Cass. crim., 17 mars 1992, n° 91-81.360
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Zambeaux
Rapporteur :
M. Echappé
Avocat général :
M. Perfetti
Avocats :
SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles L. 122-12, L. 425-1, L. 482-1 du Code du travail, 62, 63 et 64 de la loi du 27 janvier 1985, 64 du décret du 27 décembre 1985, modifié par le décret n° 88-430 du 21 avril 1988, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué déclarant applicables à l'espèce les dispositions de l'article L. 122-12 du Code du travail, a déclaré X... coupable du délit d'entrave à l'égard de M. Y... ;
" aux motifs que les conclusions prises au nom de X... paraissent davantage s'appliquer à la défense de la société Wavin dans le cadre prud'homal, qu'à celle de X... dans le cadre de la prévention d'entrave aux fonctions de représentant du personnel ; que ces conclusions entendent faire admettre que l'autorité de la chose jugée par le tribunal de commerce dans le cadre de l'homologation du plan de cession en exécution d'une législation d'ordre public, devrait prendre le pas sur les dispositions du Code du travail qui prohibent, en cas de redressement judiciaire, le licenciement des représentants du personnel sans avis conforme de l'inspecteur du Travail ; que la seule jurisprudence vraiment positive invoquée a statué, sur appel de référé, pour admettre que le conflit entre les dispositions d'ordre public du Code du travail d'une part, et de la loi du 25 janvier 1985 d'autre part, constituaient une difficulté sérieuse à soumettre au juge du fond, et ce, lorsqu'il existait une contradiction entre la liste nominative du personnel repris homologuée par le tribunal de commerce dans le cadre de la cession de l'entreprise, et le refus opposé par l'inspecteur du Travail au licenciement de salariés protégés de la même entreprise ; pour réagir contre les pratiques dangereuses résultant de l'ambiguïté apparente des textes en présence,- ambiguïté qui aurait pu constituer un moyen commode pour une entreprise de se débarrasser à moindre frais de salariés jugés par elle encombrants, surtout lorsqu'il s'agit, comme en l'espèce, d'une absorption de l'entreprise originaire par une autre, de plus grandes dimensions- ; le législateur est intervenu par un décret n° 88-430 du 21 avril 1988, qui a modifié tant la loi du 25 janvier 1985 que son décret d'application du 27 décembre 1985 ; qu'ainsi la nouvelle rédaction de l'article 64 du décret du 27 décembre 1988 vise à supprimer les décisions contradictoires entre la législation commerciale et la législation du travail, en stipulant que le jugement du tribunal de commerce arrêtant le plan de cession ne peut indiquer que le nombre de salariés dont le licenciement est autorisé, ainsi que les activités et catégories professionnelles concernées, et non une liste nominative des salariés repris ;
" alors que la décision définitive et opposable à tous arrêtant, après audition du représentant des salariés et du ministère public, un plan de cession, à laquelle l'entreprise cessionnaire n'a fait que se conformer, ayant pour effet de faire échec aux dispositions d'ordre public de l'article L. 122-12 du Code du travail pour les salariés dont le contrat n'est pas repris, de sorte que, aucun lien de droit n'existant entre le salarié et l'entreprise cessionnaire, la non-continuation du contrat de travail d'un salarié protégé de l'entreprise cédante ne saurait être constitutive de ce délit d'entrave pour le cessionnaire ; la Cour, qui, tout en constatant l'homologation du plan de cession par une décision définitive du tribunal de commerce ne prévoyant pas la reprise du contrat de travail de M. Y..., a néanmoins cru pouvoir affirmer l'applicabilité à l'espèce de l'article L. 122-12, n'a pas légalement justifié sa décision, la constatation, à la supposer fondée, que le jugement du tribunal de commerce n'était pas conforme au décret n° 88-430 du 21 avril 1988, étant en l'espèce inopérante en raison de l'autorité de la chose jugée attachée à cette décision " ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles L. 482-1 du Code du travail, 459, alinéa 3, 513, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré X... coupable du délit d'entrave à l'égard de M. Y... ;
" aux motifs que X..., devenu préposé de la société Wavin ne peut donc prétendre, ainsi qu'il le fait, que Y... ne pouvait bénéficier des dispositions de l'article L. 122-12 du Code du travail, ni même de celles protégeant les représentants du personnel, dès lors que le repreneur ne l'avait pas trouvé sur la liste annotée par le tribunal de commerce dans le cadre du plan de cession, aux seuls termes duquel la société Wavin serait tenue, mais pas au-delà ;
" alors que le délit d'entrave étant une infraction intentionnelle qui suppose la conscience par le prévenu de l'entrave apportée, la Cour qui, constatant l'existence d'une décision de justice définitive, ne prévoyant pas la reprise du contrat de travail de M. Y..., s'est abstenue de rechercher si le fait pour le prévenu de se conformer strictement aux termes de ladite décision n'était pas de nature à ôter aux faits poursuivis leur caractère délictueux, ainsi que le soutenait le prévenu dans ses conclusions délaissées, n'a pas, en l'état de ce défaut de réponse à l'un des chefs péremptoires des conclusions du prévenu, légalement justifié sa décision " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme qu'après la mise en redressement judiciaire de la société Florida-Tubes, un plan, qui prévoyait la cession de l'entreprise à la société Wavin et la reprise, par cette société, de 21 salariés sur 26, a été agréé par le tribunal de commerce le 3 mars 1989 ; que les établissements Florida-Tubes ont sollicité, le 9 mars suivant, l'autorisation de licencier Michel Y..., délégué du personnel, auprès de l'inspection du Travail qui a refusé d'accorder cette demande le 30 mars 1989 ; que la reprise effective de la société Wavin est intervenue le 23 mars 1989, et que Michel Y..., qui ne figurait pas au nombre des membres du personnel mentionnés sur le plan de redressement approuvé par le tribunal de commerce, s'est vu refuser l'accès de l'entreprise : qu'à la suite de ces faits, Bernard X..., ancien membre de la société Florida-Tubes qui continuait à assumer des fonctions de direction au sein des établissements Wavin, a été poursuivi sur le fondement des articles L. 425-1 à L. 425-3 et L. 482-1 du Code du travail ;
Attendu que, pour dire la prévention établie, la cour d'appel observe qu'il y a lieu d'écarter les conclusions de la défense tendant à faire admettre que l'autorité de la chose jugée par le tribunal de commerce ferait obstacle à l'application des dispositions du Code du travail prohibant, en cas de redressement judiciaire, le licenciement des représentants du personnel sans autorisation de l'inspection du Travail, dès lors que l'article 64 du décret du 27 décembre 1985 modifié prévoit que le jugement du tribunal de commerce arrêtant le plan de cession ne peut indiquer que le nombre des salariés dont le licenciement est autorisé, ainsi que les activités et catégories professionnelles concernées, et non la liste nominative des salariés repris ;
Que les juges ajoutent que Bernard X..., devenu le préposé de la société Wavin, ne peut prétendre que Michel Y... ne pouvait bénéficier des dispositions de l'article L. 122-12 du Code du travail, ni même de celles protégeant les délégués du personnel, en raison du seul fait qu'il ne figurait pas sur la liste arrêtée par le tribunal de commerce dans le cadre du plan de cession ;
Attendu qu'en raison de l'état de ces motifs qui répondent aux chef péremptoires des conclusions de la défense, et qui, établissant le caractère volontaire des agissements constatés, suffisent à établir l'élément intentionnel du délit retenu à la charge du demandeur, la cour d'appel, loin d'encourir les griefs allégués, a fait l'exacte application de l'article 64 du décret du 27 décembre 1985 ;
Qu'il s'ensuit que le moyen ne peut être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.