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Décisions

Cass. 3e civ., 26 mai 1992, n° 90-15.883

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Senselme

Rapporteur :

M. Cathala

Avocat général :

M. Mourier

Avocats :

Me Choucroy, SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde

Paris, du 10 avr. 1990

10 avril 1990

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 avril 1990), que Mme X..., qui avait vendu à M. Y..., le 17 octobre 1986, un immeuble pour un prix converti en rente viagère, a assigné l'acquéreur, le 22 mai 1987, pour faire prononcer la rescision de la vente pour lésion, puis, par une seconde assignation du 24 juin 1988, se plaignant de défaut de paiement de la rente et invoquant le bénéfice de la clause résolutoire stipulée en sa faveur, pour faire prononcer la résolution de la vente ;

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt d'accueillir la seconde demande, la première étant jugée subsidiaire, en écartant sa prétention au bénéfice du droit de l'acquéreur, troublé ou ayant juste sujet de craindre de l'être, de suspendre ses paiements, alors, selon le moyen, d'une part, que la seule condition légale pour l'exercice du droit de rétention du prix de vente par l'acheteur, au sens de l'article 1653 du Code civil, au cas, notamment, où il est poursuivi en rescision pour cause de lésion, comme en l'espèce, est le simple fait qu'il soit troublé ou ait juste sujet de craindre d'être troublé dans sa possession ; que l'arrêt ne conteste pas qu'à la date de l'introduction première de l'action en rescision, l'acquéreur pouvait craindre d'être dépossédé de l'immeuble et perdre ainsi, à la fois, la chose vendue et son prix, ainsi que le faisaient observer les conclusions ; que l'acquéreur était donc en droit d'exercer, sans autre formalité, son droit de rétention sur le prix, comme une simple exception non adimpleti contractus à effet automatique, sans avoir à en référer au vendeur, d'autant que celui-ci n'a plus réclamé le prix pendant un an, tout en maintenant son action en rescision, et n'a jamais proposé de caution ; que l'arrêt a donc violé l'article 1653 du Code civil ; d'autre part, que l'exercice légitime du droit de rétention du prix de vente avait pour effet nécessaire de paralyser les effets du commandement du 20 mai 1988, sans que la connaissance par l'acquéreur de la menace du trouble à cette époque et sa proposition ultérieure de paiement dans un certain délai puissent impliquer une renonciation, de sa part, à ce droit de rétention, ce que soutenaient, à juste titre, les conclusions délaissées de M. Y... ; que l'arrêt a donc violé, de plus fort, l'article 1653 du Code civil ;

Mais attendu que l'acquéreur ne pouvant se prévaloir de son droit de suspendre le paiement du prix de la vente, en application de l'article 1653 du Code civil, sans mettre le vendeur en mesure d'exercer la faculté, que lui reconnaît ce texte, moyennant la cessation du trouble ou la fourniture d'une caution, d'obliger l'acquéreur au paiement, la cour d'appel, qui a relevé que M. Y... avait fait, le 5 août 1988, des offres réelles de payer les sommes que le commandement du 20 mai précédent lui réclamait et constaté que l'acquéreur n'avait commencé à invoquer les dispositions de l'article 1653 du Code civil qu'à l'audience de plaidoirie devant le premier juge, a, sans se fonder sur une renonciation tacite de M. Y... à son droit de suspendre le paiement du prix, exactement retenu que les conditions de la mise en oeuvre de ce texte n'étaient pas réunies ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen : (sans intérêt) ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a ..., l'arrêt rendu le 10 avril 1990, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.