Livv
Décisions

Cass. crim., 1 octobre 1990, n° 89-86.675

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tacchella

Rapporteur :

M. Souppe

Avocat général :

Mme Pradain

Avocats :

Me Foussard, SCP Riché, Blondel et Thomas-Raquin

Nîmes, ch. corr., du 16 nov. 1989

16 novembre 1989

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 147, 150 du Code pénal, 2, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable de faux et d'usage de faux, l'a condamné à une amende de 10 000 francs ainsi qu'au paiement de la somme de 10 000 francs à Y... ;

" aux motifs qu'après avoir remis à Y... l'un des deux sous-seings privés dont la présentation générale donnait à croire qu'il s'agissait de documents libellés en termes identiques, et après avoir conservé par-devers lui l'autre de ces actes contenant une clause, à laquelle Y... ne souhaitait pas souscrire, le libérant de son obligation de non-concurrence, X... s'est mis en mesure de tromper la bonne foi de son cocontractant, aux capacités intellectuelles tributaires de son âge (72 ans) ;

" alors que, d'une part, la cour d'appel, pour rechercher si Y... avait ou non la faculté de déceler l'irrégularité constatée, devait prendre en considération l'âge de la victime et partant ses capacités intellectuelles, non pas au jour de son arrêt, Y... étant âgé de 72 ans, mais à la date des faits, où la victime était âgée de 67 ans seulement et disposait des capacités intellectuelles correspondantes ;

" alors que, d'autre part, la cour d'appel n'a pas fait apparaître que la vérité aurait été altérée par l'un des moyens visés à l'article 147 du Code pénal " ;

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que X... a fait signer concomitamment par Y... deux lettres qu'il avait lui-même rédigées ; qu'au vu de leur présentation générale ces documents étaient d'un libellé apparemment identique et constataient l'accord des intéressés à la reconduction pour 1 an d'un contrat de location-gérance d'une station-service, propriété de Y... ; mais que l'un des exemplaires comportait une phrase qui ne figurait pas dans l'autre, selon laquelle le bailleur renonçait à une clause de non-concurrence stipulée à la charge du locataire dans la convention initiale ; qu'ultérieurement dans un litige l'opposant à Y..., X... a opposé à ce dernier l'exemplaire falsifié qu'il avait conservé ;

Attendu qu'après avoir écarté la qualification d'abus de blanc-seing visée à la prévention au motif qu'il n'était pas établi que la clause litigieuse ait été apposée et surajoutée après signature, la cour d'appel, pour déclarer le prévenu coupable de faux et usage de faux, énonce " qu'en n'établissant pas l'acte en deux exemplaires identiques en tous points, X..., rédacteur, s'est mis en mesure de tromper la bonne foi de son cocontractant aux capacités intellectuelles tributaires de son âge " ; que les juges ajoutent qu'il n'est nul besoin d'un montage matériel particulier pour établir la fabrication d'un faux intellectuel ;

Attendu qu'abstraction faite d'une indication erronée concernant l'âge exact de la victime à la date de l'acte-sans incidence sur la caractérisation de la fraude par laquelle la signature a été obtenue-la cour d'appel a justifié sa décision ;

Qu'en effet les articles 147 et 151 du Code pénal s'appliquent à la fabrication de conventions, obligations, dispositions ou décharges dans la rédaction même de l'acte et avant signature ; que l'authenticité de celle-ci ne peut ôter à l'écrit son caractère de faux dès lors que, comme en l'espèce, elle a été obtenue par surprise ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.