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Décisions

Cass. soc., 10 octobre 2012, n° 11-22.893

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Frouin

Avocats :

SCP Bénabent, SCP Gatineau et Fattaccini

Paris, du 22 juin 2011

22 juin 2011

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 juin 2011) rendu sur renvoi après cassation (Soc. 6 janvier 2010, pourvoi n° 08-44. 117), que Mme X... a été engagée le 22 mars 1996 en qualité d'artiste dramatique intermittent du spectacle par la Comédie Française, établissement public national à caractère industriel et commercial ; que, par contrat à durée indéterminée du 1er février 1997, elle a acquis le statut de pensionnaire ; qu'après un entretien préalable le 23 décembre 2003, elle a été licenciée par lettre recommandée le 26 décembre 2003 en raison du jugement artistique porté sur elle par ses pairs ; que son préavis de six mois s'est achevé, le 28 juin 2004 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à voir condamner la Comédie Française à lui verser divers rappels de rémunération, des compléments d'indemnité de licenciement, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des dommages-intérêts pour exploitation non autorisée de ses interprétations et de son image ; que l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 19 juin 2008 qui a dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné la Comédie française à payer à Mme X... une somme à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une somme à titre de dommages et intérêts pour exploitation non autorisée de ses enregistrements radiophoniques a été cassé, mais seulement en ce qu'il a débouté Mme X... de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement discriminatoire et pour exploitation non autorisée de ses interprétations dans le cadre des films le Legs et Georges Dandin ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt, en confirmant le jugement entrepris si ce n'est en ce qu'il l'a déboutée de sa demande indemnitaire au titre de l'exploitation sans autorisation de ses prestations artistiques, de rejeter les demandes de dommages et intérêts de la comédienne pour licenciement discriminatoire alors, selon le moyen, que lorsqu'un salarié, qui prétend être victime d'une mesure discriminatoire, justifie d'éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination, il incombe à l'employeur qui conteste le caractère discriminatoire de sa décision, d'établir que celle-ci est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que la cour d'appel ayant, en l'espèce, constaté que Mme X... justifiait de plusieurs éléments de fait laissant " supposer qu'elle a été victime de discrimination en raison de sa situation de famille ", il revenait à la Comédie française d'établir que le licenciement de la comédienne était justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que les juges du fond se sont néanmoins bornés à relever, pour débouter Mme X... de sa demande, que la Comédie française justifierait que les faits établis par la comédienne, dont elle avait elle-même constaté qu'ils laissaient supposer l'existence d'une discrimination, " s'expliquent par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination " ; qu'en statuant ainsi par un motif inopérant, sans rechercher si la Comédie française démontrait que sa décision de licencier Mme X..., et non les éléments produits par cette dernière, était fondée sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1134-1 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant relevé que les éléments de fait présentés par la salariée pouvant laisser supposer que le caractère discriminatoire de son licenciement étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la cour d'appel qui en a déduit que par là-même le licenciement n'était pas discriminatoire a légalement justifié sa décision ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu que la Comédie française fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à Mme X... pour toute la période courant jusqu'à son arrêt, à titre de dommages-intérêts, pour les communications au public non autorisées de ses prestations, la somme de 3 600 euros pour le film " George Dandin " et la somme de 3 000 euros pour l'oeuvre " Le Legs ", alors, selon le moyen :

1°/ que le producteur d'une oeuvre audiovisuelle s'entend de celui qui prend l'initiative et la responsabilité de la réalisation de l'oeuvre que cette qualité doit en conséquence être reconnue au coproducteur qui a pris l'initiative de la réalisation de l'oeuvre audiovisuelle, y investit des moyens humains, conserve le contrôle et la direction de l'oeuvre, en assume la promotion, participe au financement de la production et, plus largement, au risque de la création de l'oeuvre ; qu'en l'espèce, il résultait des contrats passés par la Comédie française pour la réalisation des films " George Dandin " et " le Legs " que l'exposante avait pris l'initiative de la réalisation de ces oeuvres, qu'elle assumait par ailleurs un rôle de direction sur leur conception et leur réalisation, qu'elle exerçait un contrôle permanent sur leur réalisation, participait à leur promotion et au risque de création de ces oeuvres ; qu'il s'en évinçait que la Comédie française avait la qualité de producteur et bénéficiait, à ce titre, de la présomption de cession de droit d'exploitation ; qu'en affirmant pourtant, pour dénier à la Comédie française la qualité de producteur, qu'il résultait clairement des stipulations de chacun des contrats que la Comédie française n'était pas responsable de la conception, de la réalisation et de la commercialisation desdites oeuvres et qu'elle ne participait pas non plus aux risques de la production, la cour d'appel a violé l'article L. 132-23 du code de la propriété intellectuelle ;

2°/ qu'en se bornant, pour dénier à la Comédie française la qualité de producteur, à affirmer, sans autre précision et sans se référer à aucune stipulation contractuelle, qu'il résultait des stipulations de chacun des contrats que la Comédie française n'était pas responsable de la conception, de la réalisation et de la commercialisation desdites oeuvres et qu'elle ne participait pas non plus aux risques de la production, quand la Comédie française démontrait qu'il résultait à l'inverse des contrats litigieux qu'elle assumait concrètement les fonctions de producteur, notamment en ce qu'elle participait au financement du coût de la production, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-23 du code de la propriété intellectuelle ;

3°/ que la présomption de cession des droits d'exploitation n'est soumise à aucune autre exigence que celle d'un contrat entre un producteur et un auteur ; qu'en affirmant pourtant qu'à " supposer même que la présomption de cession de droit d'exploitation puisse bénéficier au producteur en l'absence de contrat fixant une rémunération distincte au titre de la cession des droits de l'artiste de celle rétribuant sa prestation artistique ", la cour d'appel a finalement imposé que ce contrat définisse également une rémunération spécifique correspondant à la cession du droit d'exploitation ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a ajouté à l'article L. 132-24 du code de la propriété intellectuelle une exigence qui n'y figure pas, et violé les dispositions de cet article ;

4°/ que l'écrit par lequel un artiste interprète autorise l'exploitation de ses interprétations n'est soumis à aucune condition de forme ; qu'il s'en évince que la preuve de l'autorisation donnée par l'artiste peut être rapportée par tous moyens, notamment par la signature, par l'artiste-salarié, d'un contrat de travail prévoyant sa participation à des oeuvres audiovisuelles ; qu'en l'espèce, l'exposante démontrait que l'accord de Mme X... à l'exploitation de ses interprétations résultait de son contrat de travail mais également de sa participation aux spectacles dont elle savait qu'ils seraient enregistrés et retransmis ; qu'en affirmant pourtant que Mme X... n'avait pas donné son accord et que la circonstance qu'elle avait été rémunérée au titre de l'exploitation ne suppléait pas à l'absence de contrat individuel acquis requis pour chacune des oeuvres, l'arrêt attaqué a de fait posé une exigence non visée par les articles L. 212-3 et L. 212-4 du code de la propriété intellectuelle et, partant, violé les dispositions de ces articles ;

Mais attendu, d'abord, qu'ayant exactement rappelé que le producteur audiovisuel est celui qui a l'initiative et la responsabilité de l'oeuvre, la cour d'appel, qui a constaté par une appréciation souveraine de la volonté des parties résultant des contrats conclus par la Comédie française et sans être tenue d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties que la Comédie française ne pouvait être regardée comme ayant la qualité de producteur des oeuvres en cause, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Attendu, ensuite, que la cour d'appel n'a fait qu'appliquer les dispositions des articles L. 212-3 et L. 212-4 du code de la propriété intellectuelle en constatant l'absence d'accord de l'artiste-interprète à l'exploitation de ses interprétations ;

D'où il suit, que le moyen, qui en sa troisième branche critique un motif surabondant, n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.