Cass. crim., 20 décembre 1994, n° 94-84.744
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Le Gunehec
Rapporteur :
Mme Fossaert-Sabatier
Avocat général :
M. Galand
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 53 et suivants du Code de procédure pénale, 593 du même Code, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'rrêt du 11 mai 1993 attaqué a refusé d'annuler les procès-verbaux d'enquête de police, notamment le procès-verbal de perquisition au domicile de Thierry Sniter, diligentés le 17 février 1992 selon la procédure de crime flagrant ;
"aux motifs que l'enquête de flagrance a commencé dans les instants qui ont suivi la commission du crime perpétré le 15 février 1992 ;
que les investigations des enquêteurs ont été suivies sans interruption jusqu'à l'interpellation des personnes soupçonnées ;
"alors que si une enquête de flagrance peut se poursuivre pendant plusieurs jours, c'est à la condition que les enquêteurs procèdent sans désemparer et que leurs diligences ne soient jamais interrompues, ce qui suppose la continuité des actes d'enquête ;
qu'en l'espèce, l'enquête de flagrance diligentée par le SRPJ de Bordeaux a débuté le 15 février 1992 à 8 heures ;
que dans la journée du 15 février, les enquêteurs se sont transportés sur les lieux, ont entendu les divers témoins et ont consulté l'OCRB ;
que le 17 février, après un renseignement reçu de l'OCRB selon lequel le mode d'opérer correspondait à celui utilisé par Jean-Pierre X... susceptible d'être hébergé par un nommé Z... dans la région bordelaise, ils ont localisé Thierry Sniter et, après mise en place d'un dispositif de surveillance, l'ont interpellé le 17 février en fin d'après-midi et effectué une perquisition à son domicile le 17 février à 20 heures 10 (cf. pièces cotées D 1 à D 12) ;
qu'ainsi, aucun acte d'enquête n'a été effectué le 16 février 1992, de sorte que la procédure de flagrance ne pouvait être poursuivie ;
que, dès lors, les actes effectués le 17 février, notamment la perquisition au domicile de Thierry Sniter, auraient dû être annulées, ainsi que la procédure subséquente" ;
Attendu qu'ainsi que le constate l'arrêt attaqué, il résulte des pièces de la procédure que l'enquête de flagrance commencée le 15 février 1992 s'est poursuivie sans interruption jusqu'au 19 février ;
qu'il n'importe qu'aucun procès-verbal relatant les investigations n'ait été établi le 16 février ;
Que le moyen ne saurait être admis ;
Sur le quatrième moyen de cassation pris de la violation des principes généraux de la procédure pénale, 100-4 du Code de procédure pénale, 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
"en ce que l'arrêt du 11 mai 1993 attaqué a refusé d'annuler les procès-verbaux de transcriptions d'écoutes téléphoniques ordonnées par un juge d'instruction dans une autre procédure et versés au dossier de l'information ;
"aux motifs qu'aucune disposition légale n'interdit d'annexer à une procédure pénale les éléments d'une autre procédure, à condition que cette jonction ait un caractère contradictoire ;
que cette condition est remplie par le versement au dossier de la transcription d'une partie des propos échangés ;
"alors qu'en matière d'écoutes téléphoniques, les enregistrements placés sous scellés doivent être déposés au greffe de la juridiction et tenus à disposition pour permettre leur écoute contradictoire ;
qu'il résulte de l'arrêt attaqué que seuls les procès-verbaux de transcription d'extraits de conversation ont été communiqués au juge d'instruction qui les a versés au dossier, à l'exclusion des enregistrements eux-mêmes ;
que, dès lors, le caractère contradictoire de la jonction n'était pas assuré, de sorte que les transcriptions litigieuses (pièces cotées D 98 à D 100) devaient être annulées et retirées du dossier, ainsi que le procès-verbal d'interrogatoire sur ces transcriptions du 17 novembre 1992 (pièce cotée 131)" ;
Attendu que l'examen des pièces de la procédure révèle qu'ont été versés au dossier de l'information suivie par le juge d'instruction de Bordeaux contre notamment, Jean-Pierre X... et Thierry Sniter, des procès-verbaux de transcription d'écoutes téléphoniques ordonnées par un juge d'instruction de Créteil, qui, saisi contre personne non dénommée d'infractions à la législation sur les stupéfiants, avait fait placer sous surveillance la ligne de Monique Y... au domicile de laquelle Jean-Pierre X... vivait en février 1992 ;
Attendu que, pour écarter la demande d'annulation de ces procès-verbaux, les juges retiennent que "les termes des propos échangés ont été portés à la connaissance de Thierry Sniter et Jean- Pierre X... qui s'en sont expliqué notamment lors de leur interrogatoire du 17 décembre 1992" ;
qu'ils ajoutent que "les prescriptions des articles 100 à 100- 7 ne s'appliquent qu'au magistrat instructeur ayant ordonné l'écoute téléphonique et qu'il n'est pas établi au regard des pièces jointes à la procédure qu'il y ait été dérogé" ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la chambre d'accusation n'a pas encouru les griefs du moyen ;
Qu'aucune disposition légale n'interdit d'annexer à une procédure pénale les éléments d'une autre procédure dont la production peut être de nature à éclairer les juges et à contribuer à la manifestation de la vérité, dès lors que cette jonction a un caractére contradictoire ;
que tel est le cas en l'espèce ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
II - Sur le pourvoi formé contre l'arrêt du 18 janvier 1994 :
Sur le cinquième moyen de cassation pris de la violation des articles 173 et 174 du Code de procédure pénale, 802 du même Code, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt du 18 janvier 1994 attaqué a déclaré irrecevable la requête présentée par Thierry Sniter le 29 novembre 1993, aux fins d'annulation du procès-verbal d'audition en qualité de témoin de Michel Sniter du 8 septembre 1992 (D 82) ;
"aux motifs que, selon l'article 174, 4 du Code de procédure pénale, lorsque la chambre d'accusation est saisie sur le fondement de l'article 173, tous moyens pris de nullité de la procédure qui lui est transmise doivent lui être proposés et qu'à défaut, les parties ne sont plus recevables à en faire état sauf le cas où elles n'auraient pu les connaître ;
qu'en l'espèce, Z... avait déjà saisi la chambre d'accusation d'une requête en nullité du 5 avril 1993 sur laquelle elle s'est prononcée par arrêt du 11 mai 1993, déclarant la procédure régulière ;
que le procès-verbal argué de nullité est du 8 septembre 1992, de sorte qu'il était, lors de la première requête, acquis à la procédure et que Z... avait pu en avoir connaissance ;
qu'il importe peu que l'arrêt du 11 mai 1993 ne soit pas devenu définitif, dès lors que l'article 173 du Code de procédure pénale prévoit que c'est la saisine de la chambre d'accusation qui détermine l'irrecevabilité des moyens de nullité antérieurs à cette saisie, soulevés postérieurement à ladite saisine ;
"alors que l'arrêt du 11 mai 1993, frappé de pourvoi sur lequel il n'a pas encore été statué, n'est pas définitif, et n'était pas définitif à la date du 29 novembre 1993 date à laquelle Z... pouvait soumettre à la chambre d'accusation un moyen de nullité relatif à la procédure antérieure au 11 mai 1993 sur la régularité de laquelle il n'avait pas été statué de façon définitive ;
qu'en estimant que la première saisine de la chambre d'accusation empêchait une nouvelle saisine de la même chambre d'accusation relative à la procédure antérieure à la première saisine, l'arrêt attaqué a violé les articles 173 et 174 du Code de procédure pénale" ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable la requête présentée par Thierry Sniter le 29 novembre 1993 aux fins d'annulation du procés-verbal d'audition de témoin en date du 8 septembre 1992, la chambre d'accusation énonce qu'il importe peu que l'arrêt de la chambre d'accusation ne soit pas devenu définitif dès lors que l'article 174 du Code de procédure pénale prévoit que c'est la saisine de la chambre d'accusation qui détermine l'irrecevabilité des moyens de nullité antérieurs à cette saisine, soulevés postérieurement à celle-ci ;
Attendu qu'en se prononçant ainsi, l'arrêt attaqué a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Qu'ainsi le moyen ne peut être admis ;
III - Sur le pourvoi formé contre l'arrêt du 20 septembre 1994 :
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 197 et 593 du Code de procédure pénale, 6-3 b de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble violation des droits de la défense ;
"en ce que l'arrêt du 20 septembre 1994 attaqué mentionne que le procureur général a notifié, par lettres recommandées envoyées à Z... et à son avocat le 25 juillet 1994, la date à laquelle l'affaire serait appelée à l'audience, conformément à l'article 197 du Code de procédure pénale ;
"alors que, selon l'article 197 du Code de procédure pénale, la date à laquelle l'affaire sera appelée devant la chambre d'accusation doit être notifiée à la personne mise en examen non détenue et à son avocat par lettre recommandée ;
que si les copies de ces lettres portant la date du 25 juillet 1994 figurent au dossier, aucun récépissé de la poste attestant l'envoi des lettres à cette date, ou à toute autre date, n'y figure, de sorte que la Cour de Cassation n'est pas en mesure de contrôler si les formalités substantielles de l'article 197 ont été respectées, étant précisé que la présence du conseil de la personne mise en examen à l'audience n'implique pas qu'il ait été en mesure de prendre connaissance du dossier et de produire, au vu de ce dossier, un mémoire relatif à d'éventuelles irrégularités de procédure ;
que, dès lors, l'arrêt attaqué encourt l'annulation" ;
Attendu qu'il ressort des mentions de l'arrêt attaqué que Thierry Sniter et son avocat ont été avisés de la date à laquelle l'affaire serait appelée devant la chambre d'accusation par lettre recommandée du 25 juillet 1994 ;
Qu'en cet état, et lesdites mentions faisant foi jusqu'à inscription de faux, le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 175 et 802 du Code de procédure pénale, 593 du même Code, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;
"en ce que l'arrêt du 20 septembre 1994 attaqué ne précise pas que l'arrêt de dépôt et de soit communiqué du 1er mars 1994 a été précédé de l'avis à partie prévu par l'article 175 du Code de procédure pénale ;
"alors que lorsque l'information lui paraît terminée, le juge d'instruction doit en aviser les parties et leurs avocats, en leur précisant qu'à l'expiration d'un délai de vingt jours, elles ne seront plus recevables à formuler une demande ou présenter une requête sur le fondement des articles 81, alinéa 9, 82-1, 156, alinéa 1er et 173, alinéa 3, du Code de procédure pénale ;
qu'en l'espèce, aucun avis à partie n'a été adressé à Thierry Sniter et à son avocat, de sorte que la personne mise en examen a été privée de la possibilité de présenter dans le délai de vingt jours, les demandes ou requêtes prévues par l'article 175 du Code de procédure pénale ;
qu'ainsi l'arrêt attaqué a violé les textes susvisés" ;
Attendu que, par arrêt du 2 novembre 1993, la chambre d'accusation a ordonné un supplément d'information et a délégué, pour y procéder, le juge d'instruction initalement chargé du dossier ;
qu'après exécution de cette mesure, ladite chambre a, par arrêt du 1er mars 1994, ordonné le dépôt au greffe de la procédure et sa communication au procureur général ;
qu'il résulte des pièces de la procédure que Thierry Sniter et son avocat ont été avisés de ce dépôt par lettres recommandées envoyées le 4 mars 1994 ;
Attendu qu'en cet état, l'arrêt attaqué n'encourt pas le grief du moyen dès lors que, par application de l'article 208 du Code de procédure pénale, excluant celle de l'article 175 dudit Code, il n'appartient qu'à la chambre d'accusation qui a ordonné un supplément d'information de constater que celui-ci est terminé puis de prescrire par arrêt la communication du dossier au procureur général et son dépôt au greffe ;
que tel a été le cas en l'espèce ;
Qu'il s'ensuit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que les arrêts attaqués sont réguliers en la forme ;
que la chambre d'accusation était compétente et qu'il en est de même de la cour d'assises devant laquelle le demandeur a été renvoyé ;
que la procédure est régulière et que les faits, objet principal de l'accusation, sont qualifiés crime par la loi ;
REJETTE les pourvois.