CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 2 décembre 2016, n° 15/23770
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
7 Art (SARL)
Défendeur :
Atletico Records (SARL), Pilotis (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Perrin
Conseillers :
Mme Nerot, Mme Renard
Le 23 mai 2000, monsieur Pascal O., d'une part, messieurs Lionel F. et Patrice G., d'autre part, respectivement compositeur et paroliers de la comédie musicale « Les dix commandements » (dont la première représentation a eu lieu en octobre 2000 et qui s'est poursuivie jusqu'en 2008) ont conclu avec la société Pilotis (exerçant sous le nom commercial « Atletico Music ») un contrat de cession et d'édition d'oeuvre musicale aux termes duquel ces auteurs lui ont cédé leurs droits de propriété incorporelle sur cette oeuvre, outre un contrat de cession du droit d'adaptation audiovisuelle.
Le 10 juillet 2000, un contrat a été signé entre la société 7 Art (intervenant en qualité d'entrepreneur du spectacle de la comédie musicale, étant précisé qu'elle a pour gérant monsieur Elie C., auteur du livret, et que les 30 mai et 11 août 2000, elle a déposé deux marques semi-figuratives « Les dix commandements », non renouvelées), la société Atletico Records (intervenant en qualité de producteur de phonogrammes et de vidéogrammes et de détenteur des droits d'exploitation pour le monde entier des enregistrements reproduisant les interprétations des artistes de la comédie musicale, tant pour la version studio que pour la version live, quelle qu'en soit la langue), et enfin la société Pilotis (intervenant en qualité d'éditrice et de cessionnaire des droits d'édition musicale des oeuvres créées dans le cadre de la comédie musicale).
Ce dernier contrat précisait notamment en préambule : (1) « Elie C. est à l'initiative de la création d'une comédie musicale intitulée « Les dix commandements » (') Il s'est rapproché de Pascal O.. » (2) « A la suite de discussions intervenues entre Elie C. et Pascal O., ces derniers sont convenus respectivement de prendre en charge, pour Pascal O., la création et la production d'un album de la comédie musicale (dans une version studio et éventuellement dans une version « public-live ») et, pour Elie C., la création et la production d'un spectacle mettant en scène et illustrant la comédie musicale ».
Selon le premier article de ce contrat, son objet était de « définir les termes et modalités de l'accord de reversement commercial consenti entre les parties à l'occasion : de l'exploitation de la représentation scénique de la comédie musicale // de la vente de l'album (version studio et version live) de ladite comédie musicale par Atletico Records en langue française // des droits éditoriaux gérés par Pilotis et générés par l'exploitation de la représentation scénique, de l'exploitation par Atletico Records de l'album (version studio et version live) de la comédie musicale en langue française et des exploitations dérivées de la comédie musicale telles que définies aux présentes ».
Les sociétés Pilotis et Atletico Records exposent qu'à compter de l'année 2004, elles ont constaté des manquements imputables à la société 7 Art dans l'exécution de ses obligations contractuelles, la mettant par trois fois vainement en demeure de lui adresser les comptes afférents au spectacle et qu'en raison de leur persistance elles lui ont confirmé, par courrier du 17 octobre 2007 et sans plus de manifestation de sa part, la résiliation de la concession d'exploitation des oeuvres musicales et des enregistrements du spectacle.
Par la suite, en réplique à une lettre de la société 7 Art du 18 avril 2013 les informant de sa décision d'adapter à nouveau pour la scène les oeuvres constituant ce spectacle, elles ont manifesté leur opposition à ce projet, lui indiquant que la société Atletico Records était titulaire de la marque française verbale « Les dix commandements » n°10 3 740 022, déposée le 21 mai 2010 en classes 3, 9, 14, 16, 18, 25, 28, 30, 32, 35, 38 et 41 et publiée au BOPI le 25 juin 2010 ainsi que d'un droit privatif de producteur des phonogrammes sur la bande master sonore de la comédie musicale et que la société Pilotis l'était d'un droit privatif d'éditeur sur les oeuvres musicales constituant cette comédie et, comme telle, seule habilitée à consentir des droits d'adaptation scénique.
Elles exposent encore qu'en dépit de cet avertissement réitéré le 13 mai 2013, elle ont pu constater que ce même 13 mai 2013 la société 7 Art avait déposé la marque française semi-figurative « Les dix commandements », n°13 4 005 561, en classes 3, 9, 14, 16, 18, 20, 21, 24, 25, 28, 35, 38 et 41 publiée au BOPI le 07 juin 2013 ; que c'est dans ce contexte qu'elles ont assigné la société 7 Art à l'effet de voir constater la fraude à leurs droits et d'obtenir, outre des mesures d'interdiction, la réparation de leurs préjudices, ceci selon acte du 24 septembre 2013.
Par jugement contradictoire rendu 09 octobre 2015, le tribunal de grande instance de Paris a, en substance et avec exécution provisoire :
> débouté les requérantes de leur demande au titre de l'atteinte aux droits d'auteur résultant du dépôt de la marque n° 13 4 005 561,
> débouté la société 7 Art de sa demande tendant à se voir attribuer la marque n°103 740 022 ainsi que celle tendant à voir annuler la marque communautaire « Les dix commandements : le concert symphonique », n° 12158127, déposée le 09 septembre 2013 par la société Atletico Records en classes 3, 9, 14, 16, 18, 25, 28, 30, 32, 35, 38 et 41,
> dit qu'en déposant la marque semi-figurative n°13 4 005 561 la société 7 Art a commis un acte de contrefaçon par imitation de la marque verbale française n° 10 3 740 022, attribué à la société Atletico Records la propriété de cette marque semi-figurative, avec transmission subséquente à l'Institut national de la propriété industrielle, et fait interdiction, sous astreinte dont il s'est réservé la liquidation, à la société 7 Art de faire usage de cette marque semi-figurative,
> condamné la société 7 Art à verser aux sociétés Pilotis et Atletico Records une somme indemnitaire de 1.000 euros au profit de chacune,
> en déboutant les parties du surplus de leurs demandes, condamné la société 7 Art à verser aux sociétés défenderesses une somme de 5.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
Par dernières conclusions notifiées le 24 février 2016 la société à responsabilité limitée 7 Art, appelante, demande pour l'essentiel à la cour, au visa des articles 1134 et 1382 du code civil, L. 112-4, L. 711-4 sous e) et L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle, d'infirmer le jugement et :
> de déclarer les sociétés appelantes « irrecevables et non fondées » en leurs demandes,
> de déclarer nulle la marque communautaire n°12158127 précitée,
> de lui attribuer la marque « Les dix commandements » n° 10 3 740 022 précitée et de faire interdiction, sous astreinte, à la société Atletico Records d'en faire usage,
> d'interdire toute exploitation du concert symphonique en cause, que celui-ci soit produit directement ou indirectement par les sociétés Atletico Records et « Pilotis Records » (sic),
> de condamner in solidum les sociétés Atletico Records et « Pilotis Records » à lui verser la somme indemnitaire de 15.000 euros en raison du caractère abusif de la présente action, outre celle de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.
Par dernières conclusions notifiées le 22 février 2016 les sociétés à responsabilité limitée Atletico Records et Pilotis (exerçant sous le nom commercial Atletico Music) prient, en substance, la cour, au visa des articles L. 111-1, L. 112-4, L. 112-8, 5°, L. 123-1, L. 132-1, L. 132-19, L. 335-3, L. 711-2, L. 711-4, L. 712-6, L. 713-1, L. 713-3, L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle et 463 du code de procédure civile :
> à titre liminaire, de réparer l'omission de statuer contenue dans le jugement dont appel en complétant comme suit son dispositif : « Constate que les conditions d'application de la clause résolutoire du contrat du 10 juillet 2000 ont été réunies en octobre 2007 à défaut pour la SARL 7 Art de justifier avoir rempli ses obligations au titre dudit contrat - en conséquence : dit et juge que la SARL 7 Art ne dispose plus d'aucun droit d'exploitation de la comédie musicale ni du spectacle « Les dix commandements »,
> de confirmer le jugement en ses dispositions qui leur sont favorables, de l'infirmer pour le surplus et de juger que la marque semi-figurative n° 13 4 005 561 enregistrée par la société 7 Art l'a été en fraude des droits d'auteur de la société Pilotis en la condamnant à verser la somme indemnitaire de 20.000 euros au profit de chacune en réparation du préjudice résultant de cette fraude,
> en tout état de cause, de condamner l'appelante à verser à chacune d'elles la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.
SUR CE,
Sur la résiliation du contrat du 10 juillet 2000 assortie d'une demande tendant à voir compléter le dispositif du jugement dans ce sens du fait d'une omission
Considérant que la société 7 Art ne conteste pas le fait que le tribunal a omis de reprendre dans le dispositif de son jugement la disposition constatant l'acquisition de la clause résolutoire insérée dans ce contrat pourtant retenue dans sa motivation ni l'application requise des dispositions de l'article 463 du code de procédure civile ; qu'elle critique, en revanche, cette motivation et, observant incidemment que la date de résiliation aurait dû être fixée un mois après l'envoi d'une mise en demeure et non point à sa date, soutient qu'il ne peut raisonnablement être considéré que ce contrat a été valablement résilié ;
Qu'elle estime d'abord que les motifs des premiers juges procèdent d'une lecture erronée du contenu et de la portée du contrat en cause ; que se prononçant sur le dépôt, par elle-même argué de fraude, de la marque « Les dix commandements » n° 10 3 740 022 par la société Atletico Records il énonce à tort, selon elle, qu'« il n'est pas contesté que l'activité principale de la SARL 7 Art est celle d'être un entrepreneur de spectacles ; que cependant, s'agissant du spectacle litigieux, la comédie musicale « Les dix commandements », cette société ne disposait plus à compter du mois d'octobre 2007 du droit d'exploiter ce spectacle, le contrat du 10 juillet 2000 ayant été résilié à cette date, comme il a été jugé ci-dessus » ou encore que « ce dépôt n'a pas pour effet d'entraver l'exploitation de ce spectacle dont l'interdiction trouvait sa cause dans la cessation des relations contractuelles entre les parties » (page 10/17 du jugement) ;
Qu'à cet égard, elle fait valoir que les droits des auteurs du spectacle (Elie C., Kamel O., Sonia R., ...) ont fait l'objet de contrats distincts signés avec elle-même, qu'adhérents de la Sacem les auteurs-compositeurs concernés ne jouissent plus du droit d'autoriser ou non la représentation de l'oeuvre musicale et que la résiliation du contrat litigieux, qui ne comportait aucune cession réciproque des droits des auteurs du spectacle, n'a qu'un effet limité, le tribunal confondant manifestement, selon elle, droits d'auteur et droits voisins puisque la seule autorisation figurant dans ce contrat concernait l'exploitation de « la bande sonore dans les spectacles de la comédie musicale » ; qu'elle conserve donc toute liberté pour produire une nouvelle bande sonore, enregistrée avec les mêmes interprètes ou d'autres, faisant l'objet de contrats d'enregistrement emportant cession à son profit des droits voisins et pour l'exploiter dans le cadre de représentations scéniques de la comédie musicale ;
Qu'elle soutient ensuite que la résiliation du contrat n'apparaît pas acquise dans la mesure où la lettre du 17 octobre 2007, évoquant une absence de réponse à d'anciens courriers de 2004, n'est pas une mise en demeure, la société Pilotis se bornant à écrire qu'elle se trouve « être de plein droit libérée de toute obligation » à son égard sans même utiliser le terme « résiliation » ;
Considérant, ceci étant exposé, qu'il résulte des termes du jugement (page 3/17) que les sociétés requérantes demandaient au tribunal, dans leurs dernières écritures, « de constater la terminaison du contrat du 10 juillet 2000 », que le tribunal s'est prononcé sur la résiliation de ce contrat en omettant d'en disposer et qu'il convient d'ajouter au jugement en se prononçant, compte tenu de l'effet dévolutif de l'appel, sur la clause résolutoire insérée à l'article 7 du contrat dont les intimées demandent à la cour de constater l'acquisition ;
Que, s'agissant de sa forme, la lettre du 17 octobre 2007 faisait mention de cet article 7 en précisant les manquements que les sociétés Atletico Records et Pilois reprochaient à la société 7 Art, à savoir sa carence à rendre compte des tournées de la comédie musicale, comme stipulé aux articles 5.1 et 5.2.3 du contrat et comme prévu à l'article L. 132-21 du code de la propriété intellectuelle ; qu'elle s'analyse donc en une mise en demeure au sens de cet article 7, contrairement à ce que prétend la société 7 Art ;
Que, s'agissant de l'acquisition « de plein droit » de cette clause résolutoire, quand bien même la défaillance contractuelle porterait sur un défaut de reddition de compte pour une période se situant en 2004, il n'en demeure pas moins que les intimées font état, sans être contredites, de la perpétuation de cette carence et que la société 7 Art ne justifie ni même ne se prévaut de la bonne exécution de l'obligation dont elle était débitrice, que ce soit en 2004 ou ultérieurement, de sorte qu'il convient de considérer qu'elle s'est trouvée acquise un mois après l'envoi de ladite lettre, soit le 17 novembre 2007, et que, du fait de l'omission du tribunal, il sera ajouté au jugement dans ce sens ;
Que, s'agissant enfin de la portée de cette résiliation que l'appelante demande à la cour d'apprécier autrement que ne l'a fait le tribunal afin, en particulier, de se prononcer sur le caractère frauduleux du dépôt des marques en litige, il échet de considérer que sont pertinentes les critiques qu'elle articule à l'encontre des énonciations sus-reprises du tribunal dès lors que le contrat en cause, expressément désigné comme étant un « accord de reversement », a un objet limité précisément circonscrit à l'article 1 précité et qu'il porte sur l'exploitation de la bande sonore de la comédie musicale ;
Qu'en revanche, la cour ne saurait valablement interdire aux sociétés intimées de faire usage des droits dont elles sont cessionnaires par contrat du 23 mai 2000, comme le voudrait la société 7 Art ;
Sur le dépôt de la marque verbale « Les dix commandements », n° 10 3 740 022, le 21 mai 2010 par la société Atletico Records
Considérant qu'il convient de rappeler que le tribunal a débouté la société 7 Art des demandes qu'elle formulait pour sa défense à l'action en contrefaçon de marque introduite à son encontre et qui tendaient à s'en voir attribuer la propriété, par application de l'article L 711-6 du code de la propriété intellectuelle, et à voir considérer qu'elle était dépourvue de caractère distinctif, en application de l'article L. 711-2 du même code ;
Qu'ayant débouté les requérantes de leur demande fondée sur l'atteinte aux droits d'auteur antérieurs qu'elles revendiquaient, à savoir le titre donné à la composition musicale, que sanctionne l'article L. 711-4 sous e) du même code, il les a toutefois accueillies en leur action en contrefaçon de la marque n° 10 3 740 022 du fait de l'enregistrement de la marque semi-figurative « Les dix commandements » n° 13 4 005 561 déposée le 13 mai 2013 par la société 7 Art en se fondant sur les dispositions de l'article L. 713-2 sous b) de ce code et en retenant la création d'un risque de confusion ;
Que la société 7 Art qui poursuit l'infirmation du jugement oppose à nouveau à l'action en contrefaçon ainsi dirigée à son encontre l'atteinte qui a été portée aux droits antérieurs qu'elle revendique par l'enregistrement de la marque n° 10 3 740 022 et en sollicite l'attribution dans le dispositif de ses conclusions ;
Que les sociétés Atlético Records et Pilotis sollicitent, quant à elles, la confirmation du jugement disposant que l'enregistrement de la marque déposée par la société 7 Art en 2013 n'a pas porté atteinte aux droits antérieurs dont elle fait état mais constitue une contrefaçon par imitation de la marque déposée en 2010 par la société Atletico Records ; que la seule infirmation qu'elles poursuivent sur appel incident concerne la disposition du jugement les déboutant de leur demande fondée sur l'atteinte à leurs droits antérieurs d'auteur, demandant à la cour de condamner la société 7 Art pour ce dépôt frauduleux à hauteur d'une somme de 20.000 euros au profit de chacune ;
Considérant, ceci étant exposé, qu'il convient de relever que si la société 7 Art consacre des développements (en pages 31 à 33/43 de ses conclusions) à l'absence de distinctivité de la marque verbale « Les dix commandements » pour désigner certains produits ou services visés à l'enregistrement qui a été déposée par la société Atletico Records, ceci de manière quelque peu paradoxale puisqu'elle a elle-même déposé une marque éponyme couvrant les produits et services en cause et qu'elle en demande, qui plus est, l'attribution, force est de considérer qu'elle n'en tire aucune conséquence juridique dans le dispositif de ses conclusions ;
Qu'en effet, la société 7 Art demande, certes, à la cour de déclarer les intimées « irrecevables et non fondées en leur demande » ; que ces dernières ne présentent, toutefois, aucune demande relative à la distinctivité de la marque n°10 3 740 022 retenue par le tribunal ; que l'appelante poursuit seulement la nullité de la marque communautaire n°12158127 déposée le 09 septembre 2013 par la société Atletico Records, « Les dix commandements : le concert symphonique » et que, pour ce qui est de la marque déposée en 2010, la demande formulée dans le dispositif de ses conclusions s'analyse en une action en revendication du fait d'un enregistrement demandé en fraude de ses droits, étrangère à une action en nullité de l'enregistrement d'un signe qui ne serait pas apte à remplir la fonction d'une marque ;
Qu'il convient, en conséquence et par application des dispositions de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile selon lequel « Les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif. La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif » de dire que la cour n'est pas saisie de la contestation relative à la distinctivité de la marque en question ;
Que, sur le second moyen de défense à l'action en contrefaçon dirigée à son encontre, la société 7 Art qui sollicite le débouté de ses adversaires en leur demande de confirmation du jugement revendique, à la faveur de développements épars, des droits d'auteur antérieurs ainsi que la titularité des droits sur la marque semi-figurative française « Les dix commandements », n° 00 3 046 446, qu'elle a déposée en classes 9, 38 et 41 le 11 août 2000 ; qu'elle affirme qu'est entaché de fraude l'enregistrement de la marque effectué le 21 mai 2010 par la société Atletico Records et en sollicite l'attribution ;
Qu'il est constant que, dans le cadre d'une action en revendication, la fraude ne suppose pas la justification de droits antérieurs mais la preuve d'intérêts sciemment méconnus par le déposant ;
Que la Société 7 Art n'en invoque pas moins la titularité de cette marque semi-figurative ;
Que s'il est avéré que son enregistrement n'a pas fait l'objet d'un renouvellement, la société 7 Art imputant cette omission à sa négligence, il n'en produisait pas moins ses effets jusqu'au 11 août 2010, soit postérieurement à la date du dépôt de la marque enregistrée par la société Atlantico Records ;
Que bien que les intimées fassent valoir que cette marque première ne leur est pas opposable au motif qu'elle ne ferait pas l'objet d'un usage sérieux, au sens de l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle, et qu'il incombe à la société 7 Art de rapporter la preuve de son exploitation, force est de considérer qu'elles s'abstiennent de formuler une demande destinée à obtenir la déchéance des droits de la société 7 Art sur cette marque, se contentant de demander à la cour d'en faire le constat (§ 170 de leurs écritures) sans pour autant lui demander de trancher cette question de droit et sans formuler une prétention dans ce sens dans le dispositif de leurs conclusions, comme le requiert l'article 954 précité ;
Qu'en toute hypothèse, il ressort des pièces produites par la société 7 Art que cette marque figurait sur les affiches du spectacle éponyme dès ses débuts en France en 2000 mais aussi en 2007 ainsi qu'en page de garde et sur chaque feuillet du livret-programme du spectacle (pièces 20, 23 et 27) et qu'il est justifié de son usage pour au moins partie des produits et services visés à son enregistrement et concernés par la présente procédure ;
Qu'il résulte de l'analyse globale des signes en présence qu'ils couvrent, pour partie, des produits identiques ou similaires, comme pertinemment apprécié par le tribunal, et que la marque verbale seconde qui reprend en son entier l'élément verbal de la marque semi-figurative première (qui n'a pour particularité que d'être présentée dans un cartouche noir superposant les trois termes et surdimensionne le terme « dix ») sont visuellement proches, phonétiquement identiques et semblablement évocateurs du même épisode de la Bible ; que le risque de confusion qui en résulte pour le consommateur moyen ne fait pas l'objet, au demeurant, de contestation par les intimées ;
Que, par ailleurs, même si la SARL 7 Art évoque vainement la titularité de droits d'auteur sur l'oeuvre littéraire intitulée « les dix commandements » qui a fait l'objet, en septembre 2001, d'un dépôt à la société des Gens de Lettres et se présente sous la forme d'un livret (ses pièces 2 et 22bis) ou encore sur le spectacle dès lors que monsieur Elie C., son gérant, en est l'auteur, comme en a jugé le tribunal, il n'en demeure pas moins qu'en sa qualité d'entrepreneur de spectacles, elle peut se prévaloir de la privation des droits reconnus par les articles L. 132-18 et suivants du code de la propriété intellectuelle et d'un intérêt méconnu par l'enregistrement de la marque « Les dix commandements » n°10 3 740 022 ;
Qu'arguant du caractère frauduleux de ce dépôt, la société 7 Art démontre qu'à sa date les sociétés Atletico Records et Pilotis qui ne pouvaient ignorer les usages antérieurs sus-évoqués du signe « Les dix commandements » du fait des relations contractuelles antérieurement entretenues, connaissaient l'intérêt pour la société 7 Art de pouvoir en disposer, notamment dans la perspective, comme il est commun en matière de comédie musicale à succès, d'une reprise de ce spectacle, ce que la société 7 Art leur a d'ailleurs annoncé par lettre du 18 avril 2013 (pièce 6) ;
Qu'en raison des conditions de la rupture du partenariat résultant d'un différend en germe depuis 2004, de la persistance des difficultés relationnelles des parties, encore manifeste dans la réponse des sociétés intimées du 19 avril 2013 (pièce 7), du fait, aussi, que l'enregistrement de la marque litigieuse a été effectué dix années après la création de la composition musicale et à quelques semaines du terme de la période de protection des deux marques enregistrées en 2000 par la société 7 Art ou encore de la généralité des motifs invoqués pour expliquer ce dépôt, à savoir (§ 148 et 149 des conclusions de la société Atletico Records) la volonté d'assurer une protection juridique à un signe désignant un spectacle ayant connu le succès à l'échelle mondiale et de cumuler les protections, l'intention de la société Atletico Records d'entraver l'activité de la société 7 Art doit être considérée comme établie ;
Qu'il s'en infère que la société 7 Art est fondée en son action en revendication et que le jugement sera infirmé de ce chef :
Que l'accueil de cette action ayant pour effet de subroger rétroactivement la société 7 Art dans les droits de la société Atletico Records et de la rendre titulaire de la marque « Les dix commandements » n° 10 3 740 022 depuis le dépôt frauduleux, il en résulte que ne peut prospérer l'action en contrefaçon par imitation de cette marque du fait du dépôt auquel a procédé la société 7 Art, le 13 mai 2013, de la marque semi-figurative « Les dix commandements » n°13 4 005 561 ;
Que doit donc être infirmé le jugement qui en dispose autrement et prononce conséquemment des mesures réparatrices en nature et par équivalent, allant jusqu'à attribuer, en conséquence du triomphe de cette action en contrefaçon, un droit de propriété sur cette marque, effet propre à l'action en revendication fondée sur un dépôt frauduleux, à la société Atletico Records ;
Sur le dépôt de la marque n°12158127 « Les dix commandements : le concert symphonique » le 09 septembre 2013 par la société Atletico Records
Considérant que statuant sur la demande reconventionnelle de la société 7 Art fondée sur le parasitisme, le tribunal a rejeté son action aux motifs que la résiliation du contrat conclu le 10 juillet 2000 avait pour effet de la priver du droit d'exploiter la comédie musicale ainsi que le spectacle et qu'elle ne justifiait pas d'autres investissements que ceux induits par l'exécution de ce contrat dont elle a d'ailleurs pu personnellement tirer profit ; qu'elle ne pouvait donc se prévaloir d'aucune faute ;
Qu'alors que les sociétés intimées s'approprient les motifs du jugement en ajoutant qu'elles disposaient de droits privatifs sur les oeuvres musicales, les enregistrements du spectacle et sur la marque éponyme, qu'elles n'ont fait, de plus, que tirer profit non point des efforts d'autrui mais de ce qui était déjà leur propriété et qu'elles sont en droit de s'opposer au projet d'adaptation scénique de ces oeuvres par la société 7 Art, cette dernière, visant uniquement l'article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle, se prévaut d'abord d'un dépôt frauduleux qui justifierait son annulation (page 18/43 de ses dernières écritures) puis incrimine le dépôt de cette marque qui révèle, à son sens, l'intention des intimées de s'en servir pour désigner un nouveau spectacle après avoir initié la présente action pour « se débarrasser de liens contractuels visiblement encombrants » ;
Qu'elle fait état, sans le chiffrer ni n'en expliciter les composantes, d'un « investissement considérable » pour la mise en place de cette comédie musicale et de son importante prise de risque financier alors que les sociétés intimées se sont contentées d'un rôle de collaborateur, bénéficiant même d'une prise en charge financière par la société Universal Music ;
Mais considérant, s'agissant de prouver le détournement d'une valeur économique, qu'en dépit de la production par l'appelante de 32 pièces aucune ne vient étayer ses assertions relatives aux efforts financiers déployés ;
Que, s'agissant de la réparation du préjudice qui en serait résulté, la conséquence juridique que semble vouloir tirer de son action à ce titre la société 7 Art paraît être, faute de précisions, l'annulation de la marque pour dépôt frauduleux ; qu'outre le fait qu'une demande en nullité d'une marque communautaire formée, comme en l'espèce, à titre principal relève de la compétence exclusive de la division d'annulation de l'OHMI (devenue EUIPO) en application des articles 51 à 53 du règlement 207/2009 sur la marque communautaire, force est de considérer que le lien entre la faute invoquée, fondée sur l'article 1382 du code civil, et la mesure réparatrice réclamée n'est pas explicité ;
Qu'au surplus, il apparaît qu'il n'est nullement justifié de l'enregistrement de la marque querellée, l'unique document produit sur cette marque par la seule appelante (en pièce 18) étant une notice complète issue de la base de données de l'Institut national de la propriété industrielle éditée le 27 septembre 2013 et qui supporte les mentions suivantes : « Date de dépôt / Enregistrement : 2013-09-09 --- Statut : Demande en cours d'examen » et celle-ci n'ayant pas demandé à être autorisée à compléter sa production en cours de délibéré, conformément à l'article 455 du code de procédure civile ;
Qu'il y a lieu, dans ces conditions, de la débouter de sa demande au titre du parasitisme comme l'a fait le tribunal ;
Qu'il convient, en revanche, de l'infirmer en ce qu'il déboute la société 7 Art de sa demande d'annulation de ladite marque pour dépôt frauduleux formée à titre principal, la présente juridiction nationale n'ayant pas compétence pour connaître de cette action ;
Sur l'abus de procédure
Considérant que la société 7 Art soutient que les sociétés intimées, déterminées à faire échouer son projet de reprise de l'exploitation de la comédie musicale, n'ont introduit la présente action en justice qu'à seule fin de lui nuire, ceci par des méthodes qui relèvent de l'intimidation et, sans caractériser le préjudice en résultant ;
Mais considérant que les intimées qui ont vu partie de leurs prétentions accueillies par les premiers juges et qui sont partiellement confirmées par la cour ont pu, sans faute et en dépit d'une appréciation erronée de leurs droits en divers points, user de leur droit d'ester en justice pour présenter des prétentions circonstanciées étayées par des éléments de preuve et voir régler, par une décision de justice, une situation conflictuelle qui perdure ;
Que le jugement mérite confirmation de ce chef ;
Sur les autres demandes
Considérant, sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile, que la succombance partielle des parties conduit la cour à décider que chacune conservera la charge des frais par elle exposés en cause d'appel et qui ne sont compris dans les dépens outre celle des dépens d'appel ;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement hormis en ce qu'il déboute les sociétés Atletico Records SARL et Pilotis SARL de leur demande fondée sur l'atteinte à leurs droits d'auteur et, par ailleurs, en ses dispositions relatives aux frais non compris dans les dépens ainsi qu'aux dépens ;
Constate l'acquisition, à la date du 27 novembre 2007, de la clause résolutoire de plein droit insérée dans le contrat daté du 10 juillet 2010 ayant pour objet un « accord de reversement » portant uniquement sur l'exploitation de la bande sonore de la comédie musicale « Les dix commandements » souscrit par les parties au litige, ceci en faisant application des dispositions de l'article 563 du code de procédure civile ;
Déboute la société 7 Art SARL de sa demande tendant à voir faire interdiction aux sociétés Atletico Records SARL et Pilotis SARL d'exploiter les droits sur la composition musicale dont elles sont cessionnaires ;
Dit que la société 7 Art SARL est fondée en son action en revendication de la marque « Les dix commandements » n°10 3 740 022 en raison de son enregistrement par la société Atletico Records SARL en fraude des droits de la société 7 Art SARL ;
Déclare, en conséquence, la société 7 Art SARL titulaire de cette marque n°10 3 740 022 à compter du 21 mai 2010, par l'effet de la subrogation, à charge, pour elle, de faire toutes diligences utiles aux fins d'inscription de la présente décision au Registre national des marques ;
Déboute la société Atletico Records de son action en contrefaçon par imitation de la marque n°10 3 740 022 du fait du dépôt par la société 7 Art SARL, le 13 mai 2013, de la marque semi-figurative « Les dix commandements » n° 13 4 005 561 ainsi qu'en toutes ses demandes subséquentes ;
Dit que la présente juridiction n'a pas compétence pour connaître de l'action en annulation de la marque communautaire « Les dix commandements : le concert symphonique» n°12158127 formée à titre principal ;
Dit que chacune des parties conservera la charge des frais non compris dans les dépens exposés en cause d'appel et supportera celle de ses propres dépens d'appel.