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Décisions

Cass. soc., 24 juin 2015, n° 13-26.631

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Frouin

Rapporteur :

M. Mallard

Avocat général :

M. Beau

Avocats :

SCP Boutet-Hourdeaux, SCP Coutard et Munier-Apaire

Paris, du 17 sept. 2013

17 septembre 2013

Attendu, selon l'arrêt attaqué que Mme X... a été engagée le 28 septembre 2000 par la société AB télévision (la société) en qualité de technicienne vidéo avec le statut d'intermittent du spectacle ; qu'elle a entre cette date et le 27 juin 2009, conclu cinq cent quatre vingt-neuf contrats à durée déterminée avec la société ; que le 9 juillet 2009, elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives tant à l'exécution de la relation contractuelle qu'à la rupture de celle-ci ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire que la convention collective de la production audiovisuelle lui était applicable et que la salariée devait bénéficier de ses dispositions, alors, selon le moyen :

1°/ qu'aux termes de l'article L. 2261-2 du code du travail la convention collective applicable est celle dont relève l'activité principale exercée par l'employeur ; qu'aux termes de l'extrait Kbis de la société AB télévision, cette société a pour activité « la réalisation de toute étude ou prestation de service et assistance technique et financière dans toute société ou entreprise ayant une activité entrant dans le domaine de l'audiovisuel en particulier de la télévision et notamment la conception, la réalisation, la programmation, la diffusion d'émission de télévision et de tous programmes audiovisuels » ; que dès lors, en retenant, dans le cadre de sa recherche de l'activité principale de la société AB télévision, que le Kbis de cette société mentionnait comme activité : « "réalisation, production, distribution, exploitation, importation, exportation, acquisition de films cinématographiques, télévisuels et d'oeuvres audiovisuelles " », ce qui correspondait au Kbis de la société AB production, la cour d'appel a méconnu le principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause et violé l'article 1134 du code civil ;

2°/ qu'aux termes de l'article L. 132-23 du code de la propriété littéraire et artistique le producteur de l'oeuvre audiovisuelle est la personne physique ou morale qui prend l'initiative et la responsabilité de la réalisation de l'oeuvre ; que la convention collective nationale de la production audiovisuelle précise que le producteur audiovisuel est la personne physique ou morale qui prend l'initiative et la responsabilité de la réalisation d'un programme composé d'images et de sons animés ; que le producteur d'une oeuvre audiovisuelle, qui en est le propriétaire, est donc celui qui, au-delà du seul financement, est investi de l'ensemble des responsabilités financières, commerciales et artistiques et assure le rôle d'impulsion, de direction et de coordination ; que dès lors, en relevant, pour décider que Mme X... pouvait revendiquer à son profit l'application des dispositions de la convention collective nationale de la production audiovisuelle, que l'article L. 132-23 du code de la propriété littéraire et artistique définissait la « production », à laquelle la cour d'appel a assimilé les prestations audiovisuelles fournies par la société AB télévision, comme la « réalisation d'une oeuvre » sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la société AB télévision avait pris l'initiative et la responsabilité de la réalisation desdites oeuvres la cour d'appel a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article L. 132-23 du code de la propriété littéraire et artistique et de la convention collective nationale de la production audiovisuelle ;

Mais attendu qu'après avoir rappelé que le code de la propriété littéraire et artistique définit la production comme la réalisation d'une oeuvre, la cour d'appel a retenu que la société AB télévision ne saurait utilement entretenir une confusion entre une activité de « prestations audiovisuelles » qui a généré en 2010 un chiffre d'affaires de 35 117 780,31 euros et une activité « production » ayant généré la même année un chiffre d'affaires égal à zéro, dès lors que dans le cas de figure la prestation audiovisuelle dont la société fait état, est en réalité une production s'analysant en la finalisation d'une oeuvre ; qu'ayant exactement déduit de ses énonciations l'application à l'employeur de la convention collective de la production audiovisuelle, elle a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de prononcer la requalification des divers contrats à durée déterminée l'ayant liée à la salariée en un contrat à durée indéterminée, alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article L. 1242-2, 3°, du code du travail un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans le cas, notamment des emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ; que l'article D. 1242-1, 6°, du code du travail, pris en application de l'article L. 1242-2, 3°, dispose que l'audiovisuel et la production cinématographique font partie des secteurs d'activité dans lesquels des contrats à durée déterminée peuvent être conclus ; que dès lors, en requalifiant les contrats à durée déterminée successifs conclus par la société AB télévision, qui relève du secteur d'activité de l'audiovisuel, avec Mme X..., en contrat à durée indéterminée sans rechercher si l'utilisation de tels contrats n'était pas justifiée par l'existence d'éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi, la cour d'appel a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard des textes susvisés ;

Mais attendu qu'ayant procédé à la recherche prétendument omise, la cour d'appel, qui a constaté que la salariée avait été recrutée pendant neuf ans, suivant cinq cent quatre vingt-neuf contrats à durée déterminée successifs, pour remplir la même fonction, a pu en déduire que ces contrats avaient eu pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour dire que la rupture du contrat de travail produisait les effets d'un licenciement nul, l'arrêt retient qu'à la suite de la saisine par elle du conseil de prud'hommes, la salariée n'a plus bénéficié de contrats quels qu'ils soient et que la rupture est dépourvue de motifs ce qui la rend nulle ;

Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de l'employeur qui, après avoir relevé que les précédents invoqués par la salariée concernaient le cas où une procédure de licenciement avait été engagée postérieurement à la saisine par le salarié d'une procédure pour faire valoir ses droits, soutenait que le dernier contrat de travail à durée déterminée de la salariée, d'une durée de trois jours, avait pris fin par l'arrivée de son terme le 17 juin 2009 et qu'il n'avait été informé de la saisine de la formation des référés du conseil de prud'hommes par la convocation qui lui avait été adressée par le greffe, que le 20 juillet 2009, soit, plus d'un mois après la fin du dernier contrat de travail, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la rupture du contrat de travail de la salariée produit les effets d'un licenciement nul , l'arrêt rendu le 17 septembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.