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Décisions

Cass. com., 2 juillet 1996, n° 94-13.454

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

M. Poullain

Avocat général :

Mme Piniot

Avocats :

SCP Monod, Me Foussard

Rouen, 1re et 2e ch. réun., du 8 févr. 1…

8 février 1994

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation, que le cessionnaire des parts de M. Z... dans la société à responsabilité limitée Polyclinique de Deauville n'ayant pas été agréé par les associés, un certain nombre de ceux-ci se sont portés candidats à l'acquisition des parts litigieuses; qu'après expertise, réalisée par deux experts désignés l'un par le cédant et l'autre par les candidats à la cession, ceux-ci ont renoncé à la cession compte tenu du prix fixé; que M. Z... a assigné MM. X..., Y..., A..., B..., C..., Cracovsky, E..., F..., G... et Mme G..., MM. H..., I..., K..., M..., N..., O... et P... (les associés) aux fins de les voir condamner à lui racheter ses parts, ainsi que la Polyclinique de Deauville pour lui rendre commune la décision à intervenir;

Sur le premier moyen pris en ses six branches :

Attendu que sept associés et la société Polyclinique de Deauville reprochent à l'arrêt d'avoir déclaré parfaite la cession des parts de M. Z... faite au prix fixé à dire d'expert, alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'accord des parties sur la chose suppose que dans l'esprit de chacune d'elles l'objet du contrat ait été identique; qu'ainsi, en l'espèce, en se bornant à affirmer l'existence d'un accord des parties sur la chose vendue sans préciser en quoi cet accord, qu'ils contestaient expressément, pouvait être considéré comme réalisé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1583 du Code civil; alors, d'autre part, que pour contester l'existence d'un accord sur la chose, ils faisaient valoir dans leurs conclusions d'appel que M. Z... entendait réaliser une cession globale de ses parts et de celles de M. J..., le tout procurant au cessionnaire une minorité de blocage tandis que les associés pensaient répondre à deux cessions distinctes; que, dès lors, en s'abstenant de répondre à ce moyen de nature à établir que l'objet de la vente litigieuse n'était pas le même dans l'esprit de chacune des parties, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, violant ainsi l'article 455 du nouveau Code de procédure civile; alors, en outre, qu'en ne recherchant pas si le caractère distinct ou global des deux cessions soumises à l'agrément de la société ne constituait pas un élément tenu pour essentiel par les parties, auquel leur accord était dès lors subordonné, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ; alors, de plus, que lorsqu'elle est entachée d'erreur grossière, l'estimation des experts désignés conformément aux articles 45 de la loi du 24 juillet 1966 et 1843-4 du Code civil, en cas de désaccord sur le prix des parts sociales, ne s'impose pas aux parties; qu'ainsi, en l'espèce, en déduisant l'accord des parties sur le prix de vente de l'évaluation faite le 6 avril 1990 par les experts désignés par elle sans vérifier que le rapport d'expertise était dépourvu d'erreur grossière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes précités, ensemble de l'article 1134 du Code civil; alors, de surcroît, qu'il résulte de l'article 13 des statuts de la Sarl Polyclinique de Deauville que les associés ne sont engagées que si la vente des parts exigée par le cédant est devenue parfaite avant l'expiration du délai de trois mois courant à partir du refus opposé par la société au projet de cession; qu'ainsi, en retenant que M. Z... pouvait en vertu de ces statuts exiger le rachat de ses parts, sans soumettre cette exigence à aucune condition, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil; et alors, enfin, qu'à supposer que, par extraordinaire, l'article 3 ait pu être considéré comme permettant au cédant d'exiger le rachat des parts par les associés même après l'expiration du délai imparti, cet article devait être réputé non écrit en application de l'alinéa 7 de l'article 45 de la loi du 24 juillet 1966 car contraire aux dispositions d'ordre public de l'alinéa 5 du même article; qu'ainsi, en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé les textes précités;

Mais attendu qu'ayant relevé que la société Polyclinique de Deauville a notifié à M. Z... son intention de faire acquérir ses parts par des personnes dont elle a indiqué l'identité et lui a exprimé sa volonté de voir le prix fixé par l'expert qu'elle désignait et par celui qu'elle sommait M. Z... de faire connaître et retenu que les associés désignés se sont, par cet acte, portés acquéreurs des parts, l'arrêt constate que M. Z... a désigné son expert; qu'au vu de cette offre d'achat des parts de M. Z... par les associés et de son acceptation par lui, la cour d'appel qui, n'ayant pas à répondre davantage à une contestation non argumentée en fait, avait justifié l'existence de l'accord des parties sur l'objet de la vente, a pu statuer comme elle a fait;

Attendu, en deuxième lieu, que le moyen tiré d'une erreur des experts est nouveau; que, mélangé de fait et de droit, il est irrecevable;

Attendu, enfin, que l'arrêt, qui cite le troisième alinéa de l'article 45 de la loi du 24 juillet 1966 prévoyant qu'à la demande du gérant, une décision de justice puisse prolonger le délai dans lequel doit intervenir l'acquisition des parts par les associés à la suite du refus d'agréer un cessionnaire, relève que la fixation du prix est intervenue le 6 avril 1990, le délai initial ayant été prolongé par ordonnance du président du tribunal de commerce de Honfleur jusqu'au 4 mai 1990; qu'au vu de cette constatation, la cour d'appel a fait une exacte application de la loi;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli dans aucune de ses branches;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 1154 du Code civil ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que les intérêts des capitaux échus ne peuvent, sauf convention spéciale, produire des intérêts que moyennant une demande en justice et seulement à compter de la date de cette demande, pourvu qu'ils soient alors dûs pour au moins une année entière;

Attendu que la cour d'appel a condamné solidairement les associés acquéreurs des parts de M. Z... à lui verser les intérêts au taux légal sur le prix, à compter du 18 avril 1990, ledits intérêts devant être capitalisés conformément à l'article 1154 du Code civil;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans avoir précisé la date de la demande de capitalisation ou les conditions dans lesquelles elle produira effet, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné les associés cessionnaires des actions de M. Z... à lui verser des intérêts sur les intérêts du prix dûs à compter du 18 avril 1990, l'arrêt rendu le 8 février 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.