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Décisions

Cass. soc., 26 juin 1991, n° 90-41.248

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cochard

Rapporteur :

M. Lecante

Avocat général :

M. Dorwling-Carter

Avocat :

SCP Mattei-Dawance

Angers, 3e ch. soc., du 6 févr. 1990

6 février 1990

Sur les trois moyens réunis :

Attendu qu'à la suite de la mise en redressement judiciaire de la société Belletest Diffusion (Société Belletest) un plan autorisant la cession du fonds de commerce de cette société à la société Concorde et prévoyant un certain nombre de licenciements pour motif économique a été homologué par le tribunal de commerce ; que le mandataire liquidateur a alors demandé à l'inspecteur du travail de licencier un représentant du personnel, Mme Y..., ce qui lui a été refusé ; que cette salariée qui n'a pas été reprise par la société Concorde a saisi la juridiction prud'homale, statuant en référé, afin d'obtenir sa réintégration dans cette dernière société ;

Attendu que la société Concorde fait grief à l'arrêt attaqué (Angers, 21 décembre 1989) d'avoir, en refusant de constater l'existence d'une difficulté sérieuse retenu sa compétence de juge statuant en matière de référé, ordonné la réintégration au sein de la société Concorde d'un représentant du personnel licencié et de lui avoir accordé une somme à titre de provision sur salaires, alors en premier lieu, que confrontés à une difficulté sérieuse qui résultait de la mise en cause de dispositions d'ordre public contradictoires, les articles L. 122-12 du Code du travail et 62 et 63 de la loi du 25 janvier 1985, les juges d'appel n'ont pu rendre une décision qu'au prix de l'interprétation des dispositions de l'article 64 du décret du 27 décembre 1985 ; que dès lors, en retenant néanmoins sa compétence de juge statuant en matière de référé, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales et a violé l'article R. 516-31 du Code du travail ; alors, en deuxième lieu, qu'il résulte des dispositions d'ordre public des articles 62 et 63 de la loi du 25 janvier 1985 que le cessionnaire ne peut se voir imposer la reprise de contrats de travail non prévus dans le jugement arrêtant le plan de cession ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt que la liste du personnel repris dans le cadre du plan de cession arrêté par ordonnance du juge-commissaire n'incluait notamment pas Mme Y... ; qu'en imposant néanmoins à la société Concorde la réintégration de cette salariée, la cour d'appel n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient et a violé les textes susvisés ; alors, en troisième lieu qu'aux termes de l'article 64 du décret du 27 décembre 1985 le jugement arrêtant le plan indique le nombre de salariés dont le licenciement est autorisé ainsi que les catégories professionnelles concernées ; que ce texte se borne à imposer les mentions qui doivent au minimum figurer dans le jugement arrêtant le plan, sans interdire que cette décision fixe la liste nominative des salariés licenciés ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; alors en quatrième lieu, que la société Concorde qui a signé un plan de cession excluant la reprise du contrat de travail de Mme X... n'avait nulle obligation de réintégrer cette salariée ; que dès lors, en se bornant pour justifier la créance salariale de celle-ci à l'encontre de la société Concorde, à affirmer le contraire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 516-31 alinéa 2 du Code du travail ; en cinquième lieu, que la cour d'appel a constaté que le mandataire alors liquidateur de la société Bellestre Diffusion était seul responsable du licenciement irrégulier de Mme Y... ; que dès lors, en refusant de mettre à la charge de ce dernier la provision sur salaires due à la salariée, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qui s'en évinçaient, et a violé l'article R. 516-31 du Code du travail ; alors, enfin, que l'allocation d'une provision en vertu de l'article R. 516-31 du Code du travail dispose que l'existence de l'obligation ne soit pas sérieusement contestable ; qu'en l'espèce, la cour d'appel constatait que la société Concorde s'appuyait sur des textes d'ordre public pour contester l'obligation de réintégrer la salariée qui était alléguée à son encontre ; que dès lors, en condamnant néanmoins la société Concorde à payer à Mme Y... une provision de 35 000 francs, la cour d'appel, qui n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient, a violé le texte susvisé ;

Mais attendu d'une part, que l'article L. 122-12, alinéa 2 du Code du travail s'applique à une cession totale ou partielle d'entreprise intervenue dans le cadre de l'article 61 de la loi du 25 janvier 1985 ; qu'il n'y est dérogé que dans les limites fixées par l'article 63 de ladite loi ;

Attendu, d'autre part, qu'aux termes de l'article 64 du décret du 27 décembre 1985 le jugement arrêtant le plan indique le nombre de salariés dont le licenciement est autorisé ainsi que les activités et catégories professionnelles concernées ; qu'il s'ensuit qu'une liste nominative des salariés licenciés ou repris par le cessionnaire n'a pas à être dressée et serait en toute hypothèse dépourvue d'effet ;

Attendu, dès lors, qu'après avoir relevé qu'à la date de la cession de l'entreprise le contrat de travail de la salariée protégée dont le licenciement était nul pour être intervenu malgré le refus d'autorisation de l'inspecteur du travail, était toujours en cours de sorte qu'il se poursuivait de plein droit avec la société Concorde, nouvel employeur, la cour d'appel a exactement décidé que le refus de réintégrer la salariée de la part de cette dernière société, à laquelle était opposable la décision de l'autorité administrative, constituait un trouble manifestement illicite qu'il convenait de faire cesser en ordonnant la réintégration de l'intéressée et le versement d'une provision sur les salaires qui lui étaient dus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.