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Décisions

Cass. com., 22 octobre 1996, n° 94-15.745

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Tricot

Avocat général :

M. Lafortune

Avocats :

SCP Piwnica et Molinié, Me Blanc

Aix-en-Provence, 8e ch. A, du 14 avr. 19…

14 avril 1994

Attendu, selon l'arrêt déféré, que la société Films Méric s'est engagée à investir diverses sommes dans le financement de films produits par la société Greenwich Films Production, en contrepartie d'une participation aux recettes, avant d'être mise en redressement puis en liquidation judiciaires; que M. X..., son liquidateur, a été autorisé par le juge-commissaire à céder le bénéfice de ces contrats à la société Labrador Films; que la société Greenwich Films Production et M. Y... ont fait opposition à l'ordonnance du juge-commissaire; que le Tribunal a déclaré le recours irrecevable; que la société Greenwich Films Production et M. Y... ayant fait appel tant de l'ordonnance que du jugement, ils ont demandé l'annulation de l'acte de cession conclu par le liquidateur postérieurement à l'ordonnance en invoquant le défaut de prix et l'absence de réitération; qu'à titre subsidiaire, ils ont demandé que soit déclarée l'inopposabilité de la cession pour non respect des droits de préemption ;

que la cour d'appel, après avoir joint les deux instances, a déclaré les appels irrecevables;

Sur la recevabilité du pourvoi, contestée par la défense ;

Attendu que le liquidateur judiciaire de la société Films Méric prétend qu'en vertu de l'article 173 de la loi du 25 janvier 1985, le pourvoi formé par la société Greenwich Films Production et M. Y... est irrecevable;

Mais attendu que le pourvoi est recevable contre l'arrêt qui a statué sur la recevabilité de l'appel;

Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième et quatrième branches :

Attendu que la société Greenwich Films Production et M. Y... reprochent à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait et de les avoir condamnés au paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'est recevable l'appel formé contre le jugement statuant sur le recours contre une ordonnance du juge-commissaire, même rendue dans les limites de ses attributions, en ce que ce jugement aurait fait une inexacte application des dispositions de l'article 25 du décret du 27 décembre 1985; qu'en déclarant, néanmoins, irrecevable l'appel de la société Greenwich Films Production et de M. Y... qui faisaient valoir que le tribunal avait, à tort, déclaré leur opposition irrecevable, la cour d'appel a violé l'article 173 de la loi du 25 janvier 1985; alors, d'autre part, qu'il n'entre pas dans les attributions du juge-commissaire d'autoriser une cession frappée de nullité; qu'en cas de cession de l'actif d'une entreprise de production audiovisuelle, le liquidateur est tenu, à peine de nullité, d'établir un lot distinct pour chaque oeuvre et d'aviser chacun des auteurs et coproducteurs; qu'en énonçant seulement, pour décider que le juge-commissaire avait statué dans la limite de ses attributions, que la vente relevait bien de l'article 156 de la loi du 25 janvier 1985, sans rechercher si cette vente n'était pas nulle en application de l'article L. 132-30 du Code de la propriété intellectuelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ce texte et des dispositions des articles 156 et 173 de la loi du 25 janvier 1985; et alors, enfin, que la vente de l'intégralité des éléments d'actifs corporels et incorporels d'une entreprise constitue nécessairement la cession globale d'une unité de production au sens de l'article 155 de la loi du 25 janvier 1985, quelle que soit l'activité de cette entreprise; qu'en décidant du contraire et en estimant en conséquence que le juge-commissaire avait statué dans la limite de ses attributions en autorisant la cession de gré à gré de l'intégralité des éléments d'actif de la société Films Méric, la cour d'appel a violé le texte susvisé et l'article 173 de la loi du 25 janvier 1985;

Mais attendu qu'ayant constaté que la cession ordonnée par le juge-commissaire portait sur des contrats de financement de la production de films ouvrant le bénéfice d'une participation aux recettes proportionnellement au financement partiel initial, la cour d'appel en a exactement déduit que cette cession de "droits et éléments corporels et incorporels pouvant encore appartenir" au débiteur sur divers films n'emportait pas cession d'unité de production; que dès lors qu'en l'absence de contrat de production audiovisuelle il n'y avait pas lieu d'établir, comme le prévoit l'article L. 132-30 du Code de la propriété intellectuelle, un lot distinct pour chaque film, la cour d'appel a énoncé, à bon droit, que le juge-commissaire avait statué dans la limite des attributions qui lui sont conférées par l'article 156 de la loi du 25 janvier 1985 et que l'appel formé contre le jugement rendu sur l'opposition formée contre l'ordonnance de ce magistrat était irrecevable;

Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 173.2° de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu que, pour déclarer irrecevable l'appel formé contre le jugement qui avait rejeté la demande d'annulation de la convention de cession, l'arrêt invoque les dispositions de ce texte;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'irrecevabilité de l'appel, édictée par l'article 173.2° de la loi du 25 janvier 1985, ne pouvait s'appliquer qu'à la disposition du jugement statuant sur l'ordonnance du juge-commissaire proprement dite et non pas à la disposition par laquelle le Tribunal s'était prononcé sur la demande en annulation de la convention de cession présentée pour la première fois, la cour d'appel a violé le texte susvisé;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'appel formé par la société Greenwich Films Production et M. Y... contre la disposition du jugement qui les a déboutés de leur demande en annulation ou inopposabilité de la convention passée le 15 novembre 1989 entre M. X..., liquidateur de la société Films Méric, et la société Labrador Films, et en ce qu'il les a condamnés à payer, à titre de dommages-intérêts, la somme de quarante mille francs à M. X..., ès qualités, et celle de 100 000 francs à la société Labrador Films, l'arrêt rendu le 14 avril 1994, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.