Dupret a été dans l'impossibilité de les commercialiser durant ce laps de temps et a ainsi subi un préjudice financier, lequel ne pouvant être indemnisé ni par la valeur d'achat de ces ouvrages, ni par la marge que leur vente aurait permis de réaliser, est évalué à 5 000 euros ; qu'il retient encore que s'agissant de la période postérieure au jugement, la société Dupret est fondée à réclamer, outre le prix d'achat des 5 580 ouvrages qu'elle n'a pas récupérés après la restitution de 10 096 livres, la marge moyenne de 1,5 habituellement perçue lors de la revente pour ce type de produits, soit la somme de 24 792,48 euros ; qu'il retient enfin que lors de leur restitution les 10 096 ouvrages avaient perdu de leur valeur, de sorte que, l'ensemble du stock ne pouvant être vendu qu'auprès de soldeurs pour une somme forfaitaire et dérisoire de 10 000 euros, le manque à gagner subi est évalué à 34 857,51 euros ; qu'en l'état de ces appréciations, la cour d'appel a indemnisé des préjudices distincts ;

Et attendu, d'autre part, qu'il ne résulte pas de la motivation du jugement selon lequel la société Anedit a fait dégénérer son opposition en abus manifeste, en empêchant la société Dupret de disposer des livres qui lui ont été vendus, que le tribunal ait entendu indemniser un préjudice moral, ainsi que l'a fait la cour d'appel par la disposition contestée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.