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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 3, 25 octobre 2017, n° 17/05916

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

L'artistique Caumartin (SA)

Défendeur :

Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Roy-Zenati

Conseillers :

Mme Grivel, Mme Quentin de Gromard

TGI Paris, du 8 mars 2017, n° 16/57584

8 mars 2017

La société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), société civile regroupant les auteurs d'oeuvres dramatiques en vue d'exercer collectivement leurs droits, a pour objet l'exercice et l'administration des droits relatifs à la représentation ou à la reproduction des oeuvres de ses membres et notamment la perception et la répartition des redevances provenant desdits droits.

La société L'artistique Caumartin exerce son activité sous l'enseigne 'Comédie Caumartin' et a pour objet la prise à bail de tous locaux en vue de l'exploitation de salles de spectacles, cinéma, théâtre et notamment ceux où est exploitée la 'Comédie Caumartin', théâtre situé [...].

Entre le 26 septembre 2013 et le 5 janvier 2014, plusieurs représentations de la pièce intitulée 'Elisabeth B. - Nouveau spectacle', déclarée au répertoire de la SACD, écrite par Mme Elisabeth B. et M. Philippe S. et mise en scène par M. Anthony L., lesquels sont membres de la SACD, ont été données sur la scène de la 'Comédie Caumartin'.

Faisant valoir que les droits d'auteurs afférents à ces représentations n'avaient pas été payés, la SACD a adressé le 31 juillet 2014 à la société L'artistique Caumartin une mise en demeure, demeurée infructueuse.

Par acte d'huissier du 6 juin 2016, la SACD a fait assigner la société L'artistique Caumartin devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris aux fins de la voir condamner au paiement par provision d'une somme de 57 666,99 euros au titre des droits d'auteurs afférents à ces représentations, ainsi qu'à la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 8 mars 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a :

- condamné la société L'artistique Caumartin à payer à la SACD à titre de provision la somme de 57 666,99 euros avec intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2014 ;

- condamné la société L'artistique Caumartin à payer à la SACD la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société L'artistique Caumartin aux dépens.

Par déclaration du 20 mars 2017, la SACD a interjeté appel de cette ordonnance.

Par conclusions transmises le 8 septembre 2017, elle demande à la cour :

- infirmer l'ordonnance entreprise ;

Et statuant à nouveau :

- dire et juger que la SACD ne justifie pas d'un principe de créance ;

Subsidiairement :

- dire n'y avoir lieu à référé en raison de l'existence d'une contestation sérieuse ;

En tout état de cause :

- condamner la société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) au paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens dont le recouvrement pourra être poursuivi directement par Maître Jean-François F., avocat au barreau de Paris , conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle fait valoir :

- qu'elle n'est pas adhérente à la SACD et qu'elle n'a signé aucun contrat avec cette dernière ;

- qu'elle a en revanche signé un contrat de coréalisation le15 avril 2013 avec la société Artistic Records relatif aux représentations de la pièce 'Elisabeth B. - Nouveau spectacle' à la Comédie Caumartin du 26 septembre 2013 au 5 janvier 2014 ;

- qu'aux termes de ce contrat, qui ne peut être qualifié de contrat de coproduction, la société Artistic Records est l'unique producteur du spectacle ; que n'ayant pour unique obligation que la mise à disposition du théâtre de la Comédie Caumartin, elle revêt par conséquent la seule qualité de 'coréalisateur' ;

- que la société L'artistique Caumartin a déjà été condamnée au versement de la somme de 41361,44 euros à la société Artistic Records au titre des droits d'auteur dus sur les recettes du spectacle d'Elisabeth B. sur la période du 26 septembre 2013 au 5 janvier 2014 et que, par la suite, la somme de 26 242,31 euros a fait l'objet d'une saisie-attribution en date du 12 novembre 2015 entre les mains de la société 'France Billet' à ce titre ;

- qu'ainsi, il revient à la société Artistic Records, productrice, de régler les droits d'auteur à la SACD et non à elle, qui n'est redevable d'aucune somme, s'étant déjà acquittée en totalité des droits d'auteurs réclamés auprès de la société Artistic Records ;

- qu'enfin, selon la jurisprudence, la détermination de l'assiette du calcul des droits d'auteur échappe au pouvoir du juge des référés, de même que l'élaboration des comptes à faire entre les parties, en ce qu'elles nécessitent une appréciation sur les sommes à retenir et la méthode de calcul, de sorte qu'il n'y a pas lieu à référé sur les demandes de provision ;

- que subsidiairement, est démontrée l'existence d'une contestation sérieuse justifiant le renvoi de la cause et des parties devant la juridiction du fond, conformément à l'article 809 du code de procédure civile.

Par conclusions d'intimé communiquées le 11 septembre 2017, la SACD demande à la cour de confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et, en tout état de cause, de condamner la société L'artistique Caumartin à lui payer la somme de 7 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Jeanne B., avocat au Barreau de Paris.

Elle fait valoir :

- que la pièce intitulée 'Elisabeth B.. Nouveau spectacle' est déclarée au répertoire de la SACD et a été représentée sur la scène de la 'Comédie Caumartin' du 26 septembre 2013 au 5 janvier 2014 ;

- qu'en sa qualité d'exploitant de lieux de spectacles aménagés pour les représentations publiques, selon l'article D. 7122-1 du code du travail, la société L'artistique Caumartin est un entrepreneur de spectacles, conformément aux articles L.7122-1 et L.7122-2 du même code et que par conséquent, est tenue au paiement des droits d'auteur, conformément à l'article L. 132-21 du Code de la propriété intellectuelle ;

- que la société L'artistique Caumartin, qui a diffusé le spectacle et perçu les recettes afférentes, n'a procédé à aucun versement entre ses mains au titre de la rémunération tant des auteurs, Mme Elisabeth B. et M. Philippe S., que du metteur en scène, M. Anthony L. ;

- que, conformément aux dispositions des articles 1-II, 2. I..2, 3.3 et 3 de ses statuts, elle est seule habilitée à fixer les conditions notamment financières minimales d'exploitation des oeuvres, à transmettre les autorisations nécessaires et à percevoir puis répartir les redevances d'auteur ;

- qu'est indifférent le fait que la société L'artistique Caumartin ne soit pas membre de la SACD et qu'elle n'ait pas la qualité de producteur ; qu'est également indifférent le fait que la société L'artistique Caumartin ait signé un contrat de co-réalisation avec la société Artistic Records ;

- qu'enfin, conformément à l'ancien article 1239 alinéa 1er du code civil, nouvel article 1342-2 du même code, est indifférent le fait que la société appelante ait réglé les droits revenant aux auteurs à la société Artistic Records, étant seule habilitée à les percevoir ;

- qu'il ne peut lui être opposé le fait que le juge des référés n'a pas le pouvoir de déterminer l'assiette du calcul des droits d'auteur ni d'élaborer les comptes à faire entre les parties, puisqu'en l'espèce, aucune contestation n'est soulevée par la société L'artistique Caumartin à l'encontre du calcul de la créance de droits d'auteur de la SACD, dont l'assiette n'est absolument pas remise en cause.

MOTIFS DE LA DECISION

Considérant qu'en application de l'article 809 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 321-2 du code de la propriété intellectuelle, les organismes de gestion collective ont qualité pour ester en justice pour la défense des droits dont ils ont statutairement la charge et pour défendre les intérêts matériels et moraux de leurs membres, notamment dans le cadre des accords professionnels les concernant ;

Qu'aux termes de l'article 3.3 des statuts de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques, il est indiqué que celle-ci a pour objet 'L'exercice et l'administration dans tous pays de tous les droits relatifs à la représentation ou à la reproduction, sous quelque forme que ce soit, des œuvres de ses membres, et notamment la perception et la répartition des redevances provenant de l'exercice desdits droits, y compris dans le cadre de l 'article L. 122-9 du code de la propriété intellectuelle" ;

Que l'article 1-II de ces statuts prévoit que tout auteur ou compositeur admis à y adhérer fait apport à la société du fait même de cette adhésion, en tous pays et pour la durée de la société, de la gérance de ses droits d'adaptation et de représentation dramatique ;

Qu'en application de l'article 2-I des mêmes statuts, la gérance des droits d'adaptation et de représentation dramatiques comporte :

'1) la fixation par traité général avec toutes entreprises de spectacle vivant des conditions de tous ordres et notamment des conditions pécuniaires, garanties et sanctions minima pour l'exploitation des oeuvres des membres de la Société ;

2) la perception des droits d 'auteur ;

3) la répartition des droits perçus. ' ;

Considérant que Mme Elisabeth B. et M. Philippe S., auteurs de la pièce intitulée 'Elisabeth B.. Nouveau spectacle', de même que M. Anthony L. dit Jarry, metteur en scène de ce spectacle, sont tous adhérents de la SACD ;

Considérant que la société L'Artistique Caumartin exploite le théâtre où les représentations du spectacle ont eu lieu pendant la période du 26 septembre 2013 au 5 janvier 2014 ; que le producteur en a été la société Artistic Records ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 7122-2 du code du travail, est entrepreneur de spectacles vivants toute personne qui exerce une activité d'exploitation de lieux de spectacles, de production ou de diffusion de spectacles, seul ou dans le cadre de contrats conclus avec d'autres entrepreneurs de spectacles vivants, quel que soit le mode de gestion, public ou privé, à but lucratif ou non, de ces activités ;

Considérant que l'article L. 132-21 du code de la propriété intellectuelle dispose que "L'entrepreneur de spectacles est tenu de déclarer à l'auteur ou à ses représentants le programme exact des représentations ou exécutions publiques et de leur fournir un état justifié de ses recettes. Il doit acquitter aux échéances prévues, entre les mains de l'auteur ou de ses représentants, le montant des redevances stipulées" ;

Considérant que c'est donc à juste titre qu'en vertu des dispositions précitées, la SACD poursuit le recouvrement des droits d'auteur au titre de ce spectacle auprès de la société L'Artistique Caumartin, pris en sa qualité de diffuseur et d'exploitant de salle de spectacle et non de producteur ;

Considérant que la société appelante fait valoir qu'elle a été condamnée par le tribunal de commerce par décision du 11 mars 2015 à payer à la société Artistic Records la somme de 41 361,44 euros au titre de ces mêmes droits d'auteur ;

Considérant que par courriel du 2 mars 2016, cette société productrice a affirmé que cette somme n'a pas été perçue au titre de droits d'auteur mais de ce qui lui était dû au titre de la coréalisation ;

Qu'en tout état de cause, le contrat de coréalisation conclu le 15 avril 2013 entre les sociétés Artistic Records et L'Artistique Caumartin, auquel la SACD est tiers, prévoit au demeurant que c'est le Théâtre qui a la charge du règlement des droits d'auteur ;

Considérant qu'il s'ensuit que l'ordonnance doit être confirmée, le montant de la provision allouée, selon les calculs détaillés par la SACD n'ayant pas fait l'objet de contestation motivée dans le cadre de l'instance d'appel ;

Considérant que le sort des dépens et de l'indemnité de procédure a été exactement réglé par le premier juge ;

Qu'à hauteur de cour, il convient d'accorder à la société intimée, contrainte d'exposer de nouveaux frais pour se défendre, une indemnité complémentaire sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile dans les conditions précisées au dispositif ci-après ;

Que partie perdante la société L'Artistique Caumartin ne peut prétendre à l'allocation d'une indemnité de procédure et supportera les dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise ;

Y ajoutant

Condamne la SA L'Artistique Caumartin à verser à la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SA L'Artistique Caumartin aux dépens, distraits conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.